Rédigé par BUTTET Amélie Institut d’Etudes Politiques de Lyon Université Lyon 2 4ème année Affaires Publiques Vers une gestion environnementale des entreprises ? La norme ISO 14 001 Séminaire « Entreprises et Société : les grands débats contemporains » Sous la direction de Monsieur Bernard BAUDRY, Maître de Conférences en Sciences Economiques, Université Lyon 2. Mémoire soutenu en septembre 2009 Table des matières Remerciements . . Introduction . . Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable . . I. Du management environnemental aux systèmes de management environnemental . . A. Le management environnemental : la genèse d’un concept . . B. Le système de management environnemental et ses référentiels . . II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place d’un Système de Management Environnemental . . Etape 1 : Analyse environnementale initiale . . Etape 2 : L’élaboration de la politique environnementale . . Etape 3 : Mise en œuvre du programme environnemental . . Etape 4 : Mise en œuvre et fonctionnement du SME . . Etape 5 : Contrôles et mesures correctives . . Etape 6 : La revue de Direction . . III. Logiques des systèmes de management : Amélioration continue et intégration . . A. Le cycle PDCA : Un principe d’amélioration continue déployé et actif . . B. Une évolution nécessaire vers le système de management intégré . . Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique . . I. Les enjeux du système de management environnemental . . A. ISO 14 001 ou l’émergence d’une nouvelle convention . . B. Instruments volontaires de régulation de l’environnement et opportunisme stratégique . . II. L’environnement à quel prix ? . . A. Coûts de mise en place et exclusion par les prix . . B. L’évaluation incertaine des coûts liés au fonctionnement du Système de Management Environnemental . . III. Performance environnementale vs performance globale de l’entreprise . . A. Performances et Entreprises . . B. Le mythe de la performance environnementale ? . . Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. . . I. La maîtrise des coûts liée à une meilleure gestion de l’environnement . . A. De nouvelles méthodes d’organisation comme source de réduction des coûts pour l’entreprise . . B. La maîtrise des coûts environnementaux pour l’entreprise et ses parties prenantes . . II. Le SME : un projet fédérateur . . A. La réaction des autorités à la mise en place d’un système de management environnemental . . B. Le système de management environnemental comme facteur d’intégration du personnel . . III. La responsabilité environnementale comme source d’avantage concurrentiel . . 5 6 14 14 14 17 20 20 21 22 23 25 25 26 26 29 32 32 32 35 39 39 42 44 45 47 51 51 51 55 58 58 61 65 A. Valorisation de l’image de l’entreprise et de ses produits . . B. Des relations pérennes construites avec les activités parallèles . . Conclusion . . Bibliographie . . Ouvrages . . Articles et revues . . Sites Internet . . Articles et Conférences Internet . . Annexes . . Annexe 1 : Liste des actions environnementales mises en place par la Société Anonyme des Remontées Mécaniques des Gets. . . Annexe 2 : Journal interne « Pistes Noires » de la Société des Remontées Mécaniques d’Avoriaz. . . Résumé . . Mots clés . . 65 69 72 77 77 77 78 79 80 80 80 80 80 Remerciements Remerciements Je tiens tout particulièrement à adresser mes remerciements aux personnes et aux entreprises qui ont accepté de me recevoir et de contribuer à l’élaboration de ce mémoire : Madame LHERMITE Emmanuelle, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des Remontées Mécaniques des Gets. Monsieur MUFFAT Bruno, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des Remontées Mécaniques d’Avoriaz. Monsieur RASE Jean-Michel, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré. Madame MICLOT Isabelle, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des Eaux Minérales d’Evian, Groupe Danone. Monsieur QUIBLIER Pierre, Programme Officer, Chemicals Branch, Division of Technology, Industry and Economics, United Nations Environnement Programme. Je tiens également à remercier mon Directeur de Mémoire, Monsieur BAUDRY Bernard, Maître de Conférences en Sciences Economiques à l’Université Lyon 2, pour m’avoir suivie et conseillée dans mes démarches de recherches et de composition de ce mémoire ; ainsi que Madame REVEST Valérie et Monsieur DUBRION Benjamin, pour les enseignements dispensés dans le cadre du séminaire « Entreprises et Société : les grands débats contemporains ». Buttet Amélie - 2009 5 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Introduction Vers une gestion environnementale des entreprises ? Dans un contexte de concurrence accrue, les entreprises sont confrontées à l’émergence de nouveaux défis auxquels elles doivent être en mesure d’apporter une réponse pertinente. L’une des problématiques actuelles et majeures est celle de la prise en compte de l’impact des activités de l’entreprise sur l’environnement naturel ; la protection de l’environnement faisant l’objet de préoccupations croissantes dans les pays occidentaux. Après de nombreuses années de croissance irraisonnée, où l’environnement est perçu comme un simple facteur de production aux ressources inépuisables, les 1 gouvernements nationaux, influencés par les travaux des Conférences Internationales , prennent progressivement conscience de la nécessité de se comporter de manière responsable envers l’environnement. La dégradation des ressources naturelles associée aux activités économiques est un phénomène très ancien, mais qui a pris une ampleur 2 considérable à partir de la Révolution Industrielle . Les entreprises souffrent d’une image négative auprès du public, elles sont perçues comme les véritables responsables des catastrophes écologiques de plus en plus régulières dans les pays industrialisés, l’activité de production de biens ou de services comportant de larges conséquences destructrices sur le milieu naturel. Cependant, l’entreprise est soumise à d’autres pressions que celles qui œuvrent uniquement pour la protection de l’environnement, parmi elles, le besoin de répondre aux exigences des clients ou des consommateurs, la nécessité de réduire ses coûts de production, le devoir de s’assurer un développement durable sur le long terme… Afin de concilier ces différents enjeux, parfois antagonistes, les entreprises établissent une stratégie, c'est-à-dire des choix d’allocation de ressources, mise en œuvre et déclinée par des techniques de management. Le concept de management en entreprise est une technique récente qui constitue l’ensemble des méthodes d’organisation nécessaires au pilotage d’une entité afin d’atteindre les objectifs fixés préalablement lors de la phase d’élaboration de la stratégie. Le management permet à l’entreprise de pouvoir agir et non pas réagir, être acteur de son développement présent et futur dans une perspective de création de valeur à long terme. Historiquement, les méthodes de gestion en entreprise basées sur l’autoritarisme hiérarchique ont cédé la place à des techniques davantage axées sur la participation et la collaboration de l’ensemble du personnel autour d’un projet fédérateur. Henry Fayol, qui, par ses travaux précurseurs, a largement contribué à enrichir la littérature sur le concept moderne de « gestion » ou de « management », distingue 6 catégories ou fonctions principales dans l’entreprise : la fonction de production, la fonction commerciale, la fonction financière, la fonction de sécurité, la fonction comptable et la fonction administrative. Cette dernière fonction, aujourd’hui appelée fonction de direction, intéresse tout particulièrement Fayol puisque, c’est à elle de mettre en œuvre les techniques de management. Selon lui, les dirigeants ne doivent pas se préoccuper uniquement de « commander » et de « contrôler » mais doivent également être en mesure de « prévoir, organiser, coordonner » c’est-à-dire mettre en œuvre des techniques de management. 1 2 Sommet de la Terre de Rio de Janeiro 1992 et Sommet de la Terre de Johannesburg de 2002. ème ème La Révolution Industrielle prend place entre la fin du XIX et le début du XX siècle, elle désigne le passage d’une société à dominante agraire, à une société industrielle. 6 Buttet Amélie - 2009 Introduction L’administration d’une entité, aujourd’hui appelée « management », est un outil nécessaire à la réussite des entreprises. La stratégie vise à résoudre durablement les problématiques auxquelles les entreprises sont confrontées, la déclinaison de la stratégie en actions concrètes ainsi que la surveillance de leur déroulement incombe aux techniques de gestion. Le management s’applique à de nombreux domaines en entreprise, notamment à la gestion de l’environnement, par la mise en place des systèmes de management environnemental ou SME. En matière environnementale, le management est primordial car il existe un certain nombre de normes, de référentiels et d’obligations que les entreprises doivent respecter, ce qui nécessite de disposer d’outils de gestion adaptés. L’environnement apparaît depuis quelques années comme un facteur de production semblable aux autres que l’entreprise doit être en mesure de gérer rationnellement. De la même manière qu’il est conseillé pour une entreprise, d’organiser rationnellement sa production ; l’entreprise en quête de développement, se doit d’organiser et de gérer les impacts de ses activités sur l’environnement. Sur le même principe que l’entreprise établie un système de gestion de la production, il est possible de mettre en place un système de management ou de gestion de l’environnement. Afin d’aider les sociétés à mettre en place ces systèmes de management 3 environnemental, l’Organisation Internationale de Normalisation , en partenariat avec les représentants des secteurs industriels, du monde politique, des gouvernements et des associations environnementales, a élaboré un référentiel de reconnaissance mondiale, la norme « ISO 14 001 relative aux Systèmes de Management Environnemental », qui précise la démarche à suivre et les exigences à remplir pour être reconnu. Les propositions de la norme reproduisent les fondements du management traditionnel énoncés au début du siècle par Fayol : planifier, organiser, diriger, contrôler. La mise en place d’un système de management environnemental ou SME, impose à l’entreprise d’être en mesure d’intégrer l’environnement dans son mode de fonctionnement quotidien et de réduire progressivement les conséquences de ses activités sur l’environnement. La « gestion » constitue une alternative douce à la lutte pour la protection de l’environnement ; le principe au cœur de la démarche ISO étant de maximiser l’utilité des consommateurs actuels et futurs de ressources naturelles, en les préservant contre les modifications nonsouhaitées. Les systèmes de management environnemental offrent une vision ordonnée et mécaniste de l’organisation, capable de trouver une solution adéquate aux problèmes environnementaux auxquels elle est confrontée. Ils s’inscrivent d’ailleurs dans le processus de bureaucratisation et de rationalisation de l’entreprise. Les systèmes de management tels qu’ils sont présentés par la norme ISO 14001, contribuent à une meilleure lisibilité des actions environnementales entreprises. Ces approches de régulation environnementale sont basées sur le principe du volontariat, elles se substituent aux exigences réglementaires vues comme contraignantes car obligatoires. L’intégration de l’environnement dans les pratiques quotidiennes des entreprises est une démarche relativement nouvelle, conséquence directe de la récente vulgarisation et de la démocratisation du concept de Développement Durable. Le Développement Durable est un modèle de croissance élaboré en 1987 grâce aux travaux de la Commission Mondiale 4 sur l’Environnement et le Développement, il est défini par le Rapport Bruntland comme « un développement qui répond au besoin des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Le modèle de développement basé 3 ISO : Organisation Internationale de Normalisation, International Organization for Standardization en anglais, composée de représentants d’organisations nationales de normalisation de 158 pays. 4 Publié en 1987 par la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, il défini la politique nécessaire pour parvenir à un développement durable. Buttet Amélie - 2009 7 Vers une gestion environnementale des entreprises ? sur une croissance durable s’impose et se généralise dans l’ensemble des pays développés depuis 10 ans environ, il constitue la dernière phase du modèle de développement de Walter 5 Rostow , selon lequel l’ensemble des pays suivent des étapes de développement similaires : « toutes les sociétés ont suivi ou vont suivre les mêmes étapes de développement ». La première de ces étapes identifiée par le théoricien Walter Rostow est celle de la « société traditionnelle », dans laquelle l’agriculture est l’activité principale ; elle cède ensuite la place à une seconde étape, celle dite de « pré take-off », qui constitue les conditions préalables et nécessaires au développement économique (découvertes géographiques et techniques). Une fois cette étape achevée, la société est prête pour entrer dans une phase décisive, celle du « décollage » ou « take off » en anglais, dans laquelle l’industrie et les innovations technologiques sont les véritables moteurs de la croissance économique. La dernière étape du modèle de développement de Rostow est celle de la « maturité », le niveau de vie augmentant considérablement, la consommation de masse se généralise ; il s’agit d’une société dans laquelle les besoins essentiels étant satisfaits, la population est à la recherche d’une amélioration qualitative de son mode de vie. Les pressions qui ont poussé à l’élaboration du concept de Développement Durable sont celles d’une société à maturité, sensible à l’environnement ; elles s’inscrivent dans cette dernière phase du modèle de développement. L’exigence de Développement Durable permet aux entreprises de s’inscrire dans une dynamique de création de valeur à long terme, il s’agit pour elles d’être en mesure de s’assurer une croissance de court terme suffisante pour garantir la survie de l’entreprise, tout en intégrant de nouvelles contraintes à son mode de fonctionnement traditionnel basé sur la rentabilité de court terme. Les nouvelles contraintes de Développement Durable sont constituées de trois préoccupations : l’économie, l’écologie et le social. Le référentiel ISO 14001 et plus généralement les systèmes de management environnemental s’inscrivent dans cette démarche et servent principalement l’objectif environnemental ; en tant qu’approches systémiques, elles sont un outil permettant de répondre à l’exigence 6 « agir local, penser global ». Les SME permettent aux entreprises volontaires de contribuer, à leur manière, à la protection de l’environnement. Aujourd’hui la préoccupation de Développement Durable est moteur de la stratégie d’entreprise ; cette exigence est prise en compte au même titre que le sont les exigences d’ordre marketing, commerciale et financière. La contrainte environnementale induite par le concept de Développement Durable est particulièrement déterminante pour les entreprises qui ont progressivement pris conscience de la nécessité de réconcilier l’économie avec l’environnement, les entreprises ayant absolument besoin de l’environnement pour poursuivre leurs activités. Le concept de Développement Durable, principalement sa dimension environnementale, a été largement relayé par les pouvoirs publics des pays industrialisés qui ont favorisé la mise en place des approches réglementaires afin de familiariser la société avec cette nouvelle exigence. Le développement de la réglementation et des exigences environnementales en France, témoigne de l’effort des gouvernements successifs sur les questions environnementales. Cependant, les approches réglementaires de régulation environnementale comportent des limites intrinsèques, basées sur le principe de la contrainte : les exigences demeurent volontairement souples afin de susciter au maximum l’adhésion et la participation des entreprises. En ce sens, les approches réglementaires sont peu pertinentes à analyser ; les entreprises sont tenues de les appliquer strictement et les spécificités propres à leur mise en œuvre ne sont ni reconnues, ni valorisées. En outre, elles constituent une fin en soi, l’entreprise en conformité par rapport à la législation en vigueur a atteint ses 5 6 Walter Rostow est théoricien et économiste américain, il a été Conseillé Spécial du président Johnson dans les années 1960. Formule de René DUBOS au Sommet de la Terre de Stockholm en 1972, extraite du Rapport de la première Conférence des Nations Unies sur l’Environnement, Nous n’avons qu’une terre, René Duvos et Barbara Ward. 8 Buttet Amélie - 2009 Introduction objectifs et cesse d’agir. En revanche, les approches volontaires sont davantage attrayantes car elles ne reposent sur aucune contrainte et sont mises en œuvre librement par les entreprises, en tenant compte de leurs spécificités. Pourtant, les instruments fondés sur le volontariat suscitent également la polémique puisque, n’étant pas obligatoires, ils reposent sur la bonne volonté des entreprises ; leur succès amène donc à s’interroger sur les raisons d’un tel engouement pour les standards volontaires, et notamment pour la norme ISO 14 001, alors même que l’environnement était encore considéré comme une contrainte il y a 10 ans. Les approches volontaires telles que la norme ISO 14 001, ont l’avantage de laisser une large marge de manœuvre aux entreprises dans leur mise en place et dans la fixation des objectifs à atteindre ; du reste, elles bénéficient d’une vaste reconnaissance internationale, puisqu’elles sont le fruit du travail de l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO), organisme légitimement reconnu par l’ensemble de la communauté internationale. Afin d’obtenir des résultats autres que ceux escomptés par la mise en place des instruments réglementaires, et ainsi aller plus loin en matière de protection des ressources naturelles, les approches basées sur le volontariat fournissent de nouveaux moyens d’actions, complémentaires aux premiers. Ces nouveaux instruments accompagnent le changement de mentalité des entreprises : l’environnement comme contrainte cède la place à une conception dans laquelle l’environnement constitue une nouvelle opportunité de développement, source de création de valeur à long terme. Les systèmes de management environnemental sont des instruments de management par l’anticipation et seule l’entreprise qui est en mesure de mettre en place un système de gestion prévisionnelle est certaine de s’assurer un développement futur viable. L’environnement est qualifié de « bien collectif », d’ailleurs, comme tout bien collectif, il est caractérisé par deux spécificités, la « non-rivalité » et la « non-exclusion ». L’exigence de non-rivalité nécessite que toute personne doit pouvoir y avoir accès, sans que l’utilisation de l’environnement par l’un ne soit une entrave à son utilisation par un autre ; la non-exclusion, quant à elle, exige que toute personne soit libre d’utiliser ce bien, sans devoir payer pour en disposer. L’assimilation de l’environnement à un bien collectif, encourage de manière explicite à utiliser ses ressources de manière raisonnée afin que chacun puisse en disposer également et dans les mêmes conditions. Les bénéfices induits par les politiques de régulation environnementale ont un caractère collectif, ils ne servent pas un groupe d’intérêt particulier. En ce sens, l’environnement est un champ d’action privilégié de la « théorie des parties prenantes », dans le cadre de laquelle, l’entreprise est perçue comme un système ouvert de relations avec de multiples parties prenantes, dont la prise en compte des intérêts est une clé de la réussite et envers lesquelles elle a une responsabilité. Cette vision s’oppose à une approche centrée sur le seul intérêt des actionnaires de l’entreprise (les 7 stockholders), et insiste sur le rôle de l’ensemble des parties prenantes (les stakeholders ). 8 Le concept de stakeholders ou porteurs d’intérêts, est défini par Freeman et Reed , il englobe « tout groupe ou individu identifié, qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation » ; aux actionnaires, il faut donc ajouter les salariés, les concurrents, les fournisseurs, les clients, les organisations consuméristes, les médias, les associations écologistes, l’Etat, les Collectivités Territoriales et les autres groupes d’intérêts. Les systèmes de management environnemental, tels qu’ils sont décrits par le référentiel ISO 14 001, permettent de prendre en compte l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise 7 « Stockholders » peut être traduit par « porteurs d’enjeux » ou « porteurs d’intérêts », par analogie à « porteur de part », pour faire référence au jeu de mots de la langue anglaise. 8 Freeman R.E, Reed D.L, Stockholders and Stakeholders: a New Perspective on Corporate Governance, California Management Review, 1983, 25 (3), spring, p.88-106. Buttet Amélie - 2009 9 Vers une gestion environnementale des entreprises ? par la mise en place de méthodes de gestion particulières de l’environnement. La mise en place de ces instruments environnementaux sont le résultat d’une approche concertée de l’entreprise avec l’ensemble des partenaires qui l’entoure. Implicitement, le management environnemental reconnaît la capacité et la légitimité d’acteurs autres que la puissance publique, à gérer les problèmes environnementaux. L’objectif inhérent aux systèmes de management environnemental est de transformer « l’économie linéaire », basée sur la logique de production de déchets massifs : « je vends, j’achète et je jette », en une « économie circulaire » dans laquelle les ressources sont réutilisées au maximum en évitant, dans la mesure du possible, la création de déchets non recyclables. Ce principe accepte que les entreprises puisent des ressources sur l’environnement naturel mais leur demande en contre-partie, de limiter les gaspillages au profit d’une réutilisation totale ou partielle de ces ressources naturelles. La certification ISO 14 001 ne constitue qu’une des nombreuses solutions à disposition des entreprises qui souhaitent agir pour l’environnement, cependant, les systèmes de management environnemental semblent être un moyen adapté pour analyser le degré de responsabilité environnementale des entités économiques puisqu’ils sont basés sur le volontariat ; du reste, ils constituent l’instrument le plus répandu et le plus utilisé à l’heure actuelle. Toutefois, les conclusions apportées dans le cadre de cette analyse seront valables uniquement pour la norme ISO 14 001, car il existe d’autres instruments en mesure de témoigner sur le degré de responsabilité, non étudiés ici. Les entreprises perçoivent la protection de l’environnement d’une manière élastique, l’interprétation qu’elles en font, varie en fonction des enjeux et des pratiques auxquels elles accordent de l’importance. La mise en œuvre d’un système de gestion de l’environnement de type ISO 14 001 ne répond pas seulement à des besoins internes liés au développement systématique d’une politique verte, elle s’inscrit dans une démarche stratégique dont les objectifs ne sauraient se réduire à des préoccupations strictement écologiques. Un des facteurs ayant largement contribué au développement et à la diffusion des normes ISO 14 001 est la recherche par les entreprises, de reconnaissance externe concernant leur responsabilité environnementale. Le succès de la norme ISO 14001 s’explique par le fait que l’environnement est devenu une opportunité puisqu’il permet de répondre aux problématiques auxquelles les entreprises sont confrontées actuellement, c'est-à-dire être capable de concilier la rentabilité économique de court terme avec une perspective de création de valeur à long terme, assurant l’avenir de l’organisation. Par la mise en place des systèmes de management, l’entreprise découvre une stratégie lui permettant d’être pro-active en matière de gestion environnementale, domaine d’action dans lequel elle fut longtemps seulement passive, en appliquant rigoureusement et de manière contrainte les réglementations en vigueur. Par la plus grande intégration des contraintes environnementales dans son fonctionnement quotidien, l’entreprise s’engage sur une nouvelle voie jusqu’ici inexplorée ; la mutation des valeurs de l’entreprise est une caractéristique actuelle au sein du monde économique. Les succès du référentiel ISO 14 001 témoignent de la prise de conscience de l’opportunité que constitue les enjeux environnementaux, nouveau grand défi auquel toutes les entreprises, quels que soit leur secteur d’activité ou leur taille, sont confrontées. L’entreprise est devenue un acteur incontournable du Développement Durable, le seul qui a les ressources financières, technologiques et motivationnelles nécessaires pour le mettre en œuvre. La mondialisation et le développement des échanges favorisent d’ailleurs la diffusion des pratiques de gestion environnementale entre les pays. L’analyse théorique de la portée et de l’efficacité des instruments volontaires de régulation environnementale, principalement de la mise en place de la norme ISO 14 001, 10 Buttet Amélie - 2009 Introduction doit être enrichie par des observations empiriques d’entreprises certifiées au référentiel afin de confronter les hypothèses théoriques à la réalité du terrain. La sélection des entreprises amenées à collaborer à ce mémoire s’est faite sur la base de leur secteur d’activité ainsi que sur la spécificité de leur production. Elles sont au nombre de quatre, apportant chacune une approche complémentaire sur le thème des systèmes de management environnemental. La première entreprise ayant accepté de se livrer à l’investigation, est la « Société Anonyme des Eaux Minérales d’Evian ». L’entreprise apporte une contribution importante à l’analyse, puisqu’il s’agit d’une société très engagée dans le Développement Durable, plus particulièrement dans les actions environnementales ; du reste, elle appartient au groupe Danone, lui-même parmi les entreprises leaders en matière de gestion environnementale raisonnée. La seconde entreprise analysée est la société « Papeteries du Léman », appartenant au groupe Bolloré, l’activité papetière étant très polluante par nature, l’étude de ses motivations ainsi que de ses modes d’action constitue un vaste domaine de réflexion quant à la gestion quotidienne du SME dans une activité où la prévention environnementale est un élément nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise. Ces deux sociétés sont représentatives des actions potentiellement mises en œuvre dans le secteur industriel ; néanmoins, la norme ISO 14 001 a pour principale caractéristique d’être applicable à toutes les organisations, quelles soient publiques ou privées, agricoles, industrielles ou tertiaires. Dès lors, la réalisation de ce mémoire a nécessité le témoignage d’entreprises appartenant à un secteur autre qu’industriel. Pour rendre compte des motivations qui peuvent encourager une entreprise de services à se certifier au standard ISO 14001, la présente analyse s’appuie également sur le témoignage de deux Stations de ski de HauteSavoie, le domaine skiable des Gets et celui d’Avoriaz. L’étude de ces deux entreprises atypiques et particulières permet de rendre compte des motivations hétéroclites qui peuvent favoriser la mise en place d’un SME. Enfin, l’analyse est nourrie par les propos de Monsieur Quiblier, Chargé de Mission au sein de la Maison de l’Environnement, organisme rattaché à l’Organisation des Nations Unies (ONU), ses propos ont permis d’enrichir le dossier par un état des lieux global de la relation entre « économie » et « environnement », ainsi que par une analyse critique sur la portée du référentiel ISO 14 001. Le sujet de ce mémoire est multidisciplinaire puisqu’il mobilise à la fois les concepts de l’économie traditionnelle et générale, ceux de l’économie de l’environnement ainsi que de l’économie industrielle. Le management environnemental s’inscrit dans un cadre global que constitue la science économique traditionnelle, définie par Raymond Barre comme : « La science de l’administration des ressources rares, qui étudie les formes que prend le comportement humain dans l’aménagement de ces ressources. Elle analyse et explique les modalités selon lesquelles un individu ou une société affecte les moyens 9 limités à la satisfaction de besoins nombreux et illimités » . L’environnement en tant que facteur de production nécessaire à toute activité fait l’objet d’études afin d’en déduire le comportement des agents économiques et principalement celui des entreprises dans le cadre de ce mémoire, dans l’utilisation des ressources naturelles. Depuis la fin du XXème siècle, l’économie revêt aussi un enjeu environnemental, qui est plus précisément étudié dans le cadre d’une discipline autonome, l’Economie de l’Environnement. Le management environnemental et la norme ISO 14 001 s’inscrivent entièrement dans celle-ci qui peut être définie comme la branche de l’économie traitant d’un point de vue théorique des relations entre les sociétés humaines et l’environnement. Enfin, le sujet mobilise également de nombreux concepts élaborés par l’Economie Industrielle, autre branche de l’économie qui étudie le fonctionnement des marchés et les comportement stratégiques des entreprises sur ces marchés. L’économie industrielle constitue une discipline riche en apports théoriques 9 BARRE Raymond, TEULON F, Economie Politique Tome 1, Paris, PUF, 1969, 723 p. Buttet Amélie - 2009 11 Vers une gestion environnementale des entreprises ? dans le cadre de l’analyse du comportement des entreprises dans leur mise en place d’un SME, puisqu’elle est en mesure de fournir des explications cohérentes sur les motivations des entreprises engagées pour l’environnement dans un contexte de concurrence. Du reste, les témoignages des entreprises qui ont contribué à la réalisation de cette étude, viennent confirmer ces théories. A ces quelques disciplines traditionnelles dans lesquelles le management environnemental s’inscrit, il est également nécessaire d’évoquer un autre domaine d’étude, nouveau et moins connu, celui de l’écologie industrielle. Il convient d’interpréter le qualificatif « industrielle » comme représentant l’ensemble des activités économiques d’un territoire. L’écologie industrielle propose de considérer le système industriel comme une forme particulière d’écosystème. La démarche offre une vision nouvelle des modes de production et de consommation puisque qu’elle met en évidence le fort potentiel de diminution des impacts environnementaux que peut potentiellement induire une restructuration de l’ensemble des activités économiques. Les pratiques d’écologie industrielle se traduisent par la recherche d’optimisation dans l’usage des ressources, ainsi, les enjeux et les débouchés ne sont pas uniquement environnementaux. La coopération des acteurs prônée par l’écologie industrielle est source de compétitivité et de dialogue. La norme ISO 14 001 a déjà fait l’objet de nombreuses publications, notamment en Amérique du Nord, cependant, les études actuelles demeurent surtout descriptives et manquent le plus souvent de recul critique. Peu de recherches se sont attachées à comprendre les perceptions réelles de la norme par les dirigeants, la façon dont les recommandations peuvent être appliquées, et les effets pervers pouvant en découler. Dans cette perspective, l’objectif de ce mémoire est de présenter une lecture prudente voire critique du référentiel ISO 14 001 et plus généralement des systèmes de management environnemental, afin d’analyser dans quelle mesure la certification ISO 14 001 témoigne d’un engagement crédible et sincère de l’entreprise vis-à-vis de son environnement. Les préoccupations croissantes du monde économique pour les questions environnementales témoignent de la prise de conscience progressive de l’opportunité de développement que constitue la prise en compte de l’environnement dans la stratégie de l’entreprise. L’étude du concept de management environnemental soulève un certain nombre de questions sur le lien entre « entreprises » et « environnement », à savoir : la norme ISO 14 001 reflète-t-elle une réelle transformation de la stratégie et des pratiques de l’entreprise ?, l’engagement environnemental est-il sincère et désintéressé ou résulte-til d’un comportement stratégique de la part d’entreprises opportunistes ?, qu’est ce qui explique un tel engouement pour la certification ISO 14 001 ?