Vers une gestion environnementale des entreprises ?

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Rédigé par BUTTET Amélie
Institut d’Etudes Politiques de Lyon
Université Lyon 2
4ème année Affaires Publiques
Vers une gestion environnementale des
entreprises ?
La norme ISO 14 001
Séminaire « Entreprises et Société : les grands débats contemporains »
Sous la direction de Monsieur Bernard BAUDRY, Maître de
Conférences en Sciences Economiques, Université Lyon 2.
Mémoire soutenu en septembre 2009
Table des matières
Remerciements . .
Introduction . .
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale,
garant de l’organisation responsable . .
I. Du management environnemental aux systèmes de management environnemental . .
A. Le management environnemental : la genèse d’un concept . .
B. Le système de management environnemental et ses référentiels . .
II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place d’un Système de Management
Environnemental . .
Etape 1 : Analyse environnementale initiale . .
Etape 2 : L’élaboration de la politique environnementale . .
Etape 3 : Mise en œuvre du programme environnemental . .
Etape 4 : Mise en œuvre et fonctionnement du SME . .
Etape 5 : Contrôles et mesures correctives . .
Etape 6 : La revue de Direction . .
III. Logiques des systèmes de management : Amélioration continue et intégration . .
A. Le cycle PDCA : Un principe d’amélioration continue déployé et actif . .
B. Une évolution nécessaire vers le système de management intégré . .
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique . .
I. Les enjeux du système de management environnemental . .
A. ISO 14 001 ou l’émergence d’une nouvelle convention . .
B. Instruments volontaires de régulation de l’environnement et opportunisme
stratégique . .
II. L’environnement à quel prix ? . .
A. Coûts de mise en place et exclusion par les prix . .
B. L’évaluation incertaine des coûts liés au fonctionnement du Système de
Management Environnemental . .
III. Performance environnementale vs performance globale de l’entreprise . .
A. Performances et Entreprises . .
B. Le mythe de la performance environnementale ? . .
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise. . .
I. La maîtrise des coûts liée à une meilleure gestion de l’environnement . .
A. De nouvelles méthodes d’organisation comme source de réduction des coûts
pour l’entreprise . .
B. La maîtrise des coûts environnementaux pour l’entreprise et ses parties
prenantes . .
II. Le SME : un projet fédérateur . .
A. La réaction des autorités à la mise en place d’un système de management
environnemental . .
B. Le système de management environnemental comme facteur d’intégration du
personnel . .
III. La responsabilité environnementale comme source d’avantage concurrentiel . .
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A. Valorisation de l’image de l’entreprise et de ses produits . .
B. Des relations pérennes construites avec les activités parallèles . .
Conclusion . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Articles et revues . .
Sites Internet . .
Articles et Conférences Internet . .
Annexes . .
Annexe 1 : Liste des actions environnementales mises en place par la Société
Anonyme des Remontées Mécaniques des Gets. . .
Annexe 2 : Journal interne « Pistes Noires » de la Société des Remontées
Mécaniques d’Avoriaz. . .
Résumé . .
Mots clés . .
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Remerciements
Remerciements
Je tiens tout particulièrement à adresser mes remerciements aux personnes et aux entreprises qui
ont accepté de me recevoir et de contribuer à l’élaboration de ce mémoire :
Madame LHERMITE Emmanuelle, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des
Remontées Mécaniques des Gets.
Monsieur MUFFAT Bruno, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des
Remontées Mécaniques d’Avoriaz.
Monsieur RASE Jean-Michel, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Les Papeteries
du Léman, Groupe Bolloré.
Madame MICLOT Isabelle, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des Eaux
Minérales d’Evian, Groupe Danone.
Monsieur QUIBLIER Pierre, Programme Officer, Chemicals Branch, Division of Technology,
Industry and Economics, United Nations Environnement Programme.
Je tiens également à remercier mon Directeur de Mémoire, Monsieur BAUDRY Bernard,
Maître de Conférences en Sciences Economiques à l’Université Lyon 2, pour m’avoir suivie et
conseillée dans mes démarches de recherches et de composition de ce mémoire ; ainsi que Madame
REVEST Valérie et Monsieur DUBRION Benjamin, pour les enseignements dispensés dans le
cadre du séminaire « Entreprises et Société : les grands débats contemporains ».
Buttet Amélie - 2009
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Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Introduction
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Dans un contexte de concurrence accrue, les entreprises sont confrontées à
l’émergence de nouveaux défis auxquels elles doivent être en mesure d’apporter une
réponse pertinente. L’une des problématiques actuelles et majeures est celle de la
prise en compte de l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement naturel ; la
protection de l’environnement faisant l’objet de préoccupations croissantes dans les pays
occidentaux. Après de nombreuses années de croissance irraisonnée, où l’environnement
est perçu comme un simple facteur de production aux ressources inépuisables, les
1
gouvernements nationaux, influencés par les travaux des Conférences Internationales ,
prennent progressivement conscience de la nécessité de se comporter de manière
responsable envers l’environnement. La dégradation des ressources naturelles associée
aux activités économiques est un phénomène très ancien, mais qui a pris une ampleur
2
considérable à partir de la Révolution Industrielle . Les entreprises souffrent d’une image
négative auprès du public, elles sont perçues comme les véritables responsables des
catastrophes écologiques de plus en plus régulières dans les pays industrialisés, l’activité
de production de biens ou de services comportant de larges conséquences destructrices
sur le milieu naturel. Cependant, l’entreprise est soumise à d’autres pressions que celles
qui œuvrent uniquement pour la protection de l’environnement, parmi elles, le besoin de
répondre aux exigences des clients ou des consommateurs, la nécessité de réduire ses
coûts de production, le devoir de s’assurer un développement durable sur le long terme…
Afin de concilier ces différents enjeux, parfois antagonistes, les entreprises établissent une
stratégie, c'est-à-dire des choix d’allocation de ressources, mise en œuvre et déclinée
par des techniques de management. Le concept de management en entreprise est une
technique récente qui constitue l’ensemble des méthodes d’organisation nécessaires au
pilotage d’une entité afin d’atteindre les objectifs fixés préalablement lors de la phase
d’élaboration de la stratégie. Le management permet à l’entreprise de pouvoir agir et non
pas réagir, être acteur de son développement présent et futur dans une perspective de
création de valeur à long terme. Historiquement, les méthodes de gestion en entreprise
basées sur l’autoritarisme hiérarchique ont cédé la place à des techniques davantage
axées sur la participation et la collaboration de l’ensemble du personnel autour d’un projet
fédérateur. Henry Fayol, qui, par ses travaux précurseurs, a largement contribué à enrichir
la littérature sur le concept moderne de « gestion » ou de « management », distingue 6
catégories ou fonctions principales dans l’entreprise : la fonction de production, la fonction
commerciale, la fonction financière, la fonction de sécurité, la fonction comptable et la
fonction administrative. Cette dernière fonction, aujourd’hui appelée fonction de direction,
intéresse tout particulièrement Fayol puisque, c’est à elle de mettre en œuvre les techniques
de management. Selon lui, les dirigeants ne doivent pas se préoccuper uniquement de
« commander » et de « contrôler » mais doivent également être en mesure de « prévoir,
organiser, coordonner » c’est-à-dire mettre en œuvre des techniques de management.
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Sommet de la Terre de Rio de Janeiro 1992 et Sommet de la Terre de Johannesburg de 2002.
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La Révolution Industrielle prend place entre la fin du XIX
et le début du XX
siècle, elle désigne le passage d’une
société à dominante agraire, à une société industrielle.
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Introduction
L’administration d’une entité, aujourd’hui appelée « management », est un outil nécessaire
à la réussite des entreprises. La stratégie vise à résoudre durablement les problématiques
auxquelles les entreprises sont confrontées, la déclinaison de la stratégie en actions
concrètes ainsi que la surveillance de leur déroulement incombe aux techniques de gestion.
Le management s’applique à de nombreux domaines en entreprise, notamment à
la gestion de l’environnement, par la mise en place des systèmes de management
environnemental ou SME. En matière environnementale, le management est primordial car
il existe un certain nombre de normes, de référentiels et d’obligations que les entreprises
doivent respecter, ce qui nécessite de disposer d’outils de gestion adaptés. L’environnement
apparaît depuis quelques années comme un facteur de production semblable aux autres
que l’entreprise doit être en mesure de gérer rationnellement. De la même manière qu’il
est conseillé pour une entreprise, d’organiser rationnellement sa production ; l’entreprise en
quête de développement, se doit d’organiser et de gérer les impacts de ses activités sur
l’environnement. Sur le même principe que l’entreprise établie un système de gestion de la
production, il est possible de mettre en place un système de management ou de gestion de
l’environnement. Afin d’aider les sociétés à mettre en place ces systèmes de management
3
environnemental, l’Organisation Internationale de Normalisation , en partenariat avec les
représentants des secteurs industriels, du monde politique, des gouvernements et des
associations environnementales, a élaboré un référentiel de reconnaissance mondiale,
la norme « ISO 14 001 relative aux Systèmes de Management Environnemental »,
qui précise la démarche à suivre et les exigences à remplir pour être reconnu. Les
propositions de la norme reproduisent les fondements du management traditionnel énoncés
au début du siècle par Fayol : planifier, organiser, diriger, contrôler. La mise en place
d’un système de management environnemental ou SME, impose à l’entreprise d’être
en mesure d’intégrer l’environnement dans son mode de fonctionnement quotidien et
de réduire progressivement les conséquences de ses activités sur l’environnement. La
« gestion » constitue une alternative douce à la lutte pour la protection de l’environnement ;
le principe au cœur de la démarche ISO étant de maximiser l’utilité des consommateurs
actuels et futurs de ressources naturelles, en les préservant contre les modifications nonsouhaitées. Les systèmes de management environnemental offrent une vision ordonnée
et mécaniste de l’organisation, capable de trouver une solution adéquate aux problèmes
environnementaux auxquels elle est confrontée. Ils s’inscrivent d’ailleurs dans le processus
de bureaucratisation et de rationalisation de l’entreprise. Les systèmes de management
tels qu’ils sont présentés par la norme ISO 14001, contribuent à une meilleure lisibilité
des actions environnementales entreprises. Ces approches de régulation environnementale
sont basées sur le principe du volontariat, elles se substituent aux exigences réglementaires
vues comme contraignantes car obligatoires.
L’intégration de l’environnement dans les pratiques quotidiennes des entreprises est
une démarche relativement nouvelle, conséquence directe de la récente vulgarisation et de
la démocratisation du concept de Développement Durable. Le Développement Durable est
un modèle de croissance élaboré en 1987 grâce aux travaux de la Commission Mondiale
4
sur l’Environnement et le Développement, il est défini par le Rapport Bruntland comme « un
développement qui répond au besoin des générations du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Le modèle de développement basé
3
ISO : Organisation Internationale de Normalisation, International Organization for Standardization en anglais, composée de
représentants d’organisations nationales de normalisation de 158 pays.
4
Publié en 1987 par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, il défini la politique nécessaire pour
parvenir à un développement durable.
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Vers une gestion environnementale des entreprises ?
sur une croissance durable s’impose et se généralise dans l’ensemble des pays développés
depuis 10 ans environ, il constitue la dernière phase du modèle de développement de Walter
5
Rostow , selon lequel l’ensemble des pays suivent des étapes de développement similaires :
« toutes les sociétés ont suivi ou vont suivre les mêmes étapes de développement ». La
première de ces étapes identifiée par le théoricien Walter Rostow est celle de la « société
traditionnelle », dans laquelle l’agriculture est l’activité principale ; elle cède ensuite la
place à une seconde étape, celle dite de « pré take-off », qui constitue les conditions
préalables et nécessaires au développement économique (découvertes géographiques et
techniques). Une fois cette étape achevée, la société est prête pour entrer dans une phase
décisive, celle du « décollage » ou « take off » en anglais, dans laquelle l’industrie et les
innovations technologiques sont les véritables moteurs de la croissance économique. La
dernière étape du modèle de développement de Rostow est celle de la « maturité », le
niveau de vie augmentant considérablement, la consommation de masse se généralise ; il
s’agit d’une société dans laquelle les besoins essentiels étant satisfaits, la population est à la
recherche d’une amélioration qualitative de son mode de vie. Les pressions qui ont poussé
à l’élaboration du concept de Développement Durable sont celles d’une société à maturité,
sensible à l’environnement ; elles s’inscrivent dans cette dernière phase du modèle de
développement. L’exigence de Développement Durable permet aux entreprises de s’inscrire
dans une dynamique de création de valeur à long terme, il s’agit pour elles d’être en mesure
de s’assurer une croissance de court terme suffisante pour garantir la survie de l’entreprise,
tout en intégrant de nouvelles contraintes à son mode de fonctionnement traditionnel
basé sur la rentabilité de court terme. Les nouvelles contraintes de Développement
Durable sont constituées de trois préoccupations : l’économie, l’écologie et le social. Le
référentiel ISO 14001 et plus généralement les systèmes de management environnemental
s’inscrivent dans cette démarche et servent principalement l’objectif environnemental ; en
tant qu’approches systémiques, elles sont un outil permettant de répondre à l’exigence
6
« agir local, penser global ». Les SME permettent aux entreprises volontaires de contribuer,
à leur manière, à la protection de l’environnement. Aujourd’hui la préoccupation de
Développement Durable est moteur de la stratégie d’entreprise ; cette exigence est prise
en compte au même titre que le sont les exigences d’ordre marketing, commerciale
et financière. La contrainte environnementale induite par le concept de Développement
Durable est particulièrement déterminante pour les entreprises qui ont progressivement pris
conscience de la nécessité de réconcilier l’économie avec l’environnement, les entreprises
ayant absolument besoin de l’environnement pour poursuivre leurs activités. Le concept de
Développement Durable, principalement sa dimension environnementale, a été largement
relayé par les pouvoirs publics des pays industrialisés qui ont favorisé la mise en place
des approches réglementaires afin de familiariser la société avec cette nouvelle exigence.
Le développement de la réglementation et des exigences environnementales en France,
témoigne de l’effort des gouvernements successifs sur les questions environnementales.
Cependant, les approches réglementaires de régulation environnementale comportent des
limites intrinsèques, basées sur le principe de la contrainte : les exigences demeurent
volontairement souples afin de susciter au maximum l’adhésion et la participation des
entreprises. En ce sens, les approches réglementaires sont peu pertinentes à analyser ;
les entreprises sont tenues de les appliquer strictement et les spécificités propres à leur
mise en œuvre ne sont ni reconnues, ni valorisées. En outre, elles constituent une fin
en soi, l’entreprise en conformité par rapport à la législation en vigueur a atteint ses
5
6
Walter Rostow est théoricien et économiste américain, il a été Conseillé Spécial du président Johnson dans les années 1960.
Formule de René DUBOS au Sommet de la Terre de Stockholm en 1972, extraite du Rapport de la première Conférence des
Nations Unies sur l’Environnement, Nous n’avons qu’une terre, René Duvos et Barbara Ward.
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Buttet Amélie - 2009
Introduction
objectifs et cesse d’agir. En revanche, les approches volontaires sont davantage attrayantes
car elles ne reposent sur aucune contrainte et sont mises en œuvre librement par les
entreprises, en tenant compte de leurs spécificités. Pourtant, les instruments fondés
sur le volontariat suscitent également la polémique puisque, n’étant pas obligatoires, ils
reposent sur la bonne volonté des entreprises ; leur succès amène donc à s’interroger
sur les raisons d’un tel engouement pour les standards volontaires, et notamment pour
la norme ISO 14 001, alors même que l’environnement était encore considéré comme
une contrainte il y a 10 ans. Les approches volontaires telles que la norme ISO 14 001,
ont l’avantage de laisser une large marge de manœuvre aux entreprises dans leur mise
en place et dans la fixation des objectifs à atteindre ; du reste, elles bénéficient d’une
vaste reconnaissance internationale, puisqu’elles sont le fruit du travail de l’Organisation
Internationale de Normalisation (ISO), organisme légitimement reconnu par l’ensemble de
la communauté internationale. Afin d’obtenir des résultats autres que ceux escomptés par
la mise en place des instruments réglementaires, et ainsi aller plus loin en matière de
protection des ressources naturelles, les approches basées sur le volontariat fournissent
de nouveaux moyens d’actions, complémentaires aux premiers. Ces nouveaux instruments
accompagnent le changement de mentalité des entreprises : l’environnement comme
contrainte cède la place à une conception dans laquelle l’environnement constitue une
nouvelle opportunité de développement, source de création de valeur à long terme. Les
systèmes de management environnemental sont des instruments de management par
l’anticipation et seule l’entreprise qui est en mesure de mettre en place un système de
gestion prévisionnelle est certaine de s’assurer un développement futur viable.
L’environnement est qualifié de « bien collectif », d’ailleurs, comme tout bien collectif, il
est caractérisé par deux spécificités, la « non-rivalité » et la « non-exclusion ». L’exigence de
non-rivalité nécessite que toute personne doit pouvoir y avoir accès, sans que l’utilisation de
l’environnement par l’un ne soit une entrave à son utilisation par un autre ; la non-exclusion,
quant à elle, exige que toute personne soit libre d’utiliser ce bien, sans devoir payer pour
en disposer. L’assimilation de l’environnement à un bien collectif, encourage de manière
explicite à utiliser ses ressources de manière raisonnée afin que chacun puisse en disposer
également et dans les mêmes conditions. Les bénéfices induits par les politiques de
régulation environnementale ont un caractère collectif, ils ne servent pas un groupe d’intérêt
particulier. En ce sens, l’environnement est un champ d’action privilégié de la « théorie
des parties prenantes », dans le cadre de laquelle, l’entreprise est perçue comme un
système ouvert de relations avec de multiples parties prenantes, dont la prise en compte des
intérêts est une clé de la réussite et envers lesquelles elle a une responsabilité. Cette vision
s’oppose à une approche centrée sur le seul intérêt des actionnaires de l’entreprise (les
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stockholders), et insiste sur le rôle de l’ensemble des parties prenantes (les stakeholders ).
8
Le concept de stakeholders ou porteurs d’intérêts, est défini par Freeman et Reed , il
englobe « tout groupe ou individu identifié, qui peut affecter ou être affecté par la réalisation
des objectifs de l’organisation » ; aux actionnaires, il faut donc ajouter les salariés, les
concurrents, les fournisseurs, les clients, les organisations consuméristes, les médias, les
associations écologistes, l’Etat, les Collectivités Territoriales et les autres groupes d’intérêts.
Les systèmes de management environnemental, tels qu’ils sont décrits par le référentiel ISO
14 001, permettent de prendre en compte l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise
7
« Stockholders » peut être traduit par « porteurs d’enjeux » ou « porteurs d’intérêts », par analogie à « porteur de part »,
pour faire référence au jeu de mots de la langue anglaise.
8
Freeman R.E, Reed D.L, Stockholders and Stakeholders: a New Perspective on Corporate Governance, California
Management Review, 1983, 25 (3), spring, p.88-106.
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Vers une gestion environnementale des entreprises ?
par la mise en place de méthodes de gestion particulières de l’environnement. La mise en
place de ces instruments environnementaux sont le résultat d’une approche concertée de
l’entreprise avec l’ensemble des partenaires qui l’entoure. Implicitement, le management
environnemental reconnaît la capacité et la légitimité d’acteurs autres que la puissance
publique, à gérer les problèmes environnementaux. L’objectif inhérent aux systèmes de
management environnemental est de transformer « l’économie linéaire », basée sur la
logique de production de déchets massifs : « je vends, j’achète et je jette », en une
« économie circulaire » dans laquelle les ressources sont réutilisées au maximum en évitant,
dans la mesure du possible, la création de déchets non recyclables. Ce principe accepte
que les entreprises puisent des ressources sur l’environnement naturel mais leur demande
en contre-partie, de limiter les gaspillages au profit d’une réutilisation totale ou partielle de
ces ressources naturelles.
La certification ISO 14 001 ne constitue qu’une des nombreuses solutions à disposition
des entreprises qui souhaitent agir pour l’environnement, cependant, les systèmes de
management environnemental semblent être un moyen adapté pour analyser le degré
de responsabilité environnementale des entités économiques puisqu’ils sont basés sur le
volontariat ; du reste, ils constituent l’instrument le plus répandu et le plus utilisé à l’heure
actuelle. Toutefois, les conclusions apportées dans le cadre de cette analyse seront valables
uniquement pour la norme ISO 14 001, car il existe d’autres instruments en mesure de
témoigner sur le degré de responsabilité, non étudiés ici. Les entreprises perçoivent la
protection de l’environnement d’une manière élastique, l’interprétation qu’elles en font, varie
en fonction des enjeux et des pratiques auxquels elles accordent de l’importance.
La mise en œuvre d’un système de gestion de l’environnement de type ISO 14 001 ne
répond pas seulement à des besoins internes liés au développement systématique d’une
politique verte, elle s’inscrit dans une démarche stratégique dont les objectifs ne sauraient
se réduire à des préoccupations strictement écologiques. Un des facteurs ayant largement
contribué au développement et à la diffusion des normes ISO 14 001 est la recherche par les
entreprises, de reconnaissance externe concernant leur responsabilité environnementale.
Le succès de la norme ISO 14001 s’explique par le fait que l’environnement est
devenu une opportunité puisqu’il permet de répondre aux problématiques auxquelles les
entreprises sont confrontées actuellement, c'est-à-dire être capable de concilier la rentabilité
économique de court terme avec une perspective de création de valeur à long terme,
assurant l’avenir de l’organisation. Par la mise en place des systèmes de management,
l’entreprise découvre une stratégie lui permettant d’être pro-active en matière de gestion
environnementale, domaine d’action dans lequel elle fut longtemps seulement passive, en
appliquant rigoureusement et de manière contrainte les réglementations en vigueur. Par
la plus grande intégration des contraintes environnementales dans son fonctionnement
quotidien, l’entreprise s’engage sur une nouvelle voie jusqu’ici inexplorée ; la mutation des
valeurs de l’entreprise est une caractéristique actuelle au sein du monde économique. Les
succès du référentiel ISO 14 001 témoignent de la prise de conscience de l’opportunité que
constitue les enjeux environnementaux, nouveau grand défi auquel toutes les entreprises,
quels que soit leur secteur d’activité ou leur taille, sont confrontées. L’entreprise est
devenue un acteur incontournable du Développement Durable, le seul qui a les ressources
financières, technologiques et motivationnelles nécessaires pour le mettre en œuvre. La
mondialisation et le développement des échanges favorisent d’ailleurs la diffusion des
pratiques de gestion environnementale entre les pays.
L’analyse théorique de la portée et de l’efficacité des instruments volontaires de
régulation environnementale, principalement de la mise en place de la norme ISO 14 001,
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Buttet Amélie - 2009
Introduction
doit être enrichie par des observations empiriques d’entreprises certifiées au référentiel afin
de confronter les hypothèses théoriques à la réalité du terrain. La sélection des entreprises
amenées à collaborer à ce mémoire s’est faite sur la base de leur secteur d’activité ainsi que
sur la spécificité de leur production. Elles sont au nombre de quatre, apportant chacune une
approche complémentaire sur le thème des systèmes de management environnemental.
La première entreprise ayant accepté de se livrer à l’investigation, est la « Société
Anonyme des Eaux Minérales d’Evian ». L’entreprise apporte une contribution importante à
l’analyse, puisqu’il s’agit d’une société très engagée dans le Développement Durable, plus
particulièrement dans les actions environnementales ; du reste, elle appartient au groupe
Danone, lui-même parmi les entreprises leaders en matière de gestion environnementale
raisonnée. La seconde entreprise analysée est la société « Papeteries du Léman »,
appartenant au groupe Bolloré, l’activité papetière étant très polluante par nature, l’étude de
ses motivations ainsi que de ses modes d’action constitue un vaste domaine de réflexion
quant à la gestion quotidienne du SME dans une activité où la prévention environnementale
est un élément nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise. Ces deux sociétés sont
représentatives des actions potentiellement mises en œuvre dans le secteur industriel ;
néanmoins, la norme ISO 14 001 a pour principale caractéristique d’être applicable à
toutes les organisations, quelles soient publiques ou privées, agricoles, industrielles ou
tertiaires. Dès lors, la réalisation de ce mémoire a nécessité le témoignage d’entreprises
appartenant à un secteur autre qu’industriel. Pour rendre compte des motivations qui
peuvent encourager une entreprise de services à se certifier au standard ISO 14001, la
présente analyse s’appuie également sur le témoignage de deux Stations de ski de HauteSavoie, le domaine skiable des Gets et celui d’Avoriaz. L’étude de ces deux entreprises
atypiques et particulières permet de rendre compte des motivations hétéroclites qui peuvent
favoriser la mise en place d’un SME. Enfin, l’analyse est nourrie par les propos de Monsieur
Quiblier, Chargé de Mission au sein de la Maison de l’Environnement, organisme rattaché
à l’Organisation des Nations Unies (ONU), ses propos ont permis d’enrichir le dossier par
un état des lieux global de la relation entre « économie » et « environnement », ainsi que
par une analyse critique sur la portée du référentiel ISO 14 001.
Le sujet de ce mémoire est multidisciplinaire puisqu’il mobilise à la fois les concepts
de l’économie traditionnelle et générale, ceux de l’économie de l’environnement ainsi
que de l’économie industrielle. Le management environnemental s’inscrit dans un cadre
global que constitue la science économique traditionnelle, définie par Raymond Barre
comme : « La science de l’administration des ressources rares, qui étudie les formes que
prend le comportement humain dans l’aménagement de ces ressources. Elle analyse et
explique les modalités selon lesquelles un individu ou une société affecte les moyens
9
limités à la satisfaction de besoins nombreux et illimités » . L’environnement en tant que
facteur de production nécessaire à toute activité fait l’objet d’études afin d’en déduire le
comportement des agents économiques et principalement celui des entreprises dans le
cadre de ce mémoire, dans l’utilisation des ressources naturelles. Depuis la fin du XXème
siècle, l’économie revêt aussi un enjeu environnemental, qui est plus précisément étudié
dans le cadre d’une discipline autonome, l’Economie de l’Environnement. Le management
environnemental et la norme ISO 14 001 s’inscrivent entièrement dans celle-ci qui peut être
définie comme la branche de l’économie traitant d’un point de vue théorique des relations
entre les sociétés humaines et l’environnement. Enfin, le sujet mobilise également de
nombreux concepts élaborés par l’Economie Industrielle, autre branche de l’économie qui
étudie le fonctionnement des marchés et les comportement stratégiques des entreprises sur
ces marchés. L’économie industrielle constitue une discipline riche en apports théoriques
9
BARRE Raymond, TEULON F, Economie Politique Tome 1, Paris, PUF, 1969, 723 p.
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Vers une gestion environnementale des entreprises ?
dans le cadre de l’analyse du comportement des entreprises dans leur mise en place d’un
SME, puisqu’elle est en mesure de fournir des explications cohérentes sur les motivations
des entreprises engagées pour l’environnement dans un contexte de concurrence. Du reste,
les témoignages des entreprises qui ont contribué à la réalisation de cette étude, viennent
confirmer ces théories.
A ces quelques disciplines traditionnelles dans lesquelles le management
environnemental s’inscrit, il est également nécessaire d’évoquer un autre domaine d’étude,
nouveau et moins connu, celui de l’écologie industrielle. Il convient d’interpréter le qualificatif
« industrielle » comme représentant l’ensemble des activités économiques d’un territoire.
L’écologie industrielle propose de considérer le système industriel comme une forme
particulière d’écosystème. La démarche offre une vision nouvelle des modes de production
et de consommation puisque qu’elle met en évidence le fort potentiel de diminution
des impacts environnementaux que peut potentiellement induire une restructuration de
l’ensemble des activités économiques. Les pratiques d’écologie industrielle se traduisent
par la recherche d’optimisation dans l’usage des ressources, ainsi, les enjeux et les
débouchés ne sont pas uniquement environnementaux. La coopération des acteurs prônée
par l’écologie industrielle est source de compétitivité et de dialogue.
