dossier Les religions et le monde moderne Salafisme, islamisme, soufisme Entretien avec Amel Boubekeur1 Visiting Fellow - Brookings Doha Center « L’islam politique s’est quelque peu “indépendantisé” de l’islamisme en tant que tel pour être récupéré par une pléthore d’acteurs différents. » « Il y a un déficit d’identification à la culture politique, au pouvoir et à ses institutions nationales, ce qui fait qu’il y a un réinvestissement de l’espace public qui peut donner l’impression d’une forte islamisation. » « On retrouve dans le soufisme le même phénomène de réislamisation volontaire que l’on a pu observer au sein d’autres mouvements d’inspiration islamiste. » 1 - Publication récente : Whatever Happened to the Islamists?: Salafis, Heavy Metal Muslims, and the Lure of Consumerist Islam, sous la direction d’Amel Boubekeur et Olivier Roy, Columbia University Press, 2012 62 / mars 2013 / n°429 V ous travaillez sur la question du salafisme depuis plusieurs années, bien avant que l’usage de ce terme ne devienne si courant en Occident. Pouvez-vous nous faire un rapide état des lieux du salafisme d’aujourd’hui et de ses différentes mouvances: quiétiste, djihadiste, etc. ? Il y a véritablement un avant et un après « révolutions arabes » en ce qui concerne le salafisme. La chute des tyrans a créé un vide ouvrant la voie à de nouvelles formes d’islam oppositionnel. Avec l’arrivée au pouvoir de partis islamistes et leurs victoires électorales notamment en Tunisie, au Maroc et en Égypte, on assiste à une repolitisation du salafisme, qui remplit désormais le rôle oppositionnel que jouait jusque-là l’islam politique. C’est la première évolution importante : la repolitisation du salafisme dans un contexte post-autoritaire. Il faut rappeler que le salafisme, dans l’ensemble du monde arabe et sans doute au-delà, est très lié aux conditions de sécuritisation de la société. Mes entretiens avec des salafistes, dans la banlieue de Radès, en Tunisie, en 2007 et 2008 m’ont conduit à m’apercevoir qu’ils étaient très souvent indicateurs de la police… Il y avait donc une sorte d’accord tacite entre les gouvernements autoritaires et les salafistes : on les laissait faire ce qu’ils voulaient, (se regrouper sur une base idéologique, investir des réseaux de solidarité économique…) du moment qu’ils ne se mêlaient pas de politique. Avec la chute des régimes, il y a de formidables opportunités pour les salafistes d’investir l’espace public et d’occuper de nouvelles formes d’espaces oppositionnels qu’ils n’étaient pas parvenus jusque-là à investir, puisqu’ils se rattachaient à la position du salafisme wahhabite saoudien selon lequel il ne fallait pas remettre en cause le tyran tant qu’il est musulman. Il faut également mentionner la politique de « pardon » des États autoritaires depuis une dizaine d’années : un certain nombre de djihadistes ont été graciés et libérés de prison et ont essayé de réinvestir l’espace public et de jouer un rôle de contestation. Au Maroc, en contrepartie du pardon et de la grâce, il leur fallait reconnaître le roi comme Amir Al Mou’minine (le commandeur des croyants). On est donc dans une reconnaissance d’une autorité politique à soubassement religieux. Ils ont été contraints de le faire car cela était la condition pour retrouver la liberté. Mais on se rend compte que très profondément, dans les milieux salafistes, il y a une contestation, non pas uniquement de l’autorité religieuse du roi, mais aussi de son autorité politique. En règle générale, le salafisme est beaucoup plus anti-politique qu’a-politique. Il ne reconnaît pas les institutions politiques modernes, les partis, les élections… Les salafistes au Maghreb pourraient-ils être tentés de suivre la voie électorale, comme l’a fait le parti Al Nour en Égypte ? En Algérie, un parti salafiste vient de se voir refuser sa légalisation. Cela tient à la position des services qui cherchent à jauger le potentiel des salafistes au sein de la société civile. Le lieu du pouvoir en Algérie, en tout état de cause, ne se situe pas au niveau des partis politiques. Ce n’est pas