FRATERNITE ACCOMPAGNEMENT DE PERSONNES MALADES
Etre bénévole d’accompagnement de personnes malades à l’hôpital, dans un Service de
Réanimation
Un espace-temps à partager avec Marie-Axel, bénévole petits frères des Pauvres, à l’hôpital
Lariboisière
Dans le respect des patients, en Réa, ici, oui, ils les aident à se battre pour la vie !
Lariboisière, arrêt gare du nord. Le quartier fourmille de voyageurs pressés qui se croisent
sans se regarder. Mais son regard, Marie-Axel, elle sait le poser…
Marie Axel, bénévole, dans la salle Entrée de l’hôpital Lariboisière
d’attente du Service de Réanimation
Nous sommes jeudi, en tout début d’après-midi. Le rendez-vous à l’hôpital Lariboisière, avec
Marie-Axel, est fixé à 14h00. Descente arrêt Gare du Nord. Le quartier fourmille de voyageurs
pressés qui se croisent sans se regarder. Mais son regard, Marie-Axel, elle sait le poser. Elle
me repère tout de suite, l’attendant assise sur un banc de la cour intérieure où se découpe, au fond,
la tourelle de la chapelle de l’hôpital. Elle m’interpelle gracieusement par un :
« Magnifique, hein ? Pas étonnant que ce soit classé monument historique ! »
Allez, oui, je te suis !
Nous empruntons des corridors compliqués qui débouchent sur une petite esplanade d’accès au
Service de Réanimation.
« Je viens d’aider une nouvelle bénévole, Françoise... à se repérer, et surtout, à commencer ! ».
Alors dis-nous, Marie-Axel, toi qui n’es pas une nouvelle en ces lieux, comment tu es venue
là ?
« Oh, tout un trajet ! J’ai commencé très tôt dans ma vie à être bénévole. Dès le lycée, j’ai été
lectrice au Centre de Jeunes Aveugles. Après, avec mon mari, on a fait un peu de scoutisme. Et
bien-sûr, pour mes 4 enfants – qui ont maintenant 29 ans, 27 ans, 21 ans, et le petit dernier 16 ans,
je me suis investie dans les associations de parents d’élèves. Naturellement, je me suis toujours
sentie bien dans ces actes citoyens ! »
Et les petits frères des Pauvres, comment est-ce que pour toi, ça a commencé ?
« Je dirais deux approches. D’abord mes parents qui se sont plusieurs fois investis pour fêter un
Noël « petits frères ». Et puis, chez des amis communs, j’ai fait la connaissance de Nathalie, alors
bénévole à l’hôpital Saint Louis – et maintenant visitant des prisonniers à l’hôpital carcéral de la
prison de Fresnes. Là, son témoignage m’avait touchée. Elle est équilibrée, rayonnante et utile !
Alors, bon, en moi, ça a fait son chemin. Et, quand même, deux ans plus tard, j’ai dit à la
Fraternité Accompagnement des Personnes Malades des petits frères des Pauvres : « Me voilà si
vous voulez de moi ! »
Nous pénétrons maintenant dans le corridor d’entrée du Service de Réanimation.
« Oui, je reconnais que la mini salle d’attente n’est pas très amène ! Cela, pour moi, ne facilite pas
mes échanges avec les familles. Mais bon, local adapté ou pas adapté, pour les proches des
patients hospitalisés en Réanimation, la situation en elle-même est pour eux violente ! Souvent,
ils ne s’attendaient pas à devoir vivre ça. Ils sont anxieux et souvent révoltés : dans leur esprit,
ça, ce n’était pas programmé.
Allez viens, on va commencer par aller voir la cadre de santé. Tu vas le voir, je ne rentre pas dans
les chambres par hasard. Je m’entretiens d’abord avec elle, qui me donne « l’actualité » du
Service : qui est conscient, qui est solitaire et a besoin de soutien ? Ce partenariat, fort comme ça,
c’est précieux. Grâce à elle, j’ai des «repères » qui me guident aux chevets les plus adaptés à ma
présence bénévole.
Après l’entretien avec la cadre de santé, nous voilà, une fois le code d’entrée composé, dans le
couloir du Service de Réanimation Médicale et Toxicologique. Au casier, nous déposons nos sacs.
Au distributeur de produits de désinfection, nous malaxons nos mains. « L’hygiène, c’est
incontournable ! A l’entrée de certaines chambres, il y a des blouses et des sur-chaussures en
papier, des masques et des gants légers. On les met et hop, à la sortie de la pièce, on les enferme
dans une poubelle prévue à cet effet ».
Riche des informations, des observations et de la perception humaine des patients de la cadre de
santé, Marie-Axel se dirige vers le premier patient signalé.
Jean-Marc, 55 ans, répond avec un sourire à la proposition de présence bénévole formulée
par Marie-Axel. Sur l’écran de contrôle attenant au lit, les bip et les courbes régulières se
succèdent. « Je suis bénévole, mais à voir votre visage et votre sourire, pas besoin d’être médecin
pour savoir que là, vous allez bien ! ». Le sourire s’élargit. Il faut dire qu’il a la chance d’avoir
aussi été visité par sa sœur. Et oui, il habite pas loin, dans le quartier. Ce qu’il préfère, c’est le
marché de Montorgueil, ses fromagers, ses terrasses de café.