La norme ISO 14 001 a déjà fait l’objet de nombreuses publications, notamment
en Amérique du Nord, cependant, les études actuelles demeurent surtout descriptives
et manquent le plus souvent de recul critique. Peu de recherches se sont attachées
à comprendre les perceptions réelles de la norme par les dirigeants, la façon dont les
recommandations peuvent être appliquées, et les effets pervers pouvant en découler. Dans
cette perspective, l’objectif de ce mémoire est de présenter une lecture prudente voire
critique du référentiel ISO 14 001 et plus généralement des systèmes de management
environnemental, afin d’analyser dans quelle mesure la certification ISO 14 001 témoigne
d’un engagement crédible et sincère de l’entreprise vis-à-vis de son environnement. Les
préoccupations croissantes du monde économique pour les questions environnementales
témoignent de la prise de conscience progressive de l’opportunité de développement que
constitue la prise en compte de l’environnement dans la stratégie de l’entreprise.
L’étude du concept de management environnemental soulève un certain nombre de
questions sur le lien entre « entreprises » et « environnement », à savoir : la norme
ISO 14 001 reflète-t-elle une réelle transformation de la stratégie et des pratiques de
l’entreprise ?, l’engagement environnemental est-il sincère et désintéressé ou résulte-til d’un comportement stratégique de la part d’entreprises opportunistes ?, qu’est ce qui
explique un tel engouement pour la certification ISO 14 001 ?… Afin d’intégrer l’ensemble
de ces interrogations dans un questionnement central et global, l’analyse se propose de
traiter la problématique suivante : « Dans quelle mesure la mise en place d’un système de
management environnemental, par le biais de la norme ISO 14 001, est-elle un levier de
compétitivité et de performance pour l’entreprise ? ».
Afin de répondre au questionnement ci-dessus, l’analyse se subdivise en trois
parties principales. La première partie de l’étude tentera, en présentant la norme ISO
14 001, de montrer dans quelle mesure le système de management environnemental
constitue un dispositif novateur témoignant d’un engagement responsable des entreprises
face à l’environnement. La seconde partie de l’analyse traitera de la relation qui unit
« environnement » et « économie » et quels sont les facteurs d’opportunité que l’un
représente pour l’autre. Enfin, la dernière partie, en s’appuyant principalement sur les
témoignages des entreprises qui ont collaboré à ce mémoire, se proposera de démontrer
12
Buttet Amélie - 2009
Introduction
comment les systèmes de management environnemental contribuent-ils à accroître la
compétitivité ainsi que la performance des entreprises engagées.
Buttet Amélie - 2009
13
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Partie I : La norme ISO 14 001, un
instrument volontaire de régulation
environnementale, garant de
l’organisation responsable
La norme ISO 14 001 est un instrument destiné aux entreprises qui souhaitent maîtriser
les conséquences de leurs activités quotidiennes sur l’environnement. Le référentiel est un
moyen d’action dont la méthode et les principes sont précisés dans le contenu de la norme
ISO 14001 relative à la mise en place des systèmes de management environnemental. La
méthode est spécifique au standard ISO, elle constitue une démarche rationnelle permettant
d’obtenir des résultats environnementaux appropriés à l’entreprise engagée, les principes
sont les règles et les lois structurant l’action ; ils sont au fondement des systèmes de
management environnemental.
I. Du management environnemental aux systèmes de
management environnemental
A. Le management environnemental : la genèse d’un concept
Le terme « management environnemental » correspond à la mise en place, par une
entreprise ou une collectivité, d’une organisation permettant d’identifier et de maîtriser
les risques d’impacts d’une activité sur l’environnement. Il s’inscrit dans une perspective
de Développement Durable qui ambitionne de placer la dimension environnementale au
cœur du fonctionnement de l’entreprise, qu’elle soit industrielle, agricole ou tertiaire. La
vulgarisation du concept de Développement Durable auprès des entreprises, dans les pays
développés, nécessite, pour être mis en œuvre, de pouvoir disposer d’instruments adaptés
à la spécificité de leur mode de fonctionnement.
Les entreprises qui s’engagent dans une démarche de management environnemental
sont animées d’ambitions variées. Les principales motivations résident dans le souci de
respecter la réglementation en vigueur, d’améliorer l’image de l’entreprise ainsi que ses
relations avec les riverains, de réaliser des économies ou encore d’accéder à de nouveaux
marchés.
Dès la décennie 1980, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) font appel
aux universités et aux centres de recherches afin d’élaborer de nouveaux outils permettant
d’identifier le niveau de responsabilité des entreprises. Les recherches se concrétisent par
14
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
l’élaboration de référentiels internationaux, de codes de bonne conduite des entreprises, de
certifications, de normes et de labels.
Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer la responsabilité environnementale de
l’entreprise, parmi eux, deux sont fondamentaux, car les plus utilisées . Le premier est la
norme ISO 14 001 de 2004 , traduite au niveau national par la norme NF : ISO 14001 :
2004, le second est le Règlement Européen Eco-Audit dit EMAS. L’Institut de normalisation
ISO définit les indicateurs environnementaux, que sont les deux référentiels, comme « une
grandeur établie à partir de quantités observables ou calculables reflétant de diverses
façons possibles, l'impact sur l'environnement occasionné par une activité donnée ». Il
permettent d’évaluer l’état initial de l’environnement sur lequel l’entreprise agit, les pressions
qui sont exercées sur lui et les réponses qui y sont apportées.
Les origines du management environnemental sont récentes, elles débutent au cours
de la décennie 1990, et plus particulièrement en 1993, lorsque la Communauté Européenne
adopte un Règlement reconnaissant la « participation volontaire des entreprises du secteur
10
industriel à un système communautaire de management environnemental et d’audit ».
Trois ans plus tard, une norme internationale est publiée sous la référence « ISO 14
001 ». Les deux référentiels fixent les principes du management environnemental auxquels
les entreprises sont libres d’adhérer ; la démarche est identique dans les deux cas,
l’entreprise qui s’engage à réduire les conséquences environnementales de son activité,
obtient une certification délivrée par un organisme agréé, attestant de sa bonne gestion
des enjeux environnementaux. Depuis la création des deux référentiels, un nombre
croissant d’entreprises sont certifiées chaque année en management environnemental.
Cette démarche est atypique et novatrice à plusieurs égards, elle repose sur le volontariat
des entreprises, ce qui constitue une nouvelle façon de procéder en matière de respect
des exigences environnementales, posant les bases d’une nouvelle action publique
ni réglementaire, ni financière, mais incitative. Ce nouvel instrument de régulation
environnementale inaugure une nouvelle forme de coopération entre les acteurs publics et
privés et offre une réponse adaptée aux exigences évolutives des entreprises.
L’avènement du management environnemental témoigne de la préoccupation
croissante pour les questions environnementales dans les pays développés. Après de
nombreuses années d’indifférence en matière de protection de l’environnement, les
gouvernements élaborent des politiques restrictives afin de contraindre les entreprises
à limiter et réduire leurs activités polluantes. Ces dernières se voient dans l’obligation
d’entreprendre de larges investissements afin de limiter les nuisances engendrées en
termes de pollution, sans pour autant, réussir à restaurer une image valorisante d’ellesmêmes auprès du public. La réhabilitation de l’image de l’entreprise nécessite d’œuvrer de
manière différente et d’entreprendre des démarches volontaires, garantes d’un engagement
plus profond et d’une responsabilité plus assumée car ne reposant ni sur la contrainte, ni
sur l’obligation.
Dans un premier temps, les entreprises développent des pratiques de management
en interne afin d’améliorer leur performances environnementales et limiter les risques
accidents. Pour aider les entreprises dans cette démarche, la Chambre de Commerce
Internationale rédige et diffuse un « Guide d’audit Environnemental », préconisant
la réalisation d’audits internes pour permettre le contrôle, par la hiérarchie, de la
bonne application de la politique environnementale de l’entreprise. Un grand nombre
d’organisations internationales, parmi elles, la Commission Européenne, recommandent la
10
Règlement CEE/ 1836/93 du Conseil, 29 juin 1993
Buttet Amélie - 2009
15
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
lecture du Guide et plaident pour une limitation des réglementations au profit d’une plus
grande autorégulation par les industriels, de leur politique environnementale.
Les travaux successifs de la Commission Européenne et de l’Organisation
Internationale de normalisation (ISO), débouchent sur l’élaboration de règles de
management plus systématisées, remplaçant peu à peu, une pluralité de « bonnes
pratiques » auparavant menées dans les entreprises (usage de technologies propres,
recyclage, limitation du transport de marchandises, prévention des risques). L’Organisation
de normalisation ISO bénéficie d’un large prestige auprès des industriels, puisque qu’il
assure, depuis le début du siècle, la charge de « définir les standards techniques », c'està-dire les documents de référence que les entreprises pourront utiliser librement dans le
cadre de leur gestion interne ou dans leurs rapports avec leurs partenaires économiques.
L'élaboration d'une norme ISO se base sur plusieurs principes. Elle fait appel au
consensus, le point de vue de tous les intéressés sont pris en compte (fabricants, vendeurs
et utilisateurs, consommateurs, laboratoires d’essais, gouvernements, professionnels de
l’ingénierie et organismes de recherche), la normalisation internationale est mue par le
marché, elle s'appuie sur la participation volontaire de tous les protagonistes. Parmi les
deux référentiels relatifs aux systèmes de management environnemental, celui qui connaît
un véritable succès est la norme ISO 14 001, c’est pourquoi l’analyse portera principalement
sur elle. En règle générale, la demande de normalisation émane du secteur industriel ; le
comité national des membres de l’ISO enregistrant la requête, soumet ensuite le projet à
l’organisation internationale dans son ensemble. Par la suite, le processus d'élaboration des
normes ISO comporte trois phases fondamentales. La première phase consiste à définir
l'objet technique de la future norme, au travers des groupes de travail constitués d'experts
provenant des pays intéressés par la question. Lorsqu'un accord est obtenu sur les aspects
techniques, une deuxième phase commence, celle au cours de laquelle les pays négocient
les détails des spécifications qui devront figurer dans la norme. Il s'agit de la phase de
recherche de consensus entre tous les membres participants. La dernière phase comprend
l'approbation formelle du projet de Norme Internationale (le document doit être approuvé par
les deux tiers des membres de l'ISO qui ont participé activement au processus d'élaboration
de la norme et par 75% de l'ensemble des membres votants), à la suite de quoi, le texte est
publié en tant que Norme Internationale ISO.
La plupart des normes sont revues périodiquement, l'ISO se fixe pour règle générale
que tous les référentiels doivent être révisés dans un intervalle n'excédant pas cinq
ans ; néanmoins, il est parfois nécessaire de réviser une norme à plus brève échéance,
principalement durant ses premières années d’existence.
Le standard ISO 14 001, relatif au management environnemental, transpose à la
gestion de l’environnement, les règles déjà existantes de la gestion de la qualité contenues
dans le standard ISO 9000 : Système de management de la qualité. L’ISO donne aux
systèmes de management environnemental, une reconnaissance internationale qui séduit
les industriels en quête de globalisation. De même, ces référentiels constituent le point
de départ de nouvelles relations entre les entreprises et les administrations. Par le passé,
l’administration édictait des normes perçues comme contraignantes pour les entreprises : la
relation et la concertation entre le personnel administratif et les industriels était inexistante
ou limitée à quelques seules grandes entreprises. Les normes ISO et le Règlement
Européen Eco-Audit, transforment l’action publique en action incitative et encouragent le
volontariat plutôt que l’action contrainte.
Progressivement, avec l’apparition de ces nouveaux standards, les entreprises
les plus responsables, conscientes de l’opportunité de croissance offerte par le
16
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
développement durable, abandonnent leurs initiatives individuelles en matière de protection
de l’environnement au profit de l’adoption volontaire de référentiels internationalement
reconnus. Des actions de diverses envergures peuvent être engagées par les entreprises
qui entreprennent une démarche de management environnemental : les entreprises
les plus volontaires s’engagent dans la mise en place un « Système de management
Environnemental » (SME), un processus long et contraignant mais qui offre néanmoins une
réponse adaptée aux nouvelles préoccupations environnementales de la société civile et
du monde économique. Le nouveau référentiel s’impose progressivement car il est un outil
adapté au mode de fonctionnement des entreprises, le laissant une large liberté dans la
manière de le mettre en œuvre.
B. Le système de management environnemental et ses référentiels
Comme mentionné ci-dessus, il existe deux référentiels de Systèmes de management
environnemental, actuellement reconnus : la Norme ISO 14 001 et le Règlement Européen
Eco-Audit dit « EMAS ». Le Règlement Eco-Audit étant antérieur à la norme ISO 14 001,
cette dernière s’en inspire largement, même si les deux standards restent spécifiques et
distincts.
Les référentiels sont proches par leur exigences mais diffèrent du point de vue de leur
application. L’un est reconnu au niveau international, l’autre est limité à la Communauté
Européenne, d’ailleurs, l’ISO 14001 s’adresse à « tout organisme » alors que l’EcoAudit concerne les seules entreprises industrielles. Il existe de nombreuses différences de
vocabulaire, certification pour l’un, enregistrement pour l’autre, cependant, la distinction
principale réside dans l’exigence de publication d’une « Déclaration des Performances
Environnementales » par le Règlement Eco-Audit, ce qui n’est pas nécessaire aux parties
prenantes, comprenant une description de l’organisation ainsi que de ces activités, la
politique environnementale engagée et la description du SME, la présentation de ses
impacts environnementaux ainsi que les objectifs fixés et les résultats escomptés.
Les deux référentiels se sont progressivement démarqués l’un de l’autre, pourtant, les
dispositifs demeurent concurrentiels. En France et de manière générale pour l’ensemble
des pays de l’Union Européenne, la certification ISO est largement préférée au Règlement
« Eco- Audit ». La diffusion de la norme fut rapide et aujourd’hui, la certification ISO 14
001 représente un point de passage obligé pour les grandes entreprises industrielles, parce
qu’elle témoigne de leurs compétences managériales ainsi que de leur stabilité économique.
Le présent travail sur les systèmes de management environnemental analysera leur mise
Buttet Amélie - 2009
17
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
en œuvre principalement du point de vue de la méthodologie de la norme ISO 14 001, car
cette dernière est la plus utilisée des deux référentiels existant.
Dans un contexte où la concurrence est importante, il est nécessaire pour une
entreprise de gérer au mieux son environnement tout en réduisant ses coûts au minimum.
Un système de management environnemental permet de prendre en compte ces deux
contraintes, la mise en place d’un SME permet à l’entreprise d’améliorer ses performances
environnementales, tout en contribuant à l’amélioration de ses performances économiques.
La norme ISO 9000 relative au management de la qualité, dans sa version révisée
de 2005, définit un Système de Management comme « un ensemble d’éléments corrélés,
interactifs ». Il s’agit d’une combinaison d’éléments réunis de manière à former un ensemble,
orienté vers la recherche de résultats. La notion de « système de management » renvoie
à une analyse systémique de l’entreprise, c'est-à-dire à l’analyse des éléments de façon
globale, en tant que parties intégrantes d’un ensemble. Trois notions sont fondamentales :
l’interaction entre les éléments qui composent le système, l’organisation et les objectifs du
système. Le système a des caractéristiques propres qui ne dépendent pas des éléments
qui le compose ; il existe une qualité émergente au système, la totalité ; le tout est supérieur
à la somme des parties.
Cette analyse est pertinente pour l’étude du fonctionnement global de l’entreprise. Un
système comprend nécessairement une finalité et est composé d’une pluralité d’éléments,
entrants, sortants, de moyens et de méthodes. Tous ces composants sont présents dans
le système de management environnemental. Le texte du standard ISO 9000 de 2005
précise : « un système de management doit permettre d’établir une politique ainsi que des
objectifs à atteindre ».
11
La norme ISO 14 050 , chargée de définir de manière précise le système de
management environnemental, le caractérise comme « la composante du système de
management global qui inclut la structure organisationnelle, les activités de planification,
les responsabilités, les pratiques, les procédures et les ressources pour établir, mettre en
œuvre, réaliser, passer en revue et maintenir la politique environnementale ». En d’autres
termes, il s’agit d’une démarche structurée, mise en œuvre par une entreprise, afin de
réduire les impacts environnementaux de son activité, c'est-à-dire un mode d’organisation
permettant de mener une démarche d’amélioration permanente des ses résultats vis-à-vis
de l’environnement.
Aucune stratégie n’a de sens si elle n’est pas adaptée au terrain ; en ce sens, le système
de management environnemental oblige le manager à dresser une carte du terrain où se
déroule son action. A partir d’un diagnostic détaillé de chaque secteur ou branche que
comprend l’entreprise, il est possible d’en dégager une stratégie globale et cohérente de
gestion de l’environnement.
Un système de management s’oriente et se contrôle, la coordination est un élément
indispensable au fonctionnement du système. Pour ce faire, l’organisme se voit dans
l’obligation de mettre en place des procédures particulières de communication interne afin
que l’ensemble du processus soit intégré et efficace.
La démarche offre à l’entreprise un ensemble d’outils pour améliorer, établir et maintenir
à long terme des relations fructueuses avec les parties intéressées par l’activité de
l’entreprise. Elle contribue au développement d’une organisation harmonieuse et durable.
Afin que l’engagement de l’entreprise soit reconnu, il doit être certifié par un organisme agrée
et indépendant. Il existe de nombreux organismes en mesure de délivrer la certification ISO
11
18
Norme ISO 14 050 : Management Environnemental - Vocabulaire
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
14001 répartis partout dans le monde ; on en compte aujourd’hui plus de 573 et leur nombre
ne cesse de s’accroître, ce qui témoigne du dynamisme des référentiels ISO. La certification
donne l’assurance écrite qu’une organisation, un processus, un service ou un produit est
conforme aux exigences spécifiées dans le référentiel. En France, plusieurs organismes
sont chargés de la certification ISO 14 001, parmi eux, l’AFAQ, Moody Certification France,
Bureau Veritas, DNV, Ecopass, etc. L’ensemble de ces organismes accréditeurs sont eux
même agréés par le Comité Français d’Accréditation (COFRAC), association indépendante,
conventionnée par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et
de l’Aménagement du Territoire, qui veille à l’impartialité des organismes certificateurs ; il
se situe au sommet de la pyramide de confiance pour les pouvoirs publics.
La normalisation internationale se présente comme une solution adaptée au mode de
fonctionnement des entreprises parce qu’elle lui permet de répondre aux problématiques
environnementales actuelles auxquelles elles sont confrontées. La norme ISO 14 001
apporte une réponse appropriée à l’évolution de l’environnement et en particulier à
l’évolution de l’organisation des entreprises. Du reste, un système de normalisation est
amené à évoluer et à se transformer pour suivre les mouvements de réorganisation interne
et de ce fait, accompagner les changements organisationnels.
En s’interrogeant sur les facteurs de motivations incitant les entreprises à s’engager
12
dans une démarche de certification ISO 14 001, Olivier Boiral , démontre qu’aucune
demande très explicite en faveur de son adoption n’émane de la population puisque le public
ignore généralement ce que signifie ISO 14 001. Selon lui, la souscription au référentiel
est motivée par le souci d’acquérir la «légitimité institutionnelle », c'est-à-dire, une sorte de
« mythe rationnel » dont la fonction est d’adapter les structures formelles des organisations
aux attentes des acteurs institutionnels. Les entreprises sont mues par la volonté d’offrir
une image rationnelle et légitime de leur gestion environnementale, à ce titre, un système
de management formalisé est implicitement considéré comme « la bonne façon de faire ».
La norme ISO 14 001 participe au processus de rationalisation de la gestion de l’entreprise
grâce aux prescriptions techniques destinées à faciliter l’intégration des préoccupations
environnementales dans la gestion quotidienne.
L’analyse d’Olivier Boiral rompt avec le modèle économique classique dans lequel
l’environnement est perçu comme une contrainte économique et sociétale et propose
une lecture novatrice, basée sur l’hypothèse de Porter dans lequel l’environnement
13
serait au service de la compétitivité. Selon Porter , le développement des exigences
environnementales appelle des dépenses et des transformations susceptibles d’alourdir
les coûts, cependant, la réponse à ces contraintes entraîne des efforts d’innovation afin
d’améliorer les procédés. De fait, le renforcement des exigences en matière de protection
de l’environnement, loin de freiner la compétitivité des entreprises par rapport à des
concurrents, stimule cette dernière et tend à améliorer la position concurrentielle des firmes
les moins polluantes sur le marché. La promotion de cette logique dite « éco-efficiente »
se base sur les avantages potentiels découlant des initiatives environnementales ; les
enjeux environnementaux apparaissent la plupart du temps comme un moyen d’améliorer
la performance globale et la compétitivité de l’entreprise.
12
Olivier BOIRAL, Professeur agrégé, Université Laval, Québec, spécialiste universitaire du management environnemental,
ème
au cours de la 13
Conférence de l’Association Internationale du Management Stratégique, Juin 2004 : « Mettre en œuvre ISO
14 001 : De la quête de légitimité à l’émergence d’un mythe rationnel ».
13
Mickael Porter, Professeur à l’Université d’Harvard, spécialiste de l’économie du développement, dans le cadre de ses
travaux sur l’avantage concurrentiel.
Buttet Amélie - 2009
19
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
La norme ISO 14 001 est largement reconnue en tant que standard international. Les
modalités de mise en œuvre de la certification garantissent la transparence de la démarche,
car elle est réalisée par un organisme tiers, lui-même agréé et indépendant de toutes
pressions.
La mise en œuvre concrète d’un système de management environnemental est définie
par le référentiel ISO 14 001, qui précise les différentes étapes qu’il comporte. Toutes les
entreprises s’engageant dans une telle démarche sont tenues d’appliquer scrupuleusement
la méthode et les critères de mise en place du SME.
II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place
d’un Système de Management Environnemental
La norme ISO 14 0001 fixe de nombreuses exigences, parmi elles : l’identification
systématique des impacts environnementaux des activités de l’organisation, la définition
d’une politique environnementale, l’élaboration d’objectifs et d’un programme d’action
cohérent, la définition des rôles, responsabilités et autorités, la sensibilisation du personnel,
la mise en œuvre de procédures de communication internes et externes, l’existence et la
tenue à jour d’une documentation décrivant les différents aspects du S.M.E, la planification
des activités, la mise en œuvre d’actions correctives ou préventives, la revue régulière de
l’efficacité et de la pertinence du SME.
L’ensemble de ces exigences sont formalisées dans les différents stades de la mise
en place du SME ; les 6 étapes proposées par le standard ISO 14 0001 constituent une
méthode que toute entreprise doit suivre rigoureusement. Avant de procéder à l’analyse
des différentes étapes, il est utile de préciser que la clé de la réussite d’un tel projet est un
engagement sans faille de la Direction, à son plus haut niveau, puisque c’est elle qui met
à disposition les moyens humains et financiers et qui crée les conditions d’une mobilisation
de l’entreprise, garante la pérennité du projet.
Etape 1 : Analyse environnementale initiale
La première étape consiste à faire un état des lieux de la politique environnementale
de l’entreprise, c'est-à-dire effectuer une collecte d’informations sur la situation de
l’organisation face à l’environnement avant son engagement dans la démarche de
management environnemental. L’analyse environnementale initiale n’est pas une exigence
explicite de la norme ISO 14001, cependant, afin de définir clairement le chemin à parcourir,
il est utile de faire un diagnostic qui permette d’appréhender quelle est la situation de
l’entreprise avant de s’engager dans la démarche. Cette étape est en revanche exigée dans
le Règlement Eco Audit.
La collecte d’informations est fondamentale pour la suite du processus, notamment,
pour définir de la nouvelle politique environnementale de l’entreprise.
20
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
L’entreprise constitue une « Revue Environnementale » destinée à informer sur la
situation de l’entreprise, elle doit comprendre plusieurs éléments :
∙
∙
∙
∙
∙
Les aspects environnementaux : c'est-à-dire, les activités, produits ou services
de l’entreprise susceptibles d’avoir une influence (en général négative) sur
l’environnement : utilisation des matières premières, d’eau, d’énergie, ou de produits
chimiques, rejets dans l’eau ou dans l’air, bruits, production de déchets… L’entreprise
effectue une analyse d’impact sur l’environnement de l’ensemble de ses activités en
condition normale de fonctionnement et en cas d’accident.
Les impacts environnementaux : sont les modifications négatives ou bénéfiques,
qu’entraînent les aspects précédemment cités sur l’environnement : épuisement de la
nappe phréatique, pollution de l’eau, de l’air ou du sol, destruction de la faune et de la
flore, nuisances sonores, impacts visuels…
La réglementation : l’entreprise doit réaliser un inventaire exhaustif des exigences
législatives et réglementaires applicables. Il permet de détecter les non conformités
de l’entreprise par rapport à la législation et d’y apporter des modifications.
Les pratiques environnementales, sont les initiatives déjà en place dans l’organisation
avant même l’engagement dans une démarche de SME, qu’elles soient formalisées
ou non dans des procédures ou des modes opératoires : traitement des eaux usées,
la collecte sélective des déchets… Il s’agit des politiques environnementales déjà en
place dans l’entreprise.
Les incidents et accidents survenus par le passé.
La Revue Environnementale se doit d’être exhaustive, cependant, pour un fonctionnement
optimal, elle est périodiquement mise à jour pour tenir compte des évolutions de l’entreprise
dans l’environnement et dans la réglementation. Cette analyse environnementale initiale
est une « photographie objective » de l’entreprise dans son environnement avant son
engagement dans la démarche. Elle permet de mesurer quelle est l’influence exacte de
l’organisation sur son milieu.
Cette première étape est relativement longue puisqu’il s’agit de collecter des
informations et des résultats quantitatifs dans de nombreux domaines. Pour être efficace,
l’ensemble du personnel doit y participer : chaque individu est la personne la plus en
mesure de décrire et analyser sa propre activité. Une fois l’analyse environnementale
initiale effectuée, l’entreprise passe à l’étape suivante, celle de l’élaboration de la politique
environnementale.
Etape 2 : L’élaboration de la politique environnementale
La politique environnementale est au cœur du processus puisque c’est grâce à elle que la
Direction, à son plus haut niveau, peut impulser la démarche de mise en place d’un système
de management environnemental. Généralement elle prend la forme d’une lettre rédigée
et signée par la Direction. Le document expose les axes prioritaires d’actions en indiquant
quels sont les objectifs et les cibles environnementaux. Cette politique doit être réaliste et
appropriée à l’entreprise ; elle retient uniquement ce que l’organisme est capable de réaliser.
Le document, compréhensible par tous, est diffusé à l’ensemble du personnel ainsi qu’au
public.
Pour que le document définissant la politique environnementale soit conforme aux
exigences de la norme ISO 14 001, il doit absolument reprendre trois principes :
l’amélioration continue, la prévention de la pollution et la conformité réglementaire.
Buttet Amélie - 2009
21
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
L’amélioration continue est un principe stipulant que l’entreprise doit s’engager à faire
progresser continuellement sa performance environnementale globale. Elle implique de
se fixer des cibles et des objectifs réalistes à atteindre, de mettre en œuvre les moyens
nécessaires (humains, financiers et techniques) pour atteindre ces objectifs. L’évaluation
est menée à travers la réalisation d’audits dont les résultats permettent à la Direction de
fixer de nouveaux objectifs et de modifier, le cas échéant, sa politique environnementale.
La prévention de la pollution doit être prise en compte au travers de moyens
tels que l’utilisation de procédés, de pratiques, de matériaux ou de produits qui
empêchent, réduisent ou contrôlent la pollution (technologie propre, recyclage des déchets,
valorisation énergétique, valorisation des matières premières et de l’énergie, modification
des procédés).
La conformité réglementaire se traduit par l’exigence posée par la norme ISO 14 001 à
ce que l’organisme s’engage, par sa politique, à respecter la législation, la réglementation
environnementale, ou toutes autres exigences auxquelles l’entreprise a souscrit (Chartes
environnementales, Codes de bonnes pratiques…). Ce principe impose donc de connaître
les textes applicables mais aussi de veiller à leur application.
