70 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS NOUVELLE PÉRIODE BLANCHE Avec la floraison des stellaires et des aubépines, le printemps connaît une deuxième vague de blancheurs éclatantes. Des espèces nouvelles se succèdent, telles que la mouche de la Saint-Marc et la cétoine dorée. b Les mouches de la Saint-Marc Ces mouches noires portent ce nom parce qu’elles apparaissent autour du 25 avril, fête de la Saint-Marc. Elles forment parfois des groupes nombreux, visibles jusque dans les villes. On les reconnaît facilement à leur vol lourd, pattes pendantes. Le mâle se distingue de la femelle par ses énormes yeux, qui coiffent sa tête comme un casque intégral : c’est normal, il repère ses partenaires à la vue ! Après l’accouplement, ces insectes meurent rapidement, et leurs dépouilles jonchent les chemins. Leurs larves passeront l’hiver sous terre, puis se métamorphoseront et émergeront au printemps suivant. nature-chemins int F39.indd 70 18/02/13 14:26 71 Stellaires et aubépines répandent leurs fleurs blanches sur le sol comme dans la haie. D’avril à juin, de petits papillons dorés aux antennes immenses volettent et se disputent les perchoirs de la haie : les adèles. Ce sont les mâles qui ont les plus longues antennes. nature-chemins int F39.indd 71 18/02/13 14:26 72 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS b Les richesses de l’aubépine Les aubépines, ou épines blanches, font partie de la famille des rosacées, comme les ronces, les roses, les églantiers, les pommiers, les poiriers, les cerisiers, les prunelliers, les fraisiers et tant d’autres plantes dont les fruits sont appréciés des humains et des animaux. Les aubépines à elles seules attirent plus de 150 espèces d’insectes. Il en existe plusieurs espèces, qui s’hybrident facilement et rendent souvent leur identification épineuse… B Des tanks et des étoiles Si les délicates stellaires doivent leur nom à la forme étoilée de leurs fleurs, des coléoptères solidement caparaçonnés ont des silhouettes nettement plus massives. Pas toujours adorée, la cétoine dorée fréquente régulièrement les aubépines et les églantiers. Ce scarabée recherche le pollen, une nourriture riche en protéines. A priori, il se comporte comme un saccageur en broutant les étamines, les ovaires et la chair de la corolle des fleurs, opération qui peut empêcher la reproduction de la plante. Mais si l’on observe les flancs de l’insecte, on remarque des poils qui servent de brosses à pollen : les cétoines sont donc aussi des pollinisatrices. nature-chemins int F39.indd 72 Les organes sexuels de la cétoine mâle sont assez complexes et volumineux, car ils atteignent presque la moitié de la longueur de son corps. Cela permet aux insectes de rester solidement arrimés pendant l’accouplement tout en escaladant la végétation. 18/02/13 14:26 73 De nombreuses mouches de la famille des syrphes sont déguisées en insectes piqueurs, mais elles sont inoffensives. Nous en rencontrerons pendant toute la saison chaude (pages 94/95). Stellaire vient du latin stella qui a donné « étoile » en français et star en anglais. Le nom de cette fleur fait référence à la disposition de ses pétales. Le hanneton de la Saint-Jean vole le soir autour des arbres, comme le hanneton commun. Avec le muguet du 1er mai, la mouche de la Saint-Marc ou le mousseron de la Saint-Georges, il ponctue le calendrier. nature-chemins int F39.indd 73 Le muguet est toxique. En été, sa jolie fleur immaculée deviendra un fruit rouge poison, tout aussi joli. 18/02/13 14:26 74 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS B Des crabes dans les fleurs Un insecte montre une drôle de position dans la haie ? Approchezvous, vous avez de grandes chances de tomber sur une araignée-crabe, qui a attrapé l’insecte. Appelée ainsi à cause de sa démarche de travers, cette originale ne construit pas de toile, mais chasse à l’aff ût sur les fleurs. Elle a une excellente vue et se cachera sans doute à votre approche, quitte à laisser la proie pour l’ombre. Ces jolies araignées sont assez communes sur diverses fleurs, et nous les rencontrerons à nouveau. nature-chemins int F39.indd 74 18/02/13 14:26 75 LES ROSES SAUVAGES Les roses cultivées ont un ancêtre