en créant des partis politiques que l’on va changer la donne. En revanche, j’ai vu cela en Tunisie, aussi bien juste avant la révolution qu’après, au moment de l’affaire du campus de La Manouba. Les salafistes se positionnaient de façon très pragmatique par rapport au parti Ennahda. Jusqu’au 14 janvier 2011, date de la chute de Ben Ali, la majorité continuait de suivre l’opinion d’un certain nombre de sheikhs saoudiens, comme le sheikh Saleh Al Fawzan, pour lesquels la révolution en cours n’était pas une révolution musulmane. Un slogan d’Al Fawzan disait même : « Le printemps arabe est le printemps des dossier kuffars » (mécréants). Après la révolution, un certain nombre de salafistes sont sortis de prison, et le salafisme est devenu la nouvelle incarnation politique contestataire de l’islam politique dans la rue. Une bonne moitié d’entre eux est donc allée voter aux élections pour choisir les membres de l’Assemblée constituante en octobre 2011. Ils ont voté pour Ennahda dans l’espoir de pouvoir peser comme un lobby pour obtenir la reconnaissance du rôle de l’islam dans la constitution, sur la possibilité de porter le niqab à la fac, et sur d’autres sujets, sur les questions morales. Mais ils étaient en même temps critiques quant au projet politique d’Ennahda, qui leur semblait devoir forcément conduire au pluralisme, puisqu’il faudrait gouverner en partenariat avec des acteurs qu’ils considèrent, dans leur esprit, comme non musulmans. Un parti politique salafiste a été légalisé en Tunisie, mais en réalité, on se rend compte que son jeu consiste surtout à peser comme un lobby sur Ennahda, puisqu’Ennahda apparaît comme une tête de pont de la possible politisation du salafisme. Ils préfèrent donc servir de lobby ou d’antichambre d’Ennahda plutôt que de véritable force politique, à ce stade. Ont-ils un programme économique ? Non. En Tunisie, il s’agit d’être en compétition avec des institutions d’État qui ne fonctionnent pas. Ce qu’on a vu dans un certain nombre de régions défavorisées, ce sont des groupes de jeunes salafistes qui organisent des souks populaires subventionnés, qui font de la redistribution, des systèmes de cantine, etc. Il s’agit vraiment de gagner la sympathie des populations locales, alors que les institutions ne fonctionnent plus ou ont été accaparées par les réseaux clientélistes d’Ennahda qui ont un peu mis de côté le reste de la population. Donc, il y a une brèche dans laquelle ils s’engouffrent, mais n’ont pas de programme économique au sens classique. Peut-on évaluer le poids respectif au Maghreb des salafistes djihadistes et des salafistes quiétistes ? Les situations nationales varient. Après les attentats de 2003 et de 2007, le Maroc a enfermé un certain nombre de salafistes, dans une sorte de politique de prévention violente. On voulait leur envoyer des signaux les incitant à se tenir à carreau. Cela a eu l’effet pervers de les conduire à la radicalisation, au contact de salafistes djihadistes en prison. Certains sont alors passés du quiétisme au djihadisme. En Algérie, il y avait dans les années 1990 le parti politique du Fis (Front islamique du salut), dans lequel il y avait une répartition des rôles entre les élites qui exerçaient une fonction tribunitienne et la base qui avait une fonction de maintien de l’ordre. Avec l’effondrement du parti, lorsque le cadre a disparu, le quiétisme a parfois évolué en djihadisme. En Tunisie, j’ai surtout observé chez les salafistes tunisiens le sentiment qu’ils avaient raté le coche de la première révolution et qu’il leur fallait refaire, réinventer la révolution, qui serait islamique cette fois. D’ailleurs leur chef de file, Abou Ayad, a fait une déclaration incitant les salafistes tunisiens qui se battent en Syrie à revenir en Tunisie, et demandant aux autres de ne pas y aller, car, a-t-il dit, la Tunisie pourrait devenir « une terre de djihad. » Cela est lié au fait que pour être légitime auprès de leur public et de leur environnement, il leur faut réaliser leur propre révolution, une révolution islamiste et djihadiste. Vous avez récemment