La politique environnementale permet de fixer des objectifs concrets en fonction de
cibles précises afin de diminuer les nuisances causées sur l’environnement. Les objectifs
sur lesquels l’entreprise s’est engagée sont assortis d’un calendrier précisant les délais
de mise en œuvre et d’atteinte des objectifs. Ils sont évalués par des critères internes
de performances environnementales. Le politique environnementale comprend la liste
de l’ensemble des objectifs, le calendrier de réalisation, l’organisation des ressources
humaines et financières ainsi que la définition des responsabilités. L’élaboration de
la politique environnementale dans une entreprise constitue l’occasion d’officialiser la
nomination d’un responsable du SME.
Après la formalisation de la politique environnementale, l’étape suivante est celle de la
mise en oeuvre des actions.
Etape 3 : Mise en œuvre du programme environnemental
L’étape de mise en œuvre du programme environnemental consiste en la déclinaison
concrète des objectifs et des cibles cohérents avec la politique ainsi qu’en l’élaboration des
plans d’actions. Les éléments de l’analyse environnementale initiale trouvent leur place ici
puisque après l’inventaire exhaustif des aspects et impacts environnementaux, l’entreprise
cherche à identifier les aspects de ses activités, produits ou services, qui sont maîtrisables
et sur lesquels elle peut avoir une influence. L’entreprise isole les activités qui ont un impact
significatif sur l’environnement, elle classe ensuite chacun des aspects maîtrisables, en
fonction de leur impact, à l’aide de différents critères tels que la gravité, la fréquence,
la persistance, les parties intéressées, etc. Il s’agit de leur affecter différents niveaux
d’importance et de conséquences sur l’environnement.
Les objectifs doivent être cohérents avec la politique environnementale et prendre en
compte les exigences légales pour ne pas fixer des seuils inférieurs à la réglementation.
Ils doivent également prendre en considération les choix technologiques, les données
financières et commerciales de l’entreprise ainsi que le point de vue des parties intéressées.
A ce stade, il s’agit de formaliser le programme de réalisation des objectifs et cibles.
Pour chaque action définie, il faut déterminer : qui fait quoi, dans quels délais, avec
quels moyens. Pour être performants, les objectifs doivent être réalisables sur le court terme
22
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
et impliquer au maximum, le personnel. Le programme de management environnemental
ainsi établi, permet d’atteindre les objectifs et cibles qui ont été librement déterminés par
l’entreprise.
Afin de mieux saisir l’étape de mise en œuvre de la politique environnementale et
14
illustrer le contenu et les exigences de la politique environnementale, Monsieur Rase ,
Responsable Qualité, Sécurité, Environnement de l’entreprise « Papeteries du Léman »
donne un exemple concret: l’objectif de diminution des pertes d’eau sur le réseau. La mise
en œuvre concrète de la politique environnementale peut être présentée par le tableau cidessous :
Responsable
Monsieur X
Date de
Objectif
l’engagement
Mars 2009
Diminuer les
pertes d’eau
sur le réseau
Détail de
Délais
l’Action
- Réaliser des Janvier 2010
campagnes
de détection
et de suivi
des pertes Colmater les
fuites
Indicateur de
performance
Diminution
de 10% du
volume d’eau
consommé sur
le réseau pour
une année
Monsieur Rase explique qu’il faut procéder ainsi pour chaque objectif que l’entreprise
s’est fixée, ce qui contribue à diluer les responsabilités au sein de l’entreprise.
Une fois réalisé l’ensemble de ces trois étapes dites « préalables » à la mise en
place concrète du système de management environnemental, l’entreprise est en mesure
d’aborder celles de la mise en œuvre effective.
Etape 4 : Mise en œuvre et fonctionnement du SME
La quatrième étape permet à l’entreprise d’aborder le concret de la démarche puisqu’elle
consiste à mettre en œuvre le ou les programmes de management environnemental. Elle
requiert l’élaboration d’une structure organisationnelle, la répartition des responsabilités,
la formation et la sensibilisation du personnel, la communication interne et externe, la
documentation du SME, la maîtrise documentaire et la prévention des situations d’urgence.
14
Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009 avec M. Jean-Michel RASE, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement,
Société Les Papeteries du Léman, groupe Bolloré.
Buttet Amélie - 2009
23
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
La Direction nomme un ou des responsables chargés de veiller à ce que le SME soit
mis en œuvre conformément à la norme ISO 14 001, ainsi que de rendre compte de la
performance du système à l’ensemble du personnel de l’entreprise. La mise en place d’une
telle démarche nécessite en amont un fort travail de sensibilisation voire de formation à
destination de l’ensemble du personnel. L’entreprise crée des circuits de communication lui
permettant d’informer l’ensemble des salariés à tous les niveaux sur les actions menées et
les résultats obtenus. En matière de communication interne, trois aspects sont concernés :
la communication interne ascendante, transverse et descendante. Selon la norme ISO,
ces trois formes de communication doivent faire l’objet d’une procédure spécifique afin
d’assurer la communication « entre les différents niveaux et les différentes fonctions de
15
l’organisme ». Les différents vecteurs de la communication peuvent prendre la forme de
groupes de travail associés au SME, de séances de communication collectives, d’utilisation
de supports, etc.
En matière externe, l’entreprise est également tenue de se doter de circuits de
communication destinés à faire connaître sa politique, ses objectifs, ses résultats, ainsi que
de répondre à toutes les demandes de renseignements pertinents adressées par les parties
intéressées. Il s’agit de maîtriser à la fois la communication externe sortante et entrante.
Enfin, le système de management nécessite la création par l’entreprise d’un
« Système de Documentation» comprenant l’ensemble de données, des documents et des
enregistrements qui composent son système de management environnemental. Il doit être
accessible aussi bien au personnel qu’à l’ensemble des personnes intéressées par les
activités de l’entreprise. L’intérêt est de conserver une trace formalisée et organisée de son
propre système, ainsi que de présenter et prouver son existence à des tiers. Le système
de documentation comprend essentiellement la Politique Environnementale, les objectifs et
les cibles, la description du domaine d’application du système ainsi que la description des
principaux éléments du SME.
Le référentiel ISO 14 001, insiste néanmoins sur la nécessaire « maîtrise de la
documentation » afin que ne soient conservés uniquement les documents utiles à
l’entreprise et à ses partenaires.
A ce stade, le système de management environnemental est concrètement mis en
œuvre au sein de l’entreprise, cependant afin de s’assurer de sa performance effective, le
15
Norme ISO 14 001 de 2004, paragraphe 4.3, les exigences du système de management environnemental en matière de
communication interne.
24
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
système fait l’objet de vérifications et éventuellement de mesures correctives s’il est jugé
inefficace.
Etape 5 : Contrôles et mesures correctives
Dans la phase de mise en œuvre du SME, l’entreprise élabore des procédures décrivant
les mesures et les indicateurs qui permettent d’évaluer le degré d’atteinte des objectifs.
Dans l’hypothèse où les instruments de mesures et les indicateurs soulignent des non
conformités, l’entreprise doit immédiatement réagir afin de supprimer les causes de ces
dysfonctionnements. L’entreprise se soumet à des audits de contrôle dont les conclusions
sont transmises à la Direction. L’audit permet de vérifier que le SME répond correctement
aux exigences de la norme ISO 14001 et de s’assurer que tous les engagements internes
précédemment énoncés sont mis en œuvre et compris.
Les entreprises ont recours à deux types d’audits . L’audit interne est celui qui est réalisé
par le personnel de l’entreprise ou par un auditeur extérieur pour le compte de l’organisme.
Il a pour finalité de déterminer si le SME est conforme ou non aux dispositions prévues
et si il a été correctement mis à jour. Ces informations sont transmises à la Direction afin
qu’elle ait connaissance des progrès réalisés ou à réaliser. Les audits internes doivent être
menés à intervalles réguliers pour garantir l’efficacité du système ; ils constituent un outil
d’information à disposition de l’entreprise lui permettant de faire le point sur les réalisations
engagées et leurs résultats.
En revanche, les audits externes sont destinés à des tiers, notamment aux organismes
de certification et sont nécessairement réalisés par une équipe d’audit extérieure à
l’organisme. Ils permettent l’obtention de la certification ISO 14 001 témoignant de
l’engagement de l’entreprise dans une démarche de management environnemental. Suite
à l’obtention du certificat, un audit externe a lieu tous les trois ans, au cours duquel la
certification peut être prolongée, suspendue ou retirée en fonction des efforts accomplis par
l’organisme.
Une fois l’entreprise certifiée ISO 14 001 et afin que l’ensemble de la démarche soit
accomplie et respectée conformément au texte du standard, elle doit programmer des
« Revues de Direction », réunions qui permettent de passer en revue le SME pour s’assurer
qu’il est toujours approprié, suffisant et efficace.
Etape 6 : La revue de Direction
Cette étape, qui est la dernière de la démarche, est fortement liée à la précédente. Elle
demande à la Direction de vérifier régulièrement, au cours de réunions, l’efficacité de
son SME, grâce aux résultats des audits. Les efforts constatés doivent être appropriés et
suffisants par rapport à l’engagement initial d’amélioration continue. La Direction évalue
dans quelle mesure les objectifs sont atteints et si il est nécessaire de revoir la stratégie. Si
cela est nécessaire, la Direction peut décider de modifier la politique environnementale.
L’ensemble des étapes de la mise en œuvre d’un système de management
environnemental correspond à une progression logique et circulaire. Les six étapes
présentées ci-dessus doivent être suivies rigoureusement car elles constituent la méthode
même de mise en œuvre des systèmes de management environnemental. La démarche
est longue et contraignante mais seule son application pointilleuse garantie l’obtention de
la certification.
Buttet Amélie - 2009
25
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Deux logiques sont sous-jacentes aux 6 étapes de mise en œuvre du SME,
l’amélioration continue et l’intégration. Ces deux notions constituent la raison d’être des
systèmes de management environnemental et orientent leur fonctionnement ; ils contribuent
à rendre crédible l’engagement des entreprises.
III. Logiques des systèmes de management :
Amélioration continue et intégration
A. Le cycle PDCA : Un principe d’amélioration continue déployé et
actif
Le cycle PDCA est un modèle théorique visant à l’amélioration continue d’une démarche
ou d’un processus. Il s’applique aux différents systèmes de management en vigueur
(qualité, sécurité, environnement), d’ailleurs, la norme ISO 9000 de 2000 y fait explicitement
référence au travers de son principe n°6 : « Il convient que l'amélioration continue de la
performance globale d'un organisme soit un objectif permanent».
Les objectifs « zéro défaut », « zéro déchet », « zéro écart »…. sont utopiques et jamais
atteignables ; cependant, ils constituent des idéaux nécessaires puisqu’ils encouragent de
nombreuses entreprises à s’engager dans une démarche de recherche de progrès continus.
C’est un projet sans fin, d’ailleurs la norme ISO 14 001 insiste sur l’aspect évolutif du
démarche.
26
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
Le développement durable n’est pas un aboutissement, mais un mode de management
par lequel l’entreprise cherche à élaborer le mode de gestion de l’environnement le
plus efficace et le plus raisonné possible. Il ne s’agit pas d’atteindre une situation
environnementale idéale et utopique. L’objectif est d’avancer, progressivement, le plus
loin possible, dans la concrétisation de la responsabilité environnementale. Le système
communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ainsi que la norme ISO
14 001, visent à promouvoir une amélioration continue des résultats environnementaux de
toutes les organisations. Les deux certifications n’imposent aucun niveau de performance,
le principe étant que l’amélioration continue !
Le cycle PDCA de l’amélioration continue, comporte plusieurs étapes :
1. Le « P », Plan en anglais, renvoie à l’étape de la préparation : cadrage du projet,
identification des objectifs, étude des conditions de réussite, de l’environnement, des
risques et des opportunités….. Il s’agit d’un plan d’action c'est-à-dire la planification
des activités pour atteindre les objectifs associés à la politique. Cette première
phase doit être placée sous la responsabilité d’une personne qui en organisera
régulièrement le suivi.
2. Le « D » , Do (faire), correspond à la deuxième étape du processus, celle de la
réalisation effective. Il s’agit de réaliser les activités planifiées, de résoudre les
problèmes, et de coordonner l’ensemble des actions. L’entreprise doit mettre en
œuvre le processus et les activités, et articuler l’ensemble autour d’un système
cohérent.
3. Le « C », (Check), constitue la troisième partie du processus, le contrôle et le suivi.
Il faut vérifier et évaluer les résultats et les progrès obtenus en mesurant les écarts
de réalisation, de dépenses, de calendrier, et contrôler les activités. Cela se fait par
le biais des audits d’évaluation, internes ou externes, qui permettent de souligner les
points forts ainsi que les points faibles du fonctionnement par rapport au référentiel.
4. Enfin le « A », (Act), correspond à la dernière étape, celle de l’élaboration de
nouvelles décisions pour réagir aux éventuelles dérives. Il s’agit de revoir le système
pour l’améliorer constamment.
Au terme de cette logique, celle de l’élaboration de nouvelles décisions pour corriger les
dysfonctionnements de la démarche, l’entreprise est renvoyée à la première étape du
processus, celle de la planification des objectifs en vue d’atteindre les nouveaux buts fixés,
et ainsi de suite.
Le principe est représenté par un schéma communément appelé la « Roue de
Deming », du nom du statisticien, qui n’a pas inventé le modèle, mais qui l’a popularisé
dans les années 1950. Deming est un théoricien animé par la volonté de transformer le
fonctionnement du management en proposant aux entreprises de mettre l’accent sur le
développement de la connaissance, dans un climat de coopération et rompre ainsi avec le
modèle de management privilégiant la concurrence et le pouvoir de l'argent. Selon lui, le
management consiste à maîtriser les processus, à coordonner les opérations et à préparer
l'avenir. Les propos du théoricien, "Commençons par améliorer ce que nous savons faire,
mais pas encore assez bien ; ensuite nous innoverons ; mais pas l’inverse", résument assez
clairement le sens qu’il donne à sa fameuse « roue ».
Buttet Amélie - 2009
27
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Source : actu-environnement.com
La processus PDCA est un chemin pour l’amélioration continue d’un système et donc
de l’entreprise. Les systèmes de management environnemental obéissent à cette logique,
d’ailleurs, les étapes du fonctionnement théorique du SME précédemment présentées, se
calquent sur celles du schéma PDCA (prévoir, faire, prouver et contrôler, corriger et réagir).
Dans cette perspective, l’entreprise, après avoir obtenu sa certification, doit être
suivie annuellement, afin de vérifier si elle continue à s’inscrire dans une démarche
d’amélioration continue, puisque c’est une des exigences majeures de la certification. M.
16
Muffat, Responsable QSE des remontées mécaniques d’Avoriaz , affirme : « il faut montrer
qu’on progresse tout le temps ». Il explique que lorsque les organismes de certifications
ne constatent pas de progrès continus, ils sont en mesure de retirer la certification ou
de la suspendre pour un temps. Selon lui, il faut mettre en œuvre un travail quotidien
d’amélioration sur le long terme puisque rien n’est jamais acquis.
Le paragraphe 3.2 de la norme ISO 14 001 définie l’amélioration continue comme
« un processus récurrent d’enrichissement du système de management environnemental
afin d’obtenir des améliorations de la performance globale, en cohérence avec la politique
environnementale de l’organisme ». Cette définition est complétée par plusieurs notes qui
précisent que le processus « ne nécessite pas d’être appliqué dans tous les domaines
simultanément ». De même, « le rythme, la portée, et le calendrier de ce processus
d’amélioration continue sont déterminés par l’organisme à la lumière des circonstances
économiques et d’autres circonstances ».
16
Extrait de l’entretien du Mardi 17 février 2009, M. Bruno MUFFAT, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société
des Remontées Mécaniques des Gets.
28
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
Au final, la norme affirme que l’entreprise a toute possibilité et toute liberté pour définir
en permanence le degré de son amélioration continue ; il est inutile voire impossible de
souhaiter régler tous les problèmes environnementaux dès la première année de mise en
place d’un SME ! Cette souplesse dans l’application du principe d’amélioration continue
explique le succès de la norme ISO 14 001 puisque chaque entreprise engagée dans une
démarche de système de management environnementale, progresse, à son rythme et en
tenant compte des spécificités de son activité.
Même si l’exigence d’amélioration continue est donc une notion contraignante pour
l’entreprise qui s’engage dans une démarche de certification environnementale, les
modalités de mise en œuvre du principe sont relativement souples. Ainsi, une entreprise
préfèrera se fixer peu d’objectifs en même temps afin de pouvoir les atteindre et de se laisser
une marge de progression pour le futur. La définition et la portée du principe d’amélioration
continue dépendent de la nature de l’entreprise en question, de son secteur d’activité, de
ses ressources financières et de ses valeurs, mais offre toutefois la garantie d’obtenir un
minimum de résultats environnementaux. A la différence des instruments réglementaires
qui se contentent d’exiger l’atteinte d’un certain niveau d’objectifs donnés, la norme ISO
14001 et les systèmes de management environnemental demandent à l’entreprise de faire
des efforts de manière constante, ce qui produit des conséquences potentiellement plus
positives sur l’environnement.
D’ailleurs, certaines entreprises déploient le principe d’amélioration continue à son
paroxysme et mettent en place des Systèmes de Management Intégré.
B. Une évolution nécessaire vers le système de management intégré
Le système de management intégré renvoie au processus d’intégration des différents
systèmes de management existants. Il existe des systèmes de management dans plusieurs
domaines : Qualité, Environnement, Sécurité qui peuvent être corrélés entre eux. Un
système de management intégré est défini comme un système de management permettant
de gérer de façon globale les parties communes aux référentiels Qualité, Sécurité,
Environnement.
La mise en place d’un système de management de la qualité produit des retombées
en terme de sécurité et d’environnement, de même, une entreprise qui dispose d’un
système de management environnemental, peut bénéficier de conséquences positives
en terme de sécurité et de qualité. Les sphères ne sont pas hermétiques, ainsi il peut
être pertinent pour une entreprise de s’engager volontairement dans une démarche de
système de management intégré (SMI), puisqu’il existe une synergie entre les systèmes.
Les conséquences positives dégagées d’un système de management environnemental
ont également des répercutions positives sur le système de management de la qualité
17
ou de la sécurité. Jean Michel Rase , souligne que, lorsque l’entreprise investit afin
de pouvoir stocker d’une manière plus sûre, les produits chimiques et dangereux, cela
entraîne également des conséquences sur les systèmes de sécurité et de qualité puisque
la manutention devient potentiellement moins dangereuse pour le personnel. En économie,
ce sont des « externalités positives », c’est-à-dire, une situation par laquelle une personne
ou une activité est favorisée par l’action d’un tiers, sans qu’il ait à en supporter directement
17
Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, M. RASE, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société Les Papeteries
du Léman, Groupe Bolloré.
Buttet Amélie - 2009
29
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
les frais. Cet aspect renforce le caractère vertueux des systèmes de management
environnemental.
Ce mode de fonctionnement favorise la gestion homogène et combine les exigences
de différentes normes (ISO 9000 pour la Qualité, ISO 14001 pour l’environnement, OHSAS
pour la santé et la sécurité du travail) afin que l’entreprise gagne en efficacité. Un système de
management intégré est également appelé « système QES », en référence à la combinaison
des trois référentiels.
Les trois systèmes de management obéissent aux mêmes logiques et sont élaborés
selon la même architecture organisationnelle. Les similitudes conceptuelles et structurelles
résident dans l’élaboration d’un programme ou d’une politique, la formation et la
sensibilisation du personnel, les exigences de communication interne et externe, la définition
d’objectifs et d’actions correctives et préventives. Les bénéfices inhérents à la mise en
œuvre d’un système intégré de management sont multiples : obtenir une certification plutôt
que trois, réduction des coûts de certification, gain d’efficacité, anticipation des risques,
réflexion globale et systémique de l’entreprise, avantage commercial et concurrentiel pour
la conquête de nouveaux marchés, optimiser la consommation des ressources, atteindre
la qualité totale.
Dans son ouvrage, Le manuel pratique de système de management QES- Méthode
18
pour un système de management intégré, Gabriel Ullmann , regroupe et synthétise
l’ensemble de ces avantages des systèmes de management intégré. Il en recense
essentiellement six :
∙
Un SMI supprime les redondances et évite les fréquentes contradictions ou
incohérences entre les différents systèmes.
Il permet de fixer des objectifs, de définir et de mettre en œuvre des moyens, des
actions, des méthodes, selon une démarche d’ensemble cohérente.
Il offre une vue globale assurant une meilleure compréhension et donc une meilleure
efficacité.
Un SMI rend plus efficace la formation et la maîtrise des activités de chacun.
Il représente la démarche la plus appropriée pour l’intégration successive de toutes
les exigences qualité, sécurité, environnement.
Il constitue une opportunité nouvelle afin de donner un nouvel élan et un nouveau
motif de mobilisation interne.
∙
∙
∙
∙
∙
Les quatre témoignages recueillis auprès des entreprises soulignent unanimement la
proximité entre la certification ISO 9001 et l’ISO 14001. Les quatre entreprises étaient
préalablement certifiées « système de management de la qualité » (ISO 9000) avant de
s’engager dans la mise en place d’un système de management environnemental ; elles
témoignent de ce fait, de leur plus grande facilité à mettre en œuvre la norme ISO 14001
car « la construction est identique, on ne découvre pas les audits, ni la documentation… »,
19
explique Emmanuelle Lhermite , Responsable QSE, de la station les Gets .
Les systèmes de management intégré offrent une vision globale de l’entreprise.
L’objectif final d’un système de management intégré est de garantir l’intégration
18
Gabriel Ullmann, spécialiste et conseiller dans la mise en œuvre du management environnemental en entreprise, Le manuel
pratique de système de management QES- Méthode pour un système de management intégré, 2002, Société Alpine de Publication,
120p
19
Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société
des Remontées Mécaniques des Gets.
30
Buttet Amélie - 2009
Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de
l’organisation responsable
harmonieuse et durable des différentes thématiques choisies par l’organisation afin de
développer sa stratégie et son management. Il s’agit d’un outil à disposition des entreprises
qui souhaitent évaluer convenablement l’ensemble des risques auxquels elles sont
confrontées permettant du reste, de contribuer à la construction verticale de l’organisation,
structurée autour de processus transversaux. L’intégration QSE représente le véritable défi
actuel auquel les entreprises doivent se confronter. Elle est considérée comme une étape
vers les réponses aux enjeux futurs. Le développement durable implique une vision globale
et systémique de l’entreprise auquel le SMI intégrateur offre une réponse adaptée puisqu’il
mêle les enjeux économiques aux enjeux sociaux et environnementaux. Les systèmes de
management intégré constituent une étape significative de la gestion des entreprises et
répond aux exigences du Développement Durable. Les entreprises, après avoir mis en place
un système de gestion dans un domaine précis, envisagent de s’engager dans d’autres
systèmes de management. Généralement, le contexte économique et institutionnel pousse
les entreprises à s’engager d’abord dans un système de management de la qualité, ensuite
dans un système de management de l’environnement et de plus en plus généralement, dans
un système de management de la sécurité. L’intégration des trois systèmes de management
participe à rationaliser le fonctionnement de l’organisation car c’est seulement si le principe
d’amélioration continue est appliquer à tous les domaines, que l’entreprise peut espérer
en tirer des bénéfices et faire de cet instrument un jeu à somme positive. D’ailleurs on
peut envisager que progressivement, lorsque les systèmes de management intégré se
seront généralisés, la logique d’amélioration continue demandera aux entreprises de mettre
en place des systèmes de management formalisés dans d’autres domaines, et que les
Organisations Internationales élaboreront de nouveaux référentiels.
La norme ISO 14 001 et les systèmes de management environnemental constituent
un engagement crédible, attestant de la responsabilité croissante des entreprises pour
l’environnement, très séduisant car ils contrastent avec les instruments proposés jusqu’ici.
Ce nouvel outil basé sur le volontariat est très novateur car il s’adapte au mode de
fonctionnement de chaque entreprises ; l’intégration des contraintes environnementales
dans le fonctionnement quotidien de l’organisation se révèle être parfaitement satisfaisant
pour l’entreprise, puisque la norme ISO 14 001, qui , à première vue est un instrument
destiné à la régulation environnementale, est également utilisé pour servir les objectifs
stratégiques des entreprises.
Buttet Amélie - 2009
31
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Partie II : Environnement et Economie :
anatomie d’une relation stratégique
Les systèmes de management environnemental tels qu’ils sont décrits dans la norme
ISO 14001, ont pour principal objectif d’aider les entreprises à contribuer, à leur manière,
à la protection de l’environnement et des ressources naturelles. Or, le but premier de
cet instrument, basé sur le volontariat, se trouve dénaturé par le fonctionnement du
système économique, cherchant à transformer la contrainte que représente l’environnement
en une opportunité stratégique à destination des entreprises. La seconde partie de
l’analyse se propose d’étudier plus en détail le lien stratégique qui unit « économie » et
« environnement » au travers des enjeux, des coûts et des répercutions concrètes des
systèmes de management environnemental sur l’entreprise.
I. Les enjeux du système de management
environnemental
Les systèmes de management environnemental définis par la norme internationale ISO
14001, bénéficient d’une véritable reconnaissance auprès des entreprises, du reste, ils
contribuent à faire de la lutte pour la protection de l’environnement le nouveau paradigme
légitime auquel les entreprises sont tenues d’adhérer. Cependant, l’engouement des
entités économiques pour l’environnement laisse entrevoir une comportement stratégique
et opportuniste de la part de ces dernières, ce qui amène à reconsidérer la légitimité des
instruments volontaires de régulation environnementale.
A. ISO 14 001 ou l’émergence d’une nouvelle convention
Depuis environ 15 ans, les entreprises se développent dans une perspective
de création de valeur à long terme, ce qui implique la prise en compte des
conséquences environnementales de ses activités. L’environnement apparaît dès lors
comme facteur d’opportunité et de création de richesses sur le long terme. Le
management environnemental, en tant qu’outil destiné à la prise en compte des effets
environnementaux des activités de l’entreprise, est une technique de gestion utilisée
depuis de nombreuses années, ré-élaborée au fil du temps ; la première manifestation du
management environnemental en entreprise se caractérise par la dilution ou dispersion
des pollutions dans l’environnement. Face au manque d’exigence en matière de protection
environnementale, les entreprises tentent de camoufler au mieux les rejets qu’elles
engendrent quotidiennement, par l’enfouissement dans les sols ou la dispersions dans les
airs des pollutions dont elles sont à l’origine. Ces pratiques constituent bien une première
forme de management environnemental puisque les entreprises prennent conscience,
pour la première fois, de la nécessité de mettre en place des dispositifs, afin d’atténuer
32
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
l’impact directement visible des activités de l’entreprise sur l’environnement. Cependant,
les pouvoirs publics, s’appuyant sur des études d’impacts, soulignent les limites de
ces pratiques ; la dilution/ dispersion cède la place à l’engagement des entreprises
dans une approche modernisée du management environnemental : la mise en œuvre
d’actions palliatives pour compenser les effets néfastes des activités de l’entreprise sur
l’environnement. Les approches palliatives nécessitent de lourds investissements afin
de pouvoir engager des actions de dépollution en aval du processus de production.