… Afin d’intégrer l’ensemble de ces interrogations dans un questionnement central et global, l’analyse se propose de traiter la problématique suivante : « Dans quelle mesure la mise en place d’un système de management environnemental, par le biais de la norme ISO 14 001, est-elle un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise ? ». Afin de répondre au questionnement ci-dessus, l’analyse se subdivise en trois parties principales. La première partie de l’étude tentera, en présentant la norme ISO 14 001, de montrer dans quelle mesure le système de management environnemental constitue un dispositif novateur témoignant d’un engagement responsable des entreprises face à l’environnement. La seconde partie de l’analyse traitera de la relation qui unit « environnement » et « économie » et quels sont les facteurs d’opportunité que l’un représente pour l’autre. Enfin, la dernière partie, en s’appuyant principalement sur les témoignages des entreprises qui ont collaboré à ce mémoire, se proposera de démontrer 12 Buttet Amélie - 2009 Introduction comment les systèmes de management environnemental contribuent-ils à accroître la compétitivité ainsi que la performance des entreprises engagées. Buttet Amélie - 2009 13 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable La norme ISO 14 001 est un instrument destiné aux entreprises qui souhaitent maîtriser les conséquences de leurs activités quotidiennes sur l’environnement. Le référentiel est un moyen d’action dont la méthode et les principes sont précisés dans le contenu de la norme ISO 14001 relative à la mise en place des systèmes de management environnemental. La méthode est spécifique au standard ISO, elle constitue une démarche rationnelle permettant d’obtenir des résultats environnementaux appropriés à l’entreprise engagée, les principes sont les règles et les lois structurant l’action ; ils sont au fondement des systèmes de management environnemental. I. Du management environnemental aux systèmes de management environnemental A. Le management environnemental : la genèse d’un concept Le terme « management environnemental » correspond à la mise en place, par une entreprise ou une collectivité, d’une organisation permettant d’identifier et de maîtriser les risques d’impacts d’une activité sur l’environnement. Il s’inscrit dans une perspective de Développement Durable qui ambitionne de placer la dimension environnementale au cœur du fonctionnement de l’entreprise, qu’elle soit industrielle, agricole ou tertiaire. La vulgarisation du concept de Développement Durable auprès des entreprises, dans les pays développés, nécessite, pour être mis en œuvre, de pouvoir disposer d’instruments adaptés à la spécificité de leur mode de fonctionnement. Les entreprises qui s’engagent dans une démarche de management environnemental sont animées d’ambitions variées. Les principales motivations résident dans le souci de respecter la réglementation en vigueur, d’améliorer l’image de l’entreprise ainsi que ses relations avec les riverains, de réaliser des économies ou encore d’accéder à de nouveaux marchés. Dès la décennie 1980, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) font appel aux universités et aux centres de recherches afin d’élaborer de nouveaux outils permettant d’identifier le niveau de responsabilité des entreprises. Les recherches se concrétisent par 14 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable l’élaboration de référentiels internationaux, de codes de bonne conduite des entreprises, de certifications, de normes et de labels. Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer la responsabilité environnementale de l’entreprise, parmi eux, deux sont fondamentaux, car les plus utilisées . Le premier est la norme ISO 14 001 de 2004 , traduite au niveau national par la norme NF : ISO 14001 : 2004, le second est le Règlement Européen Eco-Audit dit EMAS. L’Institut de normalisation ISO définit les indicateurs environnementaux, que sont les deux référentiels, comme « une grandeur établie à partir de quantités observables ou calculables reflétant de diverses façons possibles, l'impact sur l'environnement occasionné par une activité donnée ». Il permettent d’évaluer l’état initial de l’environnement sur lequel l’entreprise agit, les pressions qui sont exercées sur lui et les réponses qui y sont apportées. Les origines du management environnemental sont récentes, elles débutent au cours de la décennie 1990, et plus particulièrement en 1993, lorsque la Communauté Européenne adopte un Règlement reconnaissant la « participation volontaire des entreprises du secteur 10 industriel à un système communautaire de management environnemental et d’audit ». Trois ans plus tard, une norme internationale est publiée sous la référence « ISO 14 001 ». Les deux référentiels fixent les principes du management environnemental auxquels les entreprises sont libres d’adhérer ; la démarche est identique dans les deux cas, l’entreprise qui s’engage à réduire les conséquences environnementales de son activité, obtient une certification délivrée par un organisme agréé, attestant de sa bonne gestion des enjeux environnementaux. Depuis la création des deux référentiels, un nombre croissant d’entreprises sont certifiées chaque année en management environnemental. Cette démarche est atypique et novatrice à plusieurs égards, elle repose sur le volontariat des entreprises, ce qui constitue une nouvelle façon de procéder en matière de respect des exigences environnementales, posant les bases d’une nouvelle action publique ni réglementaire, ni financière, mais incitative. Ce nouvel instrument de régulation environnementale inaugure une nouvelle forme de coopération entre les acteurs publics et privés et offre une réponse adaptée aux exigences évolutives des entreprises. L’avènement du management environnemental témoigne de la préoccupation croissante pour les questions environnementales dans les pays développés. Après de nombreuses années d’indifférence en matière de protection de l’environnement, les gouvernements élaborent des politiques restrictives afin de contraindre les entreprises à limiter et réduire leurs activités polluantes. Ces dernières se voient dans l’obligation d’entreprendre de larges investissements afin de limiter les nuisances engendrées en termes de pollution, sans pour autant, réussir à restaurer une image valorisante d’ellesmêmes auprès du public. La réhabilitation de l’image de l’entreprise nécessite d’œuvrer de manière différente et d’entreprendre des démarches volontaires, garantes d’un engagement plus profond et d’une responsabilité plus assumée car ne reposant ni sur la contrainte, ni sur l’obligation. Dans un premier temps, les entreprises développent des pratiques de management en interne afin d’améliorer leur performances environnementales et limiter les risques accidents. Pour aider les entreprises dans cette démarche, la Chambre de Commerce Internationale rédige et diffuse un « Guide d’audit Environnemental », préconisant la réalisation d’audits internes pour permettre le contrôle, par la hiérarchie, de la bonne application de la politique environnementale de l’entreprise. Un grand nombre d’organisations internationales, parmi elles, la Commission Européenne, recommandent la 10 Règlement CEE/ 1836/93 du Conseil, 29 juin 1993 Buttet Amélie - 2009 15 Vers une gestion environnementale des entreprises ? lecture du Guide et plaident pour une limitation des réglementations au profit d’une plus grande autorégulation par les industriels, de leur politique environnementale. Les travaux successifs de la Commission Européenne et de l’Organisation Internationale de normalisation (ISO), débouchent sur l’élaboration de règles de management plus systématisées, remplaçant peu à peu, une pluralité de « bonnes pratiques » auparavant menées dans les entreprises (usage de technologies propres, recyclage, limitation du transport de marchandises, prévention des risques). L’Organisation de normalisation ISO bénéficie d’un large prestige auprès des industriels, puisque qu’il assure, depuis le début du siècle, la charge de « définir les standards techniques », c'està-dire les documents de référence que les entreprises pourront utiliser librement dans le cadre de leur gestion interne ou dans leurs rapports avec leurs partenaires économiques. L'élaboration d'une norme ISO se base sur plusieurs principes. Elle fait appel au consensus, le point de vue de tous les intéressés sont pris en compte (fabricants, vendeurs et utilisateurs, consommateurs, laboratoires d’essais, gouvernements, professionnels de l’ingénierie et organismes de recherche), la normalisation internationale est mue par le marché, elle s'appuie sur la participation volontaire de tous les protagonistes. Parmi les deux référentiels relatifs aux systèmes de management environnemental, celui qui connaît un véritable succès est la norme ISO 14 001, c’est pourquoi l’analyse portera principalement sur elle. En règle générale, la demande de normalisation émane du secteur industriel ; le comité national des membres de l’ISO enregistrant la requête, soumet ensuite le projet à l’organisation internationale dans son ensemble. Par la suite, le processus d'élaboration des normes ISO comporte trois phases fondamentales. La première phase consiste à définir l'objet technique de la future norme, au travers des groupes de travail constitués d'experts provenant des pays intéressés par la question. Lorsqu'un accord est obtenu sur les aspects techniques, une deuxième phase commence, celle au cours de laquelle les pays négocient les détails des spécifications qui devront figurer dans la norme. Il s'agit de la phase de recherche de consensus entre tous les membres participants. La dernière phase comprend l'approbation formelle du projet de Norme Internationale (le document doit être approuvé par les deux tiers des membres de l'ISO qui ont participé activement au processus d'élaboration de la norme et par 75% de l'ensemble des membres votants), à la suite de quoi, le texte est publié en tant que Norme Internationale ISO. La plupart des normes sont revues périodiquement, l'ISO se fixe pour règle générale que tous les référentiels doivent être révisés dans un intervalle n'excédant pas cinq ans ; néanmoins, il est parfois nécessaire de réviser une norme à plus brève échéance, principalement durant ses premières années d’existence. Le standard ISO 14 001, relatif au management environnemental, transpose à la gestion de l’environnement, les règles déjà existantes de la gestion de la qualité contenues dans le standard ISO 9000 : Système de management de la qualité. L’ISO donne aux systèmes de management environnemental, une reconnaissance internationale qui séduit les industriels en quête de globalisation. De même, ces référentiels constituent le point de départ de nouvelles relations entre les entreprises et les administrations. Par le passé, l’administration édictait des normes perçues comme contraignantes pour les entreprises : la relation et la concertation entre le personnel administratif et les industriels était inexistante ou limitée à quelques seules grandes entreprises. Les normes ISO et le Règlement Européen Eco-Audit, transforment l’action publique en action incitative et encouragent le volontariat plutôt que l’action contrainte. Progressivement, avec l’apparition de ces nouveaux standards, les entreprises les plus responsables, conscientes de l’opportunité de croissance offerte par le 16 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable développement durable, abandonnent leurs initiatives individuelles en matière de protection de l’environnement au profit de l’adoption volontaire de référentiels internationalement reconnus. Des actions de diverses envergures peuvent être engagées par les entreprises qui entreprennent une démarche de management environnemental : les entreprises les plus volontaires s’engagent dans la mise en place un « Système de management Environnemental » (SME), un processus long et contraignant mais qui offre néanmoins une réponse adaptée aux nouvelles préoccupations environnementales de la société civile et du monde économique. Le nouveau référentiel s’impose progressivement car il est un outil adapté au mode de fonctionnement des entreprises, le laissant une large liberté dans la manière de le mettre en œuvre. B. Le système de management environnemental et ses référentiels Comme mentionné ci-dessus, il existe deux référentiels de Systèmes de management environnemental, actuellement reconnus : la Norme ISO 14 001 et le Règlement Européen Eco-Audit dit « EMAS ». Le Règlement Eco-Audit étant antérieur à la norme ISO 14 001, cette dernière s’en inspire largement, même si les deux standards restent spécifiques et distincts. Les référentiels sont proches par leur exigences mais diffèrent du point de vue de leur application. L’un est reconnu au niveau international, l’autre est limité à la Communauté Européenne, d’ailleurs, l’ISO 14001 s’adresse à « tout organisme » alors que l’EcoAudit concerne les seules entreprises industrielles. Il existe de nombreuses différences de vocabulaire, certification pour l’un, enregistrement pour l’autre, cependant, la distinction principale réside dans l’exigence de publication d’une « Déclaration des Performances Environnementales » par le Règlement Eco-Audit, ce qui n’est pas nécessaire aux parties prenantes, comprenant une description de l’organisation ainsi que de ces activités, la politique environnementale engagée et la description du SME, la présentation de ses impacts environnementaux ainsi que les objectifs fixés et les résultats escomptés. Les deux référentiels se sont progressivement démarqués l’un de l’autre, pourtant, les dispositifs demeurent concurrentiels. En France et de manière générale pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne, la certification ISO est largement préférée au Règlement « Eco- Audit ». La diffusion de la norme fut rapide et aujourd’hui, la certification ISO 14 001 représente un point de passage obligé pour les grandes entreprises industrielles, parce qu’elle témoigne de leurs compétences managériales ainsi que de leur stabilité économique. Le présent travail sur les systèmes de management environnemental analysera leur mise Buttet Amélie - 2009 17 Vers une gestion environnementale des entreprises ? en œuvre principalement du point de vue de la méthodologie de la norme ISO 14 001, car cette dernière est la plus utilisée des deux référentiels existant. Dans un contexte où la concurrence est importante, il est nécessaire pour une entreprise de gérer au mieux son environnement tout en réduisant ses coûts au minimum. Un système de management environnemental permet de prendre en compte ces deux contraintes, la mise en place d’un SME permet à l’entreprise d’améliorer ses performances environnementales, tout en contribuant à l’amélioration de ses performances économiques. La norme ISO 9000 relative au management de la qualité, dans sa version révisée de 2005, définit un Système de Management comme « un ensemble d’éléments corrélés, interactifs ». Il s’agit d’une combinaison d’éléments réunis de manière à former un ensemble, orienté vers la recherche de résultats. La notion de « système de management » renvoie à une analyse systémique de l’entreprise, c'est-à-dire à l’analyse des éléments de façon globale, en tant que parties intégrantes d’un ensemble. Trois notions sont fondamentales : l’interaction entre les éléments qui composent le système, l’organisation et les objectifs du système. Le système a des caractéristiques propres qui ne dépendent pas des éléments qui le compose ; il existe une qualité émergente au système, la totalité ; le tout est supérieur à la somme des parties. Cette analyse est pertinente pour l’étude du fonctionnement global de l’entreprise. Un système comprend nécessairement une finalité et est composé d’une pluralité d’éléments, entrants, sortants, de moyens et de méthodes. Tous ces composants sont présents dans le système de management environnemental. Le texte du standard ISO 9000 de 2005 précise : « un système de management doit permettre d’établir une politique ainsi que des objectifs à atteindre ». 11 La norme ISO 14 050 , chargée de définir de manière précise le système de management environnemental, le caractérise comme « la composante du système de management global qui inclut la structure organisationnelle, les activités de planification, les responsabilités, les pratiques, les procédures et les ressources pour établir, mettre en œuvre, réaliser, passer en revue et maintenir la politique environnementale ». En d’autres termes, il s’agit d’une démarche structurée, mise en œuvre par une entreprise, afin de réduire les impacts environnementaux de son activité, c'est-à-dire un mode d’organisation permettant de mener une démarche d’amélioration permanente des ses résultats vis-à-vis de l’environnement. Aucune stratégie n’a de sens si elle n’est pas adaptée au terrain ; en ce sens, le système de management environnemental oblige le manager à dresser une carte du terrain où se déroule son action. A partir d’un diagnostic détaillé de chaque secteur ou branche que comprend l’entreprise, il est possible d’en dégager une stratégie globale et cohérente de gestion de l’environnement. Un système de management s’oriente et se contrôle, la coordination est un élément indispensable au fonctionnement du système. Pour ce faire, l’organisme se voit dans l’obligation de mettre en place des procédures particulières de communication interne afin que l’ensemble du processus soit intégré et efficace. La démarche offre à l’entreprise un ensemble d’outils pour améliorer, établir et maintenir à long terme des relations fructueuses avec les parties intéressées par l’activité de l’entreprise. Elle contribue au développement d’une organisation harmonieuse et durable. Afin que l’engagement de l’entreprise soit reconnu, il doit être certifié par un organisme agrée et indépendant. Il existe de nombreux organismes en mesure de délivrer la certification ISO 11 18 Norme ISO 14 050 : Management Environnemental - Vocabulaire Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable 14001 répartis partout dans le monde ; on en compte aujourd’hui plus de 573 et leur nombre ne cesse de s’accroître, ce qui témoigne du dynamisme des référentiels ISO. La certification donne l’assurance écrite qu’une organisation, un processus, un service ou un produit est conforme aux exigences spécifiées dans le référentiel. En France, plusieurs organismes sont chargés de la certification ISO 14 001, parmi eux, l’AFAQ, Moody Certification France, Bureau Veritas, DNV, Ecopass, etc. L’ensemble de ces organismes accréditeurs sont eux même agréés par le Comité Français d’Accréditation (COFRAC), association indépendante, conventionnée par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire, qui veille à l’impartialité des organismes certificateurs ; il se situe au sommet de la pyramide de confiance pour les pouvoirs publics. La normalisation internationale se présente comme une solution adaptée au mode de fonctionnement des entreprises parce qu’elle lui permet de répondre aux problématiques environnementales actuelles auxquelles elles sont confrontées. La norme ISO 14 001 apporte une réponse appropriée à l’évolution de l’environnement et en particulier à l’évolution de l’organisation des entreprises. Du reste, un système de normalisation est amené à évoluer et à se transformer pour suivre les mouvements de réorganisation interne et de ce fait, accompagner les changements organisationnels. En s’interrogeant sur les facteurs de motivations incitant les entreprises à s’engager 12 dans une démarche de certification ISO 14 001, Olivier Boiral , démontre qu’aucune demande très explicite en faveur de son adoption n’émane de la population puisque le public ignore généralement ce que signifie ISO 14 001. Selon lui, la souscription au référentiel est motivée par le souci d’acquérir la «légitimité institutionnelle », c'est-à-dire, une sorte de « mythe rationnel » dont la fonction est d’adapter les structures formelles des organisations aux attentes des acteurs institutionnels. Les entreprises sont mues par la volonté d’offrir une image rationnelle et légitime de leur gestion environnementale, à ce titre, un système de management formalisé est implicitement considéré comme « la bonne façon de faire ». La norme ISO 14 001 participe au processus de rationalisation de la gestion de l’entreprise grâce aux prescriptions techniques destinées à faciliter l’intégration des préoccupations environnementales dans la gestion quotidienne. L’analyse d’Olivier Boiral rompt avec le modèle économique classique dans lequel l’environnement est perçu comme une contrainte économique et sociétale et propose une lecture novatrice, basée sur l’hypothèse de Porter dans lequel l’environnement 13 serait au service de la compétitivité. Selon Porter , le développement des exigences environnementales appelle des dépenses et des transformations susceptibles d’alourdir les coûts, cependant, la réponse à ces contraintes entraîne des efforts d’innovation afin d’améliorer les procédés. De fait, le renforcement des exigences en matière de protection de l’environnement, loin de freiner la compétitivité des entreprises par rapport à des concurrents, stimule cette dernière et tend à améliorer la position concurrentielle des firmes les moins polluantes sur le marché. La promotion de cette logique dite « éco-efficiente » se base sur les avantages potentiels découlant des initiatives environnementales ; les enjeux environnementaux apparaissent la plupart du temps comme un moyen d’améliorer la performance globale et la compétitivité de l’entreprise. 12 Olivier BOIRAL, Professeur agrégé, Université Laval, Québec, spécialiste universitaire du management environnemental, ème au cours de la 13 Conférence de l’Association Internationale du Management Stratégique, Juin 2004 : « Mettre en œuvre ISO 14 001 : De la quête de légitimité à l’émergence d’un mythe rationnel ». 13 Mickael Porter, Professeur à l’Université d’Harvard, spécialiste de l’économie du développement, dans le cadre de ses travaux sur l’avantage concurrentiel. Buttet Amélie - 2009 19 Vers une gestion environnementale des entreprises ? La norme ISO 14 001 est largement reconnue en tant que standard international. Les modalités de mise en œuvre de la certification garantissent la transparence de la démarche, car elle est réalisée par un organisme tiers, lui-même agréé et indépendant de toutes pressions. La mise en œuvre concrète d’un système de management environnemental est définie par le référentiel ISO 14 001, qui précise les différentes étapes qu’il comporte. Toutes les entreprises s’engageant dans une telle démarche sont tenues d’appliquer scrupuleusement la méthode et les critères de mise en place du SME. II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place d’un Système de Management Environnemental La norme ISO 14 0001 fixe de nombreuses exigences, parmi elles : l’identification systématique des impacts environnementaux des activités de l’organisation, la définition d’une politique environnementale, l’élaboration d’objectifs et d’un programme d’action cohérent, la définition des rôles, responsabilités et autorités, la sensibilisation du personnel, la mise en œuvre de procédures de communication internes et externes, l’existence et la tenue à jour d’une documentation décrivant les différents aspects du S.M.E, la planification des activités, la mise en œuvre d’actions correctives ou préventives, la revue régulière de l’efficacité et de la pertinence du SME. L’ensemble de ces exigences sont formalisées dans les différents stades de la mise en place du SME ; les 6 étapes proposées par le standard ISO 14 0001 constituent une méthode que toute entreprise doit suivre rigoureusement. Avant de procéder à l’analyse des différentes étapes, il est utile de préciser que la clé de la réussite d’un tel projet est un engagement sans faille de la Direction, à son plus haut niveau, puisque c’est elle qui met à disposition les moyens humains et financiers et qui crée les conditions d’une mobilisation de l’entreprise, garante la pérennité du projet. Etape 1 : Analyse environnementale initiale La première étape consiste à faire un état des lieux de la politique environnementale de l’entreprise, c'est-à-dire effectuer une collecte d’informations sur la situation de l’organisation face à l’environnement avant son engagement dans la démarche de management environnemental. L’analyse environnementale initiale n’est pas une exigence explicite de la norme ISO 14001, cependant, afin de définir clairement le chemin à parcourir, il est utile de faire un diagnostic qui permette d’appréhender quelle est la situation de l’entreprise avant de s’engager dans la démarche. Cette étape est en revanche exigée dans le Règlement Eco Audit. La collecte d’informations est fondamentale pour la suite du processus, notamment, pour définir de la nouvelle politique environnementale de l’entreprise. 20 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable L’entreprise constitue une « Revue Environnementale » destinée à informer sur la situation de l’entreprise, elle doit comprendre plusieurs éléments : ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Les aspects environnementaux : c'est-à-dire, les activités, produits ou services de l’entreprise susceptibles d’avoir une influence (en général négative) sur l’environnement : utilisation des matières premières, d’eau, d’énergie, ou de produits chimiques, rejets dans l’eau ou dans l’air, bruits, production de déchets… L’entreprise effectue une analyse d’impact sur l’environnement de l’ensemble de ses activités en condition normale de fonctionnement et en cas d’accident. Les impacts environnementaux : sont les modifications négatives ou bénéfiques, qu’entraînent les aspects précédemment cités sur l’environnement : épuisement de la nappe phréatique, pollution de l’eau, de l’air ou du sol, destruction de la faune et de la flore, nuisances sonores, impacts visuels… La réglementation : l’entreprise doit réaliser un inventaire exhaustif des exigences législatives et réglementaires applicables. Il permet de détecter les non conformités de l’entreprise par rapport à la législation et d’y apporter des modifications. Les pratiques environnementales, sont les initiatives déjà en place dans l’organisation avant même l’engagement dans une démarche de SME, qu’elles soient formalisées ou non dans des procédures ou des modes opératoires : traitement des eaux usées, la collecte sélective des déchets… Il s’agit des politiques environnementales déjà en place dans l’entreprise. Les incidents et accidents survenus par le passé. La Revue Environnementale se doit d’être exhaustive, cependant, pour un fonctionnement optimal, elle est périodiquement mise à jour pour tenir compte des évolutions de l’entreprise dans l’environnement et dans la réglementation. Cette analyse environnementale initiale est une « photographie objective » de l’entreprise dans son environnement avant son engagement dans la démarche. Elle permet de mesurer quelle est l’influence exacte de l’organisation sur son milieu. Cette première étape est relativement longue puisqu’il s’agit de collecter des informations et des résultats quantitatifs dans de nombreux domaines. Pour être efficace, l’ensemble du personnel doit y participer : chaque individu est la personne la plus en mesure de décrire et analyser sa propre activité. Une fois l’analyse environnementale initiale effectuée, l’entreprise passe à l’étape suivante, celle de l’élaboration de la politique environnementale. Etape 2 : L’élaboration de la politique environnementale La politique environnementale est au cœur du processus puisque c’est grâce à elle que la Direction, à son plus haut niveau, peut impulser la démarche de mise en place d’un système de management environnemental. Généralement elle prend la forme d’une lettre rédigée et signée par la Direction. Le document expose les axes prioritaires d’actions en indiquant quels sont les objectifs et les cibles environnementaux. Cette politique doit être réaliste et appropriée à l’entreprise ; elle retient uniquement ce que l’organisme est capable de réaliser. Le document, compréhensible par tous, est diffusé à l’ensemble du personnel ainsi qu’au public. Pour que le document définissant la politique environnementale soit conforme aux exigences de la norme ISO 14 001, il doit absolument reprendre trois principes : l’amélioration continue, la prévention de la pollution et la conformité réglementaire. Buttet Amélie - 2009 21 Vers une gestion environnementale des entreprises ? L’amélioration continue est un principe stipulant que l’entreprise doit s’engager à faire progresser continuellement sa performance environnementale globale. Elle implique de se fixer des cibles et des objectifs réalistes à atteindre, de mettre en œuvre les moyens nécessaires (humains, financiers et techniques) pour atteindre ces objectifs. L’évaluation est menée à travers la réalisation d’audits dont les résultats permettent à la Direction de fixer de nouveaux objectifs et de modifier, le cas échéant, sa politique environnementale. La prévention de la pollution doit être prise en compte au travers de moyens tels que l’utilisation de procédés, de pratiques, de matériaux ou de produits qui empêchent, réduisent ou contrôlent la pollution (technologie propre, recyclage des déchets, valorisation énergétique, valorisation des matières premières et de l’énergie, modification des procédés). La conformité réglementaire se traduit par l’exigence posée par la norme ISO 14 001 à ce que l’organisme s’engage, par sa politique, à respecter la législation, la réglementation environnementale, ou toutes autres exigences auxquelles l’entreprise a souscrit (Chartes environnementales, Codes de bonnes pratiques…). Ce principe impose donc de connaître les textes applicables mais aussi de veiller à leur application. La politique environnementale permet de fixer des objectifs concrets en fonction de cibles précises afin de diminuer les nuisances causées sur l’environnement. Les objectifs sur lesquels l’entreprise s’est engagée sont assortis d’un calendrier précisant les délais de mise en œuvre et d’atteinte des objectifs. Ils sont évalués par des critères internes de performances environnementales. Le politique environnementale comprend la liste de l’ensemble des objectifs, le calendrier de réalisation, l’organisation des ressources humaines et financières ainsi que la définition des responsabilités. L’élaboration de la politique environnementale dans une entreprise constitue l’occasion d’officialiser la nomination d’un responsable du SME. Après la formalisation de la politique environnementale, l’étape suivante est celle de la mise en oeuvre des actions. Etape 3 : Mise en œuvre du programme environnemental L’étape de mise en œuvre du programme environnemental consiste en la déclinaison concrète des objectifs et des cibles cohérents avec la politique ainsi qu’en l’élaboration des plans d’actions. Les éléments de l’analyse environnementale initiale trouvent leur place ici puisque après l’inventaire exhaustif des aspects et impacts environnementaux, l’entreprise cherche à identifier les aspects de ses activités, produits ou services, qui sont maîtrisables et sur lesquels elle peut avoir une influence. L’entreprise isole les activités qui ont un impact significatif sur l’environnement, elle classe ensuite chacun des aspects maîtrisables, en fonction de leur impact, à l’aide de différents critères tels que la gravité, la fréquence, la persistance, les parties intéressées, etc. Il s’agit de leur affecter différents niveaux d’importance et de conséquences sur l’environnement. Les objectifs doivent être cohérents avec la politique environnementale et prendre en compte les exigences légales pour ne pas fixer des seuils inférieurs à la réglementation. Ils doivent également prendre en considération les choix technologiques, les données financières et commerciales de l’entreprise ainsi que le point de vue des parties intéressées. A ce stade, il s’agit de formaliser le programme de réalisation des objectifs et cibles. Pour chaque action définie, il faut déterminer : qui fait quoi, dans quels délais, avec quels moyens. Pour être performants, les objectifs doivent être réalisables sur le court terme 22 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable et impliquer au maximum, le personnel. Le programme de management environnemental ainsi établi, permet d’atteindre les objectifs et cibles qui ont été librement déterminés par l’entreprise. Afin de mieux saisir l’étape de mise en œuvre de la politique environnementale et 14 illustrer le contenu et les exigences de la politique environnementale, Monsieur Rase , Responsable Qualité, Sécurité, Environnement de l’entreprise « Papeteries du Léman » donne un exemple concret: l’objectif de diminution des pertes d’eau sur le réseau. La mise en œuvre concrète de la politique environnementale peut être présentée par le tableau cidessous : Responsable Monsieur X Date de Objectif l’engagement Mars 2009 Diminuer les pertes d’eau sur le réseau Détail de Délais l’Action - Réaliser des Janvier 2010 campagnes de détection et de suivi des pertes Colmater les fuites Indicateur de performance Diminution de 10% du volume d’eau consommé sur le réseau pour une année Monsieur Rase explique qu’il faut procéder ainsi pour chaque objectif que l’entreprise s’est fixée, ce qui contribue à diluer les responsabilités au sein de l’entreprise. Une fois réalisé l’ensemble de ces trois étapes dites « préalables » à la mise en place concrète du système de management environnemental, l’entreprise est en mesure d’aborder celles de la mise en œuvre effective. Etape 4 : Mise en œuvre et fonctionnement du SME La quatrième étape permet à l’entreprise d’aborder le concret de la démarche puisqu’elle consiste à mettre en œuvre le ou les programmes de management environnemental. Elle requiert l’élaboration d’une structure organisationnelle, la répartition des responsabilités, la formation et la sensibilisation du personnel, la communication interne et externe, la documentation du SME, la maîtrise documentaire et la prévention des situations d’urgence. 