co-dirigé un ouvrage important sur les métamorphoses de l’islamisme, évoquant notamment la façon dont les vieux préceptes ont été secoués par l’avènement de la modernité, de la mondialisation et du consumérisme. Comment définiriez-vous les rapports entre islamisme et modernité : l’un est-il soluble dans l’autre ? L’idée était d’observer l’évolution de l’islam politique et des mouvements islamistes depuis une ou deux dizaines d’années. L’islam politique s’est quelque peu « indépendantisé » de l’islamisme en tant que tel pour être récupéré par une pléthore d’acteurs différents. Le livre s’appellent « que sont devenus les islamistes ? », mais il aurait peut-être été plus judicieux de l’appeler « qu’est devenu l’islam politique ? » Car les mouvements islamistes ayant échoué à tenir leurs promesses idéologiques, c’està-dire l’établissement d’un État islamique, le processus d’islamisation s’est beaucoup individualisé et a échappé au contrôle des partis. L’islamisation de la société a progressé mais non pas à travers les partis. L’islam politique est donc aujourd’hui récupéré par des acteurs qui n’ont pas été socialisés dans les partis islamistes traditionnels, mais qui sont venus à l’islam à travers les chaînes satellitaires, à travers la finance islamique ou à travers une volonté de mobilité sociale… Nous avons donc voulu dans ce livre montrer cette évolution de l’islam politique. Nous avons dégagé quelques constantes comme le refus des hiérarchies, l’individualisation de l’usage de l’islam politique, l’utilisation de nouveaux supports pour la promotion de leurs idées tels que la culture, l’économie, la compétitivité et autres. Comment voyez-vous l’interaction entre islam et modernité ? J’avais écrit un article intitulé : « L’islam est-il soluble dans le Mecca-Cola ? » Pour un certain nombre de jeunes musulmans en Europe et en Amérique du Nord, investir une consommation islamique était un projet politique en tant que tel, mais qui échappait aux codes traditionnels de l’islamisme. Je pense que l’islamisme a réagi à la modernité, notamment à l’époque de la Sahwa. L’enjeu était d’acquérir une certaine technicité, de combler un retard. Mais on est aujourd’hui bien loin de ces débats. La question est aujourd’hui de savoir s’il y a aujourd’hui une modernité interne à l’islamisme lui-même en ce sens où, comme toute théologie, il s’est renouvelé et s’est adapté à son environnement. Tout un courant cherche à développer une sorte de modernité non-occidentale, et par ailleurs, beaucoup dans le monde arabe et en Iran se sont servis de l’islamisme pour parvenir à une réinterprétation de la modernité, dans le sens d’une réappropriation individuelle de la modernité. Plusieurs ouvrages à caractère polémique ont été publiés ces deux dernières années au sujet de l’islam en Europe. Comment voyez-vous ce débat ? Quel bilan peut-on faire de l’intégration des musulmans européens ? Pourquoi certains auteurs américains sont-ils autant persuadés que l’islamisation de l’Europe est inéluctable ? Le débat aux États-Unis est assez particulier, lié aux conditions de compétition internes entre les intellectuels. Il y a différentes franges chez les intellectuels, les milieux / mars 2013 / n°429 63 dossier Les religions et le monde moderne néoconservateurs qui soutiennent Israël, des milieux plus sensibles à la question palestinienne, des milieux qui soutiennent la politique extérieure des États-Unis, d’autres qui la critiquent… La question de l’islam en Europe arrive donc là-bas un peu comme un cheveu sur la soupe et cette islamisation supposée de l’Europe permet parfois à certains d’illustrer des choses n’ayant pas grand-chose à voir avec l’islam en Europe en tant que tel, comme le succès ou l’échec de telle politique américaine. Il y aussi un argument commercial évident, et il y a une confusion. Ce qu’on prend parfois pour une islamisation, aux États-Unis, mais aussi en Europe, correspond souvent plutôt en fait à une visibilité accrue de l’islam et de ses pratiques. Cette visibilité accrue est un fait. Cela est dû à plusieurs facteurs : l’enracinement