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Rapport sur la santé dans le monde, 2008 Les soins de santé primaires – Maintenant plus que jamais
Les caractéristiques des soins
primaires
Efficacité et sécurité ne sont pas
seulement des questions techniques
Les soins de santé doivent être efcaces et sûrs.
Les professionnels tout comme le grand public
surestiment souvent les performances de leurs
services de santé. L’apparition de la médecine
factuelle dans les années 1980 a contribué à
introduire la force et la discipline de l’évidence
scientique dans la prise de décision en matière
de soins de santé,11 tout en continuant à prendre
en considération les valeurs et préférences du
patient.12 Au cours de la dernière décennie, plu-
sieurs centaines d’études portant sur l’efcacité
des services ont été menées,13 ce qui a permis
Encadré 3.1 Vers une science et une
culture de l’amélioration : des faits pour
favoriser la sécurité des patients et de
meilleurs résultats
L’issue des soins de santé résulte de l’équilibre entre la valeur
ajoutée du traitement ou de l’intervention et les dommages qui
en résultent pour le patient.
16
Jusqu’il y a peu, l’ampleur de ces
dommages a été sous-estimée. Dans les pays industrialisés,
près d’un patient sur 10 subit des dommages provoqués par
des événements évitables survenus lorsqu’il reçoit des soins :17
rien qu’aux Etats-Unis d’Amérique, près de 98 000 décès sont
causés chaque année par de tels événements.18 De nombreux
facteurs contribuent à cette situation,19 qu’il s’agisse d’erreurs
systémiques, de problèmes de compétence, de la pression
sociale exercée sur les patients pour qu’ils se soumettent à
des procédures risquées, ou encore de l’utilisation incorrecte
de la technologie.20 Ainsi, par exemple, près de 40 % des
16 milliards d’injections effectuées dans le monde chaque
année sont administrées à l’aide de seringues et d’aiguilles
réutilisées sans stérilisation.14 Les injections pratiquées dans
des conditions dangereuses sont responsables chaque année
de 1,3 million de décès, et d’environ 26 millions d’années
de vie perdues, principalement du fait de la transmission de
l’hépatite B, de l’hépatite C et du VIH.21
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est le peu d’in-
formations disponibles sur l’ampleur et les déterminants des
soins à risque dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
En raison de la marchandisation sauvage des soins, d’un
contrôle de qualité laissant à désirer et de la limitation des
ressources consacrées à la santé, les usagers de soins de
santé des pays à revenu faible courent probablement encore
plus de risque de subir des dommages involontaires que les
patients des pays à revenu élevé. L’Alliance mondiale pour la
sécurité des patients,22 parmi d’autres, préconise de recourir
à des interventions systémiques et à des changements dans
la culture organisationnelle pour améliorer la sécurité des
patients, plutôt que de dénoncer individuellement les prati-
ciens et les administrateurs de la santé.23
Encadré 3.2 Quand la demande induite
par le prestataire et formulée par le
consommateur détermine l’avis médical :
les soins ambulatoires en Inde
« Mme S est une patiente typique qui vit dans la zone urbaine
de Delhi. On trouve plus de 70 prestataires de soins médicaux
privés dans un rayon de 15 minutes de marche autour de sa
maison (et de pratiquement tous les foyers de sa ville). Elle
choisit la clinique privée dirigée par le Dr SM et sa femme. Un
panneau placé en évidence au-dessus de la clinique indique
« Mme MM, Médaille d’or, MBBS », laissant entendre que la
clinique est dirigée par un médecin hautement qualifié (MBBS
est le diplôme médical de base, tout comme dans le système
British 2). Or il s’avère que Mme MM est rarement dans sa
clinique. On nous a dit qu’elle arrivait parfois à quatre heures
du matin pour éviter les longues files d’attente qui se for-
ment lorsque les gens apprennent qu’elle est là. Nous avons
découvert plus tard qu’elle avait « franchisé » son nom à un
certain nombre de cliniques différentes. Mme S consulte donc
le Dr SM et sa femme, qui se sont tous les deux formés à la
médecine traditionnelle ayurvédique en suivant un cours par
correspondance de six mois. Le médecin et sa femme sont
assis à une petite table entourée d’un côté d’un grand nombre
de flacons remplis de pilules et de l’autre d’un banc sur lequel
sont assis les patients et qui s’étend jusque dans la rue. Mme S
s’assied au bout de ce banc. Le Dr SM et sa femme sont les
prestataires de soins médicaux les plus populaires du quartier.
Ils reçoivent plus de 200 patients par jour. Le médecin passe
en moyenne 3,5 minutes avec chaque patient, lui pose 3,2
questions et procède en moyenne à 2,5 examens. Suivant le
diagnostic, le médecin prend deux ou trois pilules différentes,
les écrase à l’aide d’un mortier et d’un pilon et glisse la poudre
obtenue dans des petits sachets en papier qu’il remet à Mme
S, lui demandant d’en prendre pendant deux ou trois jours.
Ces médicaments comportent généralement un antibiotique et
un médicament analgésique et anti-inflammatoire. Le Dr SM
nous explique qu’il doit constamment faire face aux attentes
irréalistes des patients, en raison à la fois de leur grand nom-
bre et de leurs demandes de traitements que même le Dr SM
sait être inappropriés. Le Dr SM et sa femme apparaissent
hautement motivés à dispenser des soins à leurs patients et,
même lorsqu’il y a beaucoup de monde, ils passent plus de
temps avec leur patient que ne le ferait un médecin du secteur
public. Cependant, ils ne sont pas liés par leurs connaissances
[…] et dispensent plutôt des soins tels que les pilules écrasées
dans des sachets en papier, ce qui fera que davantage de
patients seront prêts à payer plus pour leurs services. »24