Soins primaires L`être humain d`abord Ce chapitre décrit comment

Soins primaires
Lêtre humain dabord
Ce chapitre décrit comment les soins primaires réunis-
sent promotion et pvention, traitement et soins dune manière
sûre, efcace et socialement productive à linterface entre la
population et le système de santé. En
quelques mots, ce quil faut pour cela c’est
donner la priorité à la dimension humaine :
accorder une attention équilibrée à la santé
et au bien-être, ainsi qu’aux valeurs et com-
pétences de la population et des agents de
santé.1 Ce chapitre commence par décrire les
caractéristiques des soins de santé qui, avec
lefcacité et la sécurité, sont essentiels pour assurer de meilleurs
résultats sanitaires et sociaux.
Chapitre 3
Les soins de quali
privilégient l’être humain 46
Les caractéristiques des
soins primaires 48
Organiser des réseaux de
soins primaires 57
Suivre les progrès 62
45
46
Rapport sur la santé dans le monde, 2008 Les soins de santé primaires – Maintenant plus que jamais
Ces caractéristiques sont : le centrage sur la per-
sonne, l’exhaustivité, lintégration, la continuité
des soins, avec un point dentrée régulier dans
le système de santé an qu’il devienne possible
d’établir une relation de conance durable entre
les patients et leurs prestataires de soins. Ce cha-
pitre explique ensuite ce que cela implique pour
lorganisation de la prestation de soins de santé :
le passage nécessaire des soins spécialis aux
soins ambulatoires généralistes, avec la respon-
sabilité d’une population bien dénie et laptitude
à coordonner lappui fourni par les hôpitaux, les
services spécialisés et les organisations de la
société civile.
Les soins de qualité privilégient
l’être humain
La science médicale se trouve, comme il se doit,
au coeur de la médecine moderne. Pourtant,
comme la souligWilliam Osler, lun de ses
fondateurs, « il est bien plus important de savoir
quelle sorte de patient a une maladie que de
savoir de quelle maladie souffre un patient ».2
La reconnaissance insufsante de la dimension
humaine de la santé et de la nécessité dadapter
les prestations du service de santé aux spécicités
de chaque collectivité et de chaque situation indi-
viduelle constitue un défaut majeur des soins de
santé contemporains qui non seulement engen-
dre ligalité et de mauvais sultats sur le plan
social, mais amoindrit également le rendement
sanitaire de linvestissement dans les services
de santé.
Donner la priorià la dimension humaine,
qui est au centre des formes de la prestation
des services, n’est pas un principe banal. Cela
peut nécessiter des changements d’habitude
importants me s’ils sont souvent simples.
La réorganisation en Alaska, aux Etats-Unis
d’Amérique, d’un centredical qui accueille
45 000 patients par an illustre lampleur des
effets qui peuvent en résulter. Ce centre ne don-
nait grande satisfaction ni à son personnel ni
à ses clients jusqu’à ce qu’il cide de mettre
chaque individu et chaque famille au sein de la
collectivité en relation directe avec un membre
dondu personnel.
3
Les membres du personnel
ont ainsi été en mesure de connaître lhistoire
médicale de « leurs » patients et de compren-
dre leur situation personnelle et familiale. Les
patients sont devenus pour leur part en mesure de
connaître leur prestataire de soins et de lui faire
conance : ils navaient plus en face d’eux une
institution mais leur agent de santé personnel.
Les plaintes relatives au cloisonnement et à la
fragmentation des services ont cessé.4 Le nom bre
des visites au service des urgences a diminué
de 50 % et celui des orientations vers des soins
spécialis de 30 % ; les temps dattente se sont
considérablement raccourcis. Avec moins de visi-
tes « pétées » en raison de problèmes de santé
non solus, la charge de travail a diminué et
la satisfaction professionnelle du personnel sest
accrue. Qui plus est, les patients se sont sentis
mieux écoutés et respectés ce à quoi les gens
accordent beaucoup dimportance en matière
de soins de santé.5,6 Un système bureaucratique
lent sest donc m en un systèmeactif, que
ses usagers se sont appropriés et qui est à leur
service.4
Dans un contexte fort différent, les centres
de santé de Ouallam, district rural du Niger, ont
également procédé à une organisation radicale
de leur manière de travailler an de donner la
priorité à la dimension humaine. Au lieu des tra-
ditionnels soins curatifs de la consultation du
matin et des cliniques spécialisées de laprès-
midi (surveillance de la croissance, planication
familiale, etc.), on a offert toute la gamme des
services en tout temps, tandis que le personnel
inrmier recevait pour instruction dengager
Femmes visitant le centre de santé (%)
60
0
80
Année précédant la réorganisation
Source : 7
Figure 3.1 L’effet sur le recours à la contraception de la réorganisation
des horaires des centres de santé ruraux au Niger
40
20
Année suivant la réorganisation
100
Informées Intéressées Ayant commencé
une contraception
47
Chapitre 3. Soins de santé primaires : l’être humain dabord
un dialogue actif avec les patients. Ainsi, par
exemple, on n’attendait plus que les femmes
demandent des contraceptifs mais on les infor-
mait spontanément, lors de chaque rencontre,
au sujet de la gamme des services disponibles.