Les investissements réalisés sont onéreux pour des résultats très modestes en terme
d’action sur l’environnement, c’est pourquoi, la décennie 1990 instaure une nouvelle
forme de management environnemental, celui qui consiste à maîtriser les risques
environnementaux et intégrer les préoccupations environnementales dans la gestion
quotidienne de l’entreprise. Cette troisième étape constitue une alternative adaptée aux
spécificités de l’entreprise, elle préconise l’action à la source, en amont du processus
de production. La formule moderne du management environnemental s’institue comme le
modèle dominant, mis en place par les entreprises, afin de maîtriser au mieux les contraintes
environnementales, quelque soit leur secteur d’activité. La croissante prise en compte des
préoccupations environnementales encourage les entreprises à intégrer l’environnement
dans leur gestion quotidienne et ainsi à remettre en cause les fondements même de sa
stratégie ; l’entreprise substitue aux préoccupations de court terme dictées par les intérêts
directs des actionnaires, une stratégie de développement sur le long terme intégrant la
prise en compte des impacts de l’activité de l’entreprise sur l’environnement. Selon Denyse
20
Rémillard et Dominique Wolff , « on assiste à la manifestation d’un nouveau consensus
quant à la manière convenable de diriger les entreprises ». Le développement durable, et
plus précisément, la prise en compte de l’environnement constitue la nouvelle convention
à laquelle les entreprises adhèrent, et rend obsolète la convention actionnariale, érigée
sur des impératifs marchands et industriels ayant pour principal objectif la création de
richesses à court terme afin de satisfaire les actionnaires. Denyse Rémillard et Domique
Wolff définissent une convention comme : « une solution à un problème de coordination
répétitif qui, ayant réussi à concentrer l’attention d’un certain nombre de parties prenantes,
tend à se reproduire régulièrement ». Il s’agit en d’autres termes, d’une référence normative
indiquant la bonne manière de se comporter en situation d’incertitude stratégique ; une
convention est une croyance partagée, au fort pouvoir régulateur. La progressive institution
de la prise en compte de l’environnement au rang de convention, permet aux entreprises
de concilier les différents intérêts dans une perspective de création de valeur sur le long
terme. Denyse Rémillard et Dominique Wolff montrent que le changement de paradigme
entraîne deux types de comportements : des réactions de coopération ou des réactions
d’affrontement ; pour le cas de l’environnement, les entreprises adhèrent majoritairement
à la nouvelle convention, comme en témoigne le succès de la norme ISO 14001. La mise
en place des systèmes de management environnemental, par le biais du standard ISO, est
un moyen de concrétiser l’adhésion au nouveau paradigme. Pour que le changement de
mentalité des entreprises soit effectif, il doit être accompagné d’une évolution similaire de
l’appareil normatif. Néanmoins, il convient de savoir si, en ce qui concerne le management
environnemental, c’est l’évolution normative qui encourage les entreprises à modifier ses
valeurs ou si c’est le changement de mentalité des entreprises qui conduit à l’élaboration
d’un outil normatif. Dans le cadre de l’émergence de la convention environnementale, c’est
l’évolution des mentalités en entreprise qui a contribué à l’élaboration d’un outil normatif,
principalement de la norme ISO 14 001.
20
Rémillard D, Wolff D, Le développement durable. L’émergence d’une nouvelle convention?, Revue Française de Gestion, 2009/4,
n°194, p.29-43
Buttet Amélie - 2009
33
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
21
Dans la même idée, Gilles Grolleau et Naoufel Mzoughi , dans un article de la
Revue d’Economie Industrielle, qualifient la norme ISO 14 001 et les systèmes de
management environnemental de « nouveau dispositif institutionnel ». Ils s’appuient sur
22
la définition des institutions donnée Douglas North , à savoir qu’une institution satisfait
à trois caractéristiques : il s’agit d’un ensemble de règles formelles, bénéficiant d’un
système d’enforcement, c'est-à-dire d’un dispositif veillant à leur application et leur respect,
enfin les institutions régissent ou gouvernent des interactions, qui sont d’ordre marchande
ou productive dans le cadre de la norme ISO 14 001. Grolleau et Mzoughi analysent
le standard comme un dispositif institutionnel car les entreprises lui font confiance et
l’interprètent comme un signal de l’engagement environnemental d’une entité ; il s’agit d’un
filtre utilisé pour sélectionner leurs partenaires. Les normes ISO constituent une structure
pour l’échange ainsi qu’un bien collectif mobilisable par l’ensemble de la population. ; en ce
sens il s’agit bien d’un dispositif institutionnel puisqu’elles permettent d’économiser les coûts
de recherche et d’information, communément appelés les coûts de transactions (coûts liés
à la réalisation d’un échange). La norme ISO 14 001 est un moyen reconnu pour atteindre
une fin, il s’agit d’une règle de conduite acceptée socialement.
23
Thomas Reverdy , universitaire spécialiste des normes environnementales en
entreprise, explique que la norme ISO 14 001 rend accessible l’utopie selon laquelle
« environnement » et « compétitivité » sont compatibles. En outre, il précise qu’avec
la norme ISO 14 001, l’utopie devient banale puisque les entreprises font preuve
« d’isomorphisme organisationnel », c'est-à-dire les groupes professionnels dirigeants
partagent les mêmes valeurs quant à la protection de l’environnement ; ils contribuent
à l’homogénéisation et à la généralisation de la mise en oeuvre des pratiques
environnementales, puisqu’ils sont très réceptifs au discours selon lequel l’environnement
et la compétitivité économique peuvent être compatibles. La généralisation des pratiques
environnementales élaborées par les entreprises, par le biais de la norme ISO 14001,
conduit à faire de la protection de l’environnement, le nouveau consensus vers lequel
l’ensemble de l’économie marchande devrait évoluer unanimement.
Selon Denyse Rémillard et Domique Wolff, le consensus actionnarial inspire encore
largement la stratégie des entreprises, cependant, il tend à disparaître au profit d’une
plus grande préoccupation pour la prise en compte de l’environnement dans la gestion
quotidienne de l’entreprise. La succès de la norme ISO 14 001 relatif à la mise en œuvre
des systèmes de management environnemental semble être la preuve de l’évolution de
la convention dominante, la convention actionnariale, vers d’autres formes tacites de
comportements. Néanmoins, plutôt que d’opposer les deux paradigmes, il conviendrait
de les associer afin que la perspective de rentabilité à court terme ne soit pas contraire
à la recherche de création de valeur sur le long terme. La convention actionnariale
se trouve complétée par la convention environnementale, cette dernière n’ayant pas
pour objectif de se substituer à elle mais de l’enrichir en apportant des réponses aux
dysfonctionnements qui lui sont inhérent. L’entreprise conserve comme préoccupation
principale ce qui compose sa nature même, à savoir la création de richesses par le
biais de ses activités de production, cependant l’entreprise durable est celle qui est
21
Grolleau Gilles et Mzoughi Naoufel, L’élaboration des normes : un nouvel espace de compétition ? Une application à la
norme ISO 14 001, Revue d’Economie Industrielle, 2005/1, n°111, p. 29-56.
22
Douglas North, auteur de nombreux travaux sur le rôle des Institutions dans le développement économique, Institutions,
Institutional Change and Economic Performance, 1990.
23
Reverdy T, Les normes environnementales : la trajectoire mouvementée d’une mode managériale, Sociologies Pratiques,
2005/1, n°10, p.97-119
34
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
capable de garantir un taux de profit considérable tout en réalisant des investissements
environnementaux, lui permettant d’assurer un développement pérenne dans le futur. Le
changement de paradigme suscite l’interrogation quant à savoir si l’économie est au service
de l’environnement ou l’environnement au service de l’économie. Le témoignage des
entreprises étudiées reflète un double mouvement : de la même manière que l’économie
semble être mise à disposition de l’environnement, l’environnement constitue également
une opportunité économique. La relation environnement-économie est réciproque, chacune
est au service de l’autre dans une relation de dépendance.
La progressive reconnaissance de la norme ISO 14 001 en tant que « convention »,
signe l’avènement d’une nouvelle étape dans le cycle de vie des entreprises puisque le
paradigme environnemental trouve enfin sa place aux cotés de la convention actionnariale,
qui fut longtemps leur seule préoccupation. La légitimité de la nécessaire intégration des
questions environnementales au cœur de la stratégie quotidienne des entreprises n’est plus
à prouver. L’adhésion au référentiel ISO 14 001 demande à l’entreprise de s’engager dans
une démarche de révision complète de son mode de fonctionnement habituel pour faire
en sorte que le nouveau dispositif institutionnel que constitue le SME, coexiste avec les
impératifs économiques des entreprises. Individuellement, par le biais d’un changement de
mentalité, les entreprises sont à l’origine du processus de normalisation environnementale,
cherchant à substituer à un attentisme généralisé, la possibilité d’adopter une stratégie proactive en matière de protection de l’environnement. Du reste, la recherche d’une stratégie
pro-active est parfois exacerbée dans certains cas, au point de manipuler stratégiquement
les instruments volontaires de régulation environnementale.
B. Instruments volontaires de régulation de l’environnement et
opportunisme stratégique
24
Dans le cadre d’une réflexion sur la norme ISO 14 001, Grolleau, Mzoughi et Thiébaut ,
trois spécialistes des questions environnementales en entreprise, contestent la nature,
généralement vertueuse, des caractéristiques prêtées aux instruments dits « volontaires »
destinés à la régulation de l’environnement, et présentent ainsi, une analyse critique de ce
type de démarche, afin de souligner l’écart entre les arguments théoriques communément
avancés et les réalités du terrain observées. La troisième génération d’intervention sur
l’environnement exclut la puissance publique de toute régulation et repose sur l’adhésion
volontaire des entreprises aux différentes normes mises à leur disposition. Les auteurs
montrent que les approches volontaires en matière de régulation environnementale,
peuvent faire l’objet d’une usage abusif ou anti-concurrentiel de la part des entreprises qui
les utilisent, ils s’inscrivent dans une lecture critique du référentiel ISO 14 001 objet de
leur analyse. Outre les éventuelles motivations relevant de la volonté personnelle et des
motivations citoyennes de l’entreprise, l’adoption d’approches volontaires est souvent liée
à des pressions externes. Parmi elles on recense les pressions de nature réglementaire,
qui constituent un important facteur d’incitation au volontariat notamment par crainte de
la réglementation à venir, ainsi que les pressions introduites par le marché, qui rendent
nécessaire l’adhésion des entreprises aux instruments volontaires afin d’avoir accès
à certains marchés ou de pouvoir travailler avec certains donneurs d’ordre (en 2003,
Général Motors demande à l’ensemble de ses fournisseurs d’être certifiés ISO 14 001).
Grolleau, Mzoughi et Thiébaut invitent le lecteur à être prudent vis-à-vis des systèmes de
24
Gilles Grolleau, Naoufel Mzoughi, Luc Thiébaut, « Les instruments volontaires, un nouveau mode de régulation de
l’environnement ? », Revue Internationale de Droit Economique, 2004, pp. 461- 481.
Buttet Amélie - 2009
35
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
management environnemental et leur prétention à aller au-delà de ce que la réglementation
exige. La norme ISO 14 001 peut faire l’objet d’un usage abusif voire anticoncurrentiel, ce qui
constitue une remise en cause de sa capacité à contribuer à une meilleure prise en compte
25
de l’environnement par l’entreprise. Mme Miclot , confirme les propos des trois auteurs et
explique qu’une des limites essentielles de la norme ISO 14 001, et d’une manière plus
générale, de l’ensemble des normes ISO, « est que l’adhésion à ces référentiels est basée
sur le volontariat des entreprises, sans qu’il n’y ait de contrôles de la puissance publique
sur les conditions de leur utilisation ». L’entreprise est autonome dans la mise en œuvre
d’un système de management environnemental, d’où la possible manipulation des objectifs
qu’elle se fixe à atteindre. Les objectifs seront plus ou moins ambitieux, plus ou moins
faciles à atteindre, plus ou moins explicites, plus ou moins déjà atteints avant l’engagement
dans la démarche. La question de l’évaluation des objectifs demeure essentielle puisque
l’organisme en charge de réaliser les audits n’est pas en mesure d’évaluer la pertinence
des objectifs fixés, mais s’en tient à la vérification des engagements initiaux. La remise en
cause de la fiabilité des instruments volontaires de régulation environnementale, en premier
lieu de la norme ISO 14 001, conduit à s’interroger sur l’efficacité réelle de ces approches.
Les approches volontaires se veulent efficientes du point de vue des entreprises qui
les utilisent puisqu’elles constituent un outil adapté à leur souci d’atteindre les objectifs
fixés au moindre coût, cependant, les systèmes de management environnementaux sont
des outils utilisés par des entreprises opportunistes puisque, par leur mise en oeuvre,
chaque entreprise choisit librement et indépendamment des actions à mener, des moyens
engagés et des résultats à planifier. Les administrations publiques s’en trouvent également
bénéficiaires indirectes puisque qu’elles n’ont plus à assumer les coûts liés à la mise en
place de la réglementation (élaboration, information, négociation, vérification). En revanche,
les approches volontaires ne sont pas nécessairement plus efficaces en terme de maîtrise
de impacts environnementaux. Grolleau, Mzoughi et Thiébaut montrent que les résultats
environnementaux satisfaisants ne sont pas obtenus uniquement grâce à la mise en œuvre
d’instruments volontaires, tels que la norme ISO 14 001 ; les instruments réglementaires
sont aussi efficaces et permettent d’atteindre des résultats non négligeables en matière de
maîtrise des pollutions. La lecture critique de la norme ISO 14 001 permet de rendre compte
de l’éventuelle manipulation du standard par les entreprises soucieuses de témoigner de
leur efforts pour l’environnement tout en évitant d’en supporter des coûts trop conséquents.
L’analyse de Gilles Grolleau, Naoufel Mzoughi et Luc Thiébaut conclut à une utilisation
stratégique des approches volontaires par certaines entreprises afin de se différentier de
leurs autres partenaires et d’en retirer un avantage de nature économique. Les approches
volontaires constituent bien un nouveau mode de régulation de l’environnement mais leur
portée doit être relativisée puisque la prétendue « bonne volonté » des entreprises vis-à-vis
de l’environnement cache un comportement stratégique.
L’intervention des pouvoirs publics se fait d’autant plus nécessaire que les normes
volontaires en matière d’environnement sont manipulées par les entreprises qui les utilisent ;
elles présentent la protection de l’environnement comme l’enjeu principal de la démarche
alors qu’au fond, elle fait figure d’enjeu secondaire. En outre, le propos des trois spécialistes
sur les manipulations stratégiques de la norme ISO 14 001 doit être complété et enrichi
par l’analyse du processus d’élaboration des référentiels ISO. Parallèlement à l’étude du
niveau micro-économique, à savoir, celui de l’application des instruments volontaires dans
un secteur d’activités par des jeux de pouvoir et d’éventuelles manipulations stratégiques,
25
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société
Anonyme des Eaux Minérales d’Evian, Groupe Danone
36
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
il est également utile d’examiner les modalités de construction et d’adoption d’un référentiel
international (de type ISO), cette fois au niveau macro-économique. De la même façon
que sont dénoncés les manipulations stratégiques au niveau de l’application des normes
ISO 14001, la phase d’élaboration de ces instruments volontaires constitue un espace
supplémentaire dans lequel le secteur privé, et principalement les grandes entreprises
industrielles, cherchent à obtenir un avantage sur leurs concurrents. En effet, les comités
techniques, travaillant à l’élaboration des grands standards, offrent une sur-représentation
aux porte-parole des grandes entreprises industrielles mondiales, contrastant avec la
proportion des porte-parole représentant les Etats (les associations environnementales,
les ONG ou les consommateurs). La logique sous-jacente à l’élaboration des normes
environnementales volontaires est exactement identique à celle dénoncée par Grolleau,
Mzoughi et Thiébaut au niveau de la mise en œuvre de ces instruments au sein d’un secteur
d’activité. Le rapport de force trouve son origine en amont, dans la phase d’élaboration
de ces référentiels, dans laquelle les industriels sont animés par la volonté d’obtenir une
norme au moindre coût de mise en place pour leur entreprise, tout en désavantageant au
maximum les autres entreprises qui souhaitent se certifier et qui n’ont pas eu la possibilité
de participer aux travaux d’élaboration. Le manque d’intervention de l’Etat dans la phase
d’élaboration des normes témoigne d’une manipulation stratégique encore plus forte et
conduit à introduire une logique de marché dans laquelle s’exerce une concurrence accrue
entre des acteurs, tous soucieux de défendre leurs propres intérêts. Ce comportement
stratégique trouve une traduction théorique dans le concept économique appelé « théorie
de la capture » ou encore « économie positive de la réglementation ». L’analyse est élaborée
par Georges Stigler, elle montre que dans certains cas, l’autorité réglementaire est soumise
à l’influence des groupes de pression et ne sont plus garantes de l’intérêt général. La
théorie de la capture de la réglementation stipule que certains groupes d’intérêts utilisent
les moyens de la réglementation pour orienter les lois et les règles dans des directions qui
les favorisent, c’est ce mécanisme qui est à l’œuvre dans le cadre de l’élaboration de la
norme ISO 14 001, soumise aux intérêts organisés des représentants du secteur industriel.
Aux vues de ces considérations, les instruments volontaires de régulation
environnementale apparaissent comme un outil de compétition entre les entreprises, tant
au niveau de leur élaboration que de leur mise en œuvre concrète. La manipulation
stratégique de ces approches prend place aussi bien au niveau micro-économique (celui
de la mise en œuvre dans les entreprises) qu’au niveau macro-économique (celui de
l’élaboration des ces instruments). Les spécialistes des questions environnementales en
26
entreprises, tels que Gilles Grolleau et Naoufel Mzoughi , dont les travaux sont présentés
ci-dessus, prônent en faveur de la participation des Etats ainsi que de l’ensemble des parties
intéressées (société civile, petits producteurs…) aux phases d’élaboration et de mise en
œuvre des standards, afin de rendre le système plus équitable et plus transparent. De
telles manipulations entraînent des effets pervers sur le bon fonctionnement du système
de concurrence, c’est pourquoi, afin de faire face à ces dysfonctionnements, mais tout en
conservant néanmoins les enrichissements que ces approches peuvent apporter en matière
de protection de l’environnement, les auteurs réfléchissent à une sorte de « troisième voie »
associant l’intervention des Etats avec les approches volontaires ; les faire coexister plutôt
que de les opposer afin d’en extraire un fonctionnement plus optimal.
Bien que l’analyse critique des normes environnementales basées sur l’adhésion
volontaire des entreprises puisse paraître excessive, les observations empiriques viennent
26
Grolleau G, Mzoughi N , L’élaboration des normes : un nouvel espace de compétition ? Une application à la norme ISO 14
001, Revue d’Economie Industrielle, 2005/3, n°111, p. 29-56
Buttet Amélie - 2009
37
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
confirmer indirectement les jeux de pouvoir auxquels elles sont soumises. D’une manière
générale, les entreprises certifiées ISO 14 001 ayant élaboré un SME sont celles qualifiées
de « grandes entreprises » (250 salariés ou plus), ou de « groupe d’entreprises » ( société
mère et filiales) implantées en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie majoritairement.
Répartition dans le monde des certificats ISO 14 001 par secteurs d’activité en 2005
Source : ISO 2005
Le secteur industriel est le mieux représenté et possède le plus d’influence lors de
la phase d’élaboration de la norme ISO 14 001 puisqu’il est le groupe le plus cohérent
au-delà des frontières nationales, les mieux équipés en termes d’expertise technique ; en
revanche, les petites et moyennes entreprises sont sous représentés. Il semble avoir une
correspondance entre participation à l’élaboration de la norme ISO 14 001 et certification,
les grandes entreprises industrielles ayant davantage participé au processus, constituent la
27
majorité des entreprises certifiées ; inversement, les PME/PMI , moins représentées lors
des travaux de préparation du standard sont par la suite moins nombreuses à être certifiées.
La norme ISO 14001 semble confirmer le vieil adage selon lequel, « celui qui rédige le
document (la norme), remporte la victoire ».
Les enjeux liés à la mise en place d’un SME sont multiples, d’ailleurs, leur succès
s’explique par la progressive reconnaissance de la norme ISO 14 001 en tant que nouveau
dispositif institutionnel. Cependant, l’enjeu purement environnemental du standard se trouve
dénaturé par le comportement opportuniste de certains agents économiques, ce qui conduit
à remettre en question la prétendue bonne volonté des entreprises à s’engager pour
l’environnement grâce à la mise en place d’un système de management. La protection de
l’environnement se transforme progressivement en un domaine d’action stratégique et un
facteur source d’avantages compétitifs que seules les entités économiques les plus riches
sont en mesure d’exploiter, étant donné le coût occasionné par la mise en place de mesures
environnementales, notamment des systèmes de management environnemental.
27
38
Petites et Moyennes Entreprises ou Industries
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
II. L’environnement à quel prix ?
Le coût de la mise en place d’un système de management environnemental, par le biais de
l’obtention de la certification ISO 14001, n’est pas lié au degré de risque environnemental
que le site représente, mais à la complexité de son processus de production. Il est très
difficile de parvenir à chiffrer exactement le coût de revient d’un SME ; d’ailleurs les
entreprises qui ont collaboré à la réalisation de cette étude se sont montrées très prudentes
vis-à-vis des estimations, ne parvenant elles-mêmes pas toujours à en calculer le montant
global. La mise en place d’un SME nécessite 3 types d’investissements : les investissements
relatifs à la mise en conformité par rapport aux lois et aux règlements en vigueur ; les
investissements en équipements permettant d’atteindre des objectifs et des cibles fixés ;
l’investissement en heures de travail des salariés et en conseils extérieurs au site.
Même s’il s’avère impossible de chiffrer le coût total lié à la mise en place et au
fonctionnement d’un système de management environnemental, tant le montant diffère en
fonction de la nature de l’entreprise, de son degré d’engagement, des actions mises en
œuvre, il est néanmoins intéressant d’analyser quels sont les éléments qui induisent les
coûts. Traditionnellement, pour présenter l’ensemble des dépenses liées à la mise en place
d’un SME, les entreprises distinguent entre deux sortes de coûts : les coûts de mise en
place et les coûts de fonctionnement.
A. Coûts de mise en place et exclusion par les prix
La démarche de certification est un processus long dans lequel chaque étape présente un
coût important. Les normes internationales de management environnemental ISO 14001
s’inspirent largement des normes ISO 9000, de 10 ans leur aînée, qui concernent le
management de la qualité. La similitude entre ces deux types de normes facilite le passage
de l’une à l’autre, tout en réduisant les coûts de mise en place.
Cependant, même si les entreprises sont préalablement certifiées en ISO 9001, les
coûts de mise en place d’un SME n’en demeurent pas moins très élevés. Chaque étape
du processus, exige de l’entreprise, la réalisation d’un certain nombre de dépenses :
coûts d’intendance liés à la mise en place du système, analyse initiale, réalisation de la
documentation, formation des personnels et certification par un organisme accrédité. Il est
souvent difficile d’identifier le montant exact des dépenses engagées pour chaque étape,
néanmoins, quelques indications peuvent être données sur la répartition des différents coûts
supportés par l’entreprise. Le coût de chacune des étapes varie en fonction de la taille de
l’entreprise et de la diversité de son activité. Plus la taille de l’entreprise est importante
et plus ses coûts seront élevés, de même, plus son activité est diversifiée et plus ses
frais seront croissants. Par ailleurs, ces deux caractéristiques sont souvent indissociables.
Cependant, même dans l’hypothèse ou les entreprises seraient en mesure de chiffrer
précisément les dépenses induites par la mise en place d’un SME, les résultats obtenus
ne peuvent pas donner lieu à l’élaboration d’un coût moyen représentatif de l’ensemble des
dépenses liées à l’engagement d’une entreprise dans une démarche de certification ISO
14 001. Le système de management environnemental est spécifique à chaque entreprise
qui décide de s’engager sur un certain niveau d’objectifs environnementaux à atteindre, les
buts fixés ne sont jamais les mêmes entre deux entreprises même si elles appartiennent au
même secteur d’activité. En ce qui concerne les entreprises étudiées dans le cadre de la
réalisation de ce travail, la société des Eaux Minérales d’Evian apparaît comme l’entreprise
la plus engagée pour l’environnement, elle réalise des investissements colossaux, sans
Buttet Amélie - 2009
39
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
comparaison possible avec ses voisins directs. Les coûts de mise en place du SME ont
été largement supérieurs à ceux supportés par d’autres entreprises de même envergure,
notamment par son concurrent direct Neslté, propriétaire d’entreprises productrices d’eaux
28
minérales. De même, les deux domaines skiables qui ont contribué à l’analyse, même s’ils
sont fortement similaires dans leurs caractéristiques générales, se différencient largement
en terme de mise en oeuvre de leur SME respectif. La confrontation des témoignages
des deux Responsables Qualité-Sécurité-Environnement, M Muffat et Mme Lhermite,
montre que la station d’Avoriaz est davantage engagée dans la démarche de management
environnemental et qu’elle a supporté des coûts de mise en place globalement supérieurs
à ceux engagés par sa voisine, la station des Gets.
La complexité et la technicité de la norme ISO 14 001 incite les entreprises à se faire
aider dans leur démarche. Elles ont généralement recours à des consultants extérieurs ou
à des laboratoires accrédités (cabinets de conseils en management), qui accompagnent
les entreprises tout au long du processus, grâce à une aide spécifique et adaptée. Ces
organismes ont des prestations très onéreuses, cependant l’accompagnement externe
demeure conseillé voire indispensable. De surcroît, les dépenses doivent être rattachées à
la durée prise par le processus de certification, qui peut varier d’une à deux années, ce qui
représente un coût d’autant plus important, lorsque la durée de la démarche se prolonge .
Les entreprises demandent à ces organismes de réaliser des audits dits « à blanc », c'està-dire une simulation d’audit qui précède l’audit de certification, qui sont, l’un comme l’autre,
relativement coûteux. Afin de corriger les dysfonctionnements existants, les entreprises,
conseillées par des organismes d’accompagnement, engagent des investissements lourds,
nécessaires à la mise en place du système, ce qui contribue à augmenter le montant
29
des dépenses supportées par l’entreprise. M. Rase explique que, pour la société des
Papeteries du Léman, le préalable à l’engagement dans une démarche de SME, était de
rechercher une technique permettant de recycler les eaux usées utilisées par le processus
de production. Le Cabinet de Conseil en management accompagnant la société dans
sa démarche, préconise la construction d’une station d’épuration à échelle réduite sur le
site de l’entreprise, afin de résoudre le problème de la consommation d’eau ainsi que
celui du traitement des eaux usées. Cette solution, même si très pertinente pour l’activité
papetière, étant très grande consommatrice d’eau et très polluante, constitue une dépense
« colossale », selon M. Rase, « dont l’amortissement prendra plusieurs années ». A
l’ensemble de ces dépenses, qui concernent uniquement la mise en place des systèmes
de management environnemental, il convient d’ajouter, en dernier lieu, les coûts liés à la
formation du personnel. Le succès de la démarche réside dans la participation de l’ensemble
du personnel, ce qui nécessite un effort de formation de la part de l’entreprise. Les dépenses
d’accompagnement en interne, tant de sensibilisation que de formation, augmentent avec
le nombre de salariés.
Le coût élevé de mise en place des SME est une des limites de la norme ISO 14
30
001. Monsieur Muffat , constate que le domaine skiable d’Avoriaz s’est s’engagé dans
la démarche compte tenu de sa bonne situation financière, il reconnaît en revanche que
les coûts induits par la mise en place d’une certification ISO 14 001, ne peuvent pas être
28
Analyse extraite des entretiens du 16 février 2009 avec Mme Lhermite, Responsable QSE, Société des Remontées
Mécaniques des Gets et du 17 février 2009 avec M Muffat Responsable QSE, Société des Remontées Mécaniques d’Avoriaz.
29
Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean-Michel RASE, responsable QSE, Société les Papeteries du
Léman (groupe Bolloré)
30
Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques
d’Avoriaz.
40
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
supportés par une station de ski à la taille et à la situation plus modeste. Cet argument
semble faire consensus ; l’accès à la certification en management environnemental est
restreint pour des entreprises petites et moyennes, tant les coûts de mise en place à
supporter sont lourds.