14 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009 avec M. Jean-Michel RASE, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société Les Papeteries du Léman, groupe Bolloré. Buttet Amélie - 2009 23 Vers une gestion environnementale des entreprises ? La Direction nomme un ou des responsables chargés de veiller à ce que le SME soit mis en œuvre conformément à la norme ISO 14 001, ainsi que de rendre compte de la performance du système à l’ensemble du personnel de l’entreprise. La mise en place d’une telle démarche nécessite en amont un fort travail de sensibilisation voire de formation à destination de l’ensemble du personnel. L’entreprise crée des circuits de communication lui permettant d’informer l’ensemble des salariés à tous les niveaux sur les actions menées et les résultats obtenus. En matière de communication interne, trois aspects sont concernés : la communication interne ascendante, transverse et descendante. Selon la norme ISO, ces trois formes de communication doivent faire l’objet d’une procédure spécifique afin d’assurer la communication « entre les différents niveaux et les différentes fonctions de 15 l’organisme ». Les différents vecteurs de la communication peuvent prendre la forme de groupes de travail associés au SME, de séances de communication collectives, d’utilisation de supports, etc. En matière externe, l’entreprise est également tenue de se doter de circuits de communication destinés à faire connaître sa politique, ses objectifs, ses résultats, ainsi que de répondre à toutes les demandes de renseignements pertinents adressées par les parties intéressées. Il s’agit de maîtriser à la fois la communication externe sortante et entrante. Enfin, le système de management nécessite la création par l’entreprise d’un « Système de Documentation» comprenant l’ensemble de données, des documents et des enregistrements qui composent son système de management environnemental. Il doit être accessible aussi bien au personnel qu’à l’ensemble des personnes intéressées par les activités de l’entreprise. L’intérêt est de conserver une trace formalisée et organisée de son propre système, ainsi que de présenter et prouver son existence à des tiers. Le système de documentation comprend essentiellement la Politique Environnementale, les objectifs et les cibles, la description du domaine d’application du système ainsi que la description des principaux éléments du SME. Le référentiel ISO 14 001, insiste néanmoins sur la nécessaire « maîtrise de la documentation » afin que ne soient conservés uniquement les documents utiles à l’entreprise et à ses partenaires. A ce stade, le système de management environnemental est concrètement mis en œuvre au sein de l’entreprise, cependant afin de s’assurer de sa performance effective, le 15 Norme ISO 14 001 de 2004, paragraphe 4.3, les exigences du système de management environnemental en matière de communication interne. 24 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable système fait l’objet de vérifications et éventuellement de mesures correctives s’il est jugé inefficace. Etape 5 : Contrôles et mesures correctives Dans la phase de mise en œuvre du SME, l’entreprise élabore des procédures décrivant les mesures et les indicateurs qui permettent d’évaluer le degré d’atteinte des objectifs. Dans l’hypothèse où les instruments de mesures et les indicateurs soulignent des non conformités, l’entreprise doit immédiatement réagir afin de supprimer les causes de ces dysfonctionnements. L’entreprise se soumet à des audits de contrôle dont les conclusions sont transmises à la Direction. L’audit permet de vérifier que le SME répond correctement aux exigences de la norme ISO 14001 et de s’assurer que tous les engagements internes précédemment énoncés sont mis en œuvre et compris. Les entreprises ont recours à deux types d’audits . L’audit interne est celui qui est réalisé par le personnel de l’entreprise ou par un auditeur extérieur pour le compte de l’organisme. Il a pour finalité de déterminer si le SME est conforme ou non aux dispositions prévues et si il a été correctement mis à jour. Ces informations sont transmises à la Direction afin qu’elle ait connaissance des progrès réalisés ou à réaliser. Les audits internes doivent être menés à intervalles réguliers pour garantir l’efficacité du système ; ils constituent un outil d’information à disposition de l’entreprise lui permettant de faire le point sur les réalisations engagées et leurs résultats. En revanche, les audits externes sont destinés à des tiers, notamment aux organismes de certification et sont nécessairement réalisés par une équipe d’audit extérieure à l’organisme. Ils permettent l’obtention de la certification ISO 14 001 témoignant de l’engagement de l’entreprise dans une démarche de management environnemental. Suite à l’obtention du certificat, un audit externe a lieu tous les trois ans, au cours duquel la certification peut être prolongée, suspendue ou retirée en fonction des efforts accomplis par l’organisme. Une fois l’entreprise certifiée ISO 14 001 et afin que l’ensemble de la démarche soit accomplie et respectée conformément au texte du standard, elle doit programmer des « Revues de Direction », réunions qui permettent de passer en revue le SME pour s’assurer qu’il est toujours approprié, suffisant et efficace. Etape 6 : La revue de Direction Cette étape, qui est la dernière de la démarche, est fortement liée à la précédente. Elle demande à la Direction de vérifier régulièrement, au cours de réunions, l’efficacité de son SME, grâce aux résultats des audits. Les efforts constatés doivent être appropriés et suffisants par rapport à l’engagement initial d’amélioration continue. La Direction évalue dans quelle mesure les objectifs sont atteints et si il est nécessaire de revoir la stratégie. Si cela est nécessaire, la Direction peut décider de modifier la politique environnementale. L’ensemble des étapes de la mise en œuvre d’un système de management environnemental correspond à une progression logique et circulaire. Les six étapes présentées ci-dessus doivent être suivies rigoureusement car elles constituent la méthode même de mise en œuvre des systèmes de management environnemental. La démarche est longue et contraignante mais seule son application pointilleuse garantie l’obtention de la certification. Buttet Amélie - 2009 25 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Deux logiques sont sous-jacentes aux 6 étapes de mise en œuvre du SME, l’amélioration continue et l’intégration. Ces deux notions constituent la raison d’être des systèmes de management environnemental et orientent leur fonctionnement ; ils contribuent à rendre crédible l’engagement des entreprises. III. Logiques des systèmes de management : Amélioration continue et intégration A. Le cycle PDCA : Un principe d’amélioration continue déployé et actif Le cycle PDCA est un modèle théorique visant à l’amélioration continue d’une démarche ou d’un processus. Il s’applique aux différents systèmes de management en vigueur (qualité, sécurité, environnement), d’ailleurs, la norme ISO 9000 de 2000 y fait explicitement référence au travers de son principe n°6 : « Il convient que l'amélioration continue de la performance globale d'un organisme soit un objectif permanent». Les objectifs « zéro défaut », « zéro déchet », « zéro écart »…. sont utopiques et jamais atteignables ; cependant, ils constituent des idéaux nécessaires puisqu’ils encouragent de nombreuses entreprises à s’engager dans une démarche de recherche de progrès continus. C’est un projet sans fin, d’ailleurs la norme ISO 14 001 insiste sur l’aspect évolutif du démarche. 26 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable Le développement durable n’est pas un aboutissement, mais un mode de management par lequel l’entreprise cherche à élaborer le mode de gestion de l’environnement le plus efficace et le plus raisonné possible. Il ne s’agit pas d’atteindre une situation environnementale idéale et utopique. L’objectif est d’avancer, progressivement, le plus loin possible, dans la concrétisation de la responsabilité environnementale. Le système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ainsi que la norme ISO 14 001, visent à promouvoir une amélioration continue des résultats environnementaux de toutes les organisations. Les deux certifications n’imposent aucun niveau de performance, le principe étant que l’amélioration continue ! Le cycle PDCA de l’amélioration continue, comporte plusieurs étapes : 1. Le « P », Plan en anglais, renvoie à l’étape de la préparation : cadrage du projet, identification des objectifs, étude des conditions de réussite, de l’environnement, des risques et des opportunités….. Il s’agit d’un plan d’action c'est-à-dire la planification des activités pour atteindre les objectifs associés à la politique. Cette première phase doit être placée sous la responsabilité d’une personne qui en organisera régulièrement le suivi. 2. Le « D » , Do (faire), correspond à la deuxième étape du processus, celle de la réalisation effective. Il s’agit de réaliser les activités planifiées, de résoudre les problèmes, et de coordonner l’ensemble des actions. L’entreprise doit mettre en œuvre le processus et les activités, et articuler l’ensemble autour d’un système cohérent. 3. Le « C », (Check), constitue la troisième partie du processus, le contrôle et le suivi. Il faut vérifier et évaluer les résultats et les progrès obtenus en mesurant les écarts de réalisation, de dépenses, de calendrier, et contrôler les activités. Cela se fait par le biais des audits d’évaluation, internes ou externes, qui permettent de souligner les points forts ainsi que les points faibles du fonctionnement par rapport au référentiel. 4. Enfin le « A », (Act), correspond à la dernière étape, celle de l’élaboration de nouvelles décisions pour réagir aux éventuelles dérives. Il s’agit de revoir le système pour l’améliorer constamment. Au terme de cette logique, celle de l’élaboration de nouvelles décisions pour corriger les dysfonctionnements de la démarche, l’entreprise est renvoyée à la première étape du processus, celle de la planification des objectifs en vue d’atteindre les nouveaux buts fixés, et ainsi de suite. Le principe est représenté par un schéma communément appelé la « Roue de Deming », du nom du statisticien, qui n’a pas inventé le modèle, mais qui l’a popularisé dans les années 1950. Deming est un théoricien animé par la volonté de transformer le fonctionnement du management en proposant aux entreprises de mettre l’accent sur le développement de la connaissance, dans un climat de coopération et rompre ainsi avec le modèle de management privilégiant la concurrence et le pouvoir de l'argent. Selon lui, le management consiste à maîtriser les processus, à coordonner les opérations et à préparer l'avenir. Les propos du théoricien, "Commençons par améliorer ce que nous savons faire, mais pas encore assez bien ; ensuite nous innoverons ; mais pas l’inverse", résument assez clairement le sens qu’il donne à sa fameuse « roue ». Buttet Amélie - 2009 27 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Source : actu-environnement.com La processus PDCA est un chemin pour l’amélioration continue d’un système et donc de l’entreprise. Les systèmes de management environnemental obéissent à cette logique, d’ailleurs, les étapes du fonctionnement théorique du SME précédemment présentées, se calquent sur celles du schéma PDCA (prévoir, faire, prouver et contrôler, corriger et réagir). Dans cette perspective, l’entreprise, après avoir obtenu sa certification, doit être suivie annuellement, afin de vérifier si elle continue à s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue, puisque c’est une des exigences majeures de la certification. M. 16 Muffat, Responsable QSE des remontées mécaniques d’Avoriaz , affirme : « il faut montrer qu’on progresse tout le temps ». Il explique que lorsque les organismes de certifications ne constatent pas de progrès continus, ils sont en mesure de retirer la certification ou de la suspendre pour un temps. Selon lui, il faut mettre en œuvre un travail quotidien d’amélioration sur le long terme puisque rien n’est jamais acquis. Le paragraphe 3.2 de la norme ISO 14 001 définie l’amélioration continue comme « un processus récurrent d’enrichissement du système de management environnemental afin d’obtenir des améliorations de la performance globale, en cohérence avec la politique environnementale de l’organisme ». Cette définition est complétée par plusieurs notes qui précisent que le processus « ne nécessite pas d’être appliqué dans tous les domaines simultanément ». De même, « le rythme, la portée, et le calendrier de ce processus d’amélioration continue sont déterminés par l’organisme à la lumière des circonstances économiques et d’autres circonstances ». 16 Extrait de l’entretien du Mardi 17 février 2009, M. Bruno MUFFAT, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des Remontées Mécaniques des Gets. 28 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable Au final, la norme affirme que l’entreprise a toute possibilité et toute liberté pour définir en permanence le degré de son amélioration continue ; il est inutile voire impossible de souhaiter régler tous les problèmes environnementaux dès la première année de mise en place d’un SME ! Cette souplesse dans l’application du principe d’amélioration continue explique le succès de la norme ISO 14 001 puisque chaque entreprise engagée dans une démarche de système de management environnementale, progresse, à son rythme et en tenant compte des spécificités de son activité. Même si l’exigence d’amélioration continue est donc une notion contraignante pour l’entreprise qui s’engage dans une démarche de certification environnementale, les modalités de mise en œuvre du principe sont relativement souples. Ainsi, une entreprise préfèrera se fixer peu d’objectifs en même temps afin de pouvoir les atteindre et de se laisser une marge de progression pour le futur. La définition et la portée du principe d’amélioration continue dépendent de la nature de l’entreprise en question, de son secteur d’activité, de ses ressources financières et de ses valeurs, mais offre toutefois la garantie d’obtenir un minimum de résultats environnementaux. A la différence des instruments réglementaires qui se contentent d’exiger l’atteinte d’un certain niveau d’objectifs donnés, la norme ISO 14001 et les systèmes de management environnemental demandent à l’entreprise de faire des efforts de manière constante, ce qui produit des conséquences potentiellement plus positives sur l’environnement. D’ailleurs, certaines entreprises déploient le principe d’amélioration continue à son paroxysme et mettent en place des Systèmes de Management Intégré. B. Une évolution nécessaire vers le système de management intégré Le système de management intégré renvoie au processus d’intégration des différents systèmes de management existants. Il existe des systèmes de management dans plusieurs domaines : Qualité, Environnement, Sécurité qui peuvent être corrélés entre eux. Un système de management intégré est défini comme un système de management permettant de gérer de façon globale les parties communes aux référentiels Qualité, Sécurité, Environnement. La mise en place d’un système de management de la qualité produit des retombées en terme de sécurité et d’environnement, de même, une entreprise qui dispose d’un système de management environnemental, peut bénéficier de conséquences positives en terme de sécurité et de qualité. Les sphères ne sont pas hermétiques, ainsi il peut être pertinent pour une entreprise de s’engager volontairement dans une démarche de système de management intégré (SMI), puisqu’il existe une synergie entre les systèmes. Les conséquences positives dégagées d’un système de management environnemental ont également des répercutions positives sur le système de management de la qualité 17 ou de la sécurité. Jean Michel Rase , souligne que, lorsque l’entreprise investit afin de pouvoir stocker d’une manière plus sûre, les produits chimiques et dangereux, cela entraîne également des conséquences sur les systèmes de sécurité et de qualité puisque la manutention devient potentiellement moins dangereuse pour le personnel. En économie, ce sont des « externalités positives », c’est-à-dire, une situation par laquelle une personne ou une activité est favorisée par l’action d’un tiers, sans qu’il ait à en supporter directement 17 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, M. RASE, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré. Buttet Amélie - 2009 29 Vers une gestion environnementale des entreprises ? les frais. Cet aspect renforce le caractère vertueux des systèmes de management environnemental. Ce mode de fonctionnement favorise la gestion homogène et combine les exigences de différentes normes (ISO 9000 pour la Qualité, ISO 14001 pour l’environnement, OHSAS pour la santé et la sécurité du travail) afin que l’entreprise gagne en efficacité. Un système de management intégré est également appelé « système QES », en référence à la combinaison des trois référentiels. Les trois systèmes de management obéissent aux mêmes logiques et sont élaborés selon la même architecture organisationnelle. Les similitudes conceptuelles et structurelles résident dans l’élaboration d’un programme ou d’une politique, la formation et la sensibilisation du personnel, les exigences de communication interne et externe, la définition d’objectifs et d’actions correctives et préventives. Les bénéfices inhérents à la mise en œuvre d’un système intégré de management sont multiples : obtenir une certification plutôt que trois, réduction des coûts de certification, gain d’efficacité, anticipation des risques, réflexion globale et systémique de l’entreprise, avantage commercial et concurrentiel pour la conquête de nouveaux marchés, optimiser la consommation des ressources, atteindre la qualité totale. Dans son ouvrage, Le manuel pratique de système de management QES- Méthode 18 pour un système de management intégré, Gabriel Ullmann , regroupe et synthétise l’ensemble de ces avantages des systèmes de management intégré. Il en recense essentiellement six : ∙ Un SMI supprime les redondances et évite les fréquentes contradictions ou incohérences entre les différents systèmes. Il permet de fixer des objectifs, de définir et de mettre en œuvre des moyens, des actions, des méthodes, selon une démarche d’ensemble cohérente. Il offre une vue globale assurant une meilleure compréhension et donc une meilleure efficacité. Un SMI rend plus efficace la formation et la maîtrise des activités de chacun. Il représente la démarche la plus appropriée pour l’intégration successive de toutes les exigences qualité, sécurité, environnement. Il constitue une opportunité nouvelle afin de donner un nouvel élan et un nouveau motif de mobilisation interne. ∙ ∙ ∙ ∙ ∙ Les quatre témoignages recueillis auprès des entreprises soulignent unanimement la proximité entre la certification ISO 9001 et l’ISO 14001. Les quatre entreprises étaient préalablement certifiées « système de management de la qualité » (ISO 9000) avant de s’engager dans la mise en place d’un système de management environnemental ; elles témoignent de ce fait, de leur plus grande facilité à mettre en œuvre la norme ISO 14001 car « la construction est identique, on ne découvre pas les audits, ni la documentation… », 19 explique Emmanuelle Lhermite , Responsable QSE, de la station les Gets . Les systèmes de management intégré offrent une vision globale de l’entreprise. L’objectif final d’un système de management intégré est de garantir l’intégration 18 Gabriel Ullmann, spécialiste et conseiller dans la mise en œuvre du management environnemental en entreprise, Le manuel pratique de système de management QES- Méthode pour un système de management intégré, 2002, Société Alpine de Publication, 120p 19 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société des Remontées Mécaniques des Gets. 30 Buttet Amélie - 2009 Partie I : La norme ISO 14 001, un instrument volontaire de régulation environnementale, garant de l’organisation responsable harmonieuse et durable des différentes thématiques choisies par l’organisation afin de développer sa stratégie et son management. Il s’agit d’un outil à disposition des entreprises qui souhaitent évaluer convenablement l’ensemble des risques auxquels elles sont confrontées permettant du reste, de contribuer à la construction verticale de l’organisation, structurée autour de processus transversaux. L’intégration QSE représente le véritable défi actuel auquel les entreprises doivent se confronter. Elle est considérée comme une étape vers les réponses aux enjeux futurs. Le développement durable implique une vision globale et systémique de l’entreprise auquel le SMI intégrateur offre une réponse adaptée puisqu’il mêle les enjeux économiques aux enjeux sociaux et environnementaux. Les systèmes de management intégré constituent une étape significative de la gestion des entreprises et répond aux exigences du Développement Durable. Les entreprises, après avoir mis en place un système de gestion dans un domaine précis, envisagent de s’engager dans d’autres systèmes de management. Généralement, le contexte économique et institutionnel pousse les entreprises à s’engager d’abord dans un système de management de la qualité, ensuite dans un système de management de l’environnement et de plus en plus généralement, dans un système de management de la sécurité. L’intégration des trois systèmes de management participe à rationaliser le fonctionnement de l’organisation car c’est seulement si le principe d’amélioration continue est appliquer à tous les domaines, que l’entreprise peut espérer en tirer des bénéfices et faire de cet instrument un jeu à somme positive. D’ailleurs on peut envisager que progressivement, lorsque les systèmes de management intégré se seront généralisés, la logique d’amélioration continue demandera aux entreprises de mettre en place des systèmes de management formalisés dans d’autres domaines, et que les Organisations Internationales élaboreront de nouveaux référentiels. La norme ISO 14 001 et les systèmes de management environnemental constituent un engagement crédible, attestant de la responsabilité croissante des entreprises pour l’environnement, très séduisant car ils contrastent avec les instruments proposés jusqu’ici. Ce nouvel outil basé sur le volontariat est très novateur car il s’adapte au mode de fonctionnement de chaque entreprises ; l’intégration des contraintes environnementales dans le fonctionnement quotidien de l’organisation se révèle être parfaitement satisfaisant pour l’entreprise, puisque la norme ISO 14 001, qui , à première vue est un instrument destiné à la régulation environnementale, est également utilisé pour servir les objectifs stratégiques des entreprises. Buttet Amélie - 2009 31 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique Les systèmes de management environnemental tels qu’ils sont décrits dans la norme ISO 14001, ont pour principal objectif d’aider les entreprises à contribuer, à leur manière, à la protection de l’environnement et des ressources naturelles. Or, le but premier de cet instrument, basé sur le volontariat, se trouve dénaturé par le fonctionnement du système économique, cherchant à transformer la contrainte que représente l’environnement en une opportunité stratégique à destination des entreprises. La seconde partie de l’analyse se propose d’étudier plus en détail le lien stratégique qui unit « économie » et « environnement » au travers des enjeux, des coûts et des répercutions concrètes des systèmes de management environnemental sur l’entreprise. I. Les enjeux du système de management environnemental Les systèmes de management environnemental définis par la norme internationale ISO 14001, bénéficient d’une véritable reconnaissance auprès des entreprises, du reste, ils contribuent à faire de la lutte pour la protection de l’environnement le nouveau paradigme légitime auquel les entreprises sont tenues d’adhérer. Cependant, l’engouement des entités économiques pour l’environnement laisse entrevoir une comportement stratégique et opportuniste de la part de ces dernières, ce qui amène à reconsidérer la légitimité des instruments volontaires de régulation environnementale. A. ISO 14 001 ou l’émergence d’une nouvelle convention Depuis environ 15 ans, les entreprises se développent dans une perspective de création de valeur à long terme, ce qui implique la prise en compte des conséquences environnementales de ses activités. L’environnement apparaît dès lors comme facteur d’opportunité et de création de richesses sur le long terme. Le management environnemental, en tant qu’outil destiné à la prise en compte des effets environnementaux des activités de l’entreprise, est une technique de gestion utilisée depuis de nombreuses années, ré-élaborée au fil du temps ; la première manifestation du management environnemental en entreprise se caractérise par la dilution ou dispersion des pollutions dans l’environnement. Face au manque d’exigence en matière de protection environnementale, les entreprises tentent de camoufler au mieux les rejets qu’elles engendrent quotidiennement, par l’enfouissement dans les sols ou la dispersions dans les airs des pollutions dont elles sont à l’origine. Ces pratiques constituent bien une première forme de management environnemental puisque les entreprises prennent conscience, pour la première fois, de la nécessité de mettre en place des dispositifs, afin d’atténuer 32 Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique l’impact directement visible des activités de l’entreprise sur l’environnement. Cependant, les pouvoirs publics, s’appuyant sur des études d’impacts, soulignent les limites de ces pratiques ; la dilution/ dispersion cède la place à l’engagement des entreprises dans une approche modernisée du management environnemental : la mise en œuvre d’actions palliatives pour compenser les effets néfastes des activités de l’entreprise sur l’environnement. Les approches palliatives nécessitent de lourds investissements afin de pouvoir engager des actions de dépollution en aval du processus de production. Les investissements réalisés sont onéreux pour des résultats très modestes en terme d’action sur l’environnement, c’est pourquoi, la décennie 1990 instaure une nouvelle forme de management environnemental, celui qui consiste à maîtriser les risques environnementaux et intégrer les préoccupations environnementales dans la gestion quotidienne de l’entreprise. Cette troisième étape constitue une alternative adaptée aux spécificités de l’entreprise, elle préconise l’action à la source, en amont du processus de production. La formule moderne du management environnemental s’institue comme le modèle dominant, mis en place par les entreprises, afin de maîtriser au mieux les contraintes environnementales, quelque soit leur secteur d’activité. La croissante prise en compte des préoccupations environnementales encourage les entreprises à intégrer l’environnement dans leur gestion quotidienne et ainsi à remettre en cause les fondements même de sa stratégie ; l’entreprise substitue aux préoccupations de court terme dictées par les intérêts directs des actionnaires, une stratégie de développement sur le long terme intégrant la prise en compte des impacts de l’activité de l’entreprise sur l’environnement. Selon Denyse 20 Rémillard et Dominique Wolff , « on assiste à la manifestation d’un nouveau consensus quant à la manière convenable de diriger les entreprises ». Le développement durable, et plus précisément, la prise en compte de l’environnement constitue la nouvelle convention à laquelle les entreprises adhèrent, et rend obsolète la convention actionnariale, érigée sur des impératifs marchands et industriels ayant pour principal objectif la création de richesses à court terme afin de satisfaire les actionnaires. Denyse Rémillard et Domique Wolff définissent une convention comme : « une solution à un problème de coordination répétitif qui, ayant réussi à concentrer l’attention d’un certain nombre de parties prenantes, tend à se reproduire régulièrement ». Il s’agit en d’autres termes, d’une référence normative indiquant la bonne manière de se comporter en situation d’incertitude stratégique ; une convention est une croyance partagée, au fort pouvoir régulateur. La progressive institution de la prise en compte de l’environnement au rang de convention, permet aux entreprises de concilier les différents intérêts dans une perspective de création de valeur sur le long terme. Denyse Rémillard et Dominique Wolff montrent que le changement de paradigme entraîne deux types de comportements : des réactions de coopération ou des réactions d’affrontement ; pour le cas de l’environnement, les entreprises adhèrent majoritairement à la nouvelle convention, comme en témoigne le succès de la norme ISO 14001. La mise en place des systèmes de management environnemental, par le biais du standard ISO, est un moyen de concrétiser l’adhésion au nouveau paradigme. Pour que le changement de mentalité des entreprises soit effectif, il doit être accompagné d’une évolution similaire de l’appareil normatif. Néanmoins, il convient de savoir si, en ce qui concerne le management environnemental, c’est l’évolution normative qui encourage les entreprises à modifier ses valeurs ou si c’est le changement de mentalité des entreprises qui conduit à l’élaboration d’un outil normatif. Dans le cadre de l’émergence de la convention environnementale, c’est l’évolution des mentalités en entreprise qui a contribué à l’élaboration d’un outil normatif, principalement de la norme ISO 14 001. 