Au fur et à mesure de ces échanges qui se poursuivent de façon calme et informelle sur les sources
de bien-être spontanément abordées, les paroles du patient s’espacent. Marie-Axel sait, sent
qu’une sollicitation verbale doit rester légère, dans le respect du rythme de retour à la vie.
« On va vous laisser vous reposer ». Un regard reconnaissant du patient, et Marie-Axel agite
doucement sa main comme on prend congé de quelqu’un qu’on aime bien.
Nous voilà dans le couloir qui dessert les chambres.
« Je le trouve attachant, n’est-ce pas ? Mais tu sais, les séjours, parfois, ne sont pas longs, avec
transfert dans un autre service hospitalier, ou un institut de convalescence. Quand je vois un
patient, je ne sais jamais si je serai appelée à de nouveau le rencontrer. Mais l’essentiel, c’est de
leur avoir donné de la présence, même l’espace d’un instant ».
Après nous être dévêtues de notre « vestimentaire » provisoire, nous marchons à petits pas dans
l’allée. Marie-Axel reprend très discrètement, à voix basse :
« Mais c’est vrai que, dans un Service de Réanimation, le devenir des patients n’est pas toujours ce
qu’on peut espérer... Ici, c’est à peu près 25% de décès. Et ici, c’est la lutte active médicale pour la
sauvegarde de la vie. Les métiers sont très « technicisés », les surveillances des paramètres
biologiques et les réanimations sont intenses. Pour le personnel médical et soignant, le temps se
déroule à l’accéléré. Alors oui, c’est formidable que le patron de ce Service, le Professeur
Frédéric Baud, ait un jour sollicité les petits frères des Pauvres pour contribuer, par la présence
de bénévoles, à donner au temps une autre dimension : celle de l’échange humain. On participe
comme ça, avec eux, et à leurs côtés, à ce supplément d’humain ».
Marie-Axel consulte sur sa feuille de brouillon la liste des numéros de chambre que la cadre de
santé lui avait tout à l’heure indiqués. Mais en passant devant la chambre ouverte du patient suivant
entrant dans le projet d’accompagnement, Marie-Axel continue d’emprunter le couloir :
« Comme tu as pu le voir, cette dame est en ce moment même visitée. Là, je préfère laisser ces
relations se développer en toute intimité ».
Petit toc-toc à la porte ouverte de Carole, 55 ans. Marie-Axel se présente délicatement à elle. Le
regard de cette dame perçoit manifestement les images qui se présentent, mais il reste fixe et sans
expression. La question « Souhaitez-vous que l’on vous tienne compagnie ? » reste sans réponse.
Là, tout lien d’interactivité est coupé. « Les stores fermés de votre fenêtre vous protègent de la
lumière. Je vois que vous ne dormez pas, mais je sens que vous avez besoin de vous reposer. La
semaine prochaine, si vous le souhaitez, je reviendrai ». Marie-Axel maintient pourtant
subtilement sa présence, dans le respect du silence. Puis c’est en silence, à petits pas légers, que
Marie-Axel prend congé.
« Pourtant, là, elle n’était pas intubée. J’ai le sentiment qu’elle a la capacité de répondre avec le
regard, certainement aussi de parler, mais tout ça, elle y a renoncé. Tu sais, ce sont des morceaux
de vécu comme ça qui me rendent précieuses les séances de groupes de parole, avec un
psychologue et d’autres bénévoles ».
Nous voilà maintenant au chevet d’Ahmed, 57 ans. Sa télévision crache des sons en bruit de
fond, et des images qu’il ne regarde pas. Mais il a envie de parler. Il nous dit qu’il est là suite à son
opération cardiaque. Problème coronarien, rupture d’anévrisme... Et que, du coup, il n’a envie de
rien. Les paroles du patient s’essoufflent. Marie-Axel l’apaise en lui donnant pour écho :
« J’entends bien que vous avez envie de comprendre pour mieux vous battre et guérir. De mon point
de vue de bénévole, ça, ça me semble le plus puissant médicament ! ». Partage de sourires.
Nous sommes de nouveau dans le couloir, nous débarrassant de nos vêtements de protection en
papier. Il nous reste une patiente à visiter : une dame, Christiane, de 73 ans. Une fois volontiers
acceptées dans notre présence complicité, la personnalisation de la chambre s’offre à notre regard.
En face du lit, trône la photo d’une petite Suzy. « Aussi jolie que sa mamie, cette arrière petite
fille ! Et on voit aussi que vous êtes en compagnie ... de Marie-Higgins Clark. Ce roman est gros,
quel pavé ! Vous aimez la littérature américaine ? » Oui, elle aime, même si en ce moment, elle a
du mal à se concentrer et à y rentrer.
Les échanges légers se nourrissant des indices de personnalité se poursuivent en douceur.
« Oui, Madame, je reviendrai prendre de vos nouvelles et de celles de votre petite fille Suzy ».
Une fois dehors, nous constatons ... que l’été pourri se poursuit : pluie, pluie, pluie... On évite les
flaques, mais on se souhaite quand même de bonnes vacances ! Ah oui, alors, Marie-Axel, avant
d’aller bientôt au soleil, dis-nous ce qui te porte, dans ce bénévolat :
« Dans le respect des patients, en Réa, ici, oui,
ils les aident à se battre pour la vie ! »
Communication Fraternité Accompagnement des Personnes Malades
Maryvonne Sendra
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