La mise en lumière de l’importance des coûts induits par la mise en œuvre d’un système
de management environnemental permet de s’interroger sur la légitimité et l’efficacité
des instruments volontaires de régulation de l’environnement. En effet, la mise en place
d’un système de management environnemental impose aux entreprises de supporter des
coûts de transactions importants, c'est-à-dire, des coûts préalables à la réalisation d’une
transaction. Le concept de coûts de transaction apparaît pour la première fois dans l’article
de Ronald Coase, « The Nature of the Firm », et est repris plus tard par Oliver Williamson ; il
affirme que toute transaction économique engendre des coûts préalables à leur transaction :
des coûts liés à la recherche d’informations, à la négociation, à la prise de décision ou à
la prévention de l’opportunisme des autres agents. La mise en place de la norme ISO 14
001 engendre différents coûts de transactions, les plus importants étant ceux de recherche
et d’information, comme l’illustre le recours systématique des entreprises aux services des
cabinets de conseils. L’importance de ces coûts est une des caractéristiques spécifiques
des instruments volontaires, générés et gérés par des personnes privées se substituant à
la légitimité des autorités publiques en matière d’environnement. Dès lors, les standards
volontaires de régulation environnementale ne peuvent pas se généraliser à l’ensemble de
l’économie car les frais de mise en place sont trop importants pour pouvoir être exigés par
la puissance publique. Le coût lié à la mise en place d’un SME constitue un facteur de
différentiation entre les entreprises capables de supporter l’ensemble de ces dépenses et
celles qui ne peuvent pas assumer un tel investissement ; les entreprises les plus dotées
financièrement bénéficient ainsi des nombreux avantages qu’offrent la mise en place de la
norme ISO 14 001, leurs partenaires non certifiés ne profitant pas des retombées. Le coût
de mise en place du SME résulte d’un réflexion stratégique visant à faire de la norme ISO
14001, un dispositif particulièrement reconnu car non généralisé ; lorsqu’un référentiel est
mis en place de façon démocratisé et standardisé, il perd de sa légitimité, c’est la rareté
relative de la norme ISO 14 001 qui lui confère sa légitimité et son renom. Les entreprises
disposant de ressources financières modestes sont aussitôt exclues du mécanisme de
certification au standard ISO 14 001 puisque la normalisation internationale trouve sa
légitimité dans un processus d’exclusion par les prix. La norme ISO 14 001 opère une
discrimination entre les entreprises certifiables et celles demeurant à l’écart du processus ;
il n’y a pas d’égalité entre les entreprises vis-à-vis de la protection de l’environnement.
Les dysfonctionnements des instruments volontaires, liés à une utilisation stratégique et
opportuniste des standards, constituent une limite inhérente à ces outils, qui trouvent leur
origine dans le processus d’élaboration des référentiels. L’exclusion de clients potentiels à
la recherche de la certification conduit à faire de la norme ISO 14 001, un outil de régulation
environnementale fiable puisque attribué seulement aux entreprises financièrement stables,
en mesure de mener des actions et des investissements durables en matière de protection
de l’environnement.
Les coûts de mise en place du système de management environnemental constituent
une source de dépenses non négligeable, dont seules les entreprises les plus riches
sont capables d’en assumer les conséquences financières ; cependant, le coût global
des dépenses liées à la certification ISO 14 001 est constitué d’une seconde source de
dépenses, celles induites par le fonctionnement quotidien du SME.
Buttet Amélie - 2009
41
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
B. L’évaluation incertaine des coûts liés au fonctionnement du
Système de Management Environnemental
Les coûts de fonctionnement du SME sont les coûts que l’entreprise doit supporter après
l’obtention de la certification ISO 14 001. Ici encore, il est difficile à évaluer pour les
entreprises certifiées et rares sont celles qui disposent d’un tableau de bord comptable
suffisamment précis. Plusieurs facteurs expliquent le manque de transparence dans ces
dépenses. Tout d’abord, la grande majorité des entreprises certifiées manquent de recul,
car l’obtention du label est trop récent pour pouvoir mener une étude chiffrée exacte
des dépenses induites par le fonctionnement du SME. Ensuite, les fonctions et les
responsabilités environnementales de l’entreprise sont souvent rattachées à la qualité, la
sécurité ou les services généraux ce qui donne aux dépenses un caractère général. Lorsque
l’entreprise est de taille importante, il est délicat de distinguer les coûts propres à l’entreprise,
de ceux liés aux autres sites ou à l’ensemble du groupe. Ces divers facteurs expliquent qu’il
est quasiment impossible pour une société d’établir une comptabilité analytique « verte »
et ainsi de mesurer véritablement le montant des coûts de fonctionnement d’un SME.
Généralement, les entreprises ne disposent pas d’un « budget environnement » propre et
indépendant du budget global, ce qui ajoute de la confusion dans l’élaboration potentielle
d’une comptabilité environnementale stricte.
Tout comme pour les coûts de mise en place, les coûts de fonctionnement du SME
sont très variables d’un site à l’autre. Néanmoins, certains investissements ou frais se
retrouvent d’une manière récurrente dans l’ensemble des entreprises, à titre d’exemple,
le salaire du personnel en charge du pilotage et de la surveillance du système de
management environnemental, les moyens engagés pour les audits internes, la formation
et la communication dans l’entreprise, le coût supplémentaire lié à l’utilisation de produits
dits « biodégradables », etc. Parmi ces quelques exemples présentés, les dépenses en
formation du personnel, corollaires à la mise en place d’un SME constituent une bonne
illustration de la difficulté d’évaluer le coût de fonctionnement du système de management
environnemental. La démarche ISO 14 001 conduit à des résultats visibles, lorsque
l’ensemble du personnel de l’entreprise est impliqué, de la Direction jusqu’au opérateurs
sur le terrain. Cette implication passe par des efforts de sensibilisation et de formation
continus, ce qui n’est pas sans avoir un coût. La formation sur le SME se décline par
la mise en place de groupes de travail, par l’implication quotidienne du personnel dans
la rédaction des consignes ou des instructions environnementales, par des séances de
communication collectives, par la formation d’adaptation aux nouveaux outils de travail,
par l’utilisation de supports de sensibilisation (vidéos, films, CD-rom…), la création de
points de rencontre, l’organisation de conférences et débats. Les dépenses de formation,
qui ne sont qu’un exemple parmi d’autres, sont représentatives puisque très difficilement
évaluables quantitativement. Outre le calcul de l’ensemble des heures de travail nécessaires
au Responsable Environnement pour mener à bien son rôle de formateur, la frontière est
souvent floue entre ce qui relève de la formation rendue nécessaire par la certification
ISO 14 001 et la formation continue inhérente à toutes personnes faisant carrière dans
l’entreprise. Les techniques de formation et de sensibilisation n’ont pas directement un coût
mesurable, cependant leur préparation et leur réalisation nécessitent beaucoup de temps
ainsi que de disponibilités en terme matériel et humain, le temps et la disponibilité étant
31
deux indicateurs difficilement mesurables en termes économiques. Du reste, Mme Miclot
témoigne que dans le cadre de la société Evian, il est impossible de chiffrer le coût de
31
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société
Anonyme des Eaux Minérales d’Evian, Groupe Danone
42
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
revient total d’un SME puisque les investissements réalisés obéissent à une double finalité,
d’une part, satisfaire les besoins normaux d’investissement de l’entreprise, d’autre part,
répondre aux exigences de la certification ISO 14 001. Selon elle, une entreprise qui met
en place un SME ne doit pas chercher à calculer son coût de revient ; lorsque l’entreprise
réalise un investissement important dans nouveau procédé de fabrication de bouteilles en
plastique, elle engage des dépenses pour répondre à la fois à des exigences marketing
(recherche d’une bouteille au design plus vendeur car plus original), à des exigences
productives (format plus ergonomique et donc plus facilement stockable), à des exigences
environnementales (réduction de la quantité de plastique par bouteille), à des exigences
économiques (réduction de la consommation de matières premières et d’énergie). Mme
Miclot réfléchit sur la meilleure façon possible d’isoler les coûts supplémentaires de
l’investissement induits par la recherche de procédés moins polluants, dictée par le SME ;
elle conclut que l’évaluation est impossible car la décision d’investissement est motivée par
un ensemble de facteurs imbriqués entre eux, n’ayant pas pour seule origine le système de
management environnemental.
32
Mme Lhermite explique : « le montant des dépenses de fonctionnement est largement
supérieur au montant des dépenses de mise en place, étant donné que le SME se base
sur un processus d’amélioration continue ». L’entreprise est tenue d’aller toujours au-delà
de ce qu’elle se fixe, elle doit sans cesse prouver qu’elle réduit les impacts de ses activités
sur l’environnement, ce qui rend nécessaire la réalisation d’investissements réguliers ;
les investissements respectueux de l’environnement étant toujours plus onéreux que les
investissements traditionnels. Mme Lhermite ajoute: « pour les coûts liés au fonctionnement
quotidien du SME, on est dans la spirale du toujours plus, quoi que l’on fasse, la prochaine
étape sera d’aller encore plus loin, ce qui, au final, coûte toujours plus cher à l’entreprise ».
Le coût élevé de la démarche explique qu’il y ait davantage d’entreprises de grande
taille que de PME qui soient certifiées, les PME dotées d’un SME sont généralement des
activités de services à la bonne situation financière, dans un secteur d’activité durable ou
en expansion.
Cependant, lorsque les entreprises parlent des dépenses liées à leur système de
management environnemental, toutes n’insistent pas sur le coût que le dispositif représente.
33
M Rase , parle d’un possible « retour sur investissement » du système de management
environnemental. D’ailleurs, d’une manière générale, les entreprises étudiées dans la
cadre de l’analyse, espèrent toutes ce retour sur investissement dégagé de la mise
en place d’un SME. Les dépenses engagées sont importantes mais constituent des
investissements durables pour l’entreprise, qui, a terme, sont bénéfiques. Mme Miclot
explique que l’entreprise impliquée dans une démarche de management environnemental
est en mesure de mieux préparer son avenir, puisque l’ensemble des investissements
qu’elle réalise prend en compte les contraintes environnementales. Néanmoins, le coût
global lié à la mise en place d’un système de management environnemental constitue l’un
des points faibles de la démarche. Le processus est coûteux pour les PME/PMI , il réduit le
nombre des entreprises potentiellement certifiables, et explique le retard français en matière
de certification ISO 14001, le tissus d’entreprises en France étant essentiellement constitué
de PME/PMI, aux ressources financières non suffisantes.
32
Extrait de l’entretien du 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable Qualité Sécurité Environnement,
Société des Remontées Mécaniques des Gets.
33
Extrait de l’entretien du 19 février 2009, avec M Jean-Michel Rase, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société
Anonyme Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré
Buttet Amélie - 2009
43
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Pour encourager les entreprises à s’engager dans une démarche de management
environnemental, de nombreuses institutions et associations aident financièrement les
entreprises, par l’attribution de subventions. Les Chambres de Commerces et d’Industries
des différents Départements accompagnent et subventionnent certaines entreprises dans
leur processus de certification ; de même, que les Conseils Généraux ou Régionaux.
L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), organisation qui
anime, coordonne et réalise des opérations de protection de l’environnement soutient
financièrement les petites et moyennes entreprises dans leurs initiatives. Depuis 2002, il
existe un partenariat entre l’ADEME et la Région Rhône-Alpes proposant un programme
dans lequel des spécialistes des questions environnementales interviennent directement
auprès des artisans et des dirigeants des PME pour les accompagner dans leurs démarches
environnementales au quotidien et pour les inciter à intégrer l’environnement dans leur
stratégie de développement. Quoi qu’il en soit, M Muffat explique que même si les
subventions proposées par ces organismes sont non négligeables, elles restes néanmoins
marginales lorsqu’elles sont comparées à l’ensemble des coûts de la démarche que
l’entreprise doit supporter, « ce n’est pas le fait de recevoir des subventions qui nous a
encouragé à se certifier en ISO 14 001, les subventions restent assez symboliques ».
Dès lors, si les entreprises acceptent de s’engager dans le processus de certification
et ainsi de supporter de tels coûts (de mise en place et de fonctionnement), c’est qu’elles
entrevoient dans la norme ISO 14001, une opportunité de développement ou un facteur
compensatoire permettant de rentabiliser leurs dépenses engagées.
L’ensemble des coûts que l’entreprise doit supporter par la mise en place et le
fonctionnement d’un système de management environnemental pose la question de la
légitimité des instruments volontaires de régulation environnementale puisqu’ils contribuent
à faire de la protection de l’environnement, un luxe, que seules les entreprises les mieux
dotées financièrement sont capables de s’offrir. En outre, cette pratique s’oppose à la
conception qui fait de l’environnement un bien collectif, accessible à tous, sans mécanisme
d’exclusion par les prix. L’environnement mis à disposition gracieusement par la nature
ne devrait pas faire l’objet d’un calcul économique et, la mise en place d’actions pour sa
protection doit être accessible à tous, quelque soit le niveau de richesses économiques
des agents. L’inégalité face à la protection de l’environnement, de la même manière qu’elle
existe entre les entreprises, se retrouve au niveau des ménages : les consommateurs
qui achètent des produits respectueux de l’environnement (alimentation bio, produits biodégradables, matériaux recyclables…) sont généralement les ménages les plus aisés
puisque ces produits sont davantage coûteux que ceux de consommation traditionnelle.
Depuis que la lutte pour la protection de l’environnement s’est instituée dans les pays
développés, il y a une vingtaine d’années, les entreprises qui se sont vues contraintes
d’agir sous la pression des pouvoirs publics, tentent de tirer partie de cette exigence pour
en faire un avantage compétitif, aux répercutions positives sur le niveau de performance
de l’organisation. La notion de développement durable en entreprise, et notamment
sa composante environnementale ont largement contribué à redéfinir le concept de
performance, aujourd’hui focalisé autour de l’idée de « performance globale ».
III. Performance environnementale vs performance
globale de l’entreprise
44
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
Les entreprises qui s’engagent dans la mise en place des systèmes de management
environnemental sont rarement désintéressées puisqu’elles ont pris la mesure de
l’opportunité que constitue ce nouveau champ d’action. La vulgarisation du concept de
Développement Durable pousse les entreprises à redéfinir les critères d’évaluation de la
situation concurrentielle ; la performance économique dépend directement de la prise en
compte des dimensions sociales et environnementales de la performance.
A. Performances et Entreprises
Le concept de performance se définit comme la capacité à obtenir un résultat ou à
atteindre un objectif préalablement établi par la stratégie de l’entreprise. L’évaluation de
la performance nécessite que l’entreprise se soit, au préalable, fixée des objectifs à
atteindre dans un délai précis. Longtemps la mesure de la performance en entreprise s’est
réduite à sa dimension économique, c'est-à-dire l’évaluation de sa capacité à produire au
moindre coût en maximisant les bénéfices, pour répondre aux attentes des actionnaires.
Cependant, avec la vulgarisation du concept de Développement Durable, la représentation
uniquement financière de la performance cède la place à des approches plus globales
incluant les dimensions sociales et environnementales. La pérennité des entreprises ne
s’apprécie plus sur l’aspect uniquement financier de leurs activités ; l’entreprise durable
est celle capable de prendre en compte les attentes de nouveaux acteurs, l’ensemble des
« parties prenantes », qui comprend les actionnaires mais également les associations, les
ONG, les syndicats, les clients, ou les fournisseurs... Ces nouveaux partenaires souhaitent
être entendus et la prise en compte de leurs exigences est une nécessité vitale pour
la performance et la pérennité des entreprises. Le contenu de la notion de performance
est reconsidéré pour intégrer dans son évaluation, la manière dont les entreprises se
conduisent et fournir une image globale de la performance de l’entreprise. L’exigence
d’un plus fort degré de responsabilité chez les entreprises donne naissance au concept
de « performance globale ». La performance globale est définie par le Commissariat
34
Général du Plan, et notamment par Marcel Lepetit , en 1997, « comme une visée (ou un
but) multidimensionnelle, économique, sociale et sociétale, financière et environnementale,
qui concerne aussi bien les entreprises que les sociétés humaines, autant les salariés
que les citoyens ». Cette performance nécessite l’élaboration d’indicateurs multi-critères
et multi-acteurs , puisque les entreprises sont tenues de mesurer l’étendue de leurs
progrès non seulement dans la sphère économique, mais également en matière sociale
et environnementale. La notion de performance s’élargie, elle devient un instrument
35
de mesure de la « responsabilité sociétale » de l’entreprise vis-à-vis de ses parties
prenantes. Désormais, les rapports que les entreprises entretiennent, non seulement avec
leur environnement naturel mais aussi avec leur environnement sociétal, doivent être pris
en compte et évalués de la même manière qu’elles évaluent leurs résultats économiques.
La performance globale est mobilisée pour évaluer la mise en œuvre par les entreprises du
concept de Développement Durable ; elle se définit comme « l’agrégation des performances
économiques, sociales et environnementales par la réunion de la performance financière, de
la performance sociale et de la performance sociétale ». Contrairement à la vision américaine
34
Marcel Lepetit, consultant en organisation et expert de comités d’entreprises au Cabinet Développement social et organisation
Consultants, a contribué au groupe de travail du Commissariat Général au Plan (CGP) en 1997 sur la performance globale.
35
Responsabilité d’un agent économique par rapport aux conséquences sociales et environnementales de ses activités sur ses
parties prenantes.
Buttet Amélie - 2009
45
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
de la responsabilité sociétale concrétisée dans des actions philanthropiques étrangères aux
activités économiques de l’entreprise, l’approche européenne considère que les actions
philanthropiques n’entrent pas dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises
(RSE) et que les actions qui en relèvent s’apprécient au regard des activités habituelles de
l’entreprise. En Europe, il n’y a pas de dissociation entre le métier de l’entreprise et les actions
relevant de la responsabilité sociétale. Pour définir précisément l’approche européenne de
la RSE, il convient de se référer à la définition de la Commission européenne : « La RSE
est un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations
sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs
36
parties prenantes ». La Commission qualifie les entreprises de « socialement responsables »
lorsqu’elles vont au-delà des exigences légales minimales et des obligations imposées par
les conventions collectives pour répondre à des besoins sociétaux. La RSE permet aux
entreprises, en coopération leurs partenaires, de concilier les ambitions économiques avec
les exigences sociales et environnementales. Aujourd’hui, la responsabilité sociétale se
représente au travers du concept "Triple Bottom Line" : prospérité économique, respect de
l’environnement, respect et amélioration de la cohésion sociale. ». Ce concept traduit la prise
en compte, à l’échelle de l’entreprise, des trois dimensions du Développement Durable et
donc de la performance. Le Développement Durable en entreprises est représenté par un
schéma qui permet de mettre en évidence l’intégration des trois objectifs poursuivis : l’un
est économique (création de richesses pour tous à travers des modes de production et de
consommation durable), l’autre est écologique (conservation et gestion des ressources)
et le troisième est social (équité et participation de tous les groupes sociaux). Le principe
du Développement Durable consiste en l’équilibre de ces trois dimensions afin éviter que
la poursuite des objectifs économiques se fasse au détriment des deux autres. Lorsque
l’entreprise prend une décision, elle veille à l’imbrication simultanée des exigences
économiques, écologiques et sociales, enjeux auxquels toute entreprise doit être en mesure
d’apporter des réponses satisfaisantes.
Schéma du « Triple Bottom Line »
Source : Greeninnovation.com
Alors que la définition de la performance globale en entreprise est exprimée
simplement, les entreprises éprouvent des nombreuses difficultés à l’évaluer. Les
entreprises sont dotées de dispositifs d’évaluation perfectionnés pour la mesure des
dimensions économiques et financières traditionnelles, mais présentent de nombreuses
lacunes en ce qui concerne l’évaluation des dimensions environnementales et sociales. Les
46
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
outils existants évaluent les performances de manière séparée ou mesurent au mieux le
croisement de deux performances.
La performance globale rejoint le concept déjà abordé auparavant de système de
management intégré, dans le sens où l’entreprise cherche à établir une symbiose entre
différentes dimensions, afin d’être plus compétitive. Aujourd’hui, la difficulté réside dans la
complexité de mesurer les interactions entre les différentes dimensions de la performance,
économique, sociale et environnementale. L’évaluation stricte de la performance par
domaine d’application nécessite de disposer d’indicateurs de mesure fiables pour chaque
catégorie d’action. La performance globale telle qu’elle est définie par la Commission
Européenne constitue une donnée subjective puisque propre à chaque entreprise, en
fonction des objectifs qu’elle s’est fixée. Une entreprise privilégiera telle ou telle dimension
de la performance en fonction de son secteur activité, des pressions qui s’exercent
sur elle, du choix des orientations stratégiques… ; la performance globale pose le
problème de la compensation entre les différentes performances : les résultats d’une
entreprise ne réussissant pas à atteindre ses objectifs environnementaux peuvent-ils
être compensés par une excellente performance financière, économique et sociale ? ;
un bon niveau de protection sociale dans l’entreprise contribue à faire oublier des
résultats environnementaux lacunaires. L’agrégation des performances économiques,
environnementales, sociales dans le concept de performance globale de l’entreprise
pose problème car seule la performance économique ou financière dispose d’indicateurs
standardisés et internationalement reconnus ; parmi eux, les entreprises évaluent le plus
souvent leur performance économique grâce à leur taux d’investissement, leur taux de profit
ou leur taux de productivité. Cependant les comparaisons entre entreprises, même en ce
qui concerne la dimension économique de la performance, sont délicates à réaliser puisque
les entreprises sont toutes différentes les unes-des autres, chaque indicateur témoignent de
la spécificité de chacune d’entre elles. En revanche, les performances environnementales
et sociales ne bénéficient pas d’indicateurs standardisés et reconnus comme l’instrument
de mesure approprié des ces performances. De même, les sphères ne sont pas
hermétiques entre elles, les niveaux des performances sociales et environnementales ont
des conséquences évidentes sur le niveau de performance économique de l’entreprise, qui
demeure le concept central dans la pensée économique. D’ailleurs, l’analyse de la mise
en place d’un système de management environnemental, rend visible le lien qui unit la
performance environnementale à la performance économique.
B. Le mythe de la performance environnementale ?
La mise en place de méthodes de gestion environnementale par une entreprise n’est jamais
un acte totalement désintéressé, puisque quelles que soient les actions engagées, leur
coût de mise en place et de fonctionnement est largement supérieur à celui nécessaire
au fonctionnement traditionnel de l’entreprise, sans la prise en compte des contraintes
environnementales. L’analyse ici consiste à comprendre pourquoi y a-t-il un tel engouement
des entreprises à s’engager pour l’environnement, par la mise en place des systèmes de
management environnemental ? Ce comportement semble, à première vue, paradoxal,
car les entreprises, en tant qu’acteurs rationnels, cherchent à diminuer leur coûts de
fonctionnement au maximum afin d’augmenter leurs profits.
L’environnement n’est plus vécu comme une contrainte pour les entreprises soucieuses
de s’assurer un développement sur le long terme, il apparaît davantage comme une
opportunité de création de valeur à long terme, témoin de la bonne santé économique et
Buttet Amélie - 2009
47
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
financière. Une entreprise qui est en mesure de justifier un certain niveau de performance
environnementale, est une entreprise qui n’agit pas par pure philanthropie, mais qui espère
en dégager des résultats visibles sur son niveau de performance économique. La prise en
compte de l’environnement dans ses modes de gestion quotidiens résulte d’un ensemble
de pressions exercées par la société civile, elle est un mal nécessaire pour l’entreprise
puisqu’elle offre indirectement des opportunités économiques. Cependant, afin de pouvoir
bénéficier des avantages induits par la prise en compte de l’environnement grâce à la mise
en place d’un système de management environnemental, les entreprises doivent être en
mesure d’évaluer leurs résultats environnementaux et ainsi de communiquer sur un certain
niveau de performance environnementale atteint.
La notion de performance environnementale demeure un concept flou, de la
même façon que la définition de performance pour une entreprise s’est avérée, cidessus, difficile à appréhender et à évaluer. Une entreprise est qualifiée de performante
environnementalement si elle réussit à atteindre les objectifs qu’elle s’est préalablement
fixée lors de l’élaboration de sa stratégie ; le niveau de performance environnementale
dépend ainsi de l’ambition des objectifs initiaux que l’entreprise s’est fixée. D’ailleurs,
il est assez aisé pour l’entreprise de se décrire comme performante dans le domaine
environnemental , dès lors où elle réussit à atteindre les objectifs environnementaux
élaborés dans la démarche du système de management environnemental. Les difficultés
d’évaluation resurgissent ici puisque à partir du moment où les entreprises respectent
leurs engagements, elles s’autoproclament performantes en matière environnementale,
néanmoins, il n’existe pas d’organisme dont la mission est d’évaluer le niveau de
performance environnementale, ni même d’indicateurs permettant d’en rendre compte.
Les systèmes de management constituent un outil pouvant servir à l’évaluation de cette
performance puisque la méthodologie de la démarche nécessite la fixation d’objectifs à
atteindre assortis d’indicateurs précis permettant d’évaluer dans quelle mesure l’entreprise
a respecté ses engagements ; cependant, ce qui est évalué par le SME et ses indicateurs
ce sont surtout le niveau de performance du système mis en place dans l’organisation
davantage que sa performance environnementale réelle. L’entreprise peut être décrite par
le SME comme intégralement performante, simplement parce qu’elle réussit à atteindre
l’ensemble des objectifs fixés, alors même que ces derniers peuvent avoir été choisis car
peu ambitieux et facilement réalisables. Les systèmes de management environnemental
sont davantage des outils subjectifs d’évaluation de la performance environnementale, du
reste les mesures sur lesquelles chaque entreprise s’engagent sont toujours différentes,
ce qui exclut toutes comparaisons de performance possible entre les entités. La mise en
place d’un système de management requiert l’introduction d’indicateurs environnementaux
dans chacun des tableaux de bord des entreprises, l’évaluation est délicate car il n’y
a pas d’indicateurs standards valables pour tous les organismes. Des recherches sont
en cours afin de trouver une technique de mesure standardisée permettant de rendre
compte du degré de performance environnementale des entreprises, parmi eux le rapport
de l’Association Chartered Certified Accountants (ACCA) sur la mesure de la performance
liée à l’environnement, le guide sur les indicateurs environnementaux des compagnies
37
élaboré par l’EPA allemande , le rapport sur les mesures d’éco-efficience du World
Business Council for Sustainable Development (WBCSD), le papier publié par l’Agence
Européenne de l’Environnement (EEA), sur les indicateurs d’éco-efficience, etc. Dans
les dernières recherches, l’évaluation de la performance uniquement environnementale
semble oubliée car les indicateurs élaborés élargissent le champ de l’environnement au
Développement Durable et incluent également une perspective sociale et économique à
37
48
Agence Allemande de Protection de l’Environnement
Buttet Amélie - 2009
Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique
celle de l’environnement. D’un point de vue normatif, l’ISO travaille toujours sur le sujet
de l’évaluation des performances environnementales, dans le cadre de son sous-comité
n°4 (groupe de travail), deux normes ont vu le jour : le référentiel ISO 14 031 donnant
les lignes directrices de l’Evaluation des Performances Environnementales, le référentiel
14 032 présentant une série d’exemples d’évaluation mis au point par divers organismes
à travers le monde, de secteurs différents et de tailles variées. A ce jour, aucune de
ces deux normes n’est imposée à travers un texte légal, le respect et l’application sont
laissés à l’entière appréciation des entreprises. Unilatéralement, chaque entreprise élabore
un système d’évaluation des performances basés sur des indicateurs propres et sur des
techniques de mesure particulières. L’évaluation des performances environnementales
est définie par la norme ISO 14 031 comme : « un processus interne de management
faisant appel à des indicateurs dans le but d’obtenir des informations comparatives sur
la performance environnementale passée et présente de l’organisme par rapport à ses
38
critères de performance environnementale ». Les indicateurs sélectionnés pour faire partie
de l’évaluation des performances environnementale varient en fonction des critères de
performance que l’organisme se fixe, des intérêts des parties intéressées qu’il décide
de prendre en compte. L’exigence minimal reste accessible puisqu’il s’agit simplement
de faire mieux que par le passé. En outre, l’évaluation de l’atteinte des objectifs ne
permet pas de mesurer l’impact positif concret sur l’environnement, les conséquences de
39
la démarche de SME restent difficilement évaluables sur l’environnement. M Rase , pour
expliquer la mesure de sa performance environnementale, prend l’exemple de la mise en
place d’une station d’épuration à échelle réduite sur le site de l’entreprise qui permet de
réaliser des économies dans la consommation d’eau de l’ordre de 400 000 m3 de litres
par an, cependant il n’est pas en mesure d’évaluer concrètement quelles conséquences
la diminution de consommation d’eau comporte-t-elle directement sur l’environnement.
