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Introduction
Le monde est en train de changer de paradigme géo financier. La crise financière asiatique et
russe et également le 11 Septembre 2001 ont contribué à remettre en cause un certain nombre
de fonds d’investissement dits « à risques ». Mais, plus importante encore, a été la crise dite
des « subprimes », qui est, en fait, une crise bien plus profonde que celle de l’immobilier à
risque américain, et qui est en train de transformer profondément la physionomie de la finance
mondiale. A l’occasion de cette crise, un double paradigme est en train d’être remis en cause.
Le premier de ces paradigmes concerne l’allocation de l’épargne mondiale. Jusqu’à la fin des
années 1990, les choses étaient apparemment simples. La croissance mondiale était
relativement limitée et les déséquilibres budgétaires et de balance des paiements relativement
faibles. Au tournant du millénaire, la situation a radicalement changé, la mondialisation de
l’économie commençant à faire sentir ses effets. Le « double déficit » américain (déficit
budgétaire et commercial) n’a fait que se creuser, pendant que les pays émergents (et les
BRIC - Brésil, Russie, Inde et Chine - en particulier) ont accumulé des réserves de change
grâce à l’amélioration de leur compétitivité industrielle et la hausse des prix des matières
premières, tirés par la forte croissance mondiale. Ce double déséquilibre s’est, pendant
quelques années, neutralisé, les excédents des uns (les émergents et les pays pétroliers)
servant à financer le déficit des autres (principalement les Etats-Unis). Cet équilibre précaire
s’est opéré grâce, en partie, à une liquidité mondiale abondante, favorisée par la croissance
rapide des pays à fort taux d’épargne (notamment les BRIC).
La crise dite des subprimes remet en cause cet équilibre « sur la lame d’un rasoir ». Et ce à un
double niveau. D’abord parce que cette crise fait craindre à un ralentissement durable, voire à
une récession, de l’économie américaine, avec les risques que cette évolution comporte en
matière de creusement du déficit budgétaire américain. Ensuite parce que cette crise, bancaire
au départ, financière par la suite, ne pourra pas ne pas avoir d’impact sur l’économie réelle, en
particulier sur les pays émergents dont la croissance récente a été tirée par les exportations
vers les pays du Nord. Ce ralentissement de la croissance des pays émergents, qui ne
disposent pas d’un marché intérieur suffisamment étoffé pour prendre le relais des
exportations (ralentissement dont il est trop tôt à ce jour pour mesurer l’ampleur), se traduira
par une moindre capacité de ces pays à dynamiser la croissance mondiale et à assurer
l’équilibre des flux mondiaux d’épargne et d’investissement. Un nouvel équilibre financier
international se devra donc d’être défini dans les années à venir.
A ce premier paradigme s’en ajoute un second. Ce deuxième paradigme, que la crise des
subprimes remet en cause, est celui du business model des banques. Les grandes banques,
quelque soient leurs statuts, ont, à des degrés divers, largement nourri leur croissance, au
cours des dernières années, sur le développement des activités de marché, et en particulier des
activités de titrisation. Le ralentissement de la croissance de ces activités est inéluctable,
même si, là encore, l’ampleur du phénomène est difficile à définir avec précision à ce stade de
la crise. Ce qui est certain c’est que les autorités de régulation bancaire vont encourager avec
moins de vigueur que par le passé les opérations de transferts de risque. De leur côté, les
banques elles-mêmes, face à l’assèchement de certains marchés (comme le marché des LBO à
fort effet de levier et certains marchés de titrisation) et face aux tensions exercées sur la
liquidité bancaire, vont être amenées à réviser, en partie au moins, leur business model. Et ce,
alors même que l’aversion au risque des investisseurs, quasi-nulle jusqu’à fin 2007, va
augmenter de manière significative. Sans, bien sûr, qu’il soit possible de dire, à ce stade,