En quelques mois, le ts faible recours à la pla-
nication familiale, attribué auparavant à des
contraintes culturelles, est devenu un souvenir
du passé (Figure 3.1).7
Limpression que les gens gardent des soins
dispens par le système de santé est avant tout
détermie par la manière dont ils sont traités
lorsqu’ils ont un problème et sollicitent de laide :
par la réactiv ité de linterface q ue constituent les
agents de santé entre la population et les servi-
ces de santé. Les gens apprécient de jouir d’une
certaine liberté dans le choix d’un prestataire
de santé parce qu’ils veulent quelquun en qui
ils puissent avoir conance et qui s’occupe deux
promptement et dans un environnement adéquat,
avec respect et en toute condentialité.8
On peut accroître lefcacité de la prestation
des soins de santé en la rendant plus prévenante
et plus pratique, comme dans le district de Oual-
lam. Cependant, les soins primaires font plus
que raccourcir les temps dattente, adapter les
heures de consultation ou rendre le personnel
plus poli. Les agents de santé doivent s’occuper
de leurs patients tout au long de leur vie, en
tant qu’individus et en tant que membres d’une
famille et d’une collectivité dont la santé doit être
protée et renforcée,9 et pas seulement en tant
qu’organes atteints de symptômes ou de troubles
qui doivent être traités.10
Les réformes de la prestation des services p-
conisées par le mouvement des SSP vise à mettre
lêtre humain au centre des soins de santé, an de
rendre les services plus efcaces et plus équita-
bles. Les services de santé qui le font commencent
par établir une relation étroite et directe entre
les individus, les communautés et les prestatai-
res de soins. Cela constitue la base permettant
de dispenser des soins centrés sur la personne,
complets et intégrés mais aussi dassurer leur
continuité, autant de caractéristiques des soins
primaires. Le Tableau 3.1 résume les différences
entre les soins primaires et les soins dispensés
dans des établissements conventionnels tels que
cliniques ou unités hospitalres de soins ambu-
latoires, ou par lintermédiaire des programmes
de lutte contre les maladies, qui fonnent de
nombreux services de santé là où les ressources
sont limitées. La section suivante passe en revue
les caractéristiques des soins pri mai res et expli-
que comment ils peuvent contribuer à améliorer
les résultats sanitaires et sociaux.
Tableau 3.1 Aspects qui distinguent les soins de santé conventionnels des soins primaires centrés sur la personne
Soins médicaux ambulatoires
conventionnels en clinique ou en
consultation externe
Programmes de lutte contre les
maladies Soins primaires centrés
sur la personne
Accent sur la maladie et la guérison Accent sur les maladies prioritaires Accent sur les besoins sanitaires
Relation limitée au moment de la
consultation
Relation limitée à la mise en oeuvre du
programme
Relation personnelle durable
Soins curatifs épisodiques Actions de lutte contre les maladies
déterminées par les programmes
Soins complets, continus et centrés
sur la personne
Responsabilité limitée à la dispense de
conseils efcaces et sûrs au patient
lors de la consultation
Responsabilité d’atteindre des objectifs
ciblés dans la lutte contre la maladie
dans la population cible
Responsabilité de la santé de tous
au sein de la collectivité et pendant
toute la vie ; responsabilité de tenir
compte des déterminants de la
mauvaise san
Les usagers sont des consommateurs
des soins qu’ils achètent
Les groupes de population sont les
cibles des actions de lutte contre les
maladies
Les gens sont partenaires dans la
gestion de leur santé et de celle de
leur collectivi
48
Rapport sur la santé dans le monde, 2008 Les soins de santé primaires – Maintenant plus que jamais
Les caractéristiques des soins
primaires
Efficacité et sécurité ne sont pas
seulement des questions techniques
Les soins de santé doivent être efcaces et sûrs.
Les professionnels tout comme le grand public
surestiment souvent les performances de leurs
services de santé. Lapparition de la decine
factuelle dans les anes 1980 a contribué à
introduire la force et la discipline de lévidence
scientique dans la prise de cision en matre
de soins de santé,11 tout en continuant à prendre
en considération les valeurs et préférences du
patient.12 Au cours de la dernière décennie, plu-
sieurs centaines d’études portant sur lefcacité
des services ont été menées,13 ce qui a permis
Encadré 3.1 Vers une science et une
culture de l’amélioration : des faits pour
favoriser la sécurité des patients et de
meilleurs résultats
L’issue des soins de santé résulte de l’équilibre entre la valeur
ajoutée du traitement ou de l’intervention et les dommages qui
en résultent pour le patient.