Indubitablement l’investissement de l’entreprise papetière se traduit en terme positif sur
l’environnement, cependant elle ne cherche pas à évaluer dans quelle mesure la réduction
de la consommation annuelle d’eau de la société contribue à préserver cette ressource
naturelle. Dans l’exemple, c’est le calcul des conséquences directes de la consommation
d’eau qui fait l’objet de critiques, néanmoins, l’imprécision dans l’évaluation se retrouve
similairement dans l’ensemble des entreprises qui ont contribué à l’analyse, et ce quelle que
soit les ressources concernées (consommation d’électricité, de fournitures…). Cette lacune
est inhérente aux systèmes de management environnemental puisqu’ils ne fournissent pas
d’indicateurs suffisamment développés pour pouvoir en rendre compte. Les entreprises
engagées dans une démarche de certification ISO 14001 souhaitent afficher les résultats
témoignant de leur performance environnementale, prouver qu’elles s’inscrivent dans
une démarche responsable et pro-active vis-à-vis de l’environnement. Les systèmes de
management environnemental ne constituent pas une fin en soi, mais plutôt un moyen pour
servir une fin, celle de restaurer son image et prouver sa bonne volonté au public en matière
de protection de l’environnement. En ce sens, l’évaluation précise des conséquences
positives des actions mises en œuvre par le SME sur l’environnement n’appartient pas aux
exigences de la démarche, davantage centrée sur l’évaluation de l’atteinte des résultats que
sur l’évaluation des conséquences.
L’entreprise qui met en place une démarche de management environnemental
s’engage dans un processus de revalorisation des biens et services offerts gratuitement
38
39
Extrait de la définition de l’évaluation des performances environnementales par la norme ISO 14 031 de 1999
Extrait de l’entretien du 19 février 2009, avec M Jean-Michel Rase, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société
Anonyme Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré
Buttet Amélie - 2009
49
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
par les écosystèmes puisqu’elle prend progressivement conscience de leur caractère
limité. La gestion environnementale est un instrument de maîtrise de l’utilisation des
ressources naturelles par l’entreprise, cependant, la démarche engagée avec les systèmes
de management environnemental ne constitue que les prémices de la « nouvelle révolution
40
industrielle » à venir, celle par laquelle les entreprises seront en mesure d’évaluer
économiquement le prix des biens et services fournis par les écosystèmes et de les
utiliser en conséquences. La méthode qui consiste à faire la synthèse des coûts et des
bénéfices induits par la mise en place de mesures destinées à protéger l’environnement
n’est pas pertinente puisque l’utilisation des ressources naturelles n’est pas payante ou très
peu pour celui qui les consomme. C’est seulement lorsque les entreprises et l’ensemble
des acteurs qui utilisent quotidiennement les ressources offertes par la nature seront en
mesure d’évaluer quantitativement ce que la consommation d’une unité de ressource coûte
qualitativement à l’environnement naturel, la notion de performance environnementale aura
un sens plus précis qu’il ne l’a actuellement et permettra de l’évaluer plus rigoureusement.
En attendant, la protection de l’environnement demeure un instruments au nombreux
avantages pour l’entreprise, lui permettant d’améliorer à la fois sa compétitivité et sa
performance globale. Le lien qui unit l’environnement à l’économie est d’ordre stratégique,
l’environnement reste plus que jamais au service de l’économie qui cherchent à l’exploiter
toujours davantage par des moyens détournés.
40
50
“The Next Industrial Revolution”, concept théorique élaboré par William Mc Dounough and Michael Braungart
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
Partie III : Le Système de Management
Environnemental : un levier de
compétitivité et de performance pour
l’entreprise.
Lorsque, sur la base du volontariat, des entreprises décident d’intégrer la prise en compte
de l’environnement dans un système de management, elles élaborent un plan d’action
aux retombées potentiellement positives. Les mesures environnementales adoptées par
l’entreprise ne doivent pas compromettent sa situation financière, elles doivent au
contraire lui apporter des opportunités de création de valeur sur le long terme. Le
Développement Durable et principalement sa dimension environnementale sont sources
d’avantages compétitifs pour l’entreprise, ce qui encourage les acteurs à s’engager dans
la démarche. Même si le but premier des systèmes de management environnemental
consiste en l’amélioration des performances environnementales de l’entreprise, les
entités qui s’engagent dans ce type de processus espèrent générer d’autres retombées
principalement d’ordre économique. L’instrument de management environnemental se
transforme progressivement en un outil stratégique pour les entreprises soucieuses de tirer
profit au maximum de la mise en place d’un système de management environnemental.
L’entreprise exploite les avantages de nature diverse induits par la mise en place d’un SME ;
il constitue un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise.
I. La maîtrise des coûts liée à une meilleure gestion de
l’environnement
La maîtrise des coûts induits par la mise en place d’un système de management
environnemental revêt deux aspects, d’une part, une plus grande rationalisation des
coûts économiques globaux de l’entreprise, c'est-à-dire ceux qui sont nécessaires à son
activité de fonctionnement, d’autre part, une meilleure gestion des coûts environnementaux,
c'est-à-dire, les coûts directement liés aux conséquences des activités de l’entreprise
sur l’environnement. La réduction des deux catégories de coûts évoqués ici procure à
l’entreprise un avantage considérable et contribue à la rendre plus compétitive.
A. De nouvelles méthodes d’organisation comme source de réduction
des coûts pour l’entreprise
La mise en place d’un SME au sein d’une entreprise conduit cette dernière à repenser
entièrement ses méthodes d’organisation. La méthodologie de la norme ISO 14 001 exige
Buttet Amélie - 2009
51
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
la réalisation d’un inventaire complet des activités de l’entreprise, aussi bien en interne
qu’en externe, afin de déterminer leurs impacts environnementaux. L’élaboration du schéma
fonctionnel de l’entreprise constitue la première étape de la norme ISO 14001, appelée
« Analyse Environnementale Initiale » ; phase décisive puisqu’elle demande de faire un
examen global de toutes les activités présentes en son sein et de les analyser afin d’en
41
déduire, individuellement, leurs impacts environnementaux . Cette première étape est
l’occasion pour l’entreprise de détecter l’existence d’anomalies, de dépenses inutiles ou de
problèmes de fonctionnement dans le processus de production.
La norme ISO 14 001 est principalement créée pour réduire et maîtriser les effets
dommageables de l’activité de l’entreprise sur l’environnement, cependant, elle constitue de
surcroît, un facteur de rationalisation de son mode de fonctionnement. L’analyse exhaustive
des activités de l’organisme est une démarche très lourde à mener, dans laquelle les
entreprises ne s’engagent pas spontanément si elles ne le sont pas contraintes. Les
bénéfices qui en résultent ont de larges conséquences sur les performances de l’entreprise ;
la mise en place d’un système de management environnemental constitue un enjeu
économique pour l’organisation puisqu’à la suite de cet inventaire, les dysfonctionnements
constatés sont corrigés. Par le biais de la certification en ISO 14 001, l’entreprise s’engage
dans un processus de rationalisation et de ré-organisation de ses activités et met en place
un mode de fonctionnement plus optimal, lui permettant de réaliser de larges économies.
Jean-Michel Rase de la société Papeteries du Léman, prend plusieurs exemples pour
42
illustrer les économies réalisées, par le biais de la norme ISO 14001 . L’optimisation des
ressources en matières premières, notamment de la consommation d’eau, passe par la
mise en place de deux outils sources d’économies pour l’organisation : la construction
d’une station d’épuration pour traiter les eaux usées et l’élaboration d’un système de
récupération d’eau. Ces nouveaux dispositifs, permettent à l’entreprise de réduire la quantité
d’eau consommée au cours du processus de fabrication. Selon M Rase, elle réalise
une économie de sa consommation d’eau de près de 400 000 m3 par an, soit plus de
10% de sa consommation annuelle. La réduction de la consommation d’eau présente
des conséquences évidentes d’ordre environnemental, mais également, selon lui, d’ordre
économique et financier. Les dépenses liées à la consommation d’eau de la société ont
largement diminué depuis la réalisation des travaux ; M. Rase confirme que « même si les
investissements de départ sont lourds, sur le long terme, l’entreprise bénéficiera d’un retour
sur investissement ».
L’ensemble des économies cumulées dans différents domaines d’activités, par le biais
de la réalisation de l’analyse exhaustive, ont un impact évident en terme de productivité et
donc de performance pour l’entreprise. En optimisant la consommation des ressources dans
le processus de production, la mise en place d’un SME permet d’accroître la performance
environnementale, tout en améliorant consécutivement, la performance économique. De
43
même, Mme Miclot affirme : « Chez Evian on ne jette presque rien ! ». L'usine Evian trie
et valorise 98% des déchets, de très bons résultats atteints grâce à la mise en place d'un
centre de tri de 10 000 m² (la taille d'une quarantaine de terrains de tennis) sur le site de
l'usine. Une équipe spéciale se charge du tri, de l'emballage et de l'expédition des déchets
41
Voir Partie 1, II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place d’un SME. Etape 1 : Analyse Environnementale Initiale p. 19
42
Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean-Michel RASE, responsable QSE, Société les Papeteries du
Léman (groupe Bolloré)
43
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, responsable QSE, Société Des Eaux Minérales
Evian (groupe Danone)
52
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
vers des centres de recyclage. Mme Miclot explique que les déchets ainsi recyclés ont une
deuxième vie, le plastique est ré-utilisé pour fabriquer des vêtements, des moquettes, etc,
le bois est recyclé en palettes ou broyé et utilisé pour alimenter des chaudières. La société
s’est également engagée à réduire sa consommation d'eau dans ses usines afin d’éviter
le gaspillage. A chaque étape de la production (nettoyage, rinçage, refroidissement), l'eau
utilisée au cours du processus est recyclée pour le nettoyage. Cette démarche s'inscrit
dans un engagement plus large : tout le Groupe DANONE lutte pour réduire sa propre
44
consommation d'eau dans le cadre du programme « Danone Water Footprint » qui a
permis d'économiser plus de 3, 5 milliards de litres d'eau ces cinq dernières années. Ici
encore, ces engagements nécessitent de larges investissements mais demeurent rentables
au cours de quelques années en terme de réduction des quantités d’eau, d’énergie et de
matières premières consommées.
Ces deux illustrations présentent quelques exemples de réductions de consommations
liées à la mise en place d’un SME par le biais de la norme ISO 14 001, en outre,
si l’on procède par addition de la totalité des économies réalisées par les entreprises
grâce à la mise en place d’un système de management environnemental utilisant les
ressources diverses de manière raisonnée, dans l’ensemble de leurs activités (réduction de
la consommation d’énergie, d’eau, recyclage et réutilisation des déchets…), les résultats
obtenus sont encore plus significatifs. La recherche et l’élaboration de nouvelles méthodes
d’organisation, induites par les exigences de la phase d’analyse initiale des activités de
l’entreprise, permet à celle-ci de bénéficier d’un bilan quantitatif largement positif, les
résultats sont quantifiables économiquement, ce qui se traduit par une réduction des
dépenses de fonctionnement quotidiennes. La démarche environnementale encourage
l’entreprise à innover dans le mode de fonctionnement de son activité, elle est un important
facteur d’encouragement pour la refonte des processus de production.
En outre, le système de management environnemental incite l’entreprise à maintenir
45
une activité dite de « veille technologique », c'est-à-dire une activité de recherche
permanente qui permet d’anticiper les évolutions à venir et faciliter l’innovation. La
décision d’investissement est régulièrement motivée par la composante environnementale :
l’environnement devient un facteur d’innovation important pour l’entreprise souhaitant rester
compétitive. A ce titre, la société Evian fait figure de pionnière puisqu’elle est engagée
dans des projets tout autant colossaux qu’originaux. Mme Miclot explique les différentes
démarches sur lesquelles elle travaille actuellement : l’installation « d’éoliennes miniatures »
sur le site de production afin de diminuer la consommation d’électricité, la création d’énergie
à partir de « dos d’ânes » implantés sur le site et surtout, l’objectif de devenir la première
46
usine de cette envergure « carbone neutre », d’ici 2011. L’entreprise s’inscrit dans le
processus de veille technologique mentionné ci-dessus, d’ailleurs Mme Miclot déclare :
« l’environnement est le champ privilégié de l’innovation pour le groupe, puisqu’il offre un
large panel de possibilités, encore inexploitées ».
44
Danone Water Footprint » est un programme dans lequel DANONE d’engage à réduire sa consommation d’eau dans ses
différents sites de production et à veiller à ne pas rejeter d’eau altérée dans le milieu naturel.
45
La veille technologique est une activité qui met en œuvre des techniques d’acquisition, de stockage et d’analyse
d’informations, concernant un produit ou un procédé, sur l’état d’art et l’évolution de son environnement scientifique, technique,
industriel ou commercial, afin de collecter, organiser puis analyser et diffuser les informations pertinentes qui vont permettrent
d’anticiper les évolutions, et qui vont faciliter l’innovation.
46
C'est-à-dire rester en dessous des 500kg éq.C/an /pers, cela correspond à ce que la Terre peut traiter à ce jour, par an et
par personne. Au dessus de ce seuil, l’homme contribue au réchauffement climatique, en dessous c’est l’homme idéal. Un français
moyen émet environ 500kg éq/ C/an.
Buttet Amélie - 2009
53
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
La réorganisation de ses activités grâce à la méthodologie contenue dans les
dispositions de la norme ISO 14 001, est un important déterminant de réduction des coûts
pour l’entreprise, ce qui lui confère un dynamisme et une capacité à pouvoir réagir aux
évolutions technologiques et commerciales. Les démarches environnementales et plus
particulièrement les systèmes de management environnemental permettent aux entreprises
d’améliorer leur rentabilité sur le long terme, les plus compétitives sont celles ayant
réussi à utiliser le champ de la protection de l’environnement pour se différencier d’autres
concurrents. Cette analyse reprend les travaux de Michael Porter, notamment sa fameuse
« hypothèse » selon laquelle les contraintes environnementales, loin d’être une entrave
à la compétitivité des entreprise par rapport aux concurrents qui ne sont pas soumis aux
mêmes exigences, tendent à stimuler et à améliorer la position concurrentielle des firmes
sur le marché. Dans cette perspective, l’environnement est au service de la compétitivité
des entreprises, puisque les avantages qui découlent des initiatives environnementales
contribuent à réduire les coûts de l’entreprise. Cependant, cette analyse doit être nuancée
pour plusieurs raisons. L’objectif de réduction des coûts pour l’entreprise est inhérent aux
systèmes de management environnemental, pourtant, il n’est pas simple d’estimer quels
sont exactement les gains réalisés par l’entreprise en terme de maîtrise des coûts grâce à
la mise en place d’un SME. L’analyse « coûts-bénéfices » est trop réductrice pour rendre
compte de la contribution réelle de la norme ISO 14 001 à l’amélioration des performances
économiques de l’entreprise puisque les retombées concrètes s’envisagent, pour la plupart,
sur le long terme. Du reste, l’évaluation exacte de la contribution du SME à la réduction des
coûts de production demeure illusoire puisque les entreprises certifiées ne réussissent pas à
différencier les gains de productivité directement imputables à la mise en place de la norme
ISO 14 001, des gains de productivité réalisés grâce à d’autres initiatives indépendantes
(innovation technologique, nouvelle forme d’organisation du travail…). Cependant, même
les systèmes de comptabilité des entreprises ne sont pas suffisamment précis pour leur
permettre de calculer exactement la contribution du SME à l’amélioration de la productivité,
47
il est incontestable, selon Mme Lhermitte , « que la certification ISO 14 001, contribue,
directement ou indirectement, à réduire les coûts de l’entreprise ». Les entreprises certifiées
utilisent la norme ISO 14 001 comme source d’une réduction des coûts de production,
puisque les systèmes de management environnemental sont un outil de rationalisation et
de réorganisation des ressources consommées dans le processus de production. Mme
48
Miclot affirme : « si les entreprises s’intéressent à l’environnement c’est parce que c’est
économiquement rentable », la mise en œuvre d’une certification ISO 14001 permet à
l’entreprise de réduire ces coûts sur le long terme et de devenir plus compétitive puisqu’elle
apprend à « produire mieux avec moins de ressources ».
Outre la contribution directe du SME à la maîtrise des coûts liés au processus de
production, les systèmes de management environnemental constituent un facteur important
permettant à l’entreprise de maîtriser les risques environnementaux, au bénéfice d’ellemême et de ses parties prenantes. Il s’agit d’ailleurs de la raison d’être principale de la norme
ISO 14001 et des systèmes de management environnemental, même si cette dimension
est quelque peu occultée par l’avantage stratégique que constitue cet instrument.
47
Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermitte, Responsable QSE, Société Anonyme des
Remontées Mécaniques des Gets.
48
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Des Eaux Minérales
Evian (groupe Danone)
54
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
B. La maîtrise des coûts environnementaux pour l’entreprise et ses
parties prenantes
La mise en place d’un SME permet de réduire les risques environnementaux de l’entreprise,
cet objectif est la finalité principale des systèmes de management environnemental.
L’entreprise intègre l’environnement dans ses paramètres de gestion, qu’il convient dès lors,
d’exploiter et de réguler comme tout autre facteur de production.
La maîtrise des risques environnementaux se décline en deux approches, par
l’instauration de mesures préventives ou de mesures correctives. Un entreprise privilégiera
le principe de prévention ou à contrario, de correction, en fonction de sa nature, de son
secteur d’activités et de ses moyens financiers. Le coût environnemental se définit comme
l’ensemble des coûts directement liés aux conséquences des activités de l’entreprise sur
l’environnement (pollution du site ou des environs, utilisation de produits chimiques et
polluants).
Les coûts environnementaux sont semblables à l’ensemble des autres coûts supportés
par l’entreprise, puisque comme eux, ils affectent sa santé et sa performance. L’entreprise
est animée par la volonté de réduire au maximum les coûts environnementaux parce
que, outre leurs conséquences relatives à la destruction de l’environnement, ils peuvent
également être à l’origine de sanctions financières, attribuées par les organismes
49
accrédités, comme la DRIRE , par exemple, ce qui entraînera des conséquences sur la
situation économique de l’entreprise.
Qu’elles soient industrielles ou tertiaires, les entreprises mettent aujourd’hui l’accent
sur l’enjeu fondamental que constitue la réduction des coûts environnementaux dans
50
leurs objectifs. M Muffat , témoigne des nombreuses initiatives prises par la Société des
Remontées Mécaniques qui gère l’exploitation du domaine skiable d’Avoriaz, qu’elles soient
d’ordre correctives ou préventives, en soulignant, du reste, la nécessaire complémentarité
entre ces deux types de démarches, afin d’obtenir des résultats visibles. Il explique que
le risque principal de pollution auquel la station est confrontée, est celui de « rupture des
51
flexibles sur les engins de damage » (qui contiennent une huile polluante si elle se
déverse dans les sols). M Muffat, dans le cadre d’un programme de recherche, a effectué
des études sur les effets de ces déversements sur les sols, et constate l’absence de
reconstitution de la flore sur les zones où l’huile s’est répandue. Pour éviter de telles
conséquences sur la nature, la station a décidé d’utiliser des huiles biodégradables qui,
selon ses recherches personnelles, ont des conséquences beaucoup moins destructrices
pour l’environnement. D’autre part, la station a décidé de restaurer son image auprès du
52
grand public en utilisant des enneigeurs moins polluants que ceux utilisés par le passé,
qui utilisaient un composant chimique. Depuis quelques années, la station s’est équipée
de nouveaux appareils fonctionnant uniquement avec de l’eau et de l’air. L’équipement en
matériels moins polluants et plus respectueux de la nature permet à la station d’éviter et de
limiter les risques environnementaux.
49
Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement.
50
Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques
d’Avoriaz.
51
52
Engins de Damage : Véhicules sur chenilles spécialement fait pour re-surfacer la neige des pistes de ski.
Enneigeurs, dispositif permettant de fabriquer de la neige artificielle à partir d’eau, d’air et de basse température.
Buttet Amélie - 2009
55
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
D’autres types d’actions sont de nature préventive et visent à agir en amont pour tenter
de limiter l’étendue des dégâts en cas d’incidents. L’ensemble des quatre entreprises sur
lesquelles se base l’analyse disposent de stocks des produits dits plus ou moins chimiques.
Toutes quatre sont dotées, et ce, depuis leur engagement dans la démarche de certification
ISO 14 001, de « bacs récupérateurs » dans lesquels elles stockent les produits afin de
limiter les risques d’éparpillement et d’infiltration en cas fuite : les produits sont récupérés
dans les bacs puisqu’ils ne sont plus stockés à même le sol. Les initiatives développées par
les quatre entreprises illustrent concrètement à la fois le souci de correction et de prévention
qui les guident dans la réalisation quotidienne de leurs activités.
La norme ISO 14 001 revêt un intérêt particulier car il s’agit d’un référentiel au
demeurant réaliste, qui reconnaît qu’une entreprise quelle qu’elle soit, reste une activité
polluante et ne requiert pas l’élimination intégrale de toutes traces de pollutions induites par
le fonctionnement de l’entreprise. L’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) se
53
veut réaliste et non utopiste. Mme l’Hermite , affirme : « on ne va pas arrêter les remontées
mécaniques sous prétexte qu’on est certifié à l’ISO, il y a des choses sur lesquelles on peut
agir, c’est celles qui font l’objet de nos engagement environnementaux, et d’autres pour
lesquelles on ne peut quasiment rien faire, il faut bien que la station continue à exister ».
La maîtrise des coûts environnementaux est mesurée par les audits de suivi auxquels
les entreprises doivent se soumettre régulièrement. En fonction du secteur d’activité, le
délai entre deux audits peut varié de 1 à 3 ans. L’organisme d’audit agrée vérifie que
l’entreprise certifiée réduit ses coûts et ainsi les impacts environnementaux sur lesquels elle
s’est engagée initialement. Afin de conserver sa certification ISO 14 001, l’organisation doit
témoigner d’efforts continus et visibles entre chaque audit réalisé.
La réduction des risques environnementaux génère également un certain nombre de
retombées sur les systèmes de management de la qualité et de la sécurité de l’entreprise,
complémentaires du SME. Les différents systèmes de management: qualité, sécurité et
54
environnement, ne sont pas indépendants les uns des autres mais complémentaires .
Pour illustrer ces synergies, M Rase explique comment le stockage des produits chimiques
dans les conditions spéciales présentées ci-dessus, diminue considérablement le risque de
mauvaise manipulation pour le personnel, de fuites, d’inflammations, etc. Il y a donc une
55
imbrication entre la norme ISO 14001, ISO 9001, et OHSAS 18 001 ; la plupart des actions
mises en place ont un impact à la fois sur la sécurité, la qualité et sur l’environnement, ce
qui concourt à une prise en compte plus complète des risques auxquels l’organisation est
exposée.
L’ensemble des actions mises en œuvre varie selon le type d’activité de l’entreprise.
L’annexe n°1 récapitule la totalité des actions sur lesquelles le domaine skiable des « Gets »
s’est engagé. Pour chaque action, le document présente le détail de sa mise en œuvre, la
date à laquelle elle a été traitée ou sera traitée et enfin, s’il s’agit d’une action ponctuelle
ou d’une action qui perdure.
53
Extrait de l’entretien du 16 février 2009, Mme Emmanuelle LHERMITTE, Responsable QSE, Société des Remontées
Mécaniques des Gets.
54
55
56
Voir Partie 1, III, chapitre sur les Systèmes de Management Intégrés.
ISO 9001 relatif aux systèmes management de la Qualité, OHSAS 18 001 relatif aux systèmes de management de la Sécurité.
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
Action
Détail
Huile
biodégradable
Utilisation d’huile 2002
biodégradable
dans les
dameuses et pour
les compresseurs
de l’usine à neige
Absence
2004
d’adjuvant
Neige de culture
Quand
Action qui
perdure
Action ponctuelle
Le mode de fonctionnement, ici expérimenté dans la station des Gets, en vue d’évaluer
les actions mises en œuvre pour la maîtrise des coûts environnementaux, se retrouve d’une
manière assez similaire dans l’ensemble des entreprises certifiées ISO 14 001 puisque cette
méthodologie permet de visualiser clairement l’état d’avancement de la démarche.
La norme ISO 14 001 permet d’obtenir des résultats significatifs en matière de maîtrise
des coûts environnementaux, mais qu’en est-il de son efficacité par rapport à celle des
instruments traditionnels de régulation environnementale, notamment des instruments
réglementaires ? Sur cette question, les entreprises certifiées ont tendance à opposer d’une
part les instruments de régulation environnementale à caractère volontaire, aux instruments
réglementaires, d’autre part ; avec une nette préférence pour les premiers. L’atout majeur
des instruments volontaires et plus particulièrement de la norme ISO 14 001, réside dans
sa souplesse de mise en œuvre, ce qui séduit particulièrement les entreprises qui ne
56
tarissent pas d’éloges à son sujet. Selon Mme Miclot , l’efficacité de la norme ISO 14 001
par comparaison aux instruments réglementaires n’est pas à prouver puisque le standard
impose le respect de la réglementation comme une exigence minimale. Selon elle, les
entreprises certifiées ISO 14001 « assurent un niveau de protection de l’environnement
qui va bien au-delà de ce que l’exige la réglementation, et c’est justement pour cette
raison qu’on ne peut pas douter de son efficacité en matière de réduction des impacts des
activités de l’entreprise sur l’environnement ». M. Muffat, du domaine skiable d’Avoriaz,
s’inscrit dans la même lignée en insistant sur une différence qui, selon lui, est fondamentale
entre les deux approches, à savoir, que les instruments réglementaires ne témoignent
pas de la préoccupation de l’entreprise pour son environnement, mais constituent une
exigence imposée par les pouvoirs publiques, à laquelle l’ensemble des entreprises doivent
se conformer. Il justifie la plus grande efficacité des approches volontaires parce qu’elles
illustrent la bonne volonté des entreprises de s’engager pour l’environnement, non pas parce
qu’elles sont contraintes de le faire par les autorités, mais en revanche, car elles sont des
entités responsables.
Incontestablement les instruments volontaires de régulation environnementale, bien
que relativement récents, suscitent un véritable engouement de la part des entreprises qui
décident d’y avoir recours. Ces instruments et plus particulièrement la norme ISO 14 001,
sont les témoins d’un engagement croissant des entreprises en faveur de l’environnement et
sont sources d’innovations techniques ou organisationnelles, aux conséquences durables
sur le milieu naturel, ce qui bénéficie à la fois à l’entreprise elle-même, mais également à
l’ensemble de ses parties prenantes.
56
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, responsable QSE, Société Des Eaux Minérales
Evian (groupe Danone)
Buttet Amélie - 2009
57
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
L’évaluation des performances environnementales d’une entreprise certifiée ISO 14
001 est menée principalement par trois instances ou procédures de contrôle. En premier
lieu, la surveillance du système est effectuée par les Responsables Environnement en
charge du SME dans l’organisation ; ils veillent quotidiennement au bon déroulement
des actions mises en œuvre. L’audit externe, réalisé par des sociétés auditrices agréés,
témoigne du niveau de performance environnementale de l’entreprise, c'est-à-dire de
l’atteinte ou non des objectifs qu’elle s’est fixée dans son programme d’action. Enfin, une
troisième catégorie d’instances est en charge de surveiller les entreprises dans leur mode
de fonctionnement, ce sont les organismes publics de réglementation, à l’exemple de la
57
DRIRE , missionnée pour veiller au respect de la réglementation en vigueur.
Les objectifs environnementaux, contrairement au calcul de la contribution du SME à
la réduction des coûts de production, sont rigoureusement analysés, le service en charge
des questions environnementales et plus particulièrement le Responsable Qualité, Sécurité,
Environnement de l’entreprise, surveille et mesure précisément le niveau de performance
58
environnementale atteint grâce aux Tableaux de Bord élaborés par l’organisation ;
l’entreprise qui réussit à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée maîtrise forcément les
conséquences de ses activités sur l’environnement. La relation directe entre la norme
ISO 14001 et la réduction des coûts environnementaux est plus évidente que le lien
précédemment établi entre le référentiel et la réduction des coûts de production.
Même si l’évaluation de la contribution exacte du SME à la réduction des coûts de
l’entreprise demeure imparfaite, notamment pour ce qui concerne le lien entre ISO 14
001 et maîtrise des coûts de production, le SME reste néanmoins un outil de maîtrise
des coûts pour l’entreprise ; aussi bien de maîtrise des coûts de production que des
coûts environnementaux. La maîtrise des coûts de l’entreprise, qu’il s’agisse des coûts de
production ou des coûts environnementaux sont les deux facteurs les plus déterminant dans
le lien entre SME et compétitivité, cependant, d’autres conséquences directement liées à
la mise en place d’un système de management environnemental sont sources d’avantages
compétitifs pour l’entreprise, même s’ils sont moins facilement identifiables.