20 Rémillard D, Wolff D, Le développement durable. L’émergence d’une nouvelle convention?, Revue Française de Gestion, 2009/4, n°194, p.29-43 Buttet Amélie - 2009 33 Vers une gestion environnementale des entreprises ? 21 Dans la même idée, Gilles Grolleau et Naoufel Mzoughi , dans un article de la Revue d’Economie Industrielle, qualifient la norme ISO 14 001 et les systèmes de management environnemental de « nouveau dispositif institutionnel ». Ils s’appuient sur 22 la définition des institutions donnée Douglas North , à savoir qu’une institution satisfait à trois caractéristiques : il s’agit d’un ensemble de règles formelles, bénéficiant d’un système d’enforcement, c'est-à-dire d’un dispositif veillant à leur application et leur respect, enfin les institutions régissent ou gouvernent des interactions, qui sont d’ordre marchande ou productive dans le cadre de la norme ISO 14 001. Grolleau et Mzoughi analysent le standard comme un dispositif institutionnel car les entreprises lui font confiance et l’interprètent comme un signal de l’engagement environnemental d’une entité ; il s’agit d’un filtre utilisé pour sélectionner leurs partenaires. Les normes ISO constituent une structure pour l’échange ainsi qu’un bien collectif mobilisable par l’ensemble de la population. ; en ce sens il s’agit bien d’un dispositif institutionnel puisqu’elles permettent d’économiser les coûts de recherche et d’information, communément appelés les coûts de transactions (coûts liés à la réalisation d’un échange). La norme ISO 14 001 est un moyen reconnu pour atteindre une fin, il s’agit d’une règle de conduite acceptée socialement. 23 Thomas Reverdy , universitaire spécialiste des normes environnementales en entreprise, explique que la norme ISO 14 001 rend accessible l’utopie selon laquelle « environnement » et « compétitivité » sont compatibles. En outre, il précise qu’avec la norme ISO 14 001, l’utopie devient banale puisque les entreprises font preuve « d’isomorphisme organisationnel », c'est-à-dire les groupes professionnels dirigeants partagent les mêmes valeurs quant à la protection de l’environnement ; ils contribuent à l’homogénéisation et à la généralisation de la mise en oeuvre des pratiques environnementales, puisqu’ils sont très réceptifs au discours selon lequel l’environnement et la compétitivité économique peuvent être compatibles. La généralisation des pratiques environnementales élaborées par les entreprises, par le biais de la norme ISO 14001, conduit à faire de la protection de l’environnement, le nouveau consensus vers lequel l’ensemble de l’économie marchande devrait évoluer unanimement. Selon Denyse Rémillard et Domique Wolff, le consensus actionnarial inspire encore largement la stratégie des entreprises, cependant, il tend à disparaître au profit d’une plus grande préoccupation pour la prise en compte de l’environnement dans la gestion quotidienne de l’entreprise. La succès de la norme ISO 14 001 relatif à la mise en œuvre des systèmes de management environnemental semble être la preuve de l’évolution de la convention dominante, la convention actionnariale, vers d’autres formes tacites de comportements. Néanmoins, plutôt que d’opposer les deux paradigmes, il conviendrait de les associer afin que la perspective de rentabilité à court terme ne soit pas contraire à la recherche de création de valeur sur le long terme. La convention actionnariale se trouve complétée par la convention environnementale, cette dernière n’ayant pas pour objectif de se substituer à elle mais de l’enrichir en apportant des réponses aux dysfonctionnements qui lui sont inhérent. L’entreprise conserve comme préoccupation principale ce qui compose sa nature même, à savoir la création de richesses par le biais de ses activités de production, cependant l’entreprise durable est celle qui est 21 Grolleau Gilles et Mzoughi Naoufel, L’élaboration des normes : un nouvel espace de compétition ? Une application à la norme ISO 14 001, Revue d’Economie Industrielle, 2005/1, n°111, p. 29-56. 22 Douglas North, auteur de nombreux travaux sur le rôle des Institutions dans le développement économique, Institutions, Institutional Change and Economic Performance, 1990. 23 Reverdy T, Les normes environnementales : la trajectoire mouvementée d’une mode managériale, Sociologies Pratiques, 2005/1, n°10, p.97-119 34 Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique capable de garantir un taux de profit considérable tout en réalisant des investissements environnementaux, lui permettant d’assurer un développement pérenne dans le futur. Le changement de paradigme suscite l’interrogation quant à savoir si l’économie est au service de l’environnement ou l’environnement au service de l’économie. Le témoignage des entreprises étudiées reflète un double mouvement : de la même manière que l’économie semble être mise à disposition de l’environnement, l’environnement constitue également une opportunité économique. La relation environnement-économie est réciproque, chacune est au service de l’autre dans une relation de dépendance. La progressive reconnaissance de la norme ISO 14 001 en tant que « convention », signe l’avènement d’une nouvelle étape dans le cycle de vie des entreprises puisque le paradigme environnemental trouve enfin sa place aux cotés de la convention actionnariale, qui fut longtemps leur seule préoccupation. La légitimité de la nécessaire intégration des questions environnementales au cœur de la stratégie quotidienne des entreprises n’est plus à prouver. L’adhésion au référentiel ISO 14 001 demande à l’entreprise de s’engager dans une démarche de révision complète de son mode de fonctionnement habituel pour faire en sorte que le nouveau dispositif institutionnel que constitue le SME, coexiste avec les impératifs économiques des entreprises. Individuellement, par le biais d’un changement de mentalité, les entreprises sont à l’origine du processus de normalisation environnementale, cherchant à substituer à un attentisme généralisé, la possibilité d’adopter une stratégie proactive en matière de protection de l’environnement. Du reste, la recherche d’une stratégie pro-active est parfois exacerbée dans certains cas, au point de manipuler stratégiquement les instruments volontaires de régulation environnementale. B. Instruments volontaires de régulation de l’environnement et opportunisme stratégique 24 Dans le cadre d’une réflexion sur la norme ISO 14 001, Grolleau, Mzoughi et Thiébaut , trois spécialistes des questions environnementales en entreprise, contestent la nature, généralement vertueuse, des caractéristiques prêtées aux instruments dits « volontaires » destinés à la régulation de l’environnement, et présentent ainsi, une analyse critique de ce type de démarche, afin de souligner l’écart entre les arguments théoriques communément avancés et les réalités du terrain observées. La troisième génération d’intervention sur l’environnement exclut la puissance publique de toute régulation et repose sur l’adhésion volontaire des entreprises aux différentes normes mises à leur disposition. Les auteurs montrent que les approches volontaires en matière de régulation environnementale, peuvent faire l’objet d’une usage abusif ou anti-concurrentiel de la part des entreprises qui les utilisent, ils s’inscrivent dans une lecture critique du référentiel ISO 14 001 objet de leur analyse. Outre les éventuelles motivations relevant de la volonté personnelle et des motivations citoyennes de l’entreprise, l’adoption d’approches volontaires est souvent liée à des pressions externes. Parmi elles on recense les pressions de nature réglementaire, qui constituent un important facteur d’incitation au volontariat notamment par crainte de la réglementation à venir, ainsi que les pressions introduites par le marché, qui rendent nécessaire l’adhésion des entreprises aux instruments volontaires afin d’avoir accès à certains marchés ou de pouvoir travailler avec certains donneurs d’ordre (en 2003, Général Motors demande à l’ensemble de ses fournisseurs d’être certifiés ISO 14 001). Grolleau, Mzoughi et Thiébaut invitent le lecteur à être prudent vis-à-vis des systèmes de 24 Gilles Grolleau, Naoufel Mzoughi, Luc Thiébaut, « Les instruments volontaires, un nouveau mode de régulation de l’environnement ? », Revue Internationale de Droit Economique, 2004, pp. 461- 481. Buttet Amélie - 2009 35 Vers une gestion environnementale des entreprises ? management environnemental et leur prétention à aller au-delà de ce que la réglementation exige. La norme ISO 14 001 peut faire l’objet d’un usage abusif voire anticoncurrentiel, ce qui constitue une remise en cause de sa capacité à contribuer à une meilleure prise en compte 25 de l’environnement par l’entreprise. Mme Miclot , confirme les propos des trois auteurs et explique qu’une des limites essentielles de la norme ISO 14 001, et d’une manière plus générale, de l’ensemble des normes ISO, « est que l’adhésion à ces référentiels est basée sur le volontariat des entreprises, sans qu’il n’y ait de contrôles de la puissance publique sur les conditions de leur utilisation ». L’entreprise est autonome dans la mise en œuvre d’un système de management environnemental, d’où la possible manipulation des objectifs qu’elle se fixe à atteindre. Les objectifs seront plus ou moins ambitieux, plus ou moins faciles à atteindre, plus ou moins explicites, plus ou moins déjà atteints avant l’engagement dans la démarche. La question de l’évaluation des objectifs demeure essentielle puisque l’organisme en charge de réaliser les audits n’est pas en mesure d’évaluer la pertinence des objectifs fixés, mais s’en tient à la vérification des engagements initiaux. La remise en cause de la fiabilité des instruments volontaires de régulation environnementale, en premier lieu de la norme ISO 14 001, conduit à s’interroger sur l’efficacité réelle de ces approches. Les approches volontaires se veulent efficientes du point de vue des entreprises qui les utilisent puisqu’elles constituent un outil adapté à leur souci d’atteindre les objectifs fixés au moindre coût, cependant, les systèmes de management environnementaux sont des outils utilisés par des entreprises opportunistes puisque, par leur mise en oeuvre, chaque entreprise choisit librement et indépendamment des actions à mener, des moyens engagés et des résultats à planifier. Les administrations publiques s’en trouvent également bénéficiaires indirectes puisque qu’elles n’ont plus à assumer les coûts liés à la mise en place de la réglementation (élaboration, information, négociation, vérification). En revanche, les approches volontaires ne sont pas nécessairement plus efficaces en terme de maîtrise de impacts environnementaux. Grolleau, Mzoughi et Thiébaut montrent que les résultats environnementaux satisfaisants ne sont pas obtenus uniquement grâce à la mise en œuvre d’instruments volontaires, tels que la norme ISO 14 001 ; les instruments réglementaires sont aussi efficaces et permettent d’atteindre des résultats non négligeables en matière de maîtrise des pollutions. La lecture critique de la norme ISO 14 001 permet de rendre compte de l’éventuelle manipulation du standard par les entreprises soucieuses de témoigner de leur efforts pour l’environnement tout en évitant d’en supporter des coûts trop conséquents. L’analyse de Gilles Grolleau, Naoufel Mzoughi et Luc Thiébaut conclut à une utilisation stratégique des approches volontaires par certaines entreprises afin de se différentier de leurs autres partenaires et d’en retirer un avantage de nature économique. Les approches volontaires constituent bien un nouveau mode de régulation de l’environnement mais leur portée doit être relativisée puisque la prétendue « bonne volonté » des entreprises vis-à-vis de l’environnement cache un comportement stratégique. L’intervention des pouvoirs publics se fait d’autant plus nécessaire que les normes volontaires en matière d’environnement sont manipulées par les entreprises qui les utilisent ; elles présentent la protection de l’environnement comme l’enjeu principal de la démarche alors qu’au fond, elle fait figure d’enjeu secondaire. En outre, le propos des trois spécialistes sur les manipulations stratégiques de la norme ISO 14 001 doit être complété et enrichi par l’analyse du processus d’élaboration des référentiels ISO. Parallèlement à l’étude du niveau micro-économique, à savoir, celui de l’application des instruments volontaires dans un secteur d’activités par des jeux de pouvoir et d’éventuelles manipulations stratégiques, 25 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société Anonyme des Eaux Minérales d’Evian, Groupe Danone 36 Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique il est également utile d’examiner les modalités de construction et d’adoption d’un référentiel international (de type ISO), cette fois au niveau macro-économique. De la même façon que sont dénoncés les manipulations stratégiques au niveau de l’application des normes ISO 14001, la phase d’élaboration de ces instruments volontaires constitue un espace supplémentaire dans lequel le secteur privé, et principalement les grandes entreprises industrielles, cherchent à obtenir un avantage sur leurs concurrents. En effet, les comités techniques, travaillant à l’élaboration des grands standards, offrent une sur-représentation aux porte-parole des grandes entreprises industrielles mondiales, contrastant avec la proportion des porte-parole représentant les Etats (les associations environnementales, les ONG ou les consommateurs). La logique sous-jacente à l’élaboration des normes environnementales volontaires est exactement identique à celle dénoncée par Grolleau, Mzoughi et Thiébaut au niveau de la mise en œuvre de ces instruments au sein d’un secteur d’activité. Le rapport de force trouve son origine en amont, dans la phase d’élaboration de ces référentiels, dans laquelle les industriels sont animés par la volonté d’obtenir une norme au moindre coût de mise en place pour leur entreprise, tout en désavantageant au maximum les autres entreprises qui souhaitent se certifier et qui n’ont pas eu la possibilité de participer aux travaux d’élaboration. Le manque d’intervention de l’Etat dans la phase d’élaboration des normes témoigne d’une manipulation stratégique encore plus forte et conduit à introduire une logique de marché dans laquelle s’exerce une concurrence accrue entre des acteurs, tous soucieux de défendre leurs propres intérêts. Ce comportement stratégique trouve une traduction théorique dans le concept économique appelé « théorie de la capture » ou encore « économie positive de la réglementation ». L’analyse est élaborée par Georges Stigler, elle montre que dans certains cas, l’autorité réglementaire est soumise à l’influence des groupes de pression et ne sont plus garantes de l’intérêt général. La théorie de la capture de la réglementation stipule que certains groupes d’intérêts utilisent les moyens de la réglementation pour orienter les lois et les règles dans des directions qui les favorisent, c’est ce mécanisme qui est à l’œuvre dans le cadre de l’élaboration de la norme ISO 14 001, soumise aux intérêts organisés des représentants du secteur industriel. Aux vues de ces considérations, les instruments volontaires de régulation environnementale apparaissent comme un outil de compétition entre les entreprises, tant au niveau de leur élaboration que de leur mise en œuvre concrète. La manipulation stratégique de ces approches prend place aussi bien au niveau micro-économique (celui de la mise en œuvre dans les entreprises) qu’au niveau macro-économique (celui de l’élaboration des ces instruments). Les spécialistes des questions environnementales en 26 entreprises, tels que Gilles Grolleau et Naoufel Mzoughi , dont les travaux sont présentés ci-dessus, prônent en faveur de la participation des Etats ainsi que de l’ensemble des parties intéressées (société civile, petits producteurs…) aux phases d’élaboration et de mise en œuvre des standards, afin de rendre le système plus équitable et plus transparent. De telles manipulations entraînent des effets pervers sur le bon fonctionnement du système de concurrence, c’est pourquoi, afin de faire face à ces dysfonctionnements, mais tout en conservant néanmoins les enrichissements que ces approches peuvent apporter en matière de protection de l’environnement, les auteurs réfléchissent à une sorte de « troisième voie » associant l’intervention des Etats avec les approches volontaires ; les faire coexister plutôt que de les opposer afin d’en extraire un fonctionnement plus optimal. Bien que l’analyse critique des normes environnementales basées sur l’adhésion volontaire des entreprises puisse paraître excessive, les observations empiriques viennent 26 Grolleau G, Mzoughi N , L’élaboration des normes : un nouvel espace de compétition ? Une application à la norme ISO 14 001, Revue d’Economie Industrielle, 2005/3, n°111, p. 29-56 Buttet Amélie - 2009 37 Vers une gestion environnementale des entreprises ? confirmer indirectement les jeux de pouvoir auxquels elles sont soumises. D’une manière générale, les entreprises certifiées ISO 14 001 ayant élaboré un SME sont celles qualifiées de « grandes entreprises » (250 salariés ou plus), ou de « groupe d’entreprises » ( société mère et filiales) implantées en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie majoritairement. Répartition dans le monde des certificats ISO 14 001 par secteurs d’activité en 2005 Source : ISO 2005 Le secteur industriel est le mieux représenté et possède le plus d’influence lors de la phase d’élaboration de la norme ISO 14 001 puisqu’il est le groupe le plus cohérent au-delà des frontières nationales, les mieux équipés en termes d’expertise technique ; en revanche, les petites et moyennes entreprises sont sous représentés. Il semble avoir une correspondance entre participation à l’élaboration de la norme ISO 14 001 et certification, les grandes entreprises industrielles ayant davantage participé au processus, constituent la 27 majorité des entreprises certifiées ; inversement, les PME/PMI , moins représentées lors des travaux de préparation du standard sont par la suite moins nombreuses à être certifiées. La norme ISO 14001 semble confirmer le vieil adage selon lequel, « celui qui rédige le document (la norme), remporte la victoire ». Les enjeux liés à la mise en place d’un SME sont multiples, d’ailleurs, leur succès s’explique par la progressive reconnaissance de la norme ISO 14 001 en tant que nouveau dispositif institutionnel. Cependant, l’enjeu purement environnemental du standard se trouve dénaturé par le comportement opportuniste de certains agents économiques, ce qui conduit à remettre en question la prétendue bonne volonté des entreprises à s’engager pour l’environnement grâce à la mise en place d’un système de management. La protection de l’environnement se transforme progressivement en un domaine d’action stratégique et un facteur source d’avantages compétitifs que seules les entités économiques les plus riches sont en mesure d’exploiter, étant donné le coût occasionné par la mise en place de mesures environnementales, notamment des systèmes de management environnemental. 27 38 Petites et Moyennes Entreprises ou Industries Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique II. L’environnement à quel prix ? Le coût de la mise en place d’un système de management environnemental, par le biais de l’obtention de la certification ISO 14001, n’est pas lié au degré de risque environnemental que le site représente, mais à la complexité de son processus de production. Il est très difficile de parvenir à chiffrer exactement le coût de revient d’un SME ; d’ailleurs les entreprises qui ont collaboré à la réalisation de cette étude se sont montrées très prudentes vis-à-vis des estimations, ne parvenant elles-mêmes pas toujours à en calculer le montant global. La mise en place d’un SME nécessite 3 types d’investissements : les investissements relatifs à la mise en conformité par rapport aux lois et aux règlements en vigueur ; les investissements en équipements permettant d’atteindre des objectifs et des cibles fixés ; l’investissement en heures de travail des salariés et en conseils extérieurs au site. Même s’il s’avère impossible de chiffrer le coût total lié à la mise en place et au fonctionnement d’un système de management environnemental, tant le montant diffère en fonction de la nature de l’entreprise, de son degré d’engagement, des actions mises en œuvre, il est néanmoins intéressant d’analyser quels sont les éléments qui induisent les coûts. Traditionnellement, pour présenter l’ensemble des dépenses liées à la mise en place d’un SME, les entreprises distinguent entre deux sortes de coûts : les coûts de mise en place et les coûts de fonctionnement. A. Coûts de mise en place et exclusion par les prix La démarche de certification est un processus long dans lequel chaque étape présente un coût important. Les normes internationales de management environnemental ISO 14001 s’inspirent largement des normes ISO 9000, de 10 ans leur aînée, qui concernent le management de la qualité. La similitude entre ces deux types de normes facilite le passage de l’une à l’autre, tout en réduisant les coûts de mise en place. Cependant, même si les entreprises sont préalablement certifiées en ISO 9001, les coûts de mise en place d’un SME n’en demeurent pas moins très élevés. Chaque étape du processus, exige de l’entreprise, la réalisation d’un certain nombre de dépenses : coûts d’intendance liés à la mise en place du système, analyse initiale, réalisation de la documentation, formation des personnels et certification par un organisme accrédité. Il est souvent difficile d’identifier le montant exact des dépenses engagées pour chaque étape, néanmoins, quelques indications peuvent être données sur la répartition des différents coûts supportés par l’entreprise. Le coût de chacune des étapes varie en fonction de la taille de l’entreprise et de la diversité de son activité. Plus la taille de l’entreprise est importante et plus ses coûts seront élevés, de même, plus son activité est diversifiée et plus ses frais seront croissants. Par ailleurs, ces deux caractéristiques sont souvent indissociables. Cependant, même dans l’hypothèse ou les entreprises seraient en mesure de chiffrer précisément les dépenses induites par la mise en place d’un SME, les résultats obtenus ne peuvent pas donner lieu à l’élaboration d’un coût moyen représentatif de l’ensemble des dépenses liées à l’engagement d’une entreprise dans une démarche de certification ISO 14 001. Le système de management environnemental est spécifique à chaque entreprise qui décide de s’engager sur un certain niveau d’objectifs environnementaux à atteindre, les buts fixés ne sont jamais les mêmes entre deux entreprises même si elles appartiennent au même secteur d’activité. En ce qui concerne les entreprises étudiées dans le cadre de la réalisation de ce travail, la société des Eaux Minérales d’Evian apparaît comme l’entreprise la plus engagée pour l’environnement, elle réalise des investissements colossaux, sans Buttet Amélie - 2009 39 Vers une gestion environnementale des entreprises ? comparaison possible avec ses voisins directs. Les coûts de mise en place du SME ont été largement supérieurs à ceux supportés par d’autres entreprises de même envergure, notamment par son concurrent direct Neslté, propriétaire d’entreprises productrices d’eaux 28 minérales. De même, les deux domaines skiables qui ont contribué à l’analyse, même s’ils sont fortement similaires dans leurs caractéristiques générales, se différencient largement en terme de mise en oeuvre de leur SME respectif. La confrontation des témoignages des deux Responsables Qualité-Sécurité-Environnement, M Muffat et Mme Lhermite, montre que la station d’Avoriaz est davantage engagée dans la démarche de management environnemental et qu’elle a supporté des coûts de mise en place globalement supérieurs à ceux engagés par sa voisine, la station des Gets. La complexité et la technicité de la norme ISO 14 001 incite les entreprises à se faire aider dans leur démarche. Elles ont généralement recours à des consultants extérieurs ou à des laboratoires accrédités (cabinets de conseils en management), qui accompagnent les entreprises tout au long du processus, grâce à une aide spécifique et adaptée. Ces organismes ont des prestations très onéreuses, cependant l’accompagnement externe demeure conseillé voire indispensable. De surcroît, les dépenses doivent être rattachées à la durée prise par le processus de certification, qui peut varier d’une à deux années, ce qui représente un coût d’autant plus important, lorsque la durée de la démarche se prolonge . Les entreprises demandent à ces organismes de réaliser des audits dits « à blanc », c'està-dire une simulation d’audit qui précède l’audit de certification, qui sont, l’un comme l’autre, relativement coûteux. Afin de corriger les dysfonctionnements existants, les entreprises, conseillées par des organismes d’accompagnement, engagent des investissements lourds, nécessaires à la mise en place du système, ce qui contribue à augmenter le montant 29 des dépenses supportées par l’entreprise. M. Rase explique que, pour la société des Papeteries du Léman, le préalable à l’engagement dans une démarche de SME, était de rechercher une technique permettant de recycler les eaux usées utilisées par le processus de production. Le Cabinet de Conseil en management accompagnant la société dans sa démarche, préconise la construction d’une station d’épuration à échelle réduite sur le site de l’entreprise, afin de résoudre le problème de la consommation d’eau ainsi que celui du traitement des eaux usées. Cette solution, même si très pertinente pour l’activité papetière, étant très grande consommatrice d’eau et très polluante, constitue une dépense « colossale », selon M. Rase, « dont l’amortissement prendra plusieurs années ». A l’ensemble de ces dépenses, qui concernent uniquement la mise en place des systèmes de management environnemental, il convient d’ajouter, en dernier lieu, les coûts liés à la formation du personnel. Le succès de la démarche réside dans la participation de l’ensemble du personnel, ce qui nécessite un effort de formation de la part de l’entreprise. Les dépenses d’accompagnement en interne, tant de sensibilisation que de formation, augmentent avec le nombre de salariés. Le coût élevé de mise en place des SME est une des limites de la norme ISO 14 30 001. Monsieur Muffat , constate que le domaine skiable d’Avoriaz s’est s’engagé dans la démarche compte tenu de sa bonne situation financière, il reconnaît en revanche que les coûts induits par la mise en place d’une certification ISO 14 001, ne peuvent pas être 28 Analyse extraite des entretiens du 16 février 2009 avec Mme Lhermite, Responsable QSE, Société des Remontées Mécaniques des Gets et du 17 février 2009 avec M Muffat Responsable QSE, Société des Remontées Mécaniques d’Avoriaz. 