d’une population musulmane en Europe, la majorité des musulmans européens sont aujourd’hui nés en Europe suite au phénomène migratoire, et également la reconfiguration de l’espace public lui-même, par rapport au rôle des minorités dans cet espace public, les institutions jouant beaucoup moins le rôle de lieu où le pouvoir et les citoyens peuvent se retrouver, la rue, la télévision, Internet, prennent le relais et donne l’impression d’une islamisation massive. Le problème est plus celui d’une déconnexion entre les institutions et les citoyens musulmans en Europe. Il y a un déficit d’identification à la culture politique, au pouvoir et à ses institutions nationales, ce qui fait qu’il y a un réinvestissement de l’espace public qui peut donner l’impression d’une forte islamisation. L’une des questions les plus fréquemment soulevées est-celle de la situation des femmes musulmanes en Europe. Vous venez ave rédigé un rapport à ce sujet, pour l’Open Society Institute. Quel bilan peut-on en faire ? Le rapport porte sur plusieurs pays européens, l’Allemagne, les Pays Bas, la France, la Belgique, la Grande-Bretagne… Il s’agissait de mettre en avant les formes multiples de discrimination, qui appellent des solutions politiques spécifiques. Très concrètement, les discriminations ne viennent pas uniquement du fait que l’on est femme, mais femme musulmane, et parfois noires et souvent avec un background 64 / mars 2013 / n°429 social défavorisé. Tous ces facteurs de discrimination doivent être pris en compte pour y répondre sur le plan politique. En Europe, on a l’habitude de répondre à la question des discriminations sur le plan de l’antiracisme. La question religieuse est plus difficile à appréhender. Et en ce qui concerne les migrants, on réfléchit également sur le plan institutionnel et sur le plan des droits humains. Lorsqu’il s’agit des femmes musulmanes viennent s’entrechoquer un certain nombre d’enjeux, il y a les migrantes et celles qui sont nées en Europe, celles qui portent le voile et celles qui ne portent pas, etc. Y-a-t-il une spécificité française parmi les pays que vous avez étudié ? Oui, c’est que les institutions (l’école, l’hôpital, les lieux où s’exerce l’autorité de l’État…) sont apparues comme étant les premières productrices de discrimination. Les médias jouent également un rôle important, en écho à ces discriminations. Une autre spécificité française est la faible réponse apportée par la communauté musulmane et la fragmentation de cette communauté dans les réponses à apporter aux discriminations. C’est dû à la difficulté des musulmans de France à se positionner en tant que musulmans dans l’action publique. En Angleterre, en Belgique, au Pays-Bas et en Allemagne, il y a des initiatives de la société civile qui se font en solidarité avec les non musulmans, pour prévenir les discriminations contre les femmes musulmanes, comme partie d’un tout. En France, c’est beaucoup plus difficile et on se rend compte que les musulmans ont du mal à se positionner. Le débat fonctionne souvent de façon binaire : pour ou contre le voile etc., et on ne parvient plus à s’abstraire de cette vision binaire pour agir en tant que citoyens vis-à-vis des institutions, pour être proactifs et non pas uniquement réactifs face aux diverses polémiques. Diriez-vous, comme certains, que la conception française de la laïcité accentue le risque de discriminations ? Je ne le pense pas, parce que d’un point de vue juridique, les choses sont relativement simples. En 2009, lorsque le président Sarkozy a lancé le débat et que la polémique sur le niqab commençait à enfler, on se posait la question des termes du débat, la question de savoir si la question du niqab devait être traitée sous l’angle sécuritaire, sous l’angle de l’atteinte morale au droit des femmes ou sous l’angle de l’aspect indivisible de la République et des citoyens. Le problème n’est pas lié à la conception française de la laïcité mais plutôt à certains usages de la laïcité, très récents d’ailleurs, qui amènent par exemple à refuser à une femme voilée de passer son permis de