Thème 3 : Dynamiques géographiques des grandes aires continentales
Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement
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I. Le Sahara, ressources et conflits
Les événements les plus récents qui ont touché le Sahara (en 2011-2012, avec en premier lieu
la crise libyenne et ses conséquences dans la déstabilisation des États au sud du Sahel, comme
le Mali) interrogent, à plusieurs échelles, sur la structure et le futur du Sahara.
- À l’échelle continentale, il est à la charnière entre :
o un monde méditerranéen, marqué par l’Islam, engagé dans un processus de
développement, sous l’impulsion d’une jeunesse éduquée,
o et un monde africain subsaharien encore touché par les guerres ethniques, des
régimes dictatoriaux ou de semblants autoritaires ne donnant que l’apparence
de la démocratie.
- À l’échelle nationale, de nombreuses questions se posent lors de ces dernières
années : qui sont les possesseurs des ressources : les Etats ou les FTN comme la crise
libyenne l’a mis en lumière
- À l’échelle locale, la sécession militaire du Nord du Mali montre que des groupes
armés ont les moyens de s’approprier par la force ces ressources.
Difficile donc de parler de « désert » au sens strict pour le Sahara, puisqu’un désert est
considéré comme un espace vide d’hommes. Cette situation a pu être un atout voilà plusieurs
décennies : le Sahara algérien a été à la fin de la colonisation française un centre d’essais
nucléaires (sites de Reggane et du Hoggar). Traversé depuis l’Antiquité, peuplé de
populations nomades, le Sahara est aujourd’hui bien plus qu’un simple support de flux de
marchandises. Renfermant des ressources minières et des hydrocarbures hautement
stratégiques dans le monde actuel, devenu lieu de tourisme qui s’accordent aux désirs des
sociétés occidentales de se ressourcer dans la « vraie nature », le Sahara montre combien ses
nouvelles activités peuvent induire un développement.
L’organisation géographique et humaine du Sahara
A. Un désert habité et parcouru
1) Le plus grand désert au monde : un ensemble contraignant
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Chapitre 7 : L’Afrique, les défis du développement
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Le Sahara couvre une superficie de 8,5 millions de km² (plus de 15 fois la France). Des rives
de l’Atlantique à celles de la mer Rouge d’ouest en est, il s’étend sur 5000 km. Ses limites
nord et sud sont plus complexes à définir et elles font appel à des données climatiques, liées à
une moyenne des pluies annuelles, l’isohyète (ligne imaginaire du niveau des précipitations)
des 100 mm marquerait la limite au nord contre celui des 150 mm au sud.
Le Sahara central est marqué par une aridité importante, nommée aussi hyperaridité, les
précipitations sont presque nulles et la chaleur difficilement supportable :
- Les températures y sont très élevées (entre 40 et 50 °C à l’ombre en été),
- Les précipitations sont rares avec des années sans pluies et des vents desséchants
permanents font que la végétation ne peut survivre en dehors des quelques points de
résurgence de l’eau.
Le Sahara (le nom provient de la couleur rouge des sols) est hostile à la présence permanente
des hommes en dehors des zones d’oasis ou d’accumulation des eaux au pied des montagnes.
Aujourd’hui, le Sahara connaît le comble de l’aridité avec les prélèvements d’eau fossile
accumulée depuis 15 000 ans dans le sous-sol.
Au Nord et au Sud, des sahels (rivages en arabe) servent de liaison avec le monde tropical au
sud et méditerranéen au nord. Ces zones de transition sont plus humides et traditionnellement
utilisées par les éleveurs (dromadaires, moutons, chèvres au nord et bovins au sud) et par des
paysans cultivant des céréales grâce à l’irrigation.
2) Un désert humain et une absence de villes ?
La population saharienne a connu une forte croissance en l’espace d’un demi-siècle. Elle
comptait près de 2 millions de personnes au milieu des années 1950, pour plus de 6 millions
aujourd’hui.