29 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean-Michel RASE, responsable QSE, Société les Papeteries du Léman (groupe Bolloré) 30 Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz. 40 Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique supportés par une station de ski à la taille et à la situation plus modeste. Cet argument semble faire consensus ; l’accès à la certification en management environnemental est restreint pour des entreprises petites et moyennes, tant les coûts de mise en place à supporter sont lourds. La mise en lumière de l’importance des coûts induits par la mise en œuvre d’un système de management environnemental permet de s’interroger sur la légitimité et l’efficacité des instruments volontaires de régulation de l’environnement. En effet, la mise en place d’un système de management environnemental impose aux entreprises de supporter des coûts de transactions importants, c'est-à-dire, des coûts préalables à la réalisation d’une transaction. Le concept de coûts de transaction apparaît pour la première fois dans l’article de Ronald Coase, « The Nature of the Firm », et est repris plus tard par Oliver Williamson ; il affirme que toute transaction économique engendre des coûts préalables à leur transaction : des coûts liés à la recherche d’informations, à la négociation, à la prise de décision ou à la prévention de l’opportunisme des autres agents. La mise en place de la norme ISO 14 001 engendre différents coûts de transactions, les plus importants étant ceux de recherche et d’information, comme l’illustre le recours systématique des entreprises aux services des cabinets de conseils. L’importance de ces coûts est une des caractéristiques spécifiques des instruments volontaires, générés et gérés par des personnes privées se substituant à la légitimité des autorités publiques en matière d’environnement. Dès lors, les standards volontaires de régulation environnementale ne peuvent pas se généraliser à l’ensemble de l’économie car les frais de mise en place sont trop importants pour pouvoir être exigés par la puissance publique. Le coût lié à la mise en place d’un SME constitue un facteur de différentiation entre les entreprises capables de supporter l’ensemble de ces dépenses et celles qui ne peuvent pas assumer un tel investissement ; les entreprises les plus dotées financièrement bénéficient ainsi des nombreux avantages qu’offrent la mise en place de la norme ISO 14 001, leurs partenaires non certifiés ne profitant pas des retombées. Le coût de mise en place du SME résulte d’un réflexion stratégique visant à faire de la norme ISO 14001, un dispositif particulièrement reconnu car non généralisé ; lorsqu’un référentiel est mis en place de façon démocratisé et standardisé, il perd de sa légitimité, c’est la rareté relative de la norme ISO 14 001 qui lui confère sa légitimité et son renom. Les entreprises disposant de ressources financières modestes sont aussitôt exclues du mécanisme de certification au standard ISO 14 001 puisque la normalisation internationale trouve sa légitimité dans un processus d’exclusion par les prix. La norme ISO 14 001 opère une discrimination entre les entreprises certifiables et celles demeurant à l’écart du processus ; il n’y a pas d’égalité entre les entreprises vis-à-vis de la protection de l’environnement. Les dysfonctionnements des instruments volontaires, liés à une utilisation stratégique et opportuniste des standards, constituent une limite inhérente à ces outils, qui trouvent leur origine dans le processus d’élaboration des référentiels. L’exclusion de clients potentiels à la recherche de la certification conduit à faire de la norme ISO 14 001, un outil de régulation environnementale fiable puisque attribué seulement aux entreprises financièrement stables, en mesure de mener des actions et des investissements durables en matière de protection de l’environnement. Les coûts de mise en place du système de management environnemental constituent une source de dépenses non négligeable, dont seules les entreprises les plus riches sont capables d’en assumer les conséquences financières ; cependant, le coût global des dépenses liées à la certification ISO 14 001 est constitué d’une seconde source de dépenses, celles induites par le fonctionnement quotidien du SME. Buttet Amélie - 2009 41 Vers une gestion environnementale des entreprises ? B. L’évaluation incertaine des coûts liés au fonctionnement du Système de Management Environnemental Les coûts de fonctionnement du SME sont les coûts que l’entreprise doit supporter après l’obtention de la certification ISO 14 001. Ici encore, il est difficile à évaluer pour les entreprises certifiées et rares sont celles qui disposent d’un tableau de bord comptable suffisamment précis. Plusieurs facteurs expliquent le manque de transparence dans ces dépenses. Tout d’abord, la grande majorité des entreprises certifiées manquent de recul, car l’obtention du label est trop récent pour pouvoir mener une étude chiffrée exacte des dépenses induites par le fonctionnement du SME. Ensuite, les fonctions et les responsabilités environnementales de l’entreprise sont souvent rattachées à la qualité, la sécurité ou les services généraux ce qui donne aux dépenses un caractère général. Lorsque l’entreprise est de taille importante, il est délicat de distinguer les coûts propres à l’entreprise, de ceux liés aux autres sites ou à l’ensemble du groupe. Ces divers facteurs expliquent qu’il est quasiment impossible pour une société d’établir une comptabilité analytique « verte » et ainsi de mesurer véritablement le montant des coûts de fonctionnement d’un SME. Généralement, les entreprises ne disposent pas d’un « budget environnement » propre et indépendant du budget global, ce qui ajoute de la confusion dans l’élaboration potentielle d’une comptabilité environnementale stricte. Tout comme pour les coûts de mise en place, les coûts de fonctionnement du SME sont très variables d’un site à l’autre. Néanmoins, certains investissements ou frais se retrouvent d’une manière récurrente dans l’ensemble des entreprises, à titre d’exemple, le salaire du personnel en charge du pilotage et de la surveillance du système de management environnemental, les moyens engagés pour les audits internes, la formation et la communication dans l’entreprise, le coût supplémentaire lié à l’utilisation de produits dits « biodégradables », etc. Parmi ces quelques exemples présentés, les dépenses en formation du personnel, corollaires à la mise en place d’un SME constituent une bonne illustration de la difficulté d’évaluer le coût de fonctionnement du système de management environnemental. La démarche ISO 14 001 conduit à des résultats visibles, lorsque l’ensemble du personnel de l’entreprise est impliqué, de la Direction jusqu’au opérateurs sur le terrain. Cette implication passe par des efforts de sensibilisation et de formation continus, ce qui n’est pas sans avoir un coût. La formation sur le SME se décline par la mise en place de groupes de travail, par l’implication quotidienne du personnel dans la rédaction des consignes ou des instructions environnementales, par des séances de communication collectives, par la formation d’adaptation aux nouveaux outils de travail, par l’utilisation de supports de sensibilisation (vidéos, films, CD-rom…), la création de points de rencontre, l’organisation de conférences et débats. Les dépenses de formation, qui ne sont qu’un exemple parmi d’autres, sont représentatives puisque très difficilement évaluables quantitativement. Outre le calcul de l’ensemble des heures de travail nécessaires au Responsable Environnement pour mener à bien son rôle de formateur, la frontière est souvent floue entre ce qui relève de la formation rendue nécessaire par la certification ISO 14 001 et la formation continue inhérente à toutes personnes faisant carrière dans l’entreprise. Les techniques de formation et de sensibilisation n’ont pas directement un coût mesurable, cependant leur préparation et leur réalisation nécessitent beaucoup de temps ainsi que de disponibilités en terme matériel et humain, le temps et la disponibilité étant 31 deux indicateurs difficilement mesurables en termes économiques. Du reste, Mme Miclot témoigne que dans le cadre de la société Evian, il est impossible de chiffrer le coût de 31 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société Anonyme des Eaux Minérales d’Evian, Groupe Danone 42 Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique revient total d’un SME puisque les investissements réalisés obéissent à une double finalité, d’une part, satisfaire les besoins normaux d’investissement de l’entreprise, d’autre part, répondre aux exigences de la certification ISO 14 001. Selon elle, une entreprise qui met en place un SME ne doit pas chercher à calculer son coût de revient ; lorsque l’entreprise réalise un investissement important dans nouveau procédé de fabrication de bouteilles en plastique, elle engage des dépenses pour répondre à la fois à des exigences marketing (recherche d’une bouteille au design plus vendeur car plus original), à des exigences productives (format plus ergonomique et donc plus facilement stockable), à des exigences environnementales (réduction de la quantité de plastique par bouteille), à des exigences économiques (réduction de la consommation de matières premières et d’énergie). Mme Miclot réfléchit sur la meilleure façon possible d’isoler les coûts supplémentaires de l’investissement induits par la recherche de procédés moins polluants, dictée par le SME ; elle conclut que l’évaluation est impossible car la décision d’investissement est motivée par un ensemble de facteurs imbriqués entre eux, n’ayant pas pour seule origine le système de management environnemental. 32 Mme Lhermite explique : « le montant des dépenses de fonctionnement est largement supérieur au montant des dépenses de mise en place, étant donné que le SME se base sur un processus d’amélioration continue ». L’entreprise est tenue d’aller toujours au-delà de ce qu’elle se fixe, elle doit sans cesse prouver qu’elle réduit les impacts de ses activités sur l’environnement, ce qui rend nécessaire la réalisation d’investissements réguliers ; les investissements respectueux de l’environnement étant toujours plus onéreux que les investissements traditionnels. Mme Lhermite ajoute: « pour les coûts liés au fonctionnement quotidien du SME, on est dans la spirale du toujours plus, quoi que l’on fasse, la prochaine étape sera d’aller encore plus loin, ce qui, au final, coûte toujours plus cher à l’entreprise ». Le coût élevé de la démarche explique qu’il y ait davantage d’entreprises de grande taille que de PME qui soient certifiées, les PME dotées d’un SME sont généralement des activités de services à la bonne situation financière, dans un secteur d’activité durable ou en expansion. Cependant, lorsque les entreprises parlent des dépenses liées à leur système de management environnemental, toutes n’insistent pas sur le coût que le dispositif représente. 33 M Rase , parle d’un possible « retour sur investissement » du système de management environnemental. D’ailleurs, d’une manière générale, les entreprises étudiées dans la cadre de l’analyse, espèrent toutes ce retour sur investissement dégagé de la mise en place d’un SME. Les dépenses engagées sont importantes mais constituent des investissements durables pour l’entreprise, qui, a terme, sont bénéfiques. Mme Miclot explique que l’entreprise impliquée dans une démarche de management environnemental est en mesure de mieux préparer son avenir, puisque l’ensemble des investissements qu’elle réalise prend en compte les contraintes environnementales. Néanmoins, le coût global lié à la mise en place d’un système de management environnemental constitue l’un des points faibles de la démarche. Le processus est coûteux pour les PME/PMI , il réduit le nombre des entreprises potentiellement certifiables, et explique le retard français en matière de certification ISO 14001, le tissus d’entreprises en France étant essentiellement constitué de PME/PMI, aux ressources financières non suffisantes. 32 Extrait de l’entretien du 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société des Remontées Mécaniques des Gets. 33 Extrait de l’entretien du 19 février 2009, avec M Jean-Michel Rase, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société Anonyme Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré Buttet Amélie - 2009 43 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Pour encourager les entreprises à s’engager dans une démarche de management environnemental, de nombreuses institutions et associations aident financièrement les entreprises, par l’attribution de subventions. Les Chambres de Commerces et d’Industries des différents Départements accompagnent et subventionnent certaines entreprises dans leur processus de certification ; de même, que les Conseils Généraux ou Régionaux. L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), organisation qui anime, coordonne et réalise des opérations de protection de l’environnement soutient financièrement les petites et moyennes entreprises dans leurs initiatives. Depuis 2002, il existe un partenariat entre l’ADEME et la Région Rhône-Alpes proposant un programme dans lequel des spécialistes des questions environnementales interviennent directement auprès des artisans et des dirigeants des PME pour les accompagner dans leurs démarches environnementales au quotidien et pour les inciter à intégrer l’environnement dans leur stratégie de développement. Quoi qu’il en soit, M Muffat explique que même si les subventions proposées par ces organismes sont non négligeables, elles restes néanmoins marginales lorsqu’elles sont comparées à l’ensemble des coûts de la démarche que l’entreprise doit supporter, « ce n’est pas le fait de recevoir des subventions qui nous a encouragé à se certifier en ISO 14 001, les subventions restent assez symboliques ». Dès lors, si les entreprises acceptent de s’engager dans le processus de certification et ainsi de supporter de tels coûts (de mise en place et de fonctionnement), c’est qu’elles entrevoient dans la norme ISO 14001, une opportunité de développement ou un facteur compensatoire permettant de rentabiliser leurs dépenses engagées. L’ensemble des coûts que l’entreprise doit supporter par la mise en place et le fonctionnement d’un système de management environnemental pose la question de la légitimité des instruments volontaires de régulation environnementale puisqu’ils contribuent à faire de la protection de l’environnement, un luxe, que seules les entreprises les mieux dotées financièrement sont capables de s’offrir. En outre, cette pratique s’oppose à la conception qui fait de l’environnement un bien collectif, accessible à tous, sans mécanisme d’exclusion par les prix. L’environnement mis à disposition gracieusement par la nature ne devrait pas faire l’objet d’un calcul économique et, la mise en place d’actions pour sa protection doit être accessible à tous, quelque soit le niveau de richesses économiques des agents. L’inégalité face à la protection de l’environnement, de la même manière qu’elle existe entre les entreprises, se retrouve au niveau des ménages : les consommateurs qui achètent des produits respectueux de l’environnement (alimentation bio, produits biodégradables, matériaux recyclables…) sont généralement les ménages les plus aisés puisque ces produits sont davantage coûteux que ceux de consommation traditionnelle. Depuis que la lutte pour la protection de l’environnement s’est instituée dans les pays développés, il y a une vingtaine d’années, les entreprises qui se sont vues contraintes d’agir sous la pression des pouvoirs publics, tentent de tirer partie de cette exigence pour en faire un avantage compétitif, aux répercutions positives sur le niveau de performance de l’organisation. La notion de développement durable en entreprise, et notamment sa composante environnementale ont largement contribué à redéfinir le concept de performance, aujourd’hui focalisé autour de l’idée de « performance globale ». III. Performance environnementale vs performance globale de l’entreprise 44 Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique Les entreprises qui s’engagent dans la mise en place des systèmes de management environnemental sont rarement désintéressées puisqu’elles ont pris la mesure de l’opportunité que constitue ce nouveau champ d’action. La vulgarisation du concept de Développement Durable pousse les entreprises à redéfinir les critères d’évaluation de la situation concurrentielle ; la performance économique dépend directement de la prise en compte des dimensions sociales et environnementales de la performance. A. Performances et Entreprises Le concept de performance se définit comme la capacité à obtenir un résultat ou à atteindre un objectif préalablement établi par la stratégie de l’entreprise. L’évaluation de la performance nécessite que l’entreprise se soit, au préalable, fixée des objectifs à atteindre dans un délai précis. Longtemps la mesure de la performance en entreprise s’est réduite à sa dimension économique, c'est-à-dire l’évaluation de sa capacité à produire au moindre coût en maximisant les bénéfices, pour répondre aux attentes des actionnaires. Cependant, avec la vulgarisation du concept de Développement Durable, la représentation uniquement financière de la performance cède la place à des approches plus globales incluant les dimensions sociales et environnementales. La pérennité des entreprises ne s’apprécie plus sur l’aspect uniquement financier de leurs activités ; l’entreprise durable est celle capable de prendre en compte les attentes de nouveaux acteurs, l’ensemble des « parties prenantes », qui comprend les actionnaires mais également les associations, les ONG, les syndicats, les clients, ou les fournisseurs... Ces nouveaux partenaires souhaitent être entendus et la prise en compte de leurs exigences est une nécessité vitale pour la performance et la pérennité des entreprises. Le contenu de la notion de performance est reconsidéré pour intégrer dans son évaluation, la manière dont les entreprises se conduisent et fournir une image globale de la performance de l’entreprise. L’exigence d’un plus fort degré de responsabilité chez les entreprises donne naissance au concept de « performance globale ». La performance globale est définie par le Commissariat 34 Général du Plan, et notamment par Marcel Lepetit , en 1997, « comme une visée (ou un but) multidimensionnelle, économique, sociale et sociétale, financière et environnementale, qui concerne aussi bien les entreprises que les sociétés humaines, autant les salariés que les citoyens ». Cette performance nécessite l’élaboration d’indicateurs multi-critères et multi-acteurs , puisque les entreprises sont tenues de mesurer l’étendue de leurs progrès non seulement dans la sphère économique, mais également en matière sociale et environnementale. La notion de performance s’élargie, elle devient un instrument 35 de mesure de la « responsabilité sociétale » de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes. Désormais, les rapports que les entreprises entretiennent, non seulement avec leur environnement naturel mais aussi avec leur environnement sociétal, doivent être pris en compte et évalués de la même manière qu’elles évaluent leurs résultats économiques. La performance globale est mobilisée pour évaluer la mise en œuvre par les entreprises du concept de Développement Durable ; elle se définit comme « l’agrégation des performances économiques, sociales et environnementales par la réunion de la performance financière, de la performance sociale et de la performance sociétale ». Contrairement à la vision américaine 34 Marcel Lepetit, consultant en organisation et expert de comités d’entreprises au Cabinet Développement social et organisation Consultants, a contribué au groupe de travail du Commissariat Général au Plan (CGP) en 1997 sur la performance globale. 35 Responsabilité d’un agent économique par rapport aux conséquences sociales et environnementales de ses activités sur ses parties prenantes. Buttet Amélie - 2009 45 Vers une gestion environnementale des entreprises ? de la responsabilité sociétale concrétisée dans des actions philanthropiques étrangères aux activités économiques de l’entreprise, l’approche européenne considère que les actions philanthropiques n’entrent pas dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et que les actions qui en relèvent s’apprécient au regard des activités habituelles de l’entreprise. En Europe, il n’y a pas de dissociation entre le métier de l’entreprise et les actions relevant de la responsabilité sociétale. Pour définir précisément l’approche européenne de la RSE, il convient de se référer à la définition de la Commission européenne : « La RSE est un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs 36 parties prenantes ». La Commission qualifie les entreprises de « socialement responsables » lorsqu’elles vont au-delà des exigences légales minimales et des obligations imposées par les conventions collectives pour répondre à des besoins sociétaux. La RSE permet aux entreprises, en coopération leurs partenaires, de concilier les ambitions économiques avec les exigences sociales et environnementales. Aujourd’hui, la responsabilité sociétale se représente au travers du concept "Triple Bottom Line" : prospérité économique, respect de l’environnement, respect et amélioration de la cohésion sociale. ». Ce concept traduit la prise en compte, à l’échelle de l’entreprise, des trois dimensions du Développement Durable et donc de la performance. Le Développement Durable en entreprises est représenté par un schéma qui permet de mettre en évidence l’intégration des trois objectifs poursuivis : l’un est économique (création de richesses pour tous à travers des modes de production et de consommation durable), l’autre est écologique (conservation et gestion des ressources) et le troisième est social (équité et participation de tous les groupes sociaux). Le principe du Développement Durable consiste en l’équilibre de ces trois dimensions afin éviter que la poursuite des objectifs économiques se fasse au détriment des deux autres. Lorsque l’entreprise prend une décision, elle veille à l’imbrication simultanée des exigences économiques, écologiques et sociales, enjeux auxquels toute entreprise doit être en mesure d’apporter des réponses satisfaisantes. Schéma du « Triple Bottom Line » Source : Greeninnovation.com Alors que la définition de la performance globale en entreprise est exprimée simplement, les entreprises éprouvent des nombreuses difficultés à l’évaluer. Les entreprises sont dotées de dispositifs d’évaluation perfectionnés pour la mesure des dimensions économiques et financières traditionnelles, mais présentent de nombreuses lacunes en ce qui concerne l’évaluation des dimensions environnementales et sociales. Les 46 Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique outils existants évaluent les performances de manière séparée ou mesurent au mieux le croisement de deux performances. La performance globale rejoint le concept déjà abordé auparavant de système de management intégré, dans le sens où l’entreprise cherche à établir une symbiose entre différentes dimensions, afin d’être plus compétitive. Aujourd’hui, la difficulté réside dans la complexité de mesurer les interactions entre les différentes dimensions de la performance, économique, sociale et environnementale. L’évaluation stricte de la performance par domaine d’application nécessite de disposer d’indicateurs de mesure fiables pour chaque catégorie d’action. La performance globale telle qu’elle est définie par la Commission Européenne constitue une donnée subjective puisque propre à chaque entreprise, en fonction des objectifs qu’elle s’est fixée. Une entreprise privilégiera telle ou telle dimension de la performance en fonction de son secteur activité, des pressions qui s’exercent sur elle, du choix des orientations stratégiques… ; la performance globale pose le problème de la compensation entre les différentes performances : les résultats d’une entreprise ne réussissant pas à atteindre ses objectifs environnementaux peuvent-ils être compensés par une excellente performance financière, économique et sociale ? ; un bon niveau de protection sociale dans l’entreprise contribue à faire oublier des résultats environnementaux lacunaires. L’agrégation des performances économiques, environnementales, sociales dans le concept de performance globale de l’entreprise pose problème car seule la performance économique ou financière dispose d’indicateurs standardisés et internationalement reconnus ; parmi eux, les entreprises évaluent le plus souvent leur performance économique grâce à leur taux d’investissement, leur taux de profit ou leur taux de productivité. Cependant les comparaisons entre entreprises, même en ce qui concerne la dimension économique de la performance, sont délicates à réaliser puisque les entreprises sont toutes différentes les unes-des autres, chaque indicateur témoignent de la spécificité de chacune d’entre elles. En revanche, les performances environnementales et sociales ne bénéficient pas d’indicateurs standardisés et reconnus comme l’instrument de mesure approprié des ces performances. De même, les sphères ne sont pas hermétiques entre elles, les niveaux des performances sociales et environnementales ont des conséquences évidentes sur le niveau de performance économique de l’entreprise, qui demeure le concept central dans la pensée économique. D’ailleurs, l’analyse de la mise en place d’un système de management environnemental, rend visible le lien qui unit la performance environnementale à la performance économique. B. Le mythe de la performance environnementale ? La mise en place de méthodes de gestion environnementale par une entreprise n’est jamais un acte totalement désintéressé, puisque quelles que soient les actions engagées, leur coût de mise en place et de fonctionnement est largement supérieur à celui nécessaire au fonctionnement traditionnel de l’entreprise, sans la prise en compte des contraintes environnementales. L’analyse ici consiste à comprendre pourquoi y a-t-il un tel engouement des entreprises à s’engager pour l’environnement, par la mise en place des systèmes de management environnemental ? Ce comportement semble, à première vue, paradoxal, car les entreprises, en tant qu’acteurs rationnels, cherchent à diminuer leur coûts de fonctionnement au maximum afin d’augmenter leurs profits. L’environnement n’est plus vécu comme une contrainte pour les entreprises soucieuses de s’assurer un développement sur le long terme, il apparaît davantage comme une opportunité de création de valeur à long terme, témoin de la bonne santé économique et Buttet Amélie - 2009 47 Vers une gestion environnementale des entreprises ? financière. Une entreprise qui est en mesure de justifier un certain niveau de performance environnementale, est une entreprise qui n’agit pas par pure philanthropie, mais qui espère en dégager des résultats visibles sur son niveau de performance économique. La prise en compte de l’environnement dans ses modes de gestion quotidiens résulte d’un ensemble de pressions exercées par la société civile, elle est un mal nécessaire pour l’entreprise puisqu’elle offre indirectement des opportunités économiques. Cependant, afin de pouvoir bénéficier des avantages induits par la prise en compte de l’environnement grâce à la mise en place d’un système de management environnemental, les entreprises doivent être en mesure d’évaluer leurs résultats environnementaux et ainsi de communiquer sur un certain niveau de performance environnementale atteint. La notion de performance environnementale demeure un concept flou, de la même façon que la définition de performance pour une entreprise s’est avérée, cidessus, difficile à appréhender et à évaluer. Une entreprise est qualifiée de performante environnementalement si elle réussit à atteindre les objectifs qu’elle s’est préalablement fixée lors de l’élaboration de sa stratégie ; le niveau de performance environnementale dépend ainsi de l’ambition des objectifs initiaux que l’entreprise s’est fixée. D’ailleurs, il est assez aisé pour l’entreprise de se décrire comme performante dans le domaine environnemental , dès lors où elle réussit à atteindre les objectifs environnementaux élaborés dans la démarche du système de management environnemental. Les difficultés d’évaluation resurgissent ici puisque à partir du moment où les entreprises respectent leurs engagements, elles s’autoproclament performantes en matière environnementale, néanmoins, il n’existe pas d’organisme dont la mission est d’évaluer le niveau de performance environnementale, ni même d’indicateurs permettant d’en rendre compte. Les systèmes de management constituent un outil pouvant servir à l’évaluation de cette performance puisque la méthodologie de la démarche nécessite la fixation d’objectifs à atteindre assortis d’indicateurs précis permettant d’évaluer dans quelle mesure l’entreprise a respecté ses engagements ; cependant, ce qui est évalué par le SME et ses indicateurs ce sont surtout le niveau de performance du système mis en place dans l’organisation davantage que sa performance environnementale réelle. L’entreprise peut être décrite par le SME comme intégralement performante, simplement parce qu’elle réussit à atteindre l’ensemble des objectifs fixés, alors même que ces derniers peuvent avoir été choisis car peu ambitieux et facilement réalisables. Les systèmes de management environnemental sont davantage des outils subjectifs d’évaluation de la performance environnementale, du reste les mesures sur lesquelles chaque entreprise s’engagent sont toujours différentes, ce qui exclut toutes comparaisons de performance possible entre les entités. La mise en place d’un système de management requiert l’introduction d’indicateurs environnementaux dans chacun des tableaux de bord des entreprises, l’évaluation est délicate car il n’y a pas d’indicateurs standards valables pour tous les organismes. Des recherches sont en cours afin de trouver une technique de mesure standardisée permettant de rendre compte du degré de performance environnementale des entreprises, parmi eux le rapport de l’Association Chartered Certified Accountants (ACCA) sur la mesure de la performance liée à l’environnement, le guide sur les indicateurs environnementaux des compagnies 37 élaboré par l’EPA allemande , le rapport sur les mesures d’éco-efficience du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), le papier publié par l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA), sur les indicateurs d’éco-efficience, etc. Dans les dernières recherches, l’évaluation de la performance uniquement environnementale semble oubliée car les indicateurs élaborés élargissent le champ de l’environnement au Développement Durable et incluent également une perspective sociale et économique à 37 48 Agence Allemande de Protection de l’Environnement Buttet Amélie - 2009 Partie II : Environnement et Economie : anatomie d’une relation stratégique celle de l’environnement. D’un point de vue normatif, l’ISO travaille toujours sur le sujet de l’évaluation des performances environnementales, dans le cadre de son sous-comité n°4 (groupe de travail), deux normes ont vu le jour : le référentiel ISO 14 031 donnant les lignes directrices de l’Evaluation des Performances Environnementales, le référentiel 14 032 présentant une série d’exemples d’évaluation mis au point par divers organismes à travers le monde, de secteurs différents et de tailles variées. A ce jour, aucune de ces deux normes n’est imposée à travers un texte légal, le respect et l’application sont laissés à l’entière appréciation des entreprises. Unilatéralement, chaque entreprise élabore un système d’évaluation des performances basés sur des indicateurs propres et sur des techniques de mesure particulières. L’évaluation des performances environnementales est définie par la norme ISO 14 031 comme : « un processus interne de management faisant appel à des indicateurs dans le but d’obtenir des informations comparatives sur la performance environnementale passée et présente de l’organisme par rapport à ses 38 critères de performance environnementale ». Les indicateurs sélectionnés pour faire partie de l’évaluation des performances environnementale varient en fonction des critères de performance que l’organisme se fixe, des intérêts des parties intéressées qu’il décide de prendre en compte. L’exigence minimal reste accessible puisqu’il s’agit simplement de faire mieux que par le passé. En outre, l’évaluation de l’atteinte des objectifs ne permet pas de mesurer l’impact positif concret sur l’environnement, les conséquences de 39 la démarche de SME restent difficilement évaluables sur l’environnement. M Rase , pour expliquer la mesure de sa performance environnementale, prend l’exemple de la mise en place d’une station d’épuration à échelle réduite sur le site de l’entreprise qui permet de réaliser des économies dans la consommation d’eau de l’ordre de 400 000 m3 de litres par an, cependant il n’est pas en mesure d’évaluer concrètement quelles conséquences la diminution de consommation d’eau comporte-t-elle directement sur l’environnement. Indubitablement l’investissement de l’entreprise papetière se traduit en terme positif sur l’environnement, cependant elle ne cherche pas à évaluer dans quelle mesure la réduction de la consommation annuelle d’eau de la société contribue à préserver cette ressource naturelle. Dans l’exemple, c’est le calcul des conséquences directes de la consommation d’eau qui fait l’objet de critiques, néanmoins, l’imprécision dans l’évaluation se retrouve similairement dans l’ensemble des entreprises qui ont contribué à l’analyse, et ce quelle que soit les ressources concernées (consommation d’électricité, de fournitures…). Cette lacune est inhérente aux systèmes de management environnemental puisqu’ils ne fournissent pas d’indicateurs suffisamment développés pour pouvoir en rendre compte. Les entreprises engagées dans une démarche de certification ISO 14001 souhaitent afficher les résultats témoignant de leur performance environnementale, prouver qu’elles s’inscrivent dans une démarche responsable et pro-active vis-à-vis de l’environnement. Les systèmes de management environnemental ne constituent pas une fin en soi, mais plutôt un moyen pour servir une fin, celle de restaurer son image et prouver sa bonne volonté au public en matière de protection de l’environnement. En ce sens, l’évaluation précise des conséquences positives des actions mises en œuvre par le SME sur l’environnement n’appartient pas aux exigences de la démarche, davantage centrée sur l’évaluation de l’atteinte des résultats que sur l’évaluation des conséquences. L’entreprise qui met en place une démarche de management environnemental s’engage dans un processus de revalorisation des biens et services offerts gratuitement 38 39 Extrait de la définition de l’évaluation des performances environnementales par la norme ISO 14 031 de 1999 Extrait de l’entretien du 19 février 2009, avec M Jean-Michel Rase, Responsable Qualité Sécurité Environnement, Société Anonyme Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré Buttet Amélie - 2009 49 Vers une gestion environnementale des entreprises ? par les écosystèmes puisqu’elle prend progressivement conscience de leur caractère limité. La gestion environnementale est un instrument de maîtrise de l’utilisation des ressources naturelles par l’entreprise, cependant, la démarche engagée avec les systèmes de management environnemental ne constitue que les prémices de la « nouvelle révolution 40 industrielle » à venir, celle par laquelle les entreprises seront en mesure d’évaluer économiquement le prix des biens et services fournis par les écosystèmes et de les utiliser en conséquences. La méthode qui consiste à faire la synthèse des coûts et des bénéfices induits par la mise en place de mesures destinées à protéger l’environnement n’est pas pertinente puisque l’utilisation des ressources naturelles n’est pas payante ou très peu pour celui qui les consomme. C’est seulement lorsque les entreprises et l’ensemble des acteurs qui utilisent quotidiennement les ressources offertes par la nature seront en mesure d’évaluer quantitativement ce que la consommation d’une unité de ressource coûte qualitativement à l’environnement naturel, la notion de performance environnementale aura un sens plus précis qu’il ne l’a actuellement et permettra de l’évaluer plus rigoureusement. En attendant, la protection de l’environnement demeure un instruments au nombreux avantages pour l’entreprise, lui permettant d’améliorer à la fois sa compétitivité et sa performance globale. Le lien qui unit l’environnement à l’économie est d’ordre stratégique, l’environnement reste plus que jamais au service de l’économie qui cherchent à l’exploiter toujours davantage par des moyens détournés. 