conduire ou à l’obliger à enlever son voile avant de consulter un médecin etc. Ce sont des usages et des interprétations récents et aléatoires, en raison de l’absence d’une parole d’État sur ces questions. L’État a du mal à articuler une politique claire sur ce que peut être la visibilité des femmes musulmanes. Ces sujets sont souvent le prétexte à des campagnes, à des querelles politiciennes et à des débats philosophiques. On passe donc souvent à côté de la question des discriminations. Il faudrait revenir aux fondamentaux, au-delà de ce que peut-être la position de chacun. Quel avenir pour le soufisme ? Peut-on assister à un renouveau politique soufiste ? Dans quelle mesure peut-il concurrencer les autres mouvances islamistes ? Mes recherches au Maghreb et en Europe m’ont amené à rencontrer un certain nombre de personnes qui étaient passées par des mouvements islamistes inspirés par les Frères musulmans ou par le Tabligh, qui en avaient été déçus, et qui par conséquent ont cherché à intégrer des groupes qui pouvaient leur offrir une identification à l’islam, mais à un autre niveau, un niveau individuel même s’il y a aussi un groupe qui permet de créer une solidarité entre ses membres. Le soufisme remplit parfaitement cette fonction et l’on observe donc un réinvestissement du soufisme, qui est beaucoup plus identitaire qu’il ne l’avait été jusqu’à présent. Il ne s’agit pas d’une vérité des pratiques soufies. On retrouve dans le soufisme le même phénomène de réislamisation volontaire que l’on a pu observer au sein d’autres mouvements d’inspiration islamiste. D’un côté, ils considèrent que le soufisme fait partie de leur identité traditionnelle, et de l’autre côté, beaucoup de ceux qui investissent aujourd’hui le soufisme y recherchent un projet de qualification, un « empowerment », une façon d’être actif dossier et de pouvoir peser. Cela est assez visible au Maghreb avec des mouvements divers et des Zawiyas. On se rend compte que le réinvestissement des canaux politiques s’est fait à la faveur du désenchantement et de la désillusion vis-à-vis de l’islam politique. L’intérêt du soufisme vient du fait que ces mouvements vont politiser et motiver leurs membres sans être en compétition avec les structures de l’État. C’est beaucoup moins coûteux. Et beaucoup moins dangereux. Les Zawiyas sont très connectées à l’État de façon clientéliste, en tout cas pour le Maroc et l’Algérie, les liens sont importants. Même sur le plan transnational, un phénomène important est le fait que tous les projets de société, les discours, tous les débats culturels, sont investis par le soufisme, des réseaux sont tissés avec d’autres pays, le soufisme cherche à avoir son mot à dire, mais tout cela se fait sans compétition avec l’État. C’est je pense la raison de leur succès. Leur poids dans les sociétés est-il croissant ? Ils accueillent de plus en plus de membres tout simplement parce qu’ils ne sont pas aussi contraignants dans leur politique vis-à-vis des adhésions que ne peuvent l’être des partis traditionnels. On peut venir, repartir, s’y associer pour certaines activités. Il y a donc une capacité du soufisme à ne pas trop contraindre les gens quelles que soient leurs affiliations. On peut rejeter l’État dans lequel on vit ou l’accepter, tout en étant membre d’un mouvement soufi. On se retrouve sur les points communs et on profite ainsi du réseau de solidarité qu’il peut offrir. avec l’État. C’est-à-dire qu’on ne va pas créer ses propres structures mais l’on va parasiter les structures préexistantes pour pouvoir en tirer profit et exister sur le mode de la légitimité religieuse. D’où la haine viscérale qui peut exister entre ces deux mouvances. ■ Propos recueillis par Karim Émile Bitar Cyrano de Bergerac 1999 Directeur de la rédaction Je suppose que cela commence à irriter les mouvements salafistes. Oui, c’est le grand couple binaire, salafisme vs soufisme. Parce qu’en fait, cela peut sembler très choquant de dire cela mais le principe est parfois le même : l’idée d’avoir une stratégie parasite et non compétitive / mars 2013 / n°429 65