16
Jusquil y a peu, lampleur de ces
dommages a été sous-estimée. Dans les pays industrialisés,
près d’un patient sur 10 subit des dommages provoqués par
des événements évitables survenus lorsqu’il roit des soins :17
rien qu’aux Etats-Unis d’Amérique, près de 98 000 décès sont
causés chaque année par de tels événements.18 De nombreux
facteurs contribuent à cette situation,19 qu’il s’agisse d’erreurs
systémiques, de problèmes de compétence, de la pression
sociale exercée sur les patients pour qu’ils se soumettent à
des procédures risquées, ou encore de l’utilisation incorrecte
de la technologie.20 Ainsi, par exemple, près de 40 % des
16 milliards d’injections effectuées dans le monde chaque
année sont administrées à l’aide de seringues et d’aiguilles
réutilisées sans stérilisation.14 Les injections pratiquées dans
des conditions dangereuses sont responsables chaque année
de 1,3 million de cès, et d’environ 26 millions d’années
de vie perdues, principalement du fait de la transmission de
l’hépatite B, de l’hépatite C et du VIH.21
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est le peu d’in-
formations disponibles sur l’ampleur et les déterminants des
soins à risque dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
En raison de la marchandisation sauvage des soins, d’un
contrôle de qualité laissant à désirer et de la limitation des
ressources consacrées à la santé, les usagers de soins de
santé des pays à revenu faible courent probablement encore
plus de risque de subir des dommages involontaires que les
patients des pays à revenu élevé. L’Alliance mondiale pour la
sécurité des patients,22 parmi d’autres, préconise de recourir
à des interventions systémiques et à des changements dans
la culture organisationnelle pour améliorer la sécurité des
patients, plutôt que de dénoncer individuellement les prati-
ciens et les administrateurs de la santé.23
Encadré 3.2 Quand la demande induite
par le prestataire et formulée par le
consommateur détermine l’avis médical :
les soins ambulatoires en Inde
« Mme S est une patiente typique qui vit dans la zone urbaine
de Delhi. On trouve plus de 70 prestataires de soins médicaux
privés dans un rayon de 15 minutes de marche autour de sa
maison (et de pratiquement tous les foyers de sa ville). Elle
choisit la clinique privée dirigée par le Dr SM et sa femme. Un
panneau placé en évidence au-dessus de la clinique indique
« Mme MM, Médaille d’or, MBBS », laissant entendre que la
clinique est dirigée par un médecin hautement qualié (MBBS
est le diplôme médical de base, tout comme dans le système
British 2). Or il s’avère que Mme MM est rarement dans sa
clinique. On nous a dit qu’elle arrivait parfois à quatre heures
du matin pour éviter les longues files d’attente qui se for-
ment lorsque les gens apprennent qu’elle est là. Nous avons
découvert plus tard qu’elle avait « franchisé » son nom à un
certain nombre de cliniques différentes. Mme S consulte donc
le Dr SM et sa femme, qui se sont tous les deux formés à la
médecine traditionnelle ayurvédique en suivant un cours par
correspondance de six mois. Le médecin et sa femme sont
assis à une petite table entourée dun côté dun grand nombre
de flacons remplis de pilules et de l’autre d’un banc sur lequel
sont assis les patients et qui s’étend jusque dans la rue. Mme S
s’assied au bout de ce banc. Le Dr SM et sa femme sont les
prestataires de soins médicaux les plus populaires du quartier.
Ils reçoivent plus de 200 patients par jour. Le médecin passe
en moyenne 3,5 minutes avec chaque patient, lui pose 3,2
questions et procède en moyenne à 2,5 examens. Suivant le
diagnostic, le decin prend deux ou trois pilules différentes,
les écrase à laide dun mortier et dun pilon et glisse la poudre
obtenue dans des petits sachets en papier qu’il remet à Mme
S, lui demandant d’en prendre pendant deux ou trois jours.
Ces médicaments comportent généralement un antibiotique et
un médicament analgésique et anti-inflammatoire. Le Dr SM
nous explique qu’il doit constamment faire face aux attentes
irréalistes des patients, en raison à la fois de leur grand nom-
bre et de leurs demandes de traitements que même le Dr SM
sait être inappropriés. Le Dr SM et sa femme apparaissent
hautement motivés à dispenser des soins à leurs patients et,
même lorsqu’il y a beaucoup de monde, ils passent plus de
temps avec leur patient que ne le ferait un médecin du secteur
public. Cependant, ils ne sont pas liés par leurs connaissances
[…] et dispensent plutôt des soins tels que les pilules écrasées
dans des sachets en papier, ce qui fera que davantage de
patients seront prêts à payer plus pour leurs services. »24
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