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nouvelle qu’annonce Jésus, c’est que Dieu vient établir son Règne. Et comme un bon roi de
l’époque, celui-ci commencera par restaurer la justice.
« Heureux les pauvres ! Dieu en a assez de vous voir pauvres ; il vient établir son règne et
désormais, c’est fini, vous ne serez plus pauvres ! » Les béatitudes sont la bonne nouvelle que
Dieu vient délivrer tous les malheureux de leur misère. Or, par un contre-sens tragique, elles
ont souvent servi, au cours des âges à maintenir en place un ordre social injuste, comme si
Jésus déclarait : « Les pauvres, vous en avez de la chance d’être pauvres… donc, restez-
y ! Plus tard, au ciel, Dieu vous récompensera »…
Mais cette béatitude dit-elle vraiment cela ? Attardons-nous à l’addition « en esprit » qui vient
qualifier « les pauvres ». Ce déterminatif nous apprend qu’il ne s’agit pas de pauvreté au sens
d’indigence, mais d’une disposition entièrement spirituelle. Nous en avons un autre exemple
plus loin : « Heureux les purs de cœur ». La pureté de cœur dont il est question indique que
l’esprit doit être libre de toute mauvaise pensée et de préoccupation matérielle. La pauvreté,
elle non plus, n’est pas physique, mais spirituelle. On pourrait la traduire en parlant d’humilité
ou de détachement à l’égard des biens de la terre.
La leçon est plus que jamais d’actualité. Dans le monde moderne, la surconsommation et le
gaspillage font bon ménage. On se croit malheureux quand on ne possède pas le dernier
gadget électronique, ou les pantalons à la mode, ou tout le surplus de babioles et du prêt-à-
jeter dont nous sommes désormais accrocs. L’injonction chrétienne vise ici à se satisfaire avec
moins. Elle milite pour une moindre croissance et non pour une relance économique.
La pauvreté, prise dans le sens d’une conscience spirituelle, loin d’être une humiliation, est en
fait un phénomène positif de sobriété. Elle vise la vie intérieure et non le statut social. Elle est
en parfaite cohérence avec le récit du jeune homme riche. Jésus a mis devant lui la valeur du
dépouillement volontaire comme liberté supérieure, mais ce jeune homme n’en a pas été
capable. Jésus privilégie cette conscience spirituelle qui mise sur l’être plutôt que sur l’avoir.
Deuxième béatitude : « Heureux les affligés, ils seront consolés ».
On peut être affligé par la contrariété, par la malveillance d’autrui, par la perte d’un emploi ou
d’un être cher. Le terme grec penthountès nous oriente plus nettement vers le deuil : les
endeuillés. La TOB traduit : « ceux qui pleurent ». C’est la plus proche traduction.
Les raisons de pleurer sont multiples. Les séparations, les détresses individuelles, tous les
malheurs. La souffrance est le lot de tout un chacun, le deuil atteint chaque humain, et par là
chaque drame individuel est une parcelle de la détresse humaine universelle. La bonne
nouvelle, c’est que Jésus intervient directement auprès des affligés : il accueille l’exclu, guérit
le malade, fait revivre ceux qui était morts, etc…
On agrandira cependant l’espace de cette béatitude en n’y voyant pas seulement une
souffrance personnelle, mais aussi une détresse communautaire, voire nationale, à savoir