parait moins statique que l’ordre immémorial des mémoires de Foucauld : « Les confédérations
politiques se dissolvent, les tribus se divisent, les confréries religieuses se multiplient. »
Il considère le foyer (Kanūn) ou la maison (Tigemmīn) comme la première brique de
l’organisation, son regroupement clanique, la fraction est appelé khums (cinquième), Iḫṣ,
Faḫd…. Il ne voit les tribus que comme des « unité géographique » car « les fractions […] sont
imbues de particularisme ». Pour lui, la race influe sur le politique et « le Berbère est férocement
égoïste hors de sa famille. » Il décrit l’alliance de ces clans familiaux du Laff ou de l’Ameqqām
comme une forme de parti politique au sein d’une tribu.
Il existe cependant une règle internationale intangible : sous le patronage d’une confédération
ou d’une grande Zawiya, on organise annuellement un festival patronal, qui favorise une grande
foire : le Mūsim : cet évènement est sacro-saint, protégé par le Ḥurm du saint-patron : nul ne
peut y porter la violence sans risquer le courroux des cieux.
De la confédération à la fraction :
Selon Foucauld, ces entités politiques indépendantes « n’ont d’autres relations que les guerres
et les alliances qu’elles font momentanément entre elles ». Il nous les décrit donc exactement
comme des puissances souveraines, établissant entre elles des relations diplomatiques ou
militaires : des confédérations, comme l’OTAN ou l’Union Européenne. Mais les liens restent
flexibles, « tantôt un groupe s’en détache, tantôt un autre s’y joint. »
Pour Ségonzac, les relations intertribales sont basées avant tout sur l’alliance défensive ou
offensive « en sorte que cette région apparait au géographe comme une mosaïque infiniment
compliquée, et le sociologue n'y distingue qu'une poussière d'hommes incapable d'ordre ou de
cohésion. »
Sans entrer dans la nuance de son prédécesseur, il décrit l’« assemblée supérieure, où figurent
les šyūḫ al-‘am et les Mzārg de toutes les fractions », qui est celle des tribus élargies ou
confédérations (Ayt ‘Aṭṭa) et des districts démocratiquement fédérés (Ayt Seddrāt).
L’Assemblée « désigne un amġar afella, un chef suprême » éligible et annuel.
« La Jamā‘a de la tribu règle les affaires extérieures. Elle ne se réunit que pour décider de la
guerre ou de la paix, des alliances (laff) à nouer, des protections à accorder (ḍbīḥa). Elle
décrète les préparatifs d'armements à faire. » Ces « ordres sont transmis à la fraction par le
šayḫ al-‘am ; l'exécution en est surveillée par le Mzrag. Le manquant est puni d'une forte
amende, et, au besoin, de la confiscation de ses biens et de la prison. »
Conclusion : le Dahir berbère à double tranchant : autonomie ou francisation ?
Entre 1912 et 1933, le Bled Siba est confronté à la conquête française. Elle poursuit le but
officiel de restaurer la souveraineté de l’Etat makhzenien sur l’ensemble de « son » territoire.
Et, de fait, elle livre l’ensemble des villages, districts, fractions, laff et tribus à l’empire des
Qā’id-s. Le bassin du Draa subit notamment, dès 1917, les assauts du Qā’id des Glawā, qui
supplée à l’armée française et se constitue une principauté soumise à un despotisme sans bornes.
Fragmentées, désunies, les communes politiques des montagnes et des oasis parviennent
néanmoins à se fédérer ponctuellement pour repousser l’envahisseur. Les Aīt ‘Aṭṭā du Saghro
ou les tribus vassales de la Zawia Aḥanṣal dans le Moyen-Atlas en sont les exemples les plus