II. Le SME : un projet fédérateur
La mise en place d’un système de management environnemental est une démarche
consensuelle. Le projet est fédérateur car, basé sur le volontariat, il bénéficie d’une
part d’un accueil largement favorable auprès des différentes autorités publiques qui
apprécient l’engagement d’entreprises responsables, d’autre part, il constitue un facteur
d’intégration interne, puisqu’il fédère l’ensemble du personnel autour d’un projet commun :
l’environnement. La norme ISO 14 001 est outil de consensus créé par l’Organisation
Internationale de Normalisation, organisme légitime dont la mission d’élaboration des
normes est reconnue internationalement depuis 1947.
A. La réaction des autorités à la mise en place d’un système de
management environnemental
57
58
58
Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement.
Outil de gestion prévisionnelle
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
La certification ISO 14001 dépasse le caractère purement contraignant de la protection
de l’environnement, au profit d’une approche basée sur le volontariat et la collaboration
entre « anciens ennemis ». Il s’agit d’un mode de régulation dit « doux », dans lequel il
n’existe pas de rapport de force entre entreprises et administrations publiques. Dans le
cadre de la mise en place de la norme ISO 14 001, le rôle de l’Etat se limite généralement
à l’accréditation des organismes certificateurs. Le ministère de l’Ecologie, de l’Energie,
du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire encourage les entreprises
à adopter un système de management environnemental, en considérant que la prise en
charge, par les entreprises, des problèmes environnementaux qui les concernent, est un
progrès essentiel pour la nécessaire protection de l’environnement. Une entreprise qui
formalise sa politique en matière environnementale est un partenaire préoccupé par ses
obligations alors même que les pouvoirs publics exercent une forte pression normative
et fiscale, surtout sur les entreprises appartenant au secteur industriel. Le respect de
la réglementation constitue un coût important à supporter, même si, depuis quelques
années, la pression réglementaire n’est plus vécue comme une contrainte mais comme
une opportunité de développement économique. La mise en place d’un système de
management environnemental permet de dégager des avantages d’ordre économique et
financier, tout en répondant aux exigences des pouvoirs publics.
Les entreprises engagées dans ce type de démarche font preuve de sérieux et
de responsabilité. En intégrant le facteur environnemental dans son mode de gestion,
l’entreprise certifiée est un interlocuteur privilégié de la puissance publique et de ses divers
organismes s’intéressant au respect et à la protection de l’environnement : l’Etat central,
les Collectivités Locales, la DIRE, etc. Une entreprise se certifiant à la norme ISO 14 001
affiche son souci de prendre en compte les contraintes environnementales et bénéficie
ainsi de meilleures relations avec les pouvoirs publics qui la contrôlent. Nombre d’entre
elles ont témoigné des avantages qui découlent de ces nouvelles relations harmonieuses
avec l’administration : autorisation d’extension de leur site obtenue plus facilement,
obtention d’un marché public grâce à la certification ISO, participation à l’élaboration de
projets municipaux… L’administration publique française est satisfaite de pouvoir disposer
désormais d’interlocuteurs compétents, avec lesquels elle s’est parfois trouvée en conflit
par le passé.
La certification à la norme ISO 14 001 exige au minimum le respect des réglementations
en vigueur en matière de protection environnementale ; les textes réglementaires variant
en fonction du secteur d’activité de l’entreprise, de sa taille, et des ressources utilisées.
L’étape de « l’analyse environnementale initiale » des activités demande à l’entreprise de
faire le bilan des normes en vigueur et de détecter, le cas échéant, les non conformités
réglementaires qui subsistent. L’article 4.2 de la norme ISO 14 001, contient pour exigence:
« la direction (…) doit définir la politique environnementale de l’organisme et s’assurer
qu’elle comporte un engagement de conformité à la réglementation environnementale
applicable ». Le paragraphe 4.3.2 du référentiels relatif aux exigences légales insiste plus
particulièrement sur la connaissance des exigences réglementaires.
L’industrie chimique est un des secteurs d’activités dans lesquels la réglementation
59
et les contrôles sont les plus stricts. Jean Michel Rase , souligne le caractère déjà très
contraignant de la législation qui s’appliquait à l’entreprise : « les normes sont nombreuses
et très évolutives, ce qui rend très fastidieux le travail du Service Qualité, Sécurité,
Environnement, d’autant plus que les contrôles sont fréquents ». L’entreprise papetière,
59
Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman,
Groupe Bolloré
Buttet Amélie - 2009
59
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
pourtant très polluante, entretient de bons rapports avec la DRIRE, institution considérée
comme la « police de l’environnement » auprès des établissements industriels. La société
recevant les visites d’un inspecteur en moyenne 3 à 4 fois par an afin de s’assurer
de la bonne application des textes réglementaires, M Rase observe un changement de
comportement des inspecteurs mandatés depuis que le groupe s’est engagé dans une
démarche de certification ISO 14 001. Il explique que la norme ISO 14 001, tout comme
son homologue en management de la qualité, ISO 9001, sont preuves de sérieux et
de responsabilité des entreprises. Dans le cadre du groupe Bolloré, auquel la papeterie
appartient, le système de management environnemental mis en place encourage à aller audelà de la réglementation applicable, et ainsi de l’anticiper. Un tel comportement est perçu
comme un facteur de confiance par les divers organismes en charge des contrôles.
D’autres entreprises, parmi elles, la Société des Eaux Minérales d’Evian, font figures
60
d’avant-gardistes aux yeux des organismes publics de réglementation. Mme Miclot
explique que la DRIRE travaille de concert avec la société Danone puisqu’il est parmi l’un
des groupes industriels français les plus préoccupés des questions environnementales ;
les expériences, aussi innovantes qu’originales, mises en place au sein de la société font
l’objet d’études complémentaires par ces organismes. Les entreprises certifiées ISO 14 001
constituent des modèles en matière de gestion de l’environnement et d’innovation.
Les entreprises qui s’engagent à aller au-delà de ce que la réglementation exige en
matière de protection de l’environnement bénéficient d’une plus grande crédibilité que celles
qui s’en tiennent à son simple respect minimum ; il en découle de meilleures relations avec
l’ensemble des pouvoirs publics chargés de veiller au respect de la réglementation qu’ils
soient nationaux ou internationaux. Il s’agit d’une nouvelle étape dans le fonctionnement
de l’action publique qui n’est plus réglementaire ou coercitive mais incitative. Doudia
Bougherara, Gilles Grolleau et Luc Thiébaut, dans un article publié dans la Revue
61
Innovations , montre que depuis 20 ans, le libéralisme économique dans de nombreux
domaines, se substitue à l’interventionnisme étatique ; l’Etat n’est plus le seul agent
légitime pour gérer l’environnement et négocier avec ses homologues, il accepte aujourd’hui
de partager ce rôle avec d’autres partenaires directement concernés par les questions
environnementales, tout spécialement, avec les entreprises, de plus en plus impliquées.
Ainsi, les instruments des politiques publiques de l’environnement (réglementation,
incitations économiques…) sont de plus en plus complexifiés et perfectionnés, l’innovation
majeure demeure leur combinaison avec les démarches des acteurs privés. Les questions
environnementales ne peuvent pas être résolues unilatéralement, les Etats ont pris
conscience que seule la participation de toutes les parties prenantes, c'est-à-dire de tous
les acteurs, qu’ils soient individuels ou collectifs, est une garantie à l’obtention d’avancées
significatives en matière de régulation environnementale.
Les approches basées sur le volontariat des entreprises bénéficient d’une
reconnaissance supplémentaire car elles témoignent de la prise en compte de
l’ensemble des partie prenantes, desquelles les pouvoirs publics sont les représentants.
L’administration française considère que les systèmes management environnemental sont
des dispositifs permettant de réconcilier les actions volontaires et les actions réglementaires
en matière de protection de l’environnement, autrefois antagonistes. Les SME élaborés
grâce à la mise en œuvre de la norme ISO 14 001, assurent le strict respect des règles
60
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des Eaux
Minérales D’Evian, Groupe Danone.
61
Bougherara D, Grolleau G, Thiébaut L, Economie et environnement. Gestion et environnement : anatomie d’une relation,
INNOVATIONS, 2004/2, n°20, p. 217-234
60
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
imposées par les instances publiques, tout en fournissant un cadre strict aux entreprises
pour poursuivre les efforts accomplis. Du reste, le référentiel ISO 14 001 jouit d’une large
légitimité auprès des Etats puisque ces derniers participent, par le biais de délégations de
représentants, aux travaux d’élaboration et aux procédures d’adoption des standards.
Les pouvoirs publics accueillent très favorablement la certification ISO 14 001. Il
s’agit bien d’une démarche consensuelle et fédératrice reconsidérant les rapports souvent
conflictuels entre les pouvoirs publics et les entreprises. L’engagement d’une entreprise
dans la certification est perçu comme preuve de bonne volonté de cette dernière ;
comportement reconnu et valorisé par les pouvoirs publics, dont l’entreprise tire avantage
dans son mode de fonctionnement quotidien. L’entreprise certifiée est en harmonie avec
son environnement, le déroulement de son activité est facilité puisque le rapport entre
l’entreprise et les interlocuteurs représentants des pouvoirs publics, présents dans de
nombreuses transactions, est plus favorable. L’entreprise économise un certain nombre
de coûts de transactions liés à l’échange, notamment ceux qui constituent les coûts de
négociation avec les partenaires publics. En ce sens, l’entreprise bénéficie des avantages
liés à la mise en place d’un SME, ce qui contribue ici encore à améliorer sa compétitivité
puisque les relations de l’entreprise avec les organismes publics, , ne viennent pas entraver
son activité.
Outre les relations pérennes construites avec les interlocuteurs externes à l’entreprise,
la mise en place d’un Système de Management Environnemental constitue également un
dispositif consensuel et intégrateur interne à l’entreprise.
B. Le système de management environnemental comme facteur
d’intégration du personnel
Dans le processus de mise en œuvre d’un SME, la Direction Générale constitue le
« carburant » de la démarche ; le texte de la norme ISO 14001 insiste, à plusieurs reprises,
sur le rôle clé de la Direction. Plusieurs tâches lui sont attribuées, elle doit « définir la politique
environnementale », « s’assurer de la disponibilité des ressources indispensables »,
62
« fournir des informations sur le résultat des audits » … Les responsabilités qui lui sont
assignées sont importantes, son degré d’implication détermine le succès ou non de la
démarche. La Direction se doit de travailler et de collaborer avec l’ensemble des services
de l’organisme. L’engagement de l’entreprise dans un processus de SME nécessite une
implication de tous les salariés, quel que soit le poste qu’ils occupent. La sensibilisation et
la formation au fonctionnement du système de management environnemental concerne de
manière semblable les services de production, les services commerciaux ou administratifs
ainsi que les ressources humaines.
L’engagement de l’entreprise dans une démarche de certification en ISO 14 001 fait
l’objet d’un accueil très positif de la part des ses salariés puisqu’il s’agit de mettre en
place un projet commun fédérant l’ensemble du personnel. Afin d’impliquer au mieux les
salariés dans la démarche, l’entreprise instaure de nombreux dispositifs de sensibilisation
et de formation. A plusieurs reprises, le texte de la norme fait référence à la nécessité de
63
la formation . Elle exige tout d’abord que les « compétences », doivent s’appliquer « à
toute(s) personne(s) exécutant une tâche pour l’organisme ou pour son compte », tâche
occasionnant des conséquences environnementales significatives. L’exigence s’applique
62
Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.1, alinéa 3 : « Rôles, Responsabilités et Autorité »
63
Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.2 : « Compétence, Formation et Sensibilisation »
Buttet Amélie - 2009
61
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
de manière égale au personnel, aux sous-traitants, aux fournisseurs et aux clients de
64
l’organisation. En outre, la norme ISO 14001, dans sa version révisée de 2004 , précise
le contenu des notions de « sensibilisation » et de « formation ». La sensibilisation touche
au fait de « donner conscience de… » ; le référentiel exige que toutes les personnes
travaillant pour l’entreprise ou pour son compte soient sensibilisées à… , la formation exige
de l’organisation d’être capable de « prouver la compétence » de toutes les personnes
exécutant une tâche ayant un impact sur l’environnement.
Il existe de nombreux vecteurs supports de la formation et de la sensibilisation ; ils
constituent les processus de communication interne. Les témoignages des entreprises
interrogées soulignent la récurrence de certains dispositifs, parmi eux, les groupes de
travail, l’implication du personnel dans la rédaction des consignes ou des instructions
environnementales, les séances de communication collectives, l’utilisation de supports
de sensibilisation (vidéos, films, CD-rom…), la mise en œuvre de jeux ludiques, la
transmission d’informations écrites lors de l’embauche, les démarche de « suggestions
environnementales », la création de points de rencontre, les conférences et les débats. Cette
liste est une synthèse des moyens de communication internes présents dans les quatre
sociétés soumises à l’analyse.
L’engagement de l’ensemble du personnel dans le processus de certification crée
une dynamique motivante et fédératrice, renforçant la cohésion du groupe. Emmanuelle
65
Lhermite , responsable du service QSE dans la station des Gets, précise que la
participation de l’ensemble du personnel se concrétise dès le début de la démarche,
pendant « l’analyse environnementale initiale ». Cette étape consiste à faire le recensement
de l’ensemble des activités de l’entreprise afin de pouvoir en déduire leur impact
66
environnemental . Cette analyse ne peut pas être menée sans le concours de la totalité
des salariés qui sont chargés de d’établir la liste de l’ensemble de leurs activités ainsi que
l’impact de celles-ci sur l’environnement. Mme Lhermite souligne que la participation de
tous est nécessaire puisque « personne dans l’entreprise n’est capable de procéder à une
liste exhaustive de l’ensemble des activités et chaque individu est le mieux placé pour
parler de son poste ». Par la suite de la démarche, l’implication du personnel du domaine
skiable demeure, puisque chacun dispose d’une fiche de poste « revue et corrigée » à
la lumière du SME ; elle contient désormais des points relatifs à l’environnement afin que
le personnel s’implique quotidiennement. Les autres entreprises rencontrées ont suivi la
même démarche.
Les services QSE sont en charge du déploiement de la démarche au sein de
l’entreprise ; l’implication de l’ensemble du personnel dans le processus d’amélioration
continue est une des conditions qui déterminent la réussite du projet. Le personnel est plus
responsable dans son rapport à l’entreprise, il contribue directement et individuellement au
fonctionnement du système de management environnemental.
Dans certaines entreprises, le SME est un déterminant à la création d’une véritable
culture d’entreprise, définie comme l’ensemble des règles, des coutumes, des préférences
et des croyances qui lui sont propres. La culture d’entreprise est formée de tout ce qui
constitue l’histoire et le quotidien de l’organisation. Dans cette perspective, le management
environnemental et plus particulièrement la protection de l’environnement est perçu comme
64
65
Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.2 : « Compétence, Formation et Sensibilisation », version révisée de 2004
Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermitte, Responsable QSE, Société des Remontées
Mécaniques des Gets.
66
62
Voir p. Partie 1, chap II, Etape n°1 du SME : l’Analyse Environnementale Initiale p. 19
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
un enjeu managérial pour la Direction. Le personnel, ainsi fédéré par un projet commun, fait
preuve d’une plus grande motivation dans son travail s’il reconnaît la portée et l’intérêt de la
démarche. De plus, la réduction des risques environnementaux induits par la mise en place
d’un SME, améliore les conditions générales de travail du personnel, qui se sent davantage
considéré dans une entreprise responsable.
L’ensemble des entreprises qui ont accepté de contribuer à la réalisation de cette
analyse insistent sur l’accueil favorable que les salariés ont réservé au SME. Monsieur
67
Rase précise, « chez Bolloré, l’effort de formation du personnel sur le respect de
l’environnement est constant et quotidien ». Selon lui, les salariés du groupe ne perçoivent
pas le SME comme une contrainte dans leur activité mais davantage comme une
opportunité de bénéficier de conditions de travail plus saines. De même, Monsieur
68
Muffat , lorsqu’il parle du cas de son entreprise, ajoute un élément supplémentaire ;
selon lui, le personnel est essentiellement constitué de personnalités locales, fortement
attachées à la conservation des richesses du milieu sur lequel s’étend leur activité.
Il relève de la responsabilité du service Qualité, Sécurité, Environnement de mener
à bien les opérations de sensibilisation et de formation du personnel. Brunot Muffat
précise : « les efforts sont quotidiens », son rôle principal, en tant que responsable
QSE, est d’expliquer et de convaincre le personnel sur l’intérêt du SME. Monsieur Muffat
a choisi de sensibiliser le personnel par les images, les jeux, la plaisanterie ; selon
le responsable, ces méthodes « intéressent davantage les salariés que les longs et
interminables discours sur l’environnement». Ci-dessous est présenté un exemple d’outil
de sensibilisation à l’environnement contenu dans un livret d’accueil destiné au personnel
de la station en début de saison.
Dans les différents locaux dont dispose le domaine skiable, la sensibilisation est
omniprésente, elle passe par des affiches humoristiques, des photos, des schémas… De
plus, l’ensemble du personnel de la station reçoit chaque mois un journal : « Pistes Noires »,
67
Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman,
Groupe Bolloré
68
Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz
Buttet Amélie - 2009
63
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
dans lequel le service Environnement rédige systématiquement une chronique relative à
69
l’environnement intitulée « Du côté de l’environnement » .
La méthodologie de la norme ISO 14 001, favorise le développement d’une logique
d’apprentissage sur le thème de l’environnement, s’articulant autour d’une redéfinition des
compétences clés de l’entreprise. En effet, les salariés sont souvent les mieux placés pour
comprendre les problèmes environnementaux propres à l’entreprise et trouver des solutions
adéquates et adaptées à son fonctionnement. La maîtrise des enjeux environnementaux
n’appelle pas la mise en place de solutions universelles ; chaque entité qui s’engage dans
la démarche doit pouvoir disposer d’un « noyau de compétences » capable de répondre
d’une manière appropriée aux enjeux environnementaux spécifiques auxquels elle est
confrontée. Les systèmes de management environnemental expérimentent de nouveaux
procédés peu standardisés, nécessitant une adaptation continuelle et un apprentissage
des pratiques sur mesure par le personnel de l’entreprise ; un effort constant de formation
est mené auprès de l’ensemble des opérateurs. Le mode d’organisation de l’ensemble de
l’entreprise est remis en question par les exigences de la norme ISO, chaque personne
voit son activité directement transformée par le programme d’action mis en œuvre, chacun
développe une capacité d’innovation et prend conscience du rôle qu’il joue au sein de
l’organisation. Thomas Reverdy, maître de Conférences et spécialiste universitaire des
70
questions management environnemental , explique que la division du travail crée une
dépendance du Service Environnement vis-à-vis des autres métiers de l’entreprise ; le
Responsable Environnement a besoin de leurs expériences, de leurs compétences et de
leur participation active pour évaluer la situation et rechercher des solutions. Selon lui, le
Responsable désigné du SME doit être en mesure de mobiliser l’ensemble des opérateurs
de l’entreprise puisque c’est la réussite de la démarche qui en dépend. Les responsables
des entreprises visitées avouent que tout le personnel n’adhère pas spontanément à
la mise en place du SME ; M Muffat explique que les entreprises sont confrontés à
certaines résistances de la part des salariés, notamment avec le personnel intérimaire
non destiné à rester dans l’organisation ; la rotation du personnel est une entrave à la
participation volontaire et effective de tous au SME. En outre, le degré d’adhésion est
déterminé par la taille de l’entreprise, plus elle compte de personnel et moins la démarche
est consensuelle. Thomas Reverdy reconnaît que même si l’adhésion et la participation de
l’ensemble des salariés à la norme ISO 14 001 peut être difficile à obtenir au sein d’une
entreprise, le SME n’en demeure pas moins un facteur d’intégration du personnel à l’origine
des phénomènes « d’apprentissages croisés ». Selon lui, le SME donne naissance à un
processus d’apprentissage réciproque puisque d’une part, le Responsable Environnement
pénètre les savoirs techniques par l’étude des activités quotidiennes des opérateurs, d’autre
part, les opérateurs accèdent aux enjeux environnementaux qu’ils les intègrent de manière
individuelle et autonome dans la réalisation de leurs tâches. Toutes les personnes qui
composent l’entreprise entrent dans une dynamique d’apprentissage ou d’enrichissement
de leurs compétences.
Le SME comme outil d’intégration et de participation du personnel produit un impact
évident sur la situation économique de l’entreprise : les salariés plus intégrés sont plus
fidélisés à leur entreprise et ainsi plus productifs. Nombreux modèles théoriques insistent
sur le lien entre satisfaction et performance au travail ; le sentiment de satisfaction étant
fonction de la relation perçue entre ce que l’individu veut retirer de son travail et ce que son
69
70
Voir Annexe 2, Journal « Pistes Noires »
Reverdy Thomas, Management environnemental et Dynamique d’apprentissage, Revue Française de Gestion, 2005/5, n
° 158, p.187-205
64
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
travail lui offre. La mise en place du SME requiert la participation de l’ensemble des salariés à
sa réalisation, l’individu satisfait de contribuer au fonctionnement de l’organisation participe
indirectement à l’amélioration de la productivité et donc de la compétitivité de l’entreprise.
La mise en place d’un système de management environnemental comporte une dernière
catégorie d’avantages, destinés à influer sur la performance de l’entreprise : l’opportunité
concurrentielle que constitue la certification ISO 14 001 grâce aux nouveaux débouchés
qu’elle est en mesure d’offrir.
III. La responsabilité environnementale comme source
d’avantage concurrentiel
La mise en œuvre de la certification ISO 14 001 se révèle être un outil marketing efficace
puisque le système de management environnemental permet une valorisation de l’image de
l’entreprise ainsi que de celle de ces produits. En outre, il garantit à l’entreprise des relations
plus pérennes avec les activités économiques parallèles ainsi que l’accès à de nouveaux
marchés. Le SME est outil de valorisation de l’entreprise auprès de l’ensemble des parties
prenantes, source de nouvelles opportunités.
A. Valorisation de l’image de l’entreprise et de ses produits
L’engagement dans une démarche de management environnemental offre à l’entreprise une
double valorisation en terme d’image : une valorisation du produit ou du service offert et une
valorisation de l’image de l’entreprise. Si les conséquences positives d’une bonne réputation
semblent évidentes et largement confirmées empiriquement, il demeure la question de la
construction de la réputation ; dans quelle mesure la communication environnementale
d’une entreprise peut-elle avoir un impact sur sa réputation ?
La valorisation du produit ou du service offert par l’entreprise réside dans le fait que le
produit ou le service de l’entreprise est considéré comme de « meilleure qualité » et donc
plus fiable. Il suscite davantage l’envie d’être consommé par rapport au produit d’une autre
entreprise qui ne bénéficierait pas de la certification.
La valorisation de l’image de l’entreprise signifie que l’ensemble des parties prenantes
apprécie son comportement éthique et civique. La retombée en terme d’image n’est pas
à négliger car elle constitue un élément explicatif de la compétitivité des entreprises. La
mise en place d’une politique de développement durable aide à promouvoir l’image de
l’entreprise.
En plus d’être attentive aux évolutions du marché, les sociétés doivent également
prendre en compte les attentes des consommateurs en matière de développement durable.
L’entreprise se doit d’évaluer les contraintes et les opportunités qui découlent d’une telle
politique et être capable de gérer le risque environnemental, sous peine de subir la sanction
de l’opinion. Cette nouvelle contrainte est appelée « risque éthique » ; l’opinion s’émeut
plus facilement et devient plus sensible sur certains sujets car, elle est influencée par
des groupes de pressions disposant d’une forte capacité de mobilisation et de conviction
(boycotts, blocages, mobilisations…). L’entreprise moderne qui veut rester compétitive doit
apprendre à gérer ce risque. Elle ne peut pas se contenter de satisfaire les seuls besoins
matériels des individus, elle doit aussi veiller au respect des besoins dits « secondaires ».
Buttet Amélie - 2009
65
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Les différents besoins des individus peuvent s’analyser par a référence à la pyramide des
71
besoins d’Abraham Maslow .
Source : www.er.uquam.ca
A la base de la pyramide, Maslow place les besoins de survie (se nourrir, se vêtir, se
loger…) auxquels le marché répond automatiquement par l’emploi, ensuite et seulement
une fois satisfaits ces premiers besoins, émergent d’autres besoins dits secondaires.
Maslow identifie 4 niveaux de besoins secondaires. On trouve les besoins de sécurité,
les besoins d’appartenance, les besoins d’estime, enfin les besoins d’accomplissement
personnel. Il s’agit de besoins dits qualitatifs, ressentis essentiellement dans les pays
développés. En règle générale, ces besoins ne sont pas satisfaits par le marché, cependant,
l’entreprise se doit de les prendre en compte, sous peine de se voir « sanctionner »
symboliquement. La protection de l’environnement ou sensibilité environnementale est
présente chez un nombre croissant de personnes. Ce « besoin environnemental »
appartient aux catégories de besoins secondaires définis par Maslow.
L’entreprise qui s’engage dans une démarche environnementale bénéficie d’un
avantage considérable en terme d’image, les informations publiées sur son comportement
environnemental constituent des signaux qui auront un impact sur la réputation de
l’entreprise ou de ses produits. La communication est un mécanisme institutionnel
permettant à l’organisation d’émettre des signaux de conformité à destination de ses
parties prenantes, elle l’utilise pour influencer les perceptions. Le contexte actuel tend à
introduire des valeurs éthiques et sociales dans l’économie ; l’entreprise doit apprendre
à gérer son image de marque car elle constitue un élément clé de sa performance. Les
consommateurs sont de plus en plus soupçonneux vis-à-vis des entreprises et de leurs
produits, en dramatisant le risque en matière d’environnement, les réactions sont souvent
disproportionnées, c’est le phénomène d’amplification sociale du risque. La mise en œuvre
71
66
Abraham Maslow, psychologue célèbre connu pour ses travaux sur l’explication de la motivation par la hiérarchie des besoins.
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
d’un système de management environnemental permet d’attester de la responsabilité des
entreprises et pose les bases d’une réconciliation sociétale.
La gestion stratégique des parties prenantes par des processus de communications
externes est un moyen à disposition de l’entreprise lui permettant d’améliorer sa
performance. L’entreprise cherche sans cesse à communiquer et à convaincre les acteurs
72
clés car elle n’échappe pas à la médiatisation. Paul de Backer , dans son ouvrage « Le
management Vert », affirme que « Communiquer, convaincre, et expliquer est devenu aussi
important que faire, produire, réaliser ». Les entreprises développent une sensibilité aux
médias grand public toujours plus soupçonneux quant au respect de l’environnement par
ces dernières ainsi qu’aux groupes de pression qui l’identifient comme l’ennemi public,
responsable de l’ensemble des dégâts environnementaux. Avec la mise en place d’un
système de management environnemental, l’entreprise apprend à gérer sa communication
externe pour véhiculer un ensemble de symboles positifs à son égard et convaincre ainsi
les médias et les groupes de pression de sa responsabilité vis-à-vis des parties prenantes
à son activité.
L’ensemble des entreprises analysées dans cette étude tentent de communiquer sur
leur certification ISO 14 001. A ce titre, l’entreprise Papeteries du Léman organise des
« journées portes ouvertes », rédige des articles de journaux à destination de la presse
locale ou des magazines spécialisés… ; les Stations de ski des Gêts et d’Avoriaz mettent en
73
évidence le logo de certification afin qu’il soit visible pour le public. M. Muffat , responsable
QSE de la station d’Avoriaz souligne l’intérêt de rendre la certification visible car c’est un
des critères les plus sollicités par les tour-opérateurs. La clientèle étrangère des stations
de sports d’hiver est de plus en plus sensible à l’environnement et privilégie les stations
engagées. Il affirme : « il devenait nécessaire pour Avoriaz de franchir le cap parce que la
démarche environnementale devient un outil marketing pour attirer une certaine clientèle
dans notre station, plutôt que dans une autre». Le SME offre un avantage commercial
aux entreprises certifiées par rapport à leurs autres concurrents qui ne le sont pas. A titre
d’exemple, le tour-opérateur Pierre & Vacances, bien implanté dans la station, encourage les
séjours à Avoriaz plutôt que dans d’autres stations, du fait de la certification en ISO 14 001.