40 50 “The Next Industrial Revolution”, concept théorique élaboré par William Mc Dounough and Michael Braungart Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. Lorsque, sur la base du volontariat, des entreprises décident d’intégrer la prise en compte de l’environnement dans un système de management, elles élaborent un plan d’action aux retombées potentiellement positives. Les mesures environnementales adoptées par l’entreprise ne doivent pas compromettent sa situation financière, elles doivent au contraire lui apporter des opportunités de création de valeur sur le long terme. Le Développement Durable et principalement sa dimension environnementale sont sources d’avantages compétitifs pour l’entreprise, ce qui encourage les acteurs à s’engager dans la démarche. Même si le but premier des systèmes de management environnemental consiste en l’amélioration des performances environnementales de l’entreprise, les entités qui s’engagent dans ce type de processus espèrent générer d’autres retombées principalement d’ordre économique. L’instrument de management environnemental se transforme progressivement en un outil stratégique pour les entreprises soucieuses de tirer profit au maximum de la mise en place d’un système de management environnemental. L’entreprise exploite les avantages de nature diverse induits par la mise en place d’un SME ; il constitue un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. I. La maîtrise des coûts liée à une meilleure gestion de l’environnement La maîtrise des coûts induits par la mise en place d’un système de management environnemental revêt deux aspects, d’une part, une plus grande rationalisation des coûts économiques globaux de l’entreprise, c'est-à-dire ceux qui sont nécessaires à son activité de fonctionnement, d’autre part, une meilleure gestion des coûts environnementaux, c'est-à-dire, les coûts directement liés aux conséquences des activités de l’entreprise sur l’environnement. La réduction des deux catégories de coûts évoqués ici procure à l’entreprise un avantage considérable et contribue à la rendre plus compétitive. A. De nouvelles méthodes d’organisation comme source de réduction des coûts pour l’entreprise La mise en place d’un SME au sein d’une entreprise conduit cette dernière à repenser entièrement ses méthodes d’organisation. La méthodologie de la norme ISO 14 001 exige Buttet Amélie - 2009 51 Vers une gestion environnementale des entreprises ? la réalisation d’un inventaire complet des activités de l’entreprise, aussi bien en interne qu’en externe, afin de déterminer leurs impacts environnementaux. L’élaboration du schéma fonctionnel de l’entreprise constitue la première étape de la norme ISO 14001, appelée « Analyse Environnementale Initiale » ; phase décisive puisqu’elle demande de faire un examen global de toutes les activités présentes en son sein et de les analyser afin d’en 41 déduire, individuellement, leurs impacts environnementaux . Cette première étape est l’occasion pour l’entreprise de détecter l’existence d’anomalies, de dépenses inutiles ou de problèmes de fonctionnement dans le processus de production. La norme ISO 14 001 est principalement créée pour réduire et maîtriser les effets dommageables de l’activité de l’entreprise sur l’environnement, cependant, elle constitue de surcroît, un facteur de rationalisation de son mode de fonctionnement. L’analyse exhaustive des activités de l’organisme est une démarche très lourde à mener, dans laquelle les entreprises ne s’engagent pas spontanément si elles ne le sont pas contraintes. Les bénéfices qui en résultent ont de larges conséquences sur les performances de l’entreprise ; la mise en place d’un système de management environnemental constitue un enjeu économique pour l’organisation puisqu’à la suite de cet inventaire, les dysfonctionnements constatés sont corrigés. Par le biais de la certification en ISO 14 001, l’entreprise s’engage dans un processus de rationalisation et de ré-organisation de ses activités et met en place un mode de fonctionnement plus optimal, lui permettant de réaliser de larges économies. Jean-Michel Rase de la société Papeteries du Léman, prend plusieurs exemples pour 42 illustrer les économies réalisées, par le biais de la norme ISO 14001 . L’optimisation des ressources en matières premières, notamment de la consommation d’eau, passe par la mise en place de deux outils sources d’économies pour l’organisation : la construction d’une station d’épuration pour traiter les eaux usées et l’élaboration d’un système de récupération d’eau. Ces nouveaux dispositifs, permettent à l’entreprise de réduire la quantité d’eau consommée au cours du processus de fabrication. Selon M Rase, elle réalise une économie de sa consommation d’eau de près de 400 000 m3 par an, soit plus de 10% de sa consommation annuelle. La réduction de la consommation d’eau présente des conséquences évidentes d’ordre environnemental, mais également, selon lui, d’ordre économique et financier. Les dépenses liées à la consommation d’eau de la société ont largement diminué depuis la réalisation des travaux ; M. Rase confirme que « même si les investissements de départ sont lourds, sur le long terme, l’entreprise bénéficiera d’un retour sur investissement ». L’ensemble des économies cumulées dans différents domaines d’activités, par le biais de la réalisation de l’analyse exhaustive, ont un impact évident en terme de productivité et donc de performance pour l’entreprise. En optimisant la consommation des ressources dans le processus de production, la mise en place d’un SME permet d’accroître la performance environnementale, tout en améliorant consécutivement, la performance économique. De 43 même, Mme Miclot affirme : « Chez Evian on ne jette presque rien ! ». L'usine Evian trie et valorise 98% des déchets, de très bons résultats atteints grâce à la mise en place d'un centre de tri de 10 000 m² (la taille d'une quarantaine de terrains de tennis) sur le site de l'usine. Une équipe spéciale se charge du tri, de l'emballage et de l'expédition des déchets 41 Voir Partie 1, II. Le fonctionnement par étapes de la mise en place d’un SME. Etape 1 : Analyse Environnementale Initiale p. 19 42 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean-Michel RASE, responsable QSE, Société les Papeteries du Léman (groupe Bolloré) 43 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, responsable QSE, Société Des Eaux Minérales Evian (groupe Danone) 52 Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. vers des centres de recyclage. Mme Miclot explique que les déchets ainsi recyclés ont une deuxième vie, le plastique est ré-utilisé pour fabriquer des vêtements, des moquettes, etc, le bois est recyclé en palettes ou broyé et utilisé pour alimenter des chaudières. La société s’est également engagée à réduire sa consommation d'eau dans ses usines afin d’éviter le gaspillage. A chaque étape de la production (nettoyage, rinçage, refroidissement), l'eau utilisée au cours du processus est recyclée pour le nettoyage. Cette démarche s'inscrit dans un engagement plus large : tout le Groupe DANONE lutte pour réduire sa propre 44 consommation d'eau dans le cadre du programme « Danone Water Footprint » qui a permis d'économiser plus de 3, 5 milliards de litres d'eau ces cinq dernières années. Ici encore, ces engagements nécessitent de larges investissements mais demeurent rentables au cours de quelques années en terme de réduction des quantités d’eau, d’énergie et de matières premières consommées. Ces deux illustrations présentent quelques exemples de réductions de consommations liées à la mise en place d’un SME par le biais de la norme ISO 14 001, en outre, si l’on procède par addition de la totalité des économies réalisées par les entreprises grâce à la mise en place d’un système de management environnemental utilisant les ressources diverses de manière raisonnée, dans l’ensemble de leurs activités (réduction de la consommation d’énergie, d’eau, recyclage et réutilisation des déchets…), les résultats obtenus sont encore plus significatifs. La recherche et l’élaboration de nouvelles méthodes d’organisation, induites par les exigences de la phase d’analyse initiale des activités de l’entreprise, permet à celle-ci de bénéficier d’un bilan quantitatif largement positif, les résultats sont quantifiables économiquement, ce qui se traduit par une réduction des dépenses de fonctionnement quotidiennes. La démarche environnementale encourage l’entreprise à innover dans le mode de fonctionnement de son activité, elle est un important facteur d’encouragement pour la refonte des processus de production. En outre, le système de management environnemental incite l’entreprise à maintenir 45 une activité dite de « veille technologique », c'est-à-dire une activité de recherche permanente qui permet d’anticiper les évolutions à venir et faciliter l’innovation. La décision d’investissement est régulièrement motivée par la composante environnementale : l’environnement devient un facteur d’innovation important pour l’entreprise souhaitant rester compétitive. A ce titre, la société Evian fait figure de pionnière puisqu’elle est engagée dans des projets tout autant colossaux qu’originaux. Mme Miclot explique les différentes démarches sur lesquelles elle travaille actuellement : l’installation « d’éoliennes miniatures » sur le site de production afin de diminuer la consommation d’électricité, la création d’énergie à partir de « dos d’ânes » implantés sur le site et surtout, l’objectif de devenir la première 46 usine de cette envergure « carbone neutre », d’ici 2011. L’entreprise s’inscrit dans le processus de veille technologique mentionné ci-dessus, d’ailleurs Mme Miclot déclare : « l’environnement est le champ privilégié de l’innovation pour le groupe, puisqu’il offre un large panel de possibilités, encore inexploitées ». 44 Danone Water Footprint » est un programme dans lequel DANONE d’engage à réduire sa consommation d’eau dans ses différents sites de production et à veiller à ne pas rejeter d’eau altérée dans le milieu naturel. 45 La veille technologique est une activité qui met en œuvre des techniques d’acquisition, de stockage et d’analyse d’informations, concernant un produit ou un procédé, sur l’état d’art et l’évolution de son environnement scientifique, technique, industriel ou commercial, afin de collecter, organiser puis analyser et diffuser les informations pertinentes qui vont permettrent d’anticiper les évolutions, et qui vont faciliter l’innovation. 46 C'est-à-dire rester en dessous des 500kg éq.C/an /pers, cela correspond à ce que la Terre peut traiter à ce jour, par an et par personne. Au dessus de ce seuil, l’homme contribue au réchauffement climatique, en dessous c’est l’homme idéal. Un français moyen émet environ 500kg éq/ C/an. Buttet Amélie - 2009 53 Vers une gestion environnementale des entreprises ? La réorganisation de ses activités grâce à la méthodologie contenue dans les dispositions de la norme ISO 14 001, est un important déterminant de réduction des coûts pour l’entreprise, ce qui lui confère un dynamisme et une capacité à pouvoir réagir aux évolutions technologiques et commerciales. Les démarches environnementales et plus particulièrement les systèmes de management environnemental permettent aux entreprises d’améliorer leur rentabilité sur le long terme, les plus compétitives sont celles ayant réussi à utiliser le champ de la protection de l’environnement pour se différencier d’autres concurrents. Cette analyse reprend les travaux de Michael Porter, notamment sa fameuse « hypothèse » selon laquelle les contraintes environnementales, loin d’être une entrave à la compétitivité des entreprise par rapport aux concurrents qui ne sont pas soumis aux mêmes exigences, tendent à stimuler et à améliorer la position concurrentielle des firmes sur le marché. Dans cette perspective, l’environnement est au service de la compétitivité des entreprises, puisque les avantages qui découlent des initiatives environnementales contribuent à réduire les coûts de l’entreprise. Cependant, cette analyse doit être nuancée pour plusieurs raisons. L’objectif de réduction des coûts pour l’entreprise est inhérent aux systèmes de management environnemental, pourtant, il n’est pas simple d’estimer quels sont exactement les gains réalisés par l’entreprise en terme de maîtrise des coûts grâce à la mise en place d’un SME. L’analyse « coûts-bénéfices » est trop réductrice pour rendre compte de la contribution réelle de la norme ISO 14 001 à l’amélioration des performances économiques de l’entreprise puisque les retombées concrètes s’envisagent, pour la plupart, sur le long terme. Du reste, l’évaluation exacte de la contribution du SME à la réduction des coûts de production demeure illusoire puisque les entreprises certifiées ne réussissent pas à différencier les gains de productivité directement imputables à la mise en place de la norme ISO 14 001, des gains de productivité réalisés grâce à d’autres initiatives indépendantes (innovation technologique, nouvelle forme d’organisation du travail…). Cependant, même les systèmes de comptabilité des entreprises ne sont pas suffisamment précis pour leur permettre de calculer exactement la contribution du SME à l’amélioration de la productivité, 47 il est incontestable, selon Mme Lhermitte , « que la certification ISO 14 001, contribue, directement ou indirectement, à réduire les coûts de l’entreprise ». Les entreprises certifiées utilisent la norme ISO 14 001 comme source d’une réduction des coûts de production, puisque les systèmes de management environnemental sont un outil de rationalisation et de réorganisation des ressources consommées dans le processus de production. Mme 48 Miclot affirme : « si les entreprises s’intéressent à l’environnement c’est parce que c’est économiquement rentable », la mise en œuvre d’une certification ISO 14001 permet à l’entreprise de réduire ces coûts sur le long terme et de devenir plus compétitive puisqu’elle apprend à « produire mieux avec moins de ressources ». Outre la contribution directe du SME à la maîtrise des coûts liés au processus de production, les systèmes de management environnemental constituent un facteur important permettant à l’entreprise de maîtriser les risques environnementaux, au bénéfice d’ellemême et de ses parties prenantes. Il s’agit d’ailleurs de la raison d’être principale de la norme ISO 14001 et des systèmes de management environnemental, même si cette dimension est quelque peu occultée par l’avantage stratégique que constitue cet instrument. 47 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermitte, Responsable QSE, Société Anonyme des Remontées Mécaniques des Gets. 48 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Des Eaux Minérales Evian (groupe Danone) 54 Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. B. La maîtrise des coûts environnementaux pour l’entreprise et ses parties prenantes La mise en place d’un SME permet de réduire les risques environnementaux de l’entreprise, cet objectif est la finalité principale des systèmes de management environnemental. L’entreprise intègre l’environnement dans ses paramètres de gestion, qu’il convient dès lors, d’exploiter et de réguler comme tout autre facteur de production. La maîtrise des risques environnementaux se décline en deux approches, par l’instauration de mesures préventives ou de mesures correctives. Un entreprise privilégiera le principe de prévention ou à contrario, de correction, en fonction de sa nature, de son secteur d’activités et de ses moyens financiers. Le coût environnemental se définit comme l’ensemble des coûts directement liés aux conséquences des activités de l’entreprise sur l’environnement (pollution du site ou des environs, utilisation de produits chimiques et polluants). Les coûts environnementaux sont semblables à l’ensemble des autres coûts supportés par l’entreprise, puisque comme eux, ils affectent sa santé et sa performance. L’entreprise est animée par la volonté de réduire au maximum les coûts environnementaux parce que, outre leurs conséquences relatives à la destruction de l’environnement, ils peuvent également être à l’origine de sanctions financières, attribuées par les organismes 49 accrédités, comme la DRIRE , par exemple, ce qui entraînera des conséquences sur la situation économique de l’entreprise. Qu’elles soient industrielles ou tertiaires, les entreprises mettent aujourd’hui l’accent sur l’enjeu fondamental que constitue la réduction des coûts environnementaux dans 50 leurs objectifs. M Muffat , témoigne des nombreuses initiatives prises par la Société des Remontées Mécaniques qui gère l’exploitation du domaine skiable d’Avoriaz, qu’elles soient d’ordre correctives ou préventives, en soulignant, du reste, la nécessaire complémentarité entre ces deux types de démarches, afin d’obtenir des résultats visibles. Il explique que le risque principal de pollution auquel la station est confrontée, est celui de « rupture des 51 flexibles sur les engins de damage » (qui contiennent une huile polluante si elle se déverse dans les sols). M Muffat, dans le cadre d’un programme de recherche, a effectué des études sur les effets de ces déversements sur les sols, et constate l’absence de reconstitution de la flore sur les zones où l’huile s’est répandue. Pour éviter de telles conséquences sur la nature, la station a décidé d’utiliser des huiles biodégradables qui, selon ses recherches personnelles, ont des conséquences beaucoup moins destructrices pour l’environnement. D’autre part, la station a décidé de restaurer son image auprès du 52 grand public en utilisant des enneigeurs moins polluants que ceux utilisés par le passé, qui utilisaient un composant chimique. Depuis quelques années, la station s’est équipée de nouveaux appareils fonctionnant uniquement avec de l’eau et de l’air. L’équipement en matériels moins polluants et plus respectueux de la nature permet à la station d’éviter et de limiter les risques environnementaux. 49 Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement. 50 Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz. 51 52 Engins de Damage : Véhicules sur chenilles spécialement fait pour re-surfacer la neige des pistes de ski. Enneigeurs, dispositif permettant de fabriquer de la neige artificielle à partir d’eau, d’air et de basse température. Buttet Amélie - 2009 55 Vers une gestion environnementale des entreprises ? D’autres types d’actions sont de nature préventive et visent à agir en amont pour tenter de limiter l’étendue des dégâts en cas d’incidents. L’ensemble des quatre entreprises sur lesquelles se base l’analyse disposent de stocks des produits dits plus ou moins chimiques. Toutes quatre sont dotées, et ce, depuis leur engagement dans la démarche de certification ISO 14 001, de « bacs récupérateurs » dans lesquels elles stockent les produits afin de limiter les risques d’éparpillement et d’infiltration en cas fuite : les produits sont récupérés dans les bacs puisqu’ils ne sont plus stockés à même le sol. Les initiatives développées par les quatre entreprises illustrent concrètement à la fois le souci de correction et de prévention qui les guident dans la réalisation quotidienne de leurs activités. La norme ISO 14 001 revêt un intérêt particulier car il s’agit d’un référentiel au demeurant réaliste, qui reconnaît qu’une entreprise quelle qu’elle soit, reste une activité polluante et ne requiert pas l’élimination intégrale de toutes traces de pollutions induites par le fonctionnement de l’entreprise. L’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) se 53 veut réaliste et non utopiste. Mme l’Hermite , affirme : « on ne va pas arrêter les remontées mécaniques sous prétexte qu’on est certifié à l’ISO, il y a des choses sur lesquelles on peut agir, c’est celles qui font l’objet de nos engagement environnementaux, et d’autres pour lesquelles on ne peut quasiment rien faire, il faut bien que la station continue à exister ». La maîtrise des coûts environnementaux est mesurée par les audits de suivi auxquels les entreprises doivent se soumettre régulièrement. En fonction du secteur d’activité, le délai entre deux audits peut varié de 1 à 3 ans. L’organisme d’audit agrée vérifie que l’entreprise certifiée réduit ses coûts et ainsi les impacts environnementaux sur lesquels elle s’est engagée initialement. Afin de conserver sa certification ISO 14 001, l’organisation doit témoigner d’efforts continus et visibles entre chaque audit réalisé. La réduction des risques environnementaux génère également un certain nombre de retombées sur les systèmes de management de la qualité et de la sécurité de l’entreprise, complémentaires du SME. Les différents systèmes de management: qualité, sécurité et 54 environnement, ne sont pas indépendants les uns des autres mais complémentaires . Pour illustrer ces synergies, M Rase explique comment le stockage des produits chimiques dans les conditions spéciales présentées ci-dessus, diminue considérablement le risque de mauvaise manipulation pour le personnel, de fuites, d’inflammations, etc. Il y a donc une 55 imbrication entre la norme ISO 14001, ISO 9001, et OHSAS 18 001 ; la plupart des actions mises en place ont un impact à la fois sur la sécurité, la qualité et sur l’environnement, ce qui concourt à une prise en compte plus complète des risques auxquels l’organisation est exposée. L’ensemble des actions mises en œuvre varie selon le type d’activité de l’entreprise. L’annexe n°1 récapitule la totalité des actions sur lesquelles le domaine skiable des « Gets » s’est engagé. Pour chaque action, le document présente le détail de sa mise en œuvre, la date à laquelle elle a été traitée ou sera traitée et enfin, s’il s’agit d’une action ponctuelle ou d’une action qui perdure. 53 Extrait de l’entretien du 16 février 2009, Mme Emmanuelle LHERMITTE, Responsable QSE, Société des Remontées Mécaniques des Gets. 54 55 56 Voir Partie 1, III, chapitre sur les Systèmes de Management Intégrés. ISO 9001 relatif aux systèmes management de la Qualité, OHSAS 18 001 relatif aux systèmes de management de la Sécurité. Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. Action Détail Huile biodégradable Utilisation d’huile 2002 biodégradable dans les dameuses et pour les compresseurs de l’usine à neige Absence 2004 d’adjuvant Neige de culture Quand Action qui perdure Action ponctuelle Le mode de fonctionnement, ici expérimenté dans la station des Gets, en vue d’évaluer les actions mises en œuvre pour la maîtrise des coûts environnementaux, se retrouve d’une manière assez similaire dans l’ensemble des entreprises certifiées ISO 14 001 puisque cette méthodologie permet de visualiser clairement l’état d’avancement de la démarche. La norme ISO 14 001 permet d’obtenir des résultats significatifs en matière de maîtrise des coûts environnementaux, mais qu’en est-il de son efficacité par rapport à celle des instruments traditionnels de régulation environnementale, notamment des instruments réglementaires ? Sur cette question, les entreprises certifiées ont tendance à opposer d’une part les instruments de régulation environnementale à caractère volontaire, aux instruments réglementaires, d’autre part ; avec une nette préférence pour les premiers. L’atout majeur des instruments volontaires et plus particulièrement de la norme ISO 14 001, réside dans sa souplesse de mise en œuvre, ce qui séduit particulièrement les entreprises qui ne 56 tarissent pas d’éloges à son sujet. Selon Mme Miclot , l’efficacité de la norme ISO 14 001 par comparaison aux instruments réglementaires n’est pas à prouver puisque le standard impose le respect de la réglementation comme une exigence minimale. Selon elle, les entreprises certifiées ISO 14001 « assurent un niveau de protection de l’environnement qui va bien au-delà de ce que l’exige la réglementation, et c’est justement pour cette raison qu’on ne peut pas douter de son efficacité en matière de réduction des impacts des activités de l’entreprise sur l’environnement ». M. Muffat, du domaine skiable d’Avoriaz, s’inscrit dans la même lignée en insistant sur une différence qui, selon lui, est fondamentale entre les deux approches, à savoir, que les instruments réglementaires ne témoignent pas de la préoccupation de l’entreprise pour son environnement, mais constituent une exigence imposée par les pouvoirs publiques, à laquelle l’ensemble des entreprises doivent se conformer. Il justifie la plus grande efficacité des approches volontaires parce qu’elles illustrent la bonne volonté des entreprises de s’engager pour l’environnement, non pas parce qu’elles sont contraintes de le faire par les autorités, mais en revanche, car elles sont des entités responsables. Incontestablement les instruments volontaires de régulation environnementale, bien que relativement récents, suscitent un véritable engouement de la part des entreprises qui décident d’y avoir recours. Ces instruments et plus particulièrement la norme ISO 14 001, sont les témoins d’un engagement croissant des entreprises en faveur de l’environnement et sont sources d’innovations techniques ou organisationnelles, aux conséquences durables sur le milieu naturel, ce qui bénéficie à la fois à l’entreprise elle-même, mais également à l’ensemble de ses parties prenantes. 