Psychoscope 6/2016 E N R O U T E
d’autres façons d’exprimer ses tensions intérieures. Il
prenait plaisir à l’expression musicale et y a trouvé une
façon constructive de gérer ses impulsions. Petit à pe-
tit, il a commencé à verbaliser son irritation : « Je suis
en colère ! » ou « C’est injuste ! ». Ses référents savaient
mieux comment gérer ce mode d’expression que les
objets lancés à travers la pièce. Au lieu d’un ordre du
type « Arrête maintenant ! », on lui proposait alors le
dialogue : « Pourquoi es-tu en colère ? ».
Des cours de ûte à la thèse de doctorat
La biographie musicale de Sandra Lutz Hochreute-
ner commence par des cours de flûte à bec au jardin
d’enfants. Plus tard, elle ajoute le piano et le violon à
son arc. Cette jeune fille très vivante aime bouger et
danser sur la musique. Elle prend aussi des cours de
danse classique. Adolescente, elle rejoint les scouts, y
apprend la guitare et diérents instruments de percus-
sion. En 1973 et en 1974, pendant une année d’échange
aux États-Unis, elle découvre le mouvement hippie.
Après avoir obtenu sa maturité, elle décide de travailler
dans le domaine de la pédagogie curative. Cette entrée
directe dans la vie active est une alternative bienvenue
au quotidien très cérébral des études. « La génération
d’après 68 ne faisait pas d’études après le diplôme se-
condaire. On faisait autre chose. » Plus tard, elle décide
d’entamer des études à Rorschach (canton de Saint-
Gall) pour devenir enseignante.
Mais sa passion pour la musique ne la quitte pas.
Après avoir lu un livre sur le sujet, la jeune femme inter-
roge son conseiller en orientation sur les endroits qui
proposent des études de musicothérapie. En Suisse, il
n’en existe pas. Elle part donc pour Vienne. De retour
en Suisse, elle travaille comme musicothérapeute dans
un centre psychiatrique pour enfants et adolescents.
En 1984, avec des collègues, elle entame une forma-
tion de musicothérapie en cours d’emploi, intégrée à la
Haute école de musique et de théâtre de Zurich (nou-
velle ZHdK). Afin d’approfondir les connaissances cli-
niques dont elle a besoin pour exercer son activité de
musicothérapeute indépendante à Gais, Sandra Lutz
Hochreutener obtient un diplôme postgrade en psy-
chopathologie à l’Université de Zurich.
Elle ne perd cependant jamais de vue son activi-
té d’enseignante. Aujourd’hui, elle dirige d’ailleurs les
deux formations postgrades en « musicothérapie cli-
nique » et en « musicopsychothérapie » proposées par la
ZHdK. Elle joue un rôle déterminant dans l’élaboration
et le choix du contenu enseigné dans le cadre de ces
cursus. Outre ces activités, elle eectue également des
recherches en musicothérapie et obtient un diplôme
JOËL FREI
Lors de sa première séance de musicothérapie, Ke-
vin (prénom d’emprunt, n.d.l.r.) demande de façon
abrupte : « Quel est l’instrument le plus bruyant ? » Il se
dirige alors vers la grosse timbale située dans un coin
de la pièce. « Cette timbale est en eet un instrument
très sonore », répond la musicothérapeute au jeune gar-
çon. « Tu peux battre le rythme dessus pendant notre
premier jeu. » Kevin a été adressé à Sandra Lutz Ho-
chreutener par un psychiatre de l’enfance et de l’adoles-
cence. Il poussait à bout ses enseignants et se montrait
agressif avec ses camarades : il lui serait même arrivé de
lancer des objets à travers la salle de classe pendant une
crise de colère. Ses parents se sentaient dépassés et le
battaient. Sur fond de troubles de la perception, Kevin
avait commancé à développer une angoisse de l’échec
et du contact avec les autres. « Sa stratégie pour y faire
face était de toujours être le plus fort et, dans notre
contexte, le plus bruyant. Cela lui permettait de garder
le contrôle », explique Sandra Lutz Hochreutener.
L’objectif de la thérapie était de l’accompagner
dans le processus de régulation de l’affect et de favo-
riser des expériences de groupe positives. La pratique
de la musique lui a progressivement appris de façon
ludique à élargir ses stratégies comportementales,
comme prêter la timbale à un autre enfant et jouer en
rythme avec lui. La musicothérapie lui a en outre offert
un cadre structuré pour verbaliser ses émotions. Au-
paravant, lorsqu’il se mettait en colère, il explosait et
cassait des objets. Lors de la thérapie, il a découvert
Nom : Sandra Lutz Hochreutener
Métier : musicothérapeute, psychothéra-
peute, enseignante et auteure
Compétences : empathie, estime de
soi, authenticité et plaisir du jeu dans le
contact thérapeutique, exibilité et créati-
vité, répertoire d’interventions musicothé-
rapeutiques très diversié et connaissances
en matière de diagnostic
33