Selon la Direction du groupe, « le tourisme peut avoir de fortes conséquences sur le milieu
naturel c’est pourquoi tout opérateur touristique doit inscrire sa stratégie dans une démarche
74
de développement durable et maîtriser l’ensemble de ces transferts de population ». Le
prestataire touristique apprécie la démarche de la station et l’encourage dans sa démarche
en collaborant avec elle sur le mise en place de nouveaux projets.
Déborah Philippe et Rodolphe Durand, deux enseignants à HEC Paris, réalisent une
75
étude sur le lien entre communication environnementale et réputation de l’organisation .
Ils montrent que dans le cadre de la performance environnementale, la communication
devient cruciale pour deux raisons : « d’une part, cette performance repose dans une large
mesure sur l’habileté d’une organisation à gérer ses interactions avec son environnement
institutionnel et donc à établir un dialogue avec ses parties prenantes, d’autre part, il
est souvent difficile pour les parties prenantes de l’organisation d’évaluer précisément sa
performance environnementale, et celles-ci dépendent donc largement des informations
72
73
74
75
Paul de Backer, Le management vert, Paris, Dunod, 1992, 265 p.
Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz
Extrait tiré de l’acte d’engagement de Pierre et Vacances aux cotés du WWF,
www.pierreetvacances.com
Philippe D, Durand R, Communication environnementale et réputation de l’organisation, Revue Française de Gestion, 2009/4,
n°194, p.45-63
Buttet Amélie - 2009
67
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
publiées par l’organisation pour se former une opinion quant à la qualité intrinsèque de ses
actions ». L’entreprise capable d’envoyer des signaux sur ses initiatives environnementales
construit, maintient et renforce sa réputation, la communication environnementale en tant
que signal indiquant que le comportement de l’organisation est socialement acceptable et
approprié, conduit à l’amélioration de la réputation de l’organisation. L’envoi de signaux
passe par la publicité à destination du public, des campagnes d’affichages, les sites
76
Internet… Mme Miclot explique que, depuis quelque années, le groupe Danone recentre
ses activité sur des produits sains pour la santé et s’engage considérablement pour
l’environnement. Cet engagement fait l’objet de campagnes de publicités à destination
des consommateurs, à la télévision les spots télévisés témoignent de l’engagement de
l’entreprise, sur le produit il est rappelé aux consommateurs qu’ils se doivent de trier leurs
déchets afin d’accompagner l’entreprise dans sa démarche.
Extrait de l’étiquette d’une bouteille d’Eau Minérale Evian 1,5L
L’ensemble des initiatives prises par le groupe semblent porteuses puisque le groupe
Danone dispose d’une bonne réputation environnementale auprès des consommateurs,
réputation que l’ensemble des entreprises du groupe s’attachent à surveiller par la
réalisation régulière d’enquêtes sur l’image de la société auprès des consommateurs.
Le comportement environnemental revêt un aspect très stratégique pour les
entreprises qui communiquent sur leurs initiatives, la communication environnementale
d’une organisation a un impact direct sur sa réputation puisque les parties prenantes sont
quasiment exclusivement dépendantes des informations communiquées par l’organisation
pour évaluer sa performance environnementale. La communication environnementale
exerce une influence dans la manière dont l’organisation est perçue par ses diverses parties
prenantes, la réputation se construit en fonction de la nature et de la visibilité des messages
émis. Cependant, la réputation est un concept multidimensionnel, dont la composante
environnementale ne fait que contribuer à l’image globale de l’entreprise ; il s’agit d’un
facteur de différenciation de l’entreprise par rapport à ses concurrents non engagés dans
des démarches de management environnemental, mais qui ne suffit pas, à elle seule, à
déterminer la réputation d’une organisation.
Du point de vue du monde financier, excellence environnementale et qualité du
management sont de plus en plus associées. D'autre part, adopter une démarche proactive à l'égard de l'environnement réduit considérablement certains risques immédiats ou
différés dont les conséquences financières peuvent être très importantes pour l'entreprise.
Le facteur environnemental est de plus en plus pris en considération par les investisseurs ;
76
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des Eaux
Minérales D’Evian, Groupe Danone.
68
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
en témoigne le développement des SICAV investissant dans des titres d'entreprises
particulièrement performantes du point de vue de l'environnement. La valorisation de
l’image de l’entreprise ainsi que de ses produits ne s’opère pas uniquement au niveau des
consommateurs mais touche également les activités parallèles.
B. Des relations pérennes construites avec les activités parallèles
L’environnement est considéré comme un bien public, il concerne l’ensemble de la
population, particuliers ou professionnels. La mise en place d’un système de management
environnemental a nécessairement des répercutions sur les autres entreprises ou activités
qui travaillent de concert avec l’entreprise certifiée, ce sont des externalités positives liées
à la mise en place d’une SME. De nombreux avantages découlent de la certification
d’une entreprise en ISO 14 001, pour ses relations avec ses activités parallèles. Il existe
essentiellement deux raisons pour lesquelles une entreprise accepte de mettre en place un
système de management environnemental afin de maintenir de bonnes relations avec les
activités parallèles.
La première d’entre elle est celle qui veille à répondre aux pressions exercées
par les partenaires avec lesquels elle travaille. L’entreprise Papeteries du Léman
s’est engagée dans la démarche de certification pour plusieurs raisons, parmi elles,
77
une a été déterminante, explique M Rase , « nos entreprises clientes nous ont fait
comprendre implicitement que sans certification ISO 14 001, elles mettraient un terme
à leur collaboration ». L’industrie papetière est une activité hautement polluante et il est
compréhensible que de nombreux efforts soient entrepris afin de revaloriser l’image du
secteur. C’est dans sa globalité que la branche papetière doit agir, par la mise en place
des systèmes de management environnemental, à la fois au sein des papeteries elles
mêmes, chez leurs clients ainsi que chez leurs fournisseurs. Les moyens d’actions doivent
être globaux et les référentiels identiques entre les différentes entreprises afin de favoriser
l’homogénéité entre les entités en relation. En cela, les normes ISO relèvent un intérêt
particulier puisqu’elles sont internationales et transdisciplinaires et peuvent donc s’appliquer
à des entreprises de nature diverse. La pression, ici interne à l’industrie papetière pousse
donc les entreprises à uniformiser leurs efforts afin que l’ensemble du secteur bénéficie
des retombées en matière d’image et de réputation. Dans le cas précis de la société
Papeteries du Léman, la pression n’est pas exercée par les autorités publiques mais par
des entreprises privées, qu’elles soient clientes, fournisseurs, ou donneurs d’ordres, en
imposant à une entreprise partenaire de prendre la voie de la certification sous peine d’être
exclue des transactions futures. L’exemple du secteur papetier n’est pas isolé, déjà en
1999, deux grandes multinationales telles que Ford et Général Motors ont annoncé que
tous leurs sous-traitants à travers le monde devaient dorénavant être certifiés ISO 14 001,
dans un délai de 4 ans. Afin de garder sa place sur le marché, les entreprises concernées
par ces pressions diverses se voient dans l’obligation de mettre en place la certification
ISO 14 001. Ces exemples ne remettent pas entièrement en cause l’aspect volontaire de
l’adoption des systèmes de management environnemental, mais montrent que le volontariat
est rarement dénué de pressions, qu’elles soient d’origine étatique ou privée. La gestion de
l’environnement est un facteur indispensable pour garantir une relation commerciale à long
terme et maintenir un certain niveau d’attractivité et donc de compétitivité. La norme ISO 14
001 est un outil de dialogue renforçant la confiance entre les partenaires.
77
Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman,
Groupe Bolloré
Buttet Amélie - 2009
69
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
L’autre facteur d’incitation à la mise en place d’un SME est la recherche d’accès à de
nouveaux marchés. Certaines entreprises, bien implantées dans un secteur d’activité, font
de la certification ISO 14 001 un élément indispensable pour pouvoir exercer dans le secteur.
Dans ce cas de figure, la norme ISO 14 001 constitue une barrière à l’entrée redoutable, à
laquelle les entreprises sont contraintes d’adhérer si elles souhaitent pénétrer le marché. La
technique de l’instauration de barrières non tarifaires à l’entrée d’un marché constitue une
entrave aux règles de la libre concurrence, sensées être le principe applicable dans tout
secteur d’activité, puisque le principe des barrières à l’entrée consiste à faire obstacle à une
78
79
entreprise qui souhaite s’engager sur un nouveau marché. M Muffat , et Mme Lhermite
témoignent tous deux du chantage exercé par les tour-opérateurs scandinaves auprès des
Stations de ski. Les domaines skiables d’Avoriaz et des Gêts ont été contraints, par la
clientèle scandinave, de mettre en place des systèmes de management environnemental,
témoignant de leur engagement pour de protection de l’environnement. La peur d’être
« boycotté » par cette clientèle a été un argument supplémentaire qui a poussé les deux
Stations à s’engager dans une démarche de certification.
La volonté d’obtenir un avantage concurrentiel sur ses rivaux constitue un facteur de
motivation important à la mise en place d’un SME. Les entreprises communiquent leurs
performances environnementales au marché, pour se différentier de leurs concurrents et/
ou pour proposer un produit aux particularités innovantes. Ces comportements stratégiques
sont une forme de manipulation des standards, plus particulièrement ici de la norme ISO
14 001, avec des intentions sous-jacentes, clairement anti-concurrentielles. L’objectif de
la démarche de management environnemental est ainsi dénaturé puisque le SME devient
un outil utilisé pour désavantager les concurrents éventuels et tirer profit du standard ; il
constitue un outil source d’avantages compétitifs. La norme ISO 14 001 est un outil de
différentiation entre les entreprises, atout considérable pour entrer sur certains marchés.
L’exigence d’engagement dans un processus de management environnemental constitue
un moyen de sélection non formel mis en place par un groupe d’entreprises afin de
sélectionner les entités avec lesquelles elle souhaitent travailler ; il s’agit d’une barrière à
l’entrée qui entrave la libre concurrence.
Outre cette lecture critique explicative des facteurs déterminant l’adhésion d’une
80
entreprise à la norme ISO 14 001, Mme Miclot précise qu’il est du devoir d’une entreprise
certifiée de faire pression sur ses partenaires pour qu’ils s’engagent à leur tour : « il en
va de la cohérence de notre système de management environnemental que nos clients
ou nos fournisseurs soient engagés dans une démarche identique à la nôtre ». Selon
elle, l’intégration de l’ensemble des partenaires concernés dans la démarche de SME
permet à l’entreprise d’aller toujours au-delà de ses objectifs et de servir ainsi la logique
d’amélioration continue. Lorsque toute la chaîne de production (fournisseurs, producteurs,
sous-traitants, clients) est certifiée par un système de management environnemental,
l’ensemble des entités individuellement engagées bénéficient de retombées importantes
pour son propre SME. Mme Miclot soutient que seule cette intégration des systèmes de
management environnemental permet de « tirer tout le monde vers le haut » et ainsi de
réduire potentiellement les coûts de transaction liés à l’activité de production puisque les
78
Extrait de l’entretien du mardi 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques
d’Avoriaz
79
Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable QSE, Société des Remontées
mécaniques des Gets
80
Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des Eaux
Minérales D’Evian, Groupe Danone.
70
Buttet Amélie - 2009
Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de
performance pour l’entreprise.
partenaires, tous dotés de SME, composent avec des méthodes de travail identiques. Loin
d’être un outil d’entrave à la concurrence, l’exigence de la certification dans un secteur
d’activité tend à harmoniser les coûts de production des entreprises et ainsi réduire les
disparités existantes entre celles engagées dans une démarche coûteuse de SME et celles
qui produisent sans prendre en compte les impacts environnementaux de leurs activités.
Lorsque les entreprises appartenant à la même branche ou au même secteur d’activité sont
soumises aux mêmes exigences en matière environnemental, la concurrence est loyale,
même si chaque entreprise conserve ses propres spécificités dans l’élaboration et la mise
en œuvre de son SME. La difficulté majeure réside dans le fait que, en dehors des pressions
exercées par les entreprises déjà certifiées, aucune autre instance publique ne contraint
à l’adoption du référentiel afin d’harmoniser un secteur d’activité. Cette caractéristique
est propre aux instruments volontaires de régulation environnementale, qui peinent à se
généraliser puisque les pressions inter-firmes se révèlent parfois inefficaces, et que les
autorités publiques ne sont pas en mesure de rendre leur application obligatoire.
La mise en place d’un système de management environnemental, même si elle est
motivée par la volonté de contribuer à la protection de l’environnement, cache des objectifs
stratégiques sous-jacents. L’entreprise cherche à tirer partie de ce qui, à première vue,
pourrait être ressentie comme une contrainte, et bénéficient directement des nombreux
avantages induits par le SME. L’environnement ne constitue pas un domaine d’action
dans lequel les entreprises agissent de manière désintéressée, un tel opportunisme n’est
toutefois envisageable qu’avec les instruments volontaires de régulation environnementale
qui sont soumis au bon vouloir des entités qui les utilisent.
Buttet Amélie - 2009
71
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Conclusion
La norme ISO 14 001, une solution satisfaisante ?
L’analyse menée ci-dessus permet de rendre compte de la réelle efficacité de la
norme ISO 14 001 et plus généralement des systèmes de management environnemental.
Ils constituent un outil technique à disposition des entreprises qui souhaitent contribuer,
à leur manière, à la protection de l’environnement. La mise en place d’un SME est
un élément de différentiation entre les entreprises, mais également un signal fort à
destination du consommateur, gage du comportement responsable de l’entité concernée.
La compétitivité durable ne se base plus seulement sur le seul aspect financier, mais
doit tenir compte d’autres facteurs d’amélioration tels que le domaine du social et de
l’environnement. Le développement des approches volontaires en matière de régulation
environnementale témoigne de la mutation de l’entreprise, désormais soucieuse de l’intérêt
de ses parties-prenantes et de l’image qu’elle véhicule auprès de l’opinion publique.
Cependant, l’engagement dans une telle démarche est un processus coûteux pour
l’entreprise, ce qui nous amené à penser que l’engouement pour la norme ISO 14 001, n’est
pas dénué d’explications rationnelles. En effet, au terme de l’analyse, principalement basée
sur les théories de l’économie industrielle, l’environnement apparaît comme une opportunité
de développement, le nouveau front sur lequel les entreprises doivent être présentes pour
espérer rester compétitives. Dans un contexte de concurrence forte, la certification à la
norme ISO 14 001 grâce à la mise en place d’un SME est un outil stratégique dont l’objectif
environnemental initial se trouve dénaturé. La logique actionariale persiste et même si
elle coexiste avec les préoccupations environnementales grandissantes, elle demeure la
stratégie principale sur laquelle les entreprises se fondent. Etant par nature un lieu de
création de valeur, elles sont mues par la volonté de produire de la richesse ; rationnelles, les
entreprises cherchent à transformer les contraintes d’ordre environnementale et avantages
d’ordre économique.
Les solutions mises en place afin de réduire les impacts environnementaux peuvent
être forts diverses et impliquer des coûts et des bénéfices très variables en fonction des
politiques mises en œuvre. Cependant, la lecture critique des systèmes de management
environnemental ne doit pas conduire au pessimisme en ce qui concerne le lien entre
environnement et économie. L’élaboration d’un outil tel que le SME vise à concilier au
mieux « environnement » et « économie », sans pour autant y parvenir complètement. A
l’heure actuelle, la relation entre les deux disciplines ne résulte pas d’un échange « gagnantgagnant » car l’environnement semble être encore largement soumis au bon vouloir de
l’activité économique. Néanmoins, cette asymétrie de pouvoir est le seul moyen par lequel
un début de prise de conscience environnementale commence à voir le jour chez les
entreprises. Ces dernières acceptent d’intégrer les contraintes environnementales dans
leur mode de fonctionnement quotidien uniquement si elles perçoivent l’opportunité d’en
obtenir des contre-parties intéressantes. Cette situation, bien qu’insuffisante, est préférable
à une éventuelle passivité des entreprises en matière de protection de l’environnement;
du reste, ce n’est pas parce que les entreprises utilisent les systèmes de management
environnementaux comme un avantage stratégique que les résultats environnementaux
atteints sont nécessairement nuls. Quelle que soit l’utilisation que les entreprises font de
la norme ISO 14 001, l’engagement dans une démarche de certification procure, malgré
72
Buttet Amélie - 2009
Conclusion
tout, un certain nombre de retombées positives sur l’environnement. D’ailleurs, on pourrait
également penser que les systèmes de management environnementaux ne sont pas une
fin en soi mais simplement une étape provisoire et nécessaire vers ce qui constituera
une véritable révolution à venir. L’environnement est actuellement un luxe que seules les
entreprises les plus dotées financièrement sont en mesure de s’offrir ; elles cherchent
donc tout naturellement à exploiter au maximum l’opportunité que l’environnement peut
potentiellement représenter.
Tout comme il existe aujourd’hui un mécanisme de concurrence par les prix entre
les entreprises, l’engouement pour la norme ISO 14 001 laisse espérer de voir se
développer une concurrence entre les entreprises d’un même secteur dans le domaine
de la protection de l’environnement. Le mouvement initié actuellement peur servir de
base au développement d’une véritable compétitivité environnementale qui remplacera
le mécanisme de concurrence actuelle par les prix. L’analyse réalisée permet d’affirmer
que les entreprises, en s’engageant sans cesse davantage pour l’environnement, sont
aux prémices d’une véritable mutation dans leur mode de production de biens ou de
services. Le point positif des approches volontaires de régulation environnementale dont la
norme ISO 14 001 fait partie, c’est qu’elles sont basées sur le volontariat et donc que les
entreprises qui les utilisent peuvent aller toujours plus loin. D’ailleurs, même si les systèmes
de management environnemental s’écartent quelque peu de leur objectif premier, il est
impossible de conclure dores et déjà définitivement sur l’efficacité environnementale de
cet outil, puisque les effets sur les ressources naturelles, qu’ils soient positifs ou négatifs,
ne seront visibles et donc évaluables que sur le long terme. La norme ISO 14 001 est un
dispositif encore trop récent pour pouvoir conclure précisément de son efficacité dans le
temps.
Le système de management environnemental est un instrument particulier en ce
sens qu’il apparaît comme une solution adaptée pour les personnes inexpérimentées ou
novices sur l’environnement effectuant des comparaisons entre les entreprises ; néanmoins,
l’analyse plus précise de son mode de fonctionnement et des actions mises en œuvre par
les entreprises qui ont collaboré à la réalisation de ce mémoire, souligne ses limites et ses
imprécisions. En effet, dans une perspective plus critique, il peut être intéressant d’étudier la
cas de la Société des Eaux Minérales d’Evian, qui se classe parmi les entreprises pionnières
81
les plus engagées en matière de protection de l’environnement. Mme Miclot , présente les
très nombreuses actions mises en œuvre par son entreprise, en insistant sur le fait que,
pour la société Evian, l’environnement est déterminant ; cependant, son discours soulève
un paradoxe : bien que l’engagement environnemental d’Evian soit réel et colossal, l’actuel
mode d’organisation de la production de l’entreprise, basé sur un site de production unique
et des exportations massives à travers le monde, témoigne d’une incohérence considérable
par rapport à son engagement environnemental. De la même manière, la société Papeteries
du Léman, est spécialisée dans la fabrication de papier très fin et très précieux, dont les
conditions nécessaires à son stockage demandent beaucoup d’énergie.
Les actions ou mesures mises en place dans le cadre d’un système de management
environnemental, qu’elles soient d’ordre corrective ou préventive, demeurent largement
insuffisantes du point de vue de la protection de l’environnement et des ressources
naturelles. En terme d’efficacité environnementale, c'est-à-dire la capacité des SME
à réduire considérablement les effets néfastes des activités de l’entreprise sur
l’environnement, la norme ISO 14 001 n’est pas un outil satisfaisant, car l’évaluation
81
Analyse de l’entretien du 17 avril 2009, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société
Anonyme des Eaux Minérales d’Evian, groupe Danone.
Buttet Amélie - 2009
73
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
exacte et concrète de ses effets demeurent flou. En revanche, le système de management
environnemental s’avère être un instrument utile économiquement pour les entreprises,
82
puisqu’ils sont source d’avantages compétitifs. M Quiblier , souligne d’ailleurs les limites
de l’instrument qui, selon lui, envisage de « faire du neuf avec du vieux », c'est-àdire utiliser les structures déjà existantes et les corriger pour limiter les impacts des
activités de l’entreprise sur l’environnement. Selon lui, une solution serait préférable, celle
qui consisterait à repenser l’ensemble des façons de produire, c'est-à-dire remettre en
question les techniques de production actuelles dans leur globalité et non pas de façon
partielle comme le proposent les systèmes de management environnemental et la norme
ISO 14 001. M Quiblier explique : « c’est le management qui est environnemental,
pas l’organisation , les problèmes environnementaux des entreprises ne sont pas pris à
leur source mais en cours de route ». En cela, la prise en compte de l’environnement
par les entreprises dans leur activités quotidiennes, constituera la prochaine « révolution
industrielle ». Encore peu connus en France, l’architecte designer William Mc Donough et
le chimiste allemand Michael Braungart sont deux personnalités de l’écologie industrielle,
83
qui, dans leur ouvrage Cradle to Cradle
proposent une approche qui diffère des
courants traditionnels de l’écologie. Les deux spécialistes défendent une « consommation
intelligente », fondée sur la réutilisation permanente des objets et des matières et
préconisent une empreinte écologique positive qui consiste à penser le produit, dès l’origine
pour lui donner plusieurs vies, et idéalement, le réutiliser à l’infini, y compris pour d’autres
usages que sa fonction initiale. « Cradle to Cradle » signifie « du berceau jusqu’au berceau »,
cette approche s’oppose à celle du « Cradle to Grave », traduite par « du berceau jusqu'à
la tombe » ; elle signifie que rien ne disparaît et que tout doit pouvoir être réutilisé, sans fin.
Selon Mc Donough, cette nouvelle exigence constituera ce qu’il appelle « the New Industrial
Revolution », la prochaine Révolution Industrielle, qui se substituera à l’ancienne basée sur
l’industrialisation et la mécanisation. L’approche « cradle to cradle » préconise de raisonner
par rapport au cycle de vie du produit, sans cesse réutilisé.
82
Extrait de l’entretien du 15 juin 2009, avec M Pierre QUIBLIER, Programme Officer, Chemicals Branch Maison de
l’environnement, Organisation des Nations Unies.
83
William Mc DOHOUGH et Michael BRAUNGART, Cradle to Cradle: Remaking the way we make things, Rodal Press, 2002,
208 p.
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Conclusion
source : www.buycott.eu
Les entreprises ne sont pas les seules entités qui se doivent d’être responsables
environnementalement, elles ne constituent qu’un élément parmi d’autres devant œuvrer
pour la protection de l’environnement. M Quiblier affirme : « ce n’est pas l’environnement
qui est au service de l’économie, ni l’économie qui est au service de l’environnement,
mais l’économie et l’environnement qui sont au service de l’homme », cela signifie que les
entreprises ne sont pas les seules responsables des dommages environnementaux, une
solution satisfaisante du point de vue de l’environnement verra le jour, lorsque, tous les
acteurs concernés (entreprises, Etats, ménages) seront en mesure de prendre conscience
de la responsabilité de chacun dans le processus de dégradation de l’environnement et
d’agir en conséquence.
L’analyse menée révèle toutefois que le mouvement environnemental à l’œuvre
marque les débuts d’un changement structurel ; l’environnement n’est pas une mode
mais un défi majeur auquel l’ensemble de l’humanité est confrontée. Les actions que
les entreprises vont réussir à mettre en œuvre dans les 50 années à venir seront
décisives pour l’avenir de la planète. Quelle que soit la stratégie adoptée pour la protection
de l’environnement, notamment dans le cadre de la mise en place des systèmes de
management environnemental, il est important de les utiliser d’abord et avant tout comme
des moyens pour réduire les impacts sur le milieu naturel et non comme une fin en soi
ou comme des outils de promotion commerciale. La question qui demeure à l’issue de
l’analyse est celle qui cherche à savoir si l’utilisation de la rhétorique environnementale à des
fins stratégiques par des entreprises opportunistes, n’est-elle pas le seul et unique moyen
pour que la dimension environnementale soit prise en compte dans l’ensemble du monde
économique. Cette interrogation sous-tend la thèse en grande partie démontrée dans cette
analyse, à savoir que l’environnement n’intéresse pas directement les entreprises, mais
indirectement, car sous couvert d’un comportement pseudo-responsable, les entreprises
l’utilisent comme un argument stratégique aux effets sur leur compétitivité.
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75
Vers une gestion environnementale des entreprises ?
La norme ISO 14 001 et plus généralement les systèmes de management
environnemental sont une solution satisfaisante car ils permettent aux entreprises de
concilier environnement et économie, et ainsi tenter de faire en sorte qu’une activité
ne se fasse pas au détriment de l’autre. De nombreux avantages, qu’ils soient d’ordre
économique ou environnemental, peuvent être dégagés de la certification ISO 14 001,
cependant, du point de vue de l’efficacité environnementale, les systèmes de management
environnemental présentent de nombreuses limites et ne sont pas entièrement satisfaisants
pour la protection de la planète et des êtres vivants, car l’objectif environnemental premier
de ces instruments se trouve dénaturé par des entreprises obéissant aux lois du marché.
Même si la prise en compte de l’environnement par les entreprises témoignent d’un
changement de comportement de ces dernières, elles continuent malgré tout à tirer profit
de l’environnement. La contradiction majeure dans le rapport frontal entre « économie »
et « environnement » réside dans les fondements mêmes des deux disciplines : alors que
l’économie est soumise à un impératif marchand et financier, l’environnement est un champ
d’action qui doit être exploité d’une manière totalement désintéressée. La norme ISO 14 001
et les systèmes de management environnemental ont le mérite de tenter une réconciliation
entre les deux antagonistes, sans toutefois y parvenir, puisque la logique économique, après
avoir exploité, sans réserve les ressources naturelles mises à disposition gracieusement
par la nature, s’empare également du domaine de la protection de l’environnement, et
tente de transformer cette contrainte en un facteur de compétitivité et de performance pour
les entreprises. Les instruments volontaires de régulation environnementale sont porteurs
d’espoir par rapport aux instruments réglementaires, cependant la plus grande liberté
d’action sur laquelle ils se fondent, est détournée, sans qu’aucune instance légitime soit
en mesure d’intervenir. L’utilisation opportuniste de la protection de l’environnement par les
entreprises semble être la seule possibilité pour que l’environnement et ses ressources
naturelles suscitent l’intérêt des entreprises.
76
Buttet Amélie - 2009
Bibliographie
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BOIRAL Olivier, Environnement et Economie : une relation équivoque, Revue
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MC DONOUGH William, The Next Industrial Revolution, 1998, www.theatlantic.com
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Vers une gestion environnementale des entreprises ?
Annexes
Annexe 1 : Liste des actions environnementales mises
en place par la Société Anonyme des Remontées
Mécaniques des Gets.
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de
Lyon /!\
Annexe 2 : Journal interne « Pistes Noires » de la
Société des Remontées Mécaniques d’Avoriaz.
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de
Lyon /!\
Résumé
La norme ISO 14 001 est un référentiel international attestant de l’engagement d’une
entreprise dans une démarche spécifique de gestion environnementale, communément
appelé « mise en place d’un système de management environnemental » (SME). Bien
que la norme soit en premier lieu un nouvel outil destiné à contribuer à la protection de
l’environnement, dans un contexte de concurrence, sa mise en place cache souvent une
utilisation stratégique du standard ; ainsi dénaturé le SME devient un instrument utilisé
comme une source de compétitivité et de performance pour les entreprises.
Mots clés
Environnement, Entreprises, Management, Performance, Stratégie,
Environnemental, Opportunisme, Concurrence, Développement Durable.
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