56 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril 2009, avec Mme Isabelle MICLOT, responsable QSE, Société Des Eaux Minérales Evian (groupe Danone) Buttet Amélie - 2009 57 Vers une gestion environnementale des entreprises ? L’évaluation des performances environnementales d’une entreprise certifiée ISO 14 001 est menée principalement par trois instances ou procédures de contrôle. En premier lieu, la surveillance du système est effectuée par les Responsables Environnement en charge du SME dans l’organisation ; ils veillent quotidiennement au bon déroulement des actions mises en œuvre. L’audit externe, réalisé par des sociétés auditrices agréés, témoigne du niveau de performance environnementale de l’entreprise, c'est-à-dire de l’atteinte ou non des objectifs qu’elle s’est fixée dans son programme d’action. Enfin, une troisième catégorie d’instances est en charge de surveiller les entreprises dans leur mode de fonctionnement, ce sont les organismes publics de réglementation, à l’exemple de la 57 DRIRE , missionnée pour veiller au respect de la réglementation en vigueur. Les objectifs environnementaux, contrairement au calcul de la contribution du SME à la réduction des coûts de production, sont rigoureusement analysés, le service en charge des questions environnementales et plus particulièrement le Responsable Qualité, Sécurité, Environnement de l’entreprise, surveille et mesure précisément le niveau de performance 58 environnementale atteint grâce aux Tableaux de Bord élaborés par l’organisation ; l’entreprise qui réussit à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée maîtrise forcément les conséquences de ses activités sur l’environnement. La relation directe entre la norme ISO 14001 et la réduction des coûts environnementaux est plus évidente que le lien précédemment établi entre le référentiel et la réduction des coûts de production. Même si l’évaluation de la contribution exacte du SME à la réduction des coûts de l’entreprise demeure imparfaite, notamment pour ce qui concerne le lien entre ISO 14 001 et maîtrise des coûts de production, le SME reste néanmoins un outil de maîtrise des coûts pour l’entreprise ; aussi bien de maîtrise des coûts de production que des coûts environnementaux. La maîtrise des coûts de l’entreprise, qu’il s’agisse des coûts de production ou des coûts environnementaux sont les deux facteurs les plus déterminant dans le lien entre SME et compétitivité, cependant, d’autres conséquences directement liées à la mise en place d’un système de management environnemental sont sources d’avantages compétitifs pour l’entreprise, même s’ils sont moins facilement identifiables. II. Le SME : un projet fédérateur La mise en place d’un système de management environnemental est une démarche consensuelle. Le projet est fédérateur car, basé sur le volontariat, il bénéficie d’une part d’un accueil largement favorable auprès des différentes autorités publiques qui apprécient l’engagement d’entreprises responsables, d’autre part, il constitue un facteur d’intégration interne, puisqu’il fédère l’ensemble du personnel autour d’un projet commun : l’environnement. La norme ISO 14 001 est outil de consensus créé par l’Organisation Internationale de Normalisation, organisme légitime dont la mission d’élaboration des normes est reconnue internationalement depuis 1947. A. La réaction des autorités à la mise en place d’un système de management environnemental 57 58 58 Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement. Outil de gestion prévisionnelle Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. La certification ISO 14001 dépasse le caractère purement contraignant de la protection de l’environnement, au profit d’une approche basée sur le volontariat et la collaboration entre « anciens ennemis ». Il s’agit d’un mode de régulation dit « doux », dans lequel il n’existe pas de rapport de force entre entreprises et administrations publiques. Dans le cadre de la mise en place de la norme ISO 14 001, le rôle de l’Etat se limite généralement à l’accréditation des organismes certificateurs. Le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire encourage les entreprises à adopter un système de management environnemental, en considérant que la prise en charge, par les entreprises, des problèmes environnementaux qui les concernent, est un progrès essentiel pour la nécessaire protection de l’environnement. Une entreprise qui formalise sa politique en matière environnementale est un partenaire préoccupé par ses obligations alors même que les pouvoirs publics exercent une forte pression normative et fiscale, surtout sur les entreprises appartenant au secteur industriel. Le respect de la réglementation constitue un coût important à supporter, même si, depuis quelques années, la pression réglementaire n’est plus vécue comme une contrainte mais comme une opportunité de développement économique. La mise en place d’un système de management environnemental permet de dégager des avantages d’ordre économique et financier, tout en répondant aux exigences des pouvoirs publics. Les entreprises engagées dans ce type de démarche font preuve de sérieux et de responsabilité. En intégrant le facteur environnemental dans son mode de gestion, l’entreprise certifiée est un interlocuteur privilégié de la puissance publique et de ses divers organismes s’intéressant au respect et à la protection de l’environnement : l’Etat central, les Collectivités Locales, la DIRE, etc. Une entreprise se certifiant à la norme ISO 14 001 affiche son souci de prendre en compte les contraintes environnementales et bénéficie ainsi de meilleures relations avec les pouvoirs publics qui la contrôlent. Nombre d’entre elles ont témoigné des avantages qui découlent de ces nouvelles relations harmonieuses avec l’administration : autorisation d’extension de leur site obtenue plus facilement, obtention d’un marché public grâce à la certification ISO, participation à l’élaboration de projets municipaux… L’administration publique française est satisfaite de pouvoir disposer désormais d’interlocuteurs compétents, avec lesquels elle s’est parfois trouvée en conflit par le passé. La certification à la norme ISO 14 001 exige au minimum le respect des réglementations en vigueur en matière de protection environnementale ; les textes réglementaires variant en fonction du secteur d’activité de l’entreprise, de sa taille, et des ressources utilisées. L’étape de « l’analyse environnementale initiale » des activités demande à l’entreprise de faire le bilan des normes en vigueur et de détecter, le cas échéant, les non conformités réglementaires qui subsistent. L’article 4.2 de la norme ISO 14 001, contient pour exigence: « la direction (…) doit définir la politique environnementale de l’organisme et s’assurer qu’elle comporte un engagement de conformité à la réglementation environnementale applicable ». Le paragraphe 4.3.2 du référentiels relatif aux exigences légales insiste plus particulièrement sur la connaissance des exigences réglementaires. L’industrie chimique est un des secteurs d’activités dans lesquels la réglementation 59 et les contrôles sont les plus stricts. Jean Michel Rase , souligne le caractère déjà très contraignant de la législation qui s’appliquait à l’entreprise : « les normes sont nombreuses et très évolutives, ce qui rend très fastidieux le travail du Service Qualité, Sécurité, Environnement, d’autant plus que les contrôles sont fréquents ». L’entreprise papetière, 59 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré Buttet Amélie - 2009 59 Vers une gestion environnementale des entreprises ? pourtant très polluante, entretient de bons rapports avec la DRIRE, institution considérée comme la « police de l’environnement » auprès des établissements industriels. La société recevant les visites d’un inspecteur en moyenne 3 à 4 fois par an afin de s’assurer de la bonne application des textes réglementaires, M Rase observe un changement de comportement des inspecteurs mandatés depuis que le groupe s’est engagé dans une démarche de certification ISO 14 001. Il explique que la norme ISO 14 001, tout comme son homologue en management de la qualité, ISO 9001, sont preuves de sérieux et de responsabilité des entreprises. Dans le cadre du groupe Bolloré, auquel la papeterie appartient, le système de management environnemental mis en place encourage à aller audelà de la réglementation applicable, et ainsi de l’anticiper. Un tel comportement est perçu comme un facteur de confiance par les divers organismes en charge des contrôles. D’autres entreprises, parmi elles, la Société des Eaux Minérales d’Evian, font figures 60 d’avant-gardistes aux yeux des organismes publics de réglementation. Mme Miclot explique que la DRIRE travaille de concert avec la société Danone puisqu’il est parmi l’un des groupes industriels français les plus préoccupés des questions environnementales ; les expériences, aussi innovantes qu’originales, mises en place au sein de la société font l’objet d’études complémentaires par ces organismes. Les entreprises certifiées ISO 14 001 constituent des modèles en matière de gestion de l’environnement et d’innovation. Les entreprises qui s’engagent à aller au-delà de ce que la réglementation exige en matière de protection de l’environnement bénéficient d’une plus grande crédibilité que celles qui s’en tiennent à son simple respect minimum ; il en découle de meilleures relations avec l’ensemble des pouvoirs publics chargés de veiller au respect de la réglementation qu’ils soient nationaux ou internationaux. Il s’agit d’une nouvelle étape dans le fonctionnement de l’action publique qui n’est plus réglementaire ou coercitive mais incitative. Doudia Bougherara, Gilles Grolleau et Luc Thiébaut, dans un article publié dans la Revue 61 Innovations , montre que depuis 20 ans, le libéralisme économique dans de nombreux domaines, se substitue à l’interventionnisme étatique ; l’Etat n’est plus le seul agent légitime pour gérer l’environnement et négocier avec ses homologues, il accepte aujourd’hui de partager ce rôle avec d’autres partenaires directement concernés par les questions environnementales, tout spécialement, avec les entreprises, de plus en plus impliquées. Ainsi, les instruments des politiques publiques de l’environnement (réglementation, incitations économiques…) sont de plus en plus complexifiés et perfectionnés, l’innovation majeure demeure leur combinaison avec les démarches des acteurs privés. Les questions environnementales ne peuvent pas être résolues unilatéralement, les Etats ont pris conscience que seule la participation de toutes les parties prenantes, c'est-à-dire de tous les acteurs, qu’ils soient individuels ou collectifs, est une garantie à l’obtention d’avancées significatives en matière de régulation environnementale. Les approches basées sur le volontariat des entreprises bénéficient d’une reconnaissance supplémentaire car elles témoignent de la prise en compte de l’ensemble des partie prenantes, desquelles les pouvoirs publics sont les représentants. L’administration française considère que les systèmes management environnemental sont des dispositifs permettant de réconcilier les actions volontaires et les actions réglementaires en matière de protection de l’environnement, autrefois antagonistes. Les SME élaborés grâce à la mise en œuvre de la norme ISO 14 001, assurent le strict respect des règles 60 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des Eaux Minérales D’Evian, Groupe Danone. 61 Bougherara D, Grolleau G, Thiébaut L, Economie et environnement. Gestion et environnement : anatomie d’une relation, INNOVATIONS, 2004/2, n°20, p. 217-234 60 Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. imposées par les instances publiques, tout en fournissant un cadre strict aux entreprises pour poursuivre les efforts accomplis. Du reste, le référentiel ISO 14 001 jouit d’une large légitimité auprès des Etats puisque ces derniers participent, par le biais de délégations de représentants, aux travaux d’élaboration et aux procédures d’adoption des standards. Les pouvoirs publics accueillent très favorablement la certification ISO 14 001. Il s’agit bien d’une démarche consensuelle et fédératrice reconsidérant les rapports souvent conflictuels entre les pouvoirs publics et les entreprises. L’engagement d’une entreprise dans la certification est perçu comme preuve de bonne volonté de cette dernière ; comportement reconnu et valorisé par les pouvoirs publics, dont l’entreprise tire avantage dans son mode de fonctionnement quotidien. L’entreprise certifiée est en harmonie avec son environnement, le déroulement de son activité est facilité puisque le rapport entre l’entreprise et les interlocuteurs représentants des pouvoirs publics, présents dans de nombreuses transactions, est plus favorable. L’entreprise économise un certain nombre de coûts de transactions liés à l’échange, notamment ceux qui constituent les coûts de négociation avec les partenaires publics. En ce sens, l’entreprise bénéficie des avantages liés à la mise en place d’un SME, ce qui contribue ici encore à améliorer sa compétitivité puisque les relations de l’entreprise avec les organismes publics, , ne viennent pas entraver son activité. Outre les relations pérennes construites avec les interlocuteurs externes à l’entreprise, la mise en place d’un Système de Management Environnemental constitue également un dispositif consensuel et intégrateur interne à l’entreprise. B. Le système de management environnemental comme facteur d’intégration du personnel Dans le processus de mise en œuvre d’un SME, la Direction Générale constitue le « carburant » de la démarche ; le texte de la norme ISO 14001 insiste, à plusieurs reprises, sur le rôle clé de la Direction. Plusieurs tâches lui sont attribuées, elle doit « définir la politique environnementale », « s’assurer de la disponibilité des ressources indispensables », 62 « fournir des informations sur le résultat des audits » … Les responsabilités qui lui sont assignées sont importantes, son degré d’implication détermine le succès ou non de la démarche. La Direction se doit de travailler et de collaborer avec l’ensemble des services de l’organisme. L’engagement de l’entreprise dans un processus de SME nécessite une implication de tous les salariés, quel que soit le poste qu’ils occupent. La sensibilisation et la formation au fonctionnement du système de management environnemental concerne de manière semblable les services de production, les services commerciaux ou administratifs ainsi que les ressources humaines. L’engagement de l’entreprise dans une démarche de certification en ISO 14 001 fait l’objet d’un accueil très positif de la part des ses salariés puisqu’il s’agit de mettre en place un projet commun fédérant l’ensemble du personnel. Afin d’impliquer au mieux les salariés dans la démarche, l’entreprise instaure de nombreux dispositifs de sensibilisation et de formation. A plusieurs reprises, le texte de la norme fait référence à la nécessité de 63 la formation . Elle exige tout d’abord que les « compétences », doivent s’appliquer « à toute(s) personne(s) exécutant une tâche pour l’organisme ou pour son compte », tâche occasionnant des conséquences environnementales significatives. L’exigence s’applique 62 Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.1, alinéa 3 : « Rôles, Responsabilités et Autorité » 63 Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.2 : « Compétence, Formation et Sensibilisation » Buttet Amélie - 2009 61 Vers une gestion environnementale des entreprises ? de manière égale au personnel, aux sous-traitants, aux fournisseurs et aux clients de 64 l’organisation. En outre, la norme ISO 14001, dans sa version révisée de 2004 , précise le contenu des notions de « sensibilisation » et de « formation ». La sensibilisation touche au fait de « donner conscience de… » ; le référentiel exige que toutes les personnes travaillant pour l’entreprise ou pour son compte soient sensibilisées à… , la formation exige de l’organisation d’être capable de « prouver la compétence » de toutes les personnes exécutant une tâche ayant un impact sur l’environnement. Il existe de nombreux vecteurs supports de la formation et de la sensibilisation ; ils constituent les processus de communication interne. Les témoignages des entreprises interrogées soulignent la récurrence de certains dispositifs, parmi eux, les groupes de travail, l’implication du personnel dans la rédaction des consignes ou des instructions environnementales, les séances de communication collectives, l’utilisation de supports de sensibilisation (vidéos, films, CD-rom…), la mise en œuvre de jeux ludiques, la transmission d’informations écrites lors de l’embauche, les démarche de « suggestions environnementales », la création de points de rencontre, les conférences et les débats. Cette liste est une synthèse des moyens de communication internes présents dans les quatre sociétés soumises à l’analyse. L’engagement de l’ensemble du personnel dans le processus de certification crée une dynamique motivante et fédératrice, renforçant la cohésion du groupe. Emmanuelle 65 Lhermite , responsable du service QSE dans la station des Gets, précise que la participation de l’ensemble du personnel se concrétise dès le début de la démarche, pendant « l’analyse environnementale initiale ». Cette étape consiste à faire le recensement de l’ensemble des activités de l’entreprise afin de pouvoir en déduire leur impact 66 environnemental . Cette analyse ne peut pas être menée sans le concours de la totalité des salariés qui sont chargés de d’établir la liste de l’ensemble de leurs activités ainsi que l’impact de celles-ci sur l’environnement. Mme Lhermite souligne que la participation de tous est nécessaire puisque « personne dans l’entreprise n’est capable de procéder à une liste exhaustive de l’ensemble des activités et chaque individu est le mieux placé pour parler de son poste ». Par la suite de la démarche, l’implication du personnel du domaine skiable demeure, puisque chacun dispose d’une fiche de poste « revue et corrigée » à la lumière du SME ; elle contient désormais des points relatifs à l’environnement afin que le personnel s’implique quotidiennement. Les autres entreprises rencontrées ont suivi la même démarche. Les services QSE sont en charge du déploiement de la démarche au sein de l’entreprise ; l’implication de l’ensemble du personnel dans le processus d’amélioration continue est une des conditions qui déterminent la réussite du projet. Le personnel est plus responsable dans son rapport à l’entreprise, il contribue directement et individuellement au fonctionnement du système de management environnemental. Dans certaines entreprises, le SME est un déterminant à la création d’une véritable culture d’entreprise, définie comme l’ensemble des règles, des coutumes, des préférences et des croyances qui lui sont propres. La culture d’entreprise est formée de tout ce qui constitue l’histoire et le quotidien de l’organisation. Dans cette perspective, le management environnemental et plus particulièrement la protection de l’environnement est perçu comme 64 65 Extrait de la norme ISO 14 001, paragraphe 4.4.2 : « Compétence, Formation et Sensibilisation », version révisée de 2004 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, avec Mme Emmanuelle Lhermitte, Responsable QSE, Société des Remontées Mécaniques des Gets. 66 62 Voir p. Partie 1, chap II, Etape n°1 du SME : l’Analyse Environnementale Initiale p. 19 Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. un enjeu managérial pour la Direction. Le personnel, ainsi fédéré par un projet commun, fait preuve d’une plus grande motivation dans son travail s’il reconnaît la portée et l’intérêt de la démarche. De plus, la réduction des risques environnementaux induits par la mise en place d’un SME, améliore les conditions générales de travail du personnel, qui se sent davantage considéré dans une entreprise responsable. L’ensemble des entreprises qui ont accepté de contribuer à la réalisation de cette analyse insistent sur l’accueil favorable que les salariés ont réservé au SME. Monsieur 67 Rase précise, « chez Bolloré, l’effort de formation du personnel sur le respect de l’environnement est constant et quotidien ». Selon lui, les salariés du groupe ne perçoivent pas le SME comme une contrainte dans leur activité mais davantage comme une opportunité de bénéficier de conditions de travail plus saines. De même, Monsieur 68 Muffat , lorsqu’il parle du cas de son entreprise, ajoute un élément supplémentaire ; selon lui, le personnel est essentiellement constitué de personnalités locales, fortement attachées à la conservation des richesses du milieu sur lequel s’étend leur activité. Il relève de la responsabilité du service Qualité, Sécurité, Environnement de mener à bien les opérations de sensibilisation et de formation du personnel. Brunot Muffat précise : « les efforts sont quotidiens », son rôle principal, en tant que responsable QSE, est d’expliquer et de convaincre le personnel sur l’intérêt du SME. Monsieur Muffat a choisi de sensibiliser le personnel par les images, les jeux, la plaisanterie ; selon le responsable, ces méthodes « intéressent davantage les salariés que les longs et interminables discours sur l’environnement». Ci-dessous est présenté un exemple d’outil de sensibilisation à l’environnement contenu dans un livret d’accueil destiné au personnel de la station en début de saison. Dans les différents locaux dont dispose le domaine skiable, la sensibilisation est omniprésente, elle passe par des affiches humoristiques, des photos, des schémas… De plus, l’ensemble du personnel de la station reçoit chaque mois un journal : « Pistes Noires », 67 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré 68 Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz Buttet Amélie - 2009 63 Vers une gestion environnementale des entreprises ? dans lequel le service Environnement rédige systématiquement une chronique relative à 69 l’environnement intitulée « Du côté de l’environnement » . La méthodologie de la norme ISO 14 001, favorise le développement d’une logique d’apprentissage sur le thème de l’environnement, s’articulant autour d’une redéfinition des compétences clés de l’entreprise. En effet, les salariés sont souvent les mieux placés pour comprendre les problèmes environnementaux propres à l’entreprise et trouver des solutions adéquates et adaptées à son fonctionnement. La maîtrise des enjeux environnementaux n’appelle pas la mise en place de solutions universelles ; chaque entité qui s’engage dans la démarche doit pouvoir disposer d’un « noyau de compétences » capable de répondre d’une manière appropriée aux enjeux environnementaux spécifiques auxquels elle est confrontée. Les systèmes de management environnemental expérimentent de nouveaux procédés peu standardisés, nécessitant une adaptation continuelle et un apprentissage des pratiques sur mesure par le personnel de l’entreprise ; un effort constant de formation est mené auprès de l’ensemble des opérateurs. Le mode d’organisation de l’ensemble de l’entreprise est remis en question par les exigences de la norme ISO, chaque personne voit son activité directement transformée par le programme d’action mis en œuvre, chacun développe une capacité d’innovation et prend conscience du rôle qu’il joue au sein de l’organisation. Thomas Reverdy, maître de Conférences et spécialiste universitaire des 70 questions management environnemental , explique que la division du travail crée une dépendance du Service Environnement vis-à-vis des autres métiers de l’entreprise ; le Responsable Environnement a besoin de leurs expériences, de leurs compétences et de leur participation active pour évaluer la situation et rechercher des solutions. Selon lui, le Responsable désigné du SME doit être en mesure de mobiliser l’ensemble des opérateurs de l’entreprise puisque c’est la réussite de la démarche qui en dépend. Les responsables des entreprises visitées avouent que tout le personnel n’adhère pas spontanément à la mise en place du SME ; M Muffat explique que les entreprises sont confrontés à certaines résistances de la part des salariés, notamment avec le personnel intérimaire non destiné à rester dans l’organisation ; la rotation du personnel est une entrave à la participation volontaire et effective de tous au SME. En outre, le degré d’adhésion est déterminé par la taille de l’entreprise, plus elle compte de personnel et moins la démarche est consensuelle. Thomas Reverdy reconnaît que même si l’adhésion et la participation de l’ensemble des salariés à la norme ISO 14 001 peut être difficile à obtenir au sein d’une entreprise, le SME n’en demeure pas moins un facteur d’intégration du personnel à l’origine des phénomènes « d’apprentissages croisés ». Selon lui, le SME donne naissance à un processus d’apprentissage réciproque puisque d’une part, le Responsable Environnement pénètre les savoirs techniques par l’étude des activités quotidiennes des opérateurs, d’autre part, les opérateurs accèdent aux enjeux environnementaux qu’ils les intègrent de manière individuelle et autonome dans la réalisation de leurs tâches. Toutes les personnes qui composent l’entreprise entrent dans une dynamique d’apprentissage ou d’enrichissement de leurs compétences. Le SME comme outil d’intégration et de participation du personnel produit un impact évident sur la situation économique de l’entreprise : les salariés plus intégrés sont plus fidélisés à leur entreprise et ainsi plus productifs. Nombreux modèles théoriques insistent sur le lien entre satisfaction et performance au travail ; le sentiment de satisfaction étant fonction de la relation perçue entre ce que l’individu veut retirer de son travail et ce que son 69 70 Voir Annexe 2, Journal « Pistes Noires » Reverdy Thomas, Management environnemental et Dynamique d’apprentissage, Revue Française de Gestion, 2005/5, n ° 158, p.187-205 64 Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. travail lui offre. La mise en place du SME requiert la participation de l’ensemble des salariés à sa réalisation, l’individu satisfait de contribuer au fonctionnement de l’organisation participe indirectement à l’amélioration de la productivité et donc de la compétitivité de l’entreprise. La mise en place d’un système de management environnemental comporte une dernière catégorie d’avantages, destinés à influer sur la performance de l’entreprise : l’opportunité concurrentielle que constitue la certification ISO 14 001 grâce aux nouveaux débouchés qu’elle est en mesure d’offrir. III. La responsabilité environnementale comme source d’avantage concurrentiel La mise en œuvre de la certification ISO 14 001 se révèle être un outil marketing efficace puisque le système de management environnemental permet une valorisation de l’image de l’entreprise ainsi que de celle de ces produits. En outre, il garantit à l’entreprise des relations plus pérennes avec les activités économiques parallèles ainsi que l’accès à de nouveaux marchés. Le SME est outil de valorisation de l’entreprise auprès de l’ensemble des parties prenantes, source de nouvelles opportunités. A. Valorisation de l’image de l’entreprise et de ses produits L’engagement dans une démarche de management environnemental offre à l’entreprise une double valorisation en terme d’image : une valorisation du produit ou du service offert et une valorisation de l’image de l’entreprise. Si les conséquences positives d’une bonne réputation semblent évidentes et largement confirmées empiriquement, il demeure la question de la construction de la réputation ; dans quelle mesure la communication environnementale d’une entreprise peut-elle avoir un impact sur sa réputation ? La valorisation du produit ou du service offert par l’entreprise réside dans le fait que le produit ou le service de l’entreprise est considéré comme de « meilleure qualité » et donc plus fiable. Il suscite davantage l’envie d’être consommé par rapport au produit d’une autre entreprise qui ne bénéficierait pas de la certification. La valorisation de l’image de l’entreprise signifie que l’ensemble des parties prenantes apprécie son comportement éthique et civique. La retombée en terme d’image n’est pas à négliger car elle constitue un élément explicatif de la compétitivité des entreprises. La mise en place d’une politique de développement durable aide à promouvoir l’image de l’entreprise. En plus d’être attentive aux évolutions du marché, les sociétés doivent également prendre en compte les attentes des consommateurs en matière de développement durable. L’entreprise se doit d’évaluer les contraintes et les opportunités qui découlent d’une telle politique et être capable de gérer le risque environnemental, sous peine de subir la sanction de l’opinion. Cette nouvelle contrainte est appelée « risque éthique » ; l’opinion s’émeut plus facilement et devient plus sensible sur certains sujets car, elle est influencée par des groupes de pressions disposant d’une forte capacité de mobilisation et de conviction (boycotts, blocages, mobilisations…). L’entreprise moderne qui veut rester compétitive doit apprendre à gérer ce risque. Elle ne peut pas se contenter de satisfaire les seuls besoins matériels des individus, elle doit aussi veiller au respect des besoins dits « secondaires ». Buttet Amélie - 2009 65 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Les différents besoins des individus peuvent s’analyser par a référence à la pyramide des 71 besoins d’Abraham Maslow . Source : www.er.uquam.ca A la base de la pyramide, Maslow place les besoins de survie (se nourrir, se vêtir, se loger…) auxquels le marché répond automatiquement par l’emploi, ensuite et seulement une fois satisfaits ces premiers besoins, émergent d’autres besoins dits secondaires. Maslow identifie 4 niveaux de besoins secondaires. On trouve les besoins de sécurité, les besoins d’appartenance, les besoins d’estime, enfin les besoins d’accomplissement personnel. Il s’agit de besoins dits qualitatifs, ressentis essentiellement dans les pays développés. En règle générale, ces besoins ne sont pas satisfaits par le marché, cependant, l’entreprise se doit de les prendre en compte, sous peine de se voir « sanctionner » symboliquement. La protection de l’environnement ou sensibilité environnementale est présente chez un nombre croissant de personnes. Ce « besoin environnemental » appartient aux catégories de besoins secondaires définis par Maslow. L’entreprise qui s’engage dans une démarche environnementale bénéficie d’un avantage considérable en terme d’image, les informations publiées sur son comportement environnemental constituent des signaux qui auront un impact sur la réputation de l’entreprise ou de ses produits. La communication est un mécanisme institutionnel permettant à l’organisation d’émettre des signaux de conformité à destination de ses parties prenantes, elle l’utilise pour influencer les perceptions. Le contexte actuel tend à introduire des valeurs éthiques et sociales dans l’économie ; l’entreprise doit apprendre à gérer son image de marque car elle constitue un élément clé de sa performance. Les consommateurs sont de plus en plus soupçonneux vis-à-vis des entreprises et de leurs produits, en dramatisant le risque en matière d’environnement, les réactions sont souvent disproportionnées, c’est le phénomène d’amplification sociale du risque. La mise en œuvre 71 66 Abraham Maslow, psychologue célèbre connu pour ses travaux sur l’explication de la motivation par la hiérarchie des besoins. Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. d’un système de management environnemental permet d’attester de la responsabilité des entreprises et pose les bases d’une réconciliation sociétale. La gestion stratégique des parties prenantes par des processus de communications externes est un moyen à disposition de l’entreprise lui permettant d’améliorer sa performance. L’entreprise cherche sans cesse à communiquer et à convaincre les acteurs 72 clés car elle n’échappe pas à la médiatisation. Paul de Backer , dans son ouvrage « Le management Vert », affirme que « Communiquer, convaincre, et expliquer est devenu aussi important que faire, produire, réaliser ». Les entreprises développent une sensibilité aux médias grand public toujours plus soupçonneux quant au respect de l’environnement par ces dernières ainsi qu’aux groupes de pression qui l’identifient comme l’ennemi public, responsable de l’ensemble des dégâts environnementaux. Avec la mise en place d’un système de management environnemental, l’entreprise apprend à gérer sa communication externe pour véhiculer un ensemble de symboles positifs à son égard et convaincre ainsi les médias et les groupes de pression de sa responsabilité vis-à-vis des parties prenantes à son activité. L’ensemble des entreprises analysées dans cette étude tentent de communiquer sur leur certification ISO 14 001. A ce titre, l’entreprise Papeteries du Léman organise des « journées portes ouvertes », rédige des articles de journaux à destination de la presse locale ou des magazines spécialisés… ; les Stations de ski des Gêts et d’Avoriaz mettent en 73 évidence le logo de certification afin qu’il soit visible pour le public. M. Muffat , responsable QSE de la station d’Avoriaz souligne l’intérêt de rendre la certification visible car c’est un des critères les plus sollicités par les tour-opérateurs. La clientèle étrangère des stations de sports d’hiver est de plus en plus sensible à l’environnement et privilégie les stations engagées. Il affirme : « il devenait nécessaire pour Avoriaz de franchir le cap parce que la démarche environnementale devient un outil marketing pour attirer une certaine clientèle dans notre station, plutôt que dans une autre». Le SME offre un avantage commercial aux entreprises certifiées par rapport à leurs autres concurrents qui ne le sont pas. A titre d’exemple, le tour-opérateur Pierre & Vacances, bien implanté dans la station, encourage les séjours à Avoriaz plutôt que dans d’autres stations, du fait de la certification en ISO 14 001. Selon la Direction du groupe, « le tourisme peut avoir de fortes conséquences sur le milieu naturel c’est pourquoi tout opérateur touristique doit inscrire sa stratégie dans une démarche 74 de développement durable et maîtriser l’ensemble de ces transferts de population ». Le prestataire touristique apprécie la démarche de la station et l’encourage dans sa démarche en collaborant avec elle sur le mise en place de nouveaux projets. Déborah Philippe et Rodolphe Durand, deux enseignants à HEC Paris, réalisent une 75 étude sur le lien entre communication environnementale et réputation de l’organisation . Ils montrent que dans le cadre de la performance environnementale, la communication devient cruciale pour deux raisons : « d’une part, cette performance repose dans une large mesure sur l’habileté d’une organisation à gérer ses interactions avec son environnement institutionnel et donc à établir un dialogue avec ses parties prenantes, d’autre part, il est souvent difficile pour les parties prenantes de l’organisation d’évaluer précisément sa performance environnementale, et celles-ci dépendent donc largement des informations 72 73 74 75 Paul de Backer, Le management vert, Paris, Dunod, 1992, 265 p. Extrait de l’entretien du 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz Extrait tiré de l’acte d’engagement de Pierre et Vacances aux cotés du WWF, www.pierreetvacances.com Philippe D, Durand R, Communication environnementale et réputation de l’organisation, Revue Française de Gestion, 2009/4, n°194, p.45-63 Buttet Amélie - 2009 67 Vers une gestion environnementale des entreprises ? publiées par l’organisation pour se former une opinion quant à la qualité intrinsèque de ses actions ». L’entreprise capable d’envoyer des signaux sur ses initiatives environnementales construit, maintient et renforce sa réputation, la communication environnementale en tant que signal indiquant que le comportement de l’organisation est socialement acceptable et approprié, conduit à l’amélioration de la réputation de l’organisation. L’envoi de signaux passe par la publicité à destination du public, des campagnes d’affichages, les sites 76 Internet… Mme Miclot explique que, depuis quelque années, le groupe Danone recentre ses activité sur des produits sains pour la santé et s’engage considérablement pour l’environnement. Cet engagement fait l’objet de campagnes de publicités à destination des consommateurs, à la télévision les spots télévisés témoignent de l’engagement de l’entreprise, sur le produit il est rappelé aux consommateurs qu’ils se doivent de trier leurs déchets afin d’accompagner l’entreprise dans sa démarche. Extrait de l’étiquette d’une bouteille d’Eau Minérale Evian 1,5L L’ensemble des initiatives prises par le groupe semblent porteuses puisque le groupe Danone dispose d’une bonne réputation environnementale auprès des consommateurs, réputation que l’ensemble des entreprises du groupe s’attachent à surveiller par la réalisation régulière d’enquêtes sur l’image de la société auprès des consommateurs. Le comportement environnemental revêt un aspect très stratégique pour les entreprises qui communiquent sur leurs initiatives, la communication environnementale d’une organisation a un impact direct sur sa réputation puisque les parties prenantes sont quasiment exclusivement dépendantes des informations communiquées par l’organisation pour évaluer sa performance environnementale. La communication environnementale exerce une influence dans la manière dont l’organisation est perçue par ses diverses parties prenantes, la réputation se construit en fonction de la nature et de la visibilité des messages émis. Cependant, la réputation est un concept multidimensionnel, dont la composante environnementale ne fait que contribuer à l’image globale de l’entreprise ; il s’agit d’un facteur de différenciation de l’entreprise par rapport à ses concurrents non engagés dans des démarches de management environnemental, mais qui ne suffit pas, à elle seule, à déterminer la réputation d’une organisation. Du point de vue du monde financier, excellence environnementale et qualité du management sont de plus en plus associées. D'autre part, adopter une démarche proactive à l'égard de l'environnement réduit considérablement certains risques immédiats ou différés dont les conséquences financières peuvent être très importantes pour l'entreprise. Le facteur environnemental est de plus en plus pris en considération par les investisseurs ; 76 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des Eaux Minérales D’Evian, Groupe Danone. 68 Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. en témoigne le développement des SICAV investissant dans des titres d'entreprises particulièrement performantes du point de vue de l'environnement. La valorisation de l’image de l’entreprise ainsi que de ses produits ne s’opère pas uniquement au niveau des consommateurs mais touche également les activités parallèles. B. Des relations pérennes construites avec les activités parallèles L’environnement est considéré comme un bien public, il concerne l’ensemble de la population, particuliers ou professionnels. La mise en place d’un système de management environnemental a nécessairement des répercutions sur les autres entreprises ou activités qui travaillent de concert avec l’entreprise certifiée, ce sont des externalités positives liées à la mise en place d’une SME. De nombreux avantages découlent de la certification d’une entreprise en ISO 14 001, pour ses relations avec ses activités parallèles. Il existe essentiellement deux raisons pour lesquelles une entreprise accepte de mettre en place un système de management environnemental afin de maintenir de bonnes relations avec les activités parallèles. La première d’entre elle est celle qui veille à répondre aux pressions exercées par les partenaires avec lesquels elle travaille. L’entreprise Papeteries du Léman s’est engagée dans la démarche de certification pour plusieurs raisons, parmi elles, 77 une a été déterminante, explique M Rase , « nos entreprises clientes nous ont fait comprendre implicitement que sans certification ISO 14 001, elles mettraient un terme à leur collaboration ». L’industrie papetière est une activité hautement polluante et il est compréhensible que de nombreux efforts soient entrepris afin de revaloriser l’image du secteur. C’est dans sa globalité que la branche papetière doit agir, par la mise en place des systèmes de management environnemental, à la fois au sein des papeteries elles mêmes, chez leurs clients ainsi que chez leurs fournisseurs. Les moyens d’actions doivent être globaux et les référentiels identiques entre les différentes entreprises afin de favoriser l’homogénéité entre les entités en relation. En cela, les normes ISO relèvent un intérêt particulier puisqu’elles sont internationales et transdisciplinaires et peuvent donc s’appliquer à des entreprises de nature diverse. La pression, ici interne à l’industrie papetière pousse donc les entreprises à uniformiser leurs efforts afin que l’ensemble du secteur bénéficie des retombées en matière d’image et de réputation. Dans le cas précis de la société Papeteries du Léman, la pression n’est pas exercée par les autorités publiques mais par des entreprises privées, qu’elles soient clientes, fournisseurs, ou donneurs d’ordres, en imposant à une entreprise partenaire de prendre la voie de la certification sous peine d’être exclue des transactions futures. L’exemple du secteur papetier n’est pas isolé, déjà en 1999, deux grandes multinationales telles que Ford et Général Motors ont annoncé que tous leurs sous-traitants à travers le monde devaient dorénavant être certifiés ISO 14 001, dans un délai de 4 ans. Afin de garder sa place sur le marché, les entreprises concernées par ces pressions diverses se voient dans l’obligation de mettre en place la certification ISO 14 001. Ces exemples ne remettent pas entièrement en cause l’aspect volontaire de l’adoption des systèmes de management environnemental, mais montrent que le volontariat est rarement dénué de pressions, qu’elles soient d’origine étatique ou privée. La gestion de l’environnement est un facteur indispensable pour garantir une relation commerciale à long terme et maintenir un certain niveau d’attractivité et donc de compétitivité. La norme ISO 14 001 est un outil de dialogue renforçant la confiance entre les partenaires. 77 Extrait de l’entretien du jeudi 19 février 2009, avec M Jean Michel RASE, Responsable QSE, Les Papeteries du Léman, Groupe Bolloré Buttet Amélie - 2009 69 Vers une gestion environnementale des entreprises ? L’autre facteur d’incitation à la mise en place d’un SME est la recherche d’accès à de nouveaux marchés. Certaines entreprises, bien implantées dans un secteur d’activité, font de la certification ISO 14 001 un élément indispensable pour pouvoir exercer dans le secteur. Dans ce cas de figure, la norme ISO 14 001 constitue une barrière à l’entrée redoutable, à laquelle les entreprises sont contraintes d’adhérer si elles souhaitent pénétrer le marché. La technique de l’instauration de barrières non tarifaires à l’entrée d’un marché constitue une entrave aux règles de la libre concurrence, sensées être le principe applicable dans tout secteur d’activité, puisque le principe des barrières à l’entrée consiste à faire obstacle à une 78 79 entreprise qui souhaite s’engager sur un nouveau marché. M Muffat , et Mme Lhermite témoignent tous deux du chantage exercé par les tour-opérateurs scandinaves auprès des Stations de ski. Les domaines skiables d’Avoriaz et des Gêts ont été contraints, par la clientèle scandinave, de mettre en place des systèmes de management environnemental, témoignant de leur engagement pour de protection de l’environnement. La peur d’être « boycotté » par cette clientèle a été un argument supplémentaire qui a poussé les deux Stations à s’engager dans une démarche de certification. La volonté d’obtenir un avantage concurrentiel sur ses rivaux constitue un facteur de motivation important à la mise en place d’un SME. Les entreprises communiquent leurs performances environnementales au marché, pour se différentier de leurs concurrents et/ ou pour proposer un produit aux particularités innovantes. Ces comportements stratégiques sont une forme de manipulation des standards, plus particulièrement ici de la norme ISO 14 001, avec des intentions sous-jacentes, clairement anti-concurrentielles. L’objectif de la démarche de management environnemental est ainsi dénaturé puisque le SME devient un outil utilisé pour désavantager les concurrents éventuels et tirer profit du standard ; il constitue un outil source d’avantages compétitifs. La norme ISO 14 001 est un outil de différentiation entre les entreprises, atout considérable pour entrer sur certains marchés. L’exigence d’engagement dans un processus de management environnemental constitue un moyen de sélection non formel mis en place par un groupe d’entreprises afin de sélectionner les entités avec lesquelles elle souhaitent travailler ; il s’agit d’une barrière à l’entrée qui entrave la libre concurrence. Outre cette lecture critique explicative des facteurs déterminant l’adhésion d’une 80 entreprise à la norme ISO 14 001, Mme Miclot précise qu’il est du devoir d’une entreprise certifiée de faire pression sur ses partenaires pour qu’ils s’engagent à leur tour : « il en va de la cohérence de notre système de management environnemental que nos clients ou nos fournisseurs soient engagés dans une démarche identique à la nôtre ». Selon elle, l’intégration de l’ensemble des partenaires concernés dans la démarche de SME permet à l’entreprise d’aller toujours au-delà de ses objectifs et de servir ainsi la logique d’amélioration continue. Lorsque toute la chaîne de production (fournisseurs, producteurs, sous-traitants, clients) est certifiée par un système de management environnemental, l’ensemble des entités individuellement engagées bénéficient de retombées importantes pour son propre SME. Mme Miclot soutient que seule cette intégration des systèmes de management environnemental permet de « tirer tout le monde vers le haut » et ainsi de réduire potentiellement les coûts de transaction liés à l’activité de production puisque les 78 Extrait de l’entretien du mardi 17 février 2009, M Bruno MUFFAT, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques d’Avoriaz 79 Extrait de l’entretien du lundi 16 février 2009, Mme Emmanuelle Lhermite, Responsable QSE, Société des Remontées mécaniques des Gets 80 Extrait de l’entretien du vendredi 17 avril, avec Mme Isabelle MICLOT, Responsable QSE, Société Anonyme des Eaux Minérales D’Evian, Groupe Danone. 70 Buttet Amélie - 2009 Partie III : Le Système de Management Environnemental : un levier de compétitivité et de performance pour l’entreprise. partenaires, tous dotés de SME, composent avec des méthodes de travail identiques. Loin d’être un outil d’entrave à la concurrence, l’exigence de la certification dans un secteur d’activité tend à harmoniser les coûts de production des entreprises et ainsi réduire les disparités existantes entre celles engagées dans une démarche coûteuse de SME et celles qui produisent sans prendre en compte les impacts environnementaux de leurs activités. Lorsque les entreprises appartenant à la même branche ou au même secteur d’activité sont soumises aux mêmes exigences en matière environnemental, la concurrence est loyale, même si chaque entreprise conserve ses propres spécificités dans l’élaboration et la mise en œuvre de son SME. La difficulté majeure réside dans le fait que, en dehors des pressions exercées par les entreprises déjà certifiées, aucune autre instance publique ne contraint à l’adoption du référentiel afin d’harmoniser un secteur d’activité. Cette caractéristique est propre aux instruments volontaires de régulation environnementale, qui peinent à se généraliser puisque les pressions inter-firmes se révèlent parfois inefficaces, et que les autorités publiques ne sont pas en mesure de rendre leur application obligatoire. La mise en place d’un système de management environnemental, même si elle est motivée par la volonté de contribuer à la protection de l’environnement, cache des objectifs stratégiques sous-jacents. L’entreprise cherche à tirer partie de ce qui, à première vue, pourrait être ressentie comme une contrainte, et bénéficient directement des nombreux avantages induits par le SME. L’environnement ne constitue pas un domaine d’action dans lequel les entreprises agissent de manière désintéressée, un tel opportunisme n’est toutefois envisageable qu’avec les instruments volontaires de régulation environnementale qui sont soumis au bon vouloir des entités qui les utilisent. Buttet Amélie - 2009 71 Vers une gestion environnementale des entreprises ? Conclusion La norme ISO 14 001, une solution satisfaisante ? L’analyse menée ci-dessus permet de rendre compte de la réelle efficacité de la norme ISO 14 001 et plus généralement des systèmes de management environnemental. Ils constituent un outil technique à disposition des entreprises qui souhaitent contribuer, à leur manière, à la protection de l’environnement. La mise en place d’un SME est un élément de différentiation entre les entreprises, mais également un signal fort à destination du consommateur, gage du comportement responsable de l’entité concernée. La compétitivité durable ne se base plus seulement sur le seul aspect financier, mais doit tenir compte d’autres facteurs d’amélioration tels que le domaine du social et de l’environnement. Le développement des approches volontaires en matière de régulation environnementale témoigne de la mutation de l’entreprise, désormais soucieuse de l’intérêt de ses parties-prenantes et de l’image qu’elle véhicule auprès de l’opinion publique. Cependant, l’engagement dans une telle démarche est un processus coûteux pour l’entreprise, ce qui nous amené à penser que l’engouement pour la norme ISO 14 001, n’est pas dénué d’explications rationnelles. En effet, au terme de l’analyse, principalement basée sur les théories de l’économie industrielle, l’environnement apparaît comme une opportunité de développement, le nouveau front sur lequel les entreprises doivent être présentes pour espérer rester compétitives. Dans un contexte de concurrence forte, la certification à la norme ISO 14 001 grâce à la mise en place d’un SME est un outil stratégique dont l’objectif environnemental initial se trouve dénaturé. La logique actionariale persiste et même si elle coexiste avec les préoccupations environnementales grandissantes, elle demeure la stratégie principale sur laquelle les entreprises se fondent. Etant par nature un lieu de création de valeur, elles sont mues par la volonté de produire de la richesse ; rationnelles, les entreprises cherchent à transformer les contraintes d’ordre environnementale et avantages d’ordre économique. Les solutions mises en place afin de réduire les impacts environnementaux peuvent être forts diverses et impliquer des coûts et des bénéfices très variables en fonction des politiques mises en œuvre. Cependant, la lecture critique des systèmes de management environnemental ne doit pas conduire au pessimisme en ce qui concerne le lien entre environnement et économie. L’élaboration d’un outil tel que le SME vise à concilier au mieux « environnement » et « économie », sans pour autant y parvenir complètement. A l’heure actuelle, la relation entre les deux disciplines ne résulte pas d’un échange « gagnantgagnant » car l’environnement semble être encore largement soumis au bon vouloir de l’activité économique. Néanmoins, cette asymétrie de pouvoir est le seul moyen par lequel un début de prise de conscience environnementale commence à voir le jour chez les entreprises. Ces dernières acceptent d’intégrer les contraintes environnementales dans leur mode de fonctionnement quotidien uniquement si elles perçoivent l’opportunité d’en obtenir des contre-parties intéressantes. Cette situation, bien qu’insuffisante, est préférable à une éventuelle passivité des entreprises en matière de protection de l’environnement; du reste, ce n’est pas parce que les entreprises utilisent les systèmes de management environnementaux comme un avantage stratégique que les résultats environnementaux atteints sont nécessairement nuls. Quelle que soit l’utilisation que les entreprises font de la norme ISO 14 001, l’engagement dans une démarche de certification procure, malgré 72 Buttet Amélie - 2009 Conclusion tout, un certain nombre de retombées positives sur l’environnement. D’ailleurs, on pourrait également penser que les systèmes de management environnementaux ne sont pas une fin en soi mais simplement une étape provisoire et nécessaire vers ce qui constituera une véritable révolution à venir. L’environnement est actuellement un luxe que seules les entreprises les plus dotées financièrement sont en mesure de s’offrir ; elles cherchent donc tout naturellement à exploiter au maximum l’opportunité que l’environnement peut potentiellement représenter. Tout comme il existe aujourd’hui un mécanisme de concurrence par les prix entre les entreprises, l’engouement pour la norme ISO 14 001 laisse espérer de voir se développer une concurrence entre les entreprises d’un même secteur dans le domaine de la protection de l’environnement. Le mouvement initié actuellement peur servir de base au développement d’une véritable compétitivité environnementale qui remplacera le mécanisme de concurrence actuelle par les prix. L’analyse réalisée permet d’affirmer que les entreprises, en s’engageant sans cesse davantage pour l’environnement, sont aux prémices d’une véritable mutation dans leur mode de production de biens ou de services. Le point positif des approches volontaires de régulation environnementale dont la norme ISO 14 001 fait partie, c’est qu’elles sont basées sur le volontariat et donc que les entreprises qui les utilisent peuvent aller toujours plus loin. D’ailleurs, même si les systèmes de management environnemental s’écartent quelque peu de leur objectif premier, il est impossible de conclure dores et déjà définitivement sur l’efficacité environnementale de cet outil, puisque les effets sur les ressources naturelles, qu’ils soient positifs ou négatifs, ne seront visibles et donc évaluables que sur le long terme. La norme ISO 14 001 est un dispositif encore trop récent pour pouvoir conclure précisément de son efficacité dans le temps. Le système de management environnemental est un instrument particulier en ce sens qu’il apparaît comme une solution adaptée pour les personnes inexpérimentées ou novices sur l’environnement effectuant des comparaisons entre les entreprises ; néanmoins, l’analyse plus précise de son mode de fonctionnement et des actions mises en œuvre par les entreprises qui ont collaboré à la réalisation de ce mémoire, souligne ses limites et ses imprécisions. En effet, dans une perspective plus critique, il peut être intéressant d’étudier la cas de la Société des Eaux Minérales d’Evian, qui se classe parmi les entreprises pionnières 81 les plus engagées en matière de protection de l’environnement. Mme Miclot , présente les très nombreuses actions mises en œuvre par son entreprise, en insistant sur le fait que, pour la société Evian, l’environnement est déterminant ; cependant, son discours soulève un paradoxe : bien que l’engagement environnemental d’Evian soit réel et colossal, l’actuel mode d’organisation de la production de l’entreprise, basé sur un site de production unique et des exportations massives à travers le monde, témoigne d’une incohérence considérable par rapport à son engagement environnemental. De la même manière, la société Papeteries du Léman, est spécialisée dans la fabrication de papier très fin et très précieux, dont les conditions nécessaires à son stockage demandent beaucoup d’énergie. Les actions ou mesures mises en place dans le cadre d’un système de management environnemental, qu’elles soient d’ordre corrective ou préventive, demeurent largement insuffisantes du point de vue de la protection de l’environnement et des ressources naturelles. En terme d’efficacité environnementale, c'est-à-dire la capacité des SME à réduire considérablement les effets néfastes des activités de l’entreprise sur l’environnement, la norme ISO 14 001 n’est pas un outil satisfaisant, car l’évaluation 81 Analyse de l’entretien du 17 avril 2009, avec Mme Isabelle Miclot, Responsable Qualité, Sécurité, Environnement, Société Anonyme des Eaux Minérales d’Evian, groupe Danone. Buttet Amélie - 2009 73 Vers une gestion environnementale des entreprises ? exacte et concrète de ses effets demeurent flou. En revanche, le système de management environnemental s’avère être un instrument utile économiquement pour les entreprises, 82 puisqu’ils sont source d’avantages compétitifs. M Quiblier , souligne d’ailleurs les limites de l’instrument qui, selon lui, envisage de « faire du neuf avec du vieux », c'est-àdire utiliser les structures déjà existantes et les corriger pour limiter les impacts des activités de l’entreprise sur l’environnement. Selon lui, une solution serait préférable, celle qui consisterait à repenser l’ensemble des façons de produire, c'est-à-dire remettre en question les techniques de production actuelles dans leur globalité et non pas de façon partielle comme le proposent les systèmes de management environnemental et la norme ISO 14 001. M Quiblier explique : « c’est le management qui est environnemental, pas l’organisation , les problèmes environnementaux des entreprises ne sont pas pris à leur source mais en cours de route ». En cela, la prise en compte de l’environnement par les entreprises dans leur activités quotidiennes, constituera la prochaine « révolution industrielle ». Encore peu connus en France, l’architecte designer William Mc Donough et le chimiste allemand Michael Braungart sont deux personnalités de l’écologie industrielle, 83 qui, dans leur ouvrage Cradle to Cradle proposent une approche qui diffère des courants traditionnels de l’écologie. Les deux spécialistes défendent une « consommation intelligente », fondée sur la réutilisation permanente des objets et des matières et préconisent une empreinte écologique positive qui consiste à penser le produit, dès l’origine pour lui donner plusieurs vies, et idéalement, le réutiliser à l’infini, y compris pour d’autres usages que sa fonction initiale. « Cradle to Cradle » signifie « du berceau jusqu’au berceau », cette approche s’oppose à celle du « Cradle to Grave », traduite par « du berceau jusqu'à la tombe » ; elle signifie que rien ne disparaît et que tout doit pouvoir être réutilisé, sans fin. Selon Mc Donough, cette nouvelle exigence constituera ce qu’il appelle « the New Industrial Revolution », la prochaine Révolution Industrielle, qui se substituera à l’ancienne basée sur l’industrialisation et la mécanisation. L’approche « cradle to cradle » préconise de raisonner par rapport au cycle de vie du produit, sans cesse réutilisé. 82 Extrait de l’entretien du 15 juin 2009, avec M Pierre QUIBLIER, Programme Officer, Chemicals Branch Maison de l’environnement, Organisation des Nations Unies. 83 William Mc DOHOUGH et Michael BRAUNGART, Cradle to Cradle: Remaking the way we make things, Rodal Press, 2002, 208 p. 74 Buttet Amélie - 2009 Conclusion source : www.buycott.eu Les entreprises ne sont pas les seules entités qui se doivent d’être responsables environnementalement, elles ne constituent qu’un élément parmi d’autres devant œuvrer pour la protection de l’environnement. M Quiblier affirme : « ce n’est pas l’environnement qui est au service de l’économie, ni l’économie qui est au service de l’environnement, mais l’économie et l’environnement qui sont au service de l’homme », cela signifie que les entreprises ne sont pas les seules responsables des dommages environnementaux, une solution satisfaisante du point de vue de l’environnement verra le jour, lorsque, tous les acteurs concernés (entreprises, Etats, ménages) seront en mesure de prendre conscience de la responsabilité de chacun dans le processus de dégradation de l’environnement et d’agir en conséquence. L’analyse menée révèle toutefois que le mouvement environnemental à l’œuvre marque les débuts d’un changement structurel ; l’environnement n’est pas une mode mais un défi majeur auquel l’ensemble de l’humanité est confrontée. Les actions que les entreprises vont réussir à mettre en œuvre dans les 50 années à venir seront décisives pour l’avenir de la planète. Quelle que soit la stratégie adoptée pour la protection de l’environnement, notamment dans le cadre de la mise en place des systèmes de management environnemental, il est important de les utiliser d’abord et avant tout comme des moyens pour réduire les impacts sur le milieu naturel et non comme une fin en soi ou comme des outils de promotion commerciale. La question qui demeure à l’issue de l’analyse est celle qui cherche à savoir si l’utilisation de la rhétorique environnementale à des fins stratégiques par des entreprises opportunistes, n’est-elle pas le seul et unique moyen pour que la dimension environnementale soit prise en compte dans l’ensemble du monde économique. Cette interrogation sous-tend la thèse en grande partie démontrée dans cette analyse, à savoir que l’environnement n’intéresse pas directement les entreprises, mais indirectement, car sous couvert d’un comportement pseudo-responsable, les entreprises l’utilisent comme un argument stratégique aux effets sur leur compétitivité. Buttet Amélie - 2009 75 Vers une gestion environnementale des entreprises ? La norme ISO 14 001 et plus généralement les systèmes de management environnemental sont une solution satisfaisante car ils permettent aux entreprises de concilier environnement et économie, et ainsi tenter de faire en sorte qu’une activité ne se fasse pas au détriment de l’autre. De nombreux avantages, qu’ils soient d’ordre économique ou environnemental, peuvent être dégagés de la certification ISO 14 001, cependant, du point de vue de l’efficacité environnementale, les systèmes de management environnemental présentent de nombreuses limites et ne sont pas entièrement satisfaisants pour la protection de la planète et des êtres vivants, car l’objectif environnemental premier de ces instruments se trouve dénaturé par des entreprises obéissant aux lois du marché. Même si la prise en compte de l’environnement par les entreprises témoignent d’un changement de comportement de ces dernières, elles continuent malgré tout à tirer profit de l’environnement. La contradiction majeure dans le rapport frontal entre « économie » et « environnement » réside dans les fondements mêmes des deux disciplines : alors que l’économie est soumise à un impératif marchand et financier, l’environnement est un champ d’action qui doit être exploité d’une manière totalement désintéressée. La norme ISO 14 001 et les systèmes de management environnemental ont le mérite de tenter une réconciliation entre les deux antagonistes, sans toutefois y parvenir, puisque la logique économique, après avoir exploité, sans réserve les ressources naturelles mises à disposition gracieusement par la nature, s’empare également du domaine de la protection de l’environnement, et tente de transformer cette contrainte en un facteur de compétitivité et de performance pour les entreprises. Les instruments volontaires de régulation environnementale sont porteurs d’espoir par rapport aux instruments réglementaires, cependant la plus grande liberté d’action sur laquelle ils se fondent, est détournée, sans qu’aucune instance légitime soit en mesure d’intervenir. L’utilisation opportuniste de la protection de l’environnement par les entreprises semble être la seule possibilité pour que l’environnement et ses ressources naturelles suscitent l’intérêt des entreprises. 76 Buttet Amélie - 2009 Bibliographie Bibliographie Ouvrages BOUTOU Olivier, LANDY Gérard, SAINTVOIRIN Bruno, Performance de l’entreprise, Paris, AFNOR, 2006, 205 p. DE BACKER Paul, Le management vert, Paris, DUNOD, 1992, 265 p. DEL CERRO Corinne et JOUNOT Alain, Management de l’environnement TOME 2, SME et audits, Paris, AFNOR, 2001, 381 p. FAUCHER Solange, Système intégré de management : Qualité, Sécurité, Environnement, Paris, AFNOR, 2006, 202 p. GELINIER Octave, SIMON François Xavier, BILLARD Jean-Pierre, MULLER JeanLouis, Développement durable, pour une entreprise compétitive et responsable, Issyles-Moulineaux, ESF Editions, 2002, 157 p. JONQUIERES Michel, Management environnemental, Paris, AFNOR, 2005, 184 p. 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Annexes Annexe 1 : Liste des actions environnementales mises en place par la Société Anonyme des Remontées Mécaniques des Gets. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 2 : Journal interne « Pistes Noires » de la Société des Remontées Mécaniques d’Avoriaz. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Résumé La norme ISO 14 001 est un référentiel international attestant de l’engagement d’une entreprise dans une démarche spécifique de gestion environnementale, communément appelé « mise en place d’un système de management environnemental » (SME). Bien que la norme soit en premier lieu un nouvel outil destiné à contribuer à la protection de l’environnement, dans un contexte de concurrence, sa mise en place cache souvent une utilisation stratégique du standard ; ainsi dénaturé le SME devient un instrument utilisé comme une source de compétitivité et de performance pour les entreprises. Mots clés Environnement, Entreprises, Management, Performance, Stratégie, Environnemental, Opportunisme, Concurrence, Développement Durable. 80 Buttet Amélie - 2009 Management