Les villes sahariennes témoignent aussi de cette augmentation de la population, notamment au
Sahel :
- Nouakchott, capitale de la Mauritanie, certes située au bord de l’océan mais sur des
terres sahariennes, a été fondée en 1956. Elle est passée de 135 000 habitants en 1977
à plus de 850 000 en 2008.
- N’Djamena, capitale du Tchad, est passée de près de 20 000 habitants en 1950 à 127
000 en 1970 et à 995 000 en 2010.
D’une manière plus générale, on ne comptait en 1950 qu’une seule ville saharienne de plus de
50 000 habitants, Biskra, au pied de l’Atlas algérien et donc aux limites du désert. En 2010,
une trentaine de villes passent les 100 000 habitants. Cette croissance influe sur le poids de
la population saharienne dans la population totale, sans être dominante : en Libye, la
population saharienne représentait 4,5 % de la population totale du pays en 1964, 5,9 % en
1984 et 6,5 % à la fin des années 1990.
Véritables villes-champignons, les villes sahariennes doivent leur exceptionnelle vitalité à la
croissance de la population, l’augmentation de l’espérance de vie et la réduction de la
mortalité infantile, dans un contexte de maintien de la fécondité à des niveaux élevés. Cette
croissance urbaine influe sur la hausse de la population totale des États sahariens.
Cette augmentation de la population est due d’abord à
- un niveau élevé de la fécondité : La Mauritanie montre bien ce phénomène commun à
tous les États du Sud : 4,5 enfants par femme en 2010, au lieu des plus de 6 dans les
années 1960. Ce chiffre est de 6,2 en 2010 au Tchad.
- une augmentation des populations migrantes qui ont convergé vers ces centres urbains
depuis les années 1960. La croissance de Nouakchott s’explique en grande partie par
ce phénomène, tout comme celle des villes sahéliennes qui ont vu converger dans les
années 1970 des populations touchées par la sécheresse et la famine et qui se sont
ensuite sédentarisées.
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- la volonté des États sahariens de mieux contrôler leur territoire entraîne la présence
croissante de militaires et de fonctionnaires vivant en ville en famille.
- l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol saharien en raison de la nécessité de
main d’œuvre. La ville algérienne d’Hassi R’Mel, fondée sur l’exploitation du gaz
naturel, est passée de 12 000 habitants en 2002 et à 22 000 en 2008.
Peut-on pour autant limiter la population saharienne à une seule population d’urbains ? Les
taux d’urbanisation des États partiellement sahariens sont faibles (40 % en Mauritanie, 20 %
au Niger, 33 % au Mali…). Il reste encore une importante population rurale
3) Un monde de flux (humains et commerciaux) en recomposition
Les pratiques nomades ont provoqué des déplacements dans tout le Sahara, notamment dans
sa partie sud, à la recherche de pâturages d’été. Les Touaregs (1,5 millions de personnes) sont
le peuple nomade le plus connu. Peuple d’éleveurs, ils sont organisés en clans guerriers et
sont de culture berbère. Leurs déplacements couvrent un espace de plus de 2 millions de km²,
à cheval sur six États (Libye, Algérie, Niger, Burkina-Faso, Mauritanie et Mali). Sous l’effet
d’une sédentarisation contrainte par la conjugaison des effets des cheresses et de la volonté
des autorités politiques, le nombre de nomades au Sahara a été divisé par 4 entre la fin des
années 1970 et 2000.
Si le commerce caravanier, avec la figure de la ville caravansérail comme relais, a disparu,
les trafics de marchandises transitant par un Sahara aux voies de communication modernisées,
a explosé. L’exportation des produits miniers et des hydrocarbures nécessite des
infrastructures nouvelles :
- Le chemin de fer est rare au Sahara : il n’existe que pour mettre en relation un
gisement et le port d’exportation lié, à la manière des mines de fer de Zouerate au nord
de la Mauritanie, directement reliées au port de Nouadhibou par un train minier.
