VII. La diplomatie française et l'Allemagne 383
au XXe siècle, cette affaire fit couler beaucoup d'encre des deux côtés du Rhin.
Dans la perspective des relations franco-allemandes, ce sujet revêtit donc une im-
portance plus grande en tant que problème historiographique qu'en tant que pro-
blème historique. Derrière cette querelle, il y a la question plus essentielle qui
consiste à savoir si la candidature d'un roi de France était véritablement une op-
tion sérieusement envisagée par la politique française10. Louis XIV aspirait-il à
l'Empire? Dans ce chapitre, notre propos n'est pas de trancher cette question11,
mais de rappeler certaines étapes historiographiques qui témoignent de la passion
avec laquelle la question fut discutée des deux côtés du Rhin.
En 1897, Henri Vast souligna le fait que plusieurs étrangers avaient déjà été
élus empereurs au Moyen Âge (il mentionne les élections d'Alphonse de Castille
et de Richard de Cornouailles)12. Selon lui, la candidature d'un roi de France
n'aurait donc rien eu d'exceptionnel. Vast signala également que, après 1658,
Louis XIV conclut plusieurs traités ou articles secrets avec des princes électeurs
de l'Empire pour s'assurer leurs voix (pour lui ou pour le candidat soutenu par la
France) lors de l'élection suivante. Vast pensait aux traités conclus avec la Saxe,
la Bavière et le Brandebourg, à partir de 1664 et jusqu'en 167913. Mais il concé-
dait que le roi n'avait pas eu la possibilité de profiter de ces préparatifs diploma-
tiques14. A la différence de Vast, Legrelle prétend que ces traités étaient »d'une
10 Ce sujet n'a plus été traité de manière systématique depuis l'article de
ZELLER,
Les rois de
France candidats à l'Empire. Mais cet article n'apparaît pas comme une réponse définitive à
la question. Pour la période antérieure à 1648, on peut se reporter aux pages que BABEL,
Deutschland und Frankreich, consacre aux rapports entre regnum et imperium, p. 155-165,
ainsi qu'à la contribution de Winfried DOTZAUER, Heinrich IV. von Frankreich und die Frage
der römischen Königswahl in Deutschland, dans: Zeitschrift für die Geschichte des Ober-
rheins 114(1966), p. 71-146.
11 Pour l'état actuel des connaissances sur l'élection de 1658, qui fut »l'une des plus drama-
tiques de l'époque moderne«, cf. MALETTKE, Les relations entre la France et le Saint-Empire,
p. 237-248; BÉRENGER, Léopold IER, p. 199-202 et p. 211-221 (citation p. 211). Toujours
utile: le livre second, intitulé »L'élection de l'empereur Léopold
IER
et la constitution de la Li-
gue du Rhin«, dans: J[ules] VALFREY, Hugues de Lionne. [Avant-titre:] La diplomatie fran-
çaise au XVIIE siècle, [vol. II:] Ses ambassades en Espagne et en Allemagne, la paix des Py-
rénées. D'après sa correspondance conservée aux Archives du Ministère des Affaires étran-
gères, Paris 1881, p. 65-176.
12 Pour ce problème, cf. également Heinz DUCHHARDT, Et Germani eligunt et Germanus
eligendus. Die Zulassung ausländischer Fürsten zum Kaiseramt im Jus Publicum des 17./
18. Jahrhunderts, dans: Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, Germanisti-
sche Abteilung 97 (1980), p. 232-253.
13 Cf. H[enri] VAST, Des tentatives de Louis XIV pour arriver à l'Empire, dans: Revue his-
torique 65 (1897), p. 1-45; il publie le traité conclu avec Brandebourg le 25 octobre 1679,
ibid., p. 35—41 (le traité avec la Saxe de 1679 est presque identique). Pourtant, plusieurs his-
toriens allemands ont souligné le fait que le traité conclu avec la Saxe en 1664 n'avait rien à
voir avec les projets de candidature, cf. Wfalter] PLATZHOFF, Ludwig XIV., das Kaisertum
und die europäische Krisis von 1683, dans: Historische Zeitschrift 121 (1920), p. 377-412,
ici p. 380, η. 3.
14 En 1686, Léopold IER assura sa succession en faisant élire à Augsbourg son fils aîné, l'ar-
chiduc Joseph, âgé de huit ans.
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