- Les oléoducs et gazoducs font aussi partie de ces équipements de transport, qu’il
s’agisse de l’Algérie, ou du Soudan avec le conduit de quelque 1200 km entre les
gisements pétroliers au sud du pays et Port-Soudan sur la Mer Rouge.
- Les routes ont acquis un rôle majeur pour le contrôle des territoires dont l’importance
revêt un caractère symbolique, à la manière de la Route de l’Espoir en Mauritanie,
créée et asphaltée durant les années 1980 pour nourrir les populations de l’est du pays
touchées par la sécheresse.
Hommes et marchandises transitent à travers le Sahara. La période actuelle voit renaître le
commerce nord-sud saharien. Une part importante réside dans la contrebande, à travers ces
espaces mal contrôlés. Ce type de commerce concerne des produits de première nécessité,
alimentaires, dont les prix varient et sont très divers en fonction des subventions étatiques.
Les types de produits échanges sont par exemple :
- le lait en poudre algérien, les boîtes de concentré de tomates tunisiennes.
- Les cigarettes sont aussi une marchandise échangée selon un flux sud-nord, qualifié de
« Marlboroconnexion » !
- La drogue trouve dans le Sahara et le Sahel de vastes espaces de transit non gardés : le
haschich marocain est pour partie dirigé dans un premier temps vers le Mali et le
Niger, pour remonter vers la Libye et l’Egypte et ainsi gagner l’Europe.
- La cocaïne américaine provenant des ports du Golfe de Guinée transite maintenant
vers la Méditerranée via le Sahara.
Les frontières du sud des États du Maghreb sont poreuses et aisées à franchir pour nombre de
migrants sahéliens. Le Maroc, a été le principal pays de transit vers l’Europe par le détroit de
Gibraltar ou par les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, mais le renforcement des
contrôles par les autorités marocaines a fortement limité ce transit de clandestins. La Tunisie
puis la Libye sont des zones de départ vers les îles italiennes. L’Égypte est une terre de
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passage vers le Proche-Orient. Ces désirs de terre promise européenne, d’eldorado,
entretiennent une économie locale clandestine, faite de passeurs de frontières dans des régions
mal surveillées. C’est maintenant sur la côte diterranéenne que s’arrête le plus souvent
l’aventure de ces migrants, dans le cadre d’accords avec l’Union européenne. Et cette
nouvelle main-d’œuvre est alors exploitée dans des conditions de quasi esclavage.
B. Des ressources diverses, stratégiques et exploitées
1) Le pétrole subsaharien, une ressource convoitée
Le pétrole saharien résulte d’une exploitation majoritairement onshore (différente de
l’exploitation offshore exploité au fond des océans par des plates-formes pétrolières). Ces
gisements de pétrole saharien peuvent se situer soit au cœur du Sahara soit sur ses marges,
comme au Sahel au sud. L’exploitation ne s’en trouve pas nécessairement facilitée et les
forages restent une entreprise difficile et coûteuse.
L’ampleur des champs pétroliers dans la région nord et celle plus réduite au sud rappellent
que c’est au Maghreb qu’a débuté cette exploitation, par les autorités coloniales françaises
d’abord, en plein conflit algérien. C’est depuis une dizaine d’années que les États sahéliens
connaissent un essor de l’activité d’extraction pétrolière.
Cette dernière doit se doubler d’une activité de raffinage, pour transformer le pétrole en
carburant par exemple. Les sites d’extraction sont reliés aux unités de raffinage par des
oléoducs. L’activité de raffinage est localisée sur les côtes, loin du Sahara. D’autres
raffineries sont situées dans des centres urbains (Zinder, N’Djamena).
Récemment une activité pétrolière offshore s’est développée avec des plates-formes en mer,
en Mauritanie sur l’Océan Atlantique et en Méditerranée en Tunisie, Libye.
L’Egypte exploite du gaz et du pétrole en Méditerranée, dans le golfe de Suez et en Mer
Rouge. Le devenir de ces pays gaziers passe par la délivrance de nouveaux permis
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d’exploitation offshore. Plusieurs types d’acteurs sont à l’origine de l’exploitation de la
ressource pétrolière :
- Les entreprises publiques :
o celles appartenant aux États sahariens
o celles, comme la CNPC, d’États totalement extérieurs à la gion. La Chine
fait, par ses compagnies d’État, une entrée fulgurante dans la gion,
s’accommodant ainsi du régime dictatorial soudanais en fermant les yeux sur
les atrocités dénoncées par l’Occident, au Darfour.
Les tentatives déçues de plusieurs pays émergents indiquent l’importance du besoin en pétrole
pour leur économie, encore pour partie encadrée par leurs administrations.
- Deux États sahariens seulement sont membres de l’OPEP et peuvent donc peser sur les
cours mondiaux du pétrole.
- Les acteurs privés se partagent en deux catégories :
o Les plus grandes compagnies pétrolières occidentales voient leurs intérêts
encadrés et soutenus par les États.
o La multitude de petites sociétés, à l’existence liée au démarrage de
l’exploitation, relève de pratiques du népotisme (lorsque les dirigeants
encouragent leurs proches ou leurs parents à se lancer dans des affaires qu’ils
jugent profitables).
Les conflits sont évidents à propos du pétrole subsaharien et relèvent de la concurrence entre
acteurs.
En Afrique du Nord, Sonatrach en Algérie, ETAP, Sotrapil, Sergaz en Tunisie, NOC en
Libye, EGPC en Egypte sont gérées et dirigées par des cadres, des ingénieurs et des
techniciens nationaux. Ces compagnies signent des joint-ventures (accords de prospection,
exploitation et partage des bénéfices) avec des majors (grandes compagnies internationales).
Au Sahel, qui en est aux débuts de l’exploitation du gaz et du pétrole, l’encadrement
technique est encore expatrié. Les compagnies étrangères assurent l’ensemble de la chaîne
technique de l’exploration à l’exportation. Les États sahéliens se contentent de toucher des
royalties (pourcentage sur les ventes) sans que la population n’en bénéficie en totalité.
Si le pétrole entre dans la logique du développement économique des États sahariens, il n’est
pas encore entré dans une logique du développement durable. Le pilier social est déséquilibré,
les populations sahariennes sont réduites, au mieux, à des emplois de techniciens. Beaucoup
vivent de petits métiers du service et du commerce dans les sites pétroliers. Le pilier
économique montre que développer des projets au Sahara n’est pas la priorité des retombées
L’exemple de l’enjeu pétrolier : la révolution en Libye :
Privés comme publics, tous sont soutenus par des acteurs soucieux d’obtenir et de protéger
cette ressource hautement stratégique pour le fonctionnement de l’économie. Les grandes
puissances sont en conflit pour les contrats d’exploration, la mise en route de l’exploitation et
l’acheminement des hydrocarbures. La vente du pétrole rapporte des sommes très importantes
qui peuvent être versées à l’étranger. Ces ressources permettent de soutenir des partis
politiques au pouvoir, des clans, des groupes armés. L’argent du pétrole devient l’un des
enjeux du pouvoir au Sahara et au Sahel. La guerre civile en Libye en 2011 est née du fait
que le pétrole provient de la Cyrénaïque dont la capitale est Benghazi, ville qui, la première,
s’est révoltée. Benghazi ne voyait pas les retombées économiques du pétrole, alors que les
raffineries, les emplois et les revenus étaient gérés par Tripoli, la capitale politique du pays.
Le développement désigne la capacité à améliorer les conditions de vie des populations et le
niveau de l’économie d’un territoire.
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