sauvage, l’églantier, toujours bien présent dans nos terroirs. Au cours du printemps, l’églantier prend le relais de l’aubépine pour fleurir à nouveau les haies de blanc et de rose. ∫ Il a toutes les vertus Les fleurs de l’églantier, ses graines et ses fruits, qui apparaîtront en fin d’été (pages 206/207), ont diverses propriétés médicinales. Ses racines étaient utilisées au Moyen Âge contre les morsures de chiens enragés, et ses feuilles ont même servi à remplacer le thé ou le tabac pendant les périodes difficiles. À l’origine de la rose, hôte de nombreuses espèces d’insectes, protégeant de ses épines les nichées d’oiseaux, l’églantier est aussi beau qu’utile. Il a toute sa place dans un jardin naturel. nature-chemins int F39.indd 75 18/02/13 14:27 76 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS Bataille pour le nectar : ce lepture tacheté ne peut pas atteindre la corolle, car une cétoine funeste est déjà « attablée », et résolue à le rester. Le lepture abandonnera. Chez l’anthaxie brillante, le mâle est entièrement vert, mais la femelle a la tête et le thorax dorés. nature-chemins int F39.indd 76 18/02/13 14:27 77 Cette araignée concombre est un mâle, car elle porte des « gants de boxe », qui sont en fait ses palpes copulateurs. La femelle est plus grande, comme souvent chez les araignées. ∫ À la barbe de saint Pierre À la fin du printemps, de curieuses boules chevelues apparaissent sur les tiges des églantiers. Vertes au départ, elles vont rougir puis brunir à l’automne, et grossir jusqu’à atteindre la taille d’une petite pomme. Baptisées barbes de Saint-Pierre dans nos régions, elles portent aussi le nom de bédégar, issu du monde arabe, où la pharmacopée leur attribuait des pouvoirs soporifiques. En Europe, on a vu dans ces barbes de Saint-Pierre le résultat de morsures de vipères. En réalité cette excroissance, appelée galle du rosier par les biologistes, est due à la piqûre d’une minuscule guêpe, le cynips. En piquant l’églantier, l’insecte lui inocule des substances, dont certaines sont proches des hormones végétales de croissance et provoquent cette boule chevelue en réaction. Le cynips y pond, et sa larve grandit dans cette protection hirsute. L’églantier offre donc le gîte et le couvert à la guêpe parasite, mais cela ne semble pas l’affecter. La rose sauvage donnera une baie rouge, le cynorrhodon, sur lequel nous nous pencherons en fin d’été (pages 202 à 209). À cette époque, il voisine avec des fleurs tardives, comme sur cette photo. nature-chemins int F39.indd 77 18/02/13 14:27 78 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS LES ORCHIDÉES DE NOS CAMPAGNES Vues de près, les orchidées sauvages poussant sous nos climats sont aussi admirables que les espèces exotiques. Les orchis mâles sont des orchidées assez précoces, et se montrent avant la plupart des autres espèces. Ils sont localement communs, mais les orchidées sont globalement rares et protégées par la loi. Admirez sans cueillir ! nature-chemins int F39.indd 78 18/02/13 14:27 79 L’orchis pourpre pousse en bord de chemin, en lisière de forêt et dans les bois. L’orchis bouc a une singularité : il sent mauvais… ∫ Déguisées en insectes L’ophrys abeille n’attire pas les abeilles domestiques, mais les espèces solitaires. Il se rencontre dans des milieux très différents, apparaît et disparaît d’une année sur l’autre. nature-chemins int F39.indd 79 L’ophrys mouche est bien mal nommé, car il est fécondé par une petite guêpe. Il imite le corps de l’insecte, ses longues antennes et même le brillant de ses yeux ! À tel point que les mâles préfèrent s’accoupler avec la fleur plutôt qu’avec les femelles de leur espèce… Les ophrys sont des leurres sexuels pour insectes mâles en mal d’amour. Leur pétale inférieur, le labelle, est une parfaite imitation de femelle. Sa forme et ses couleurs sont celles de l’insecte, et même sa consistance velue est semblable ! De plus, la fleur dégage des phéromones mimant les messages chimiques de la femelle réceptive. Irrésistible pour les mâles inexpérimentés, qui pratiquent des pseudocopulations sur plusieurs végétaux et les fécondent. Chaque espèce d’ophrys est plus ou moins spécialisée dans l’imitation d’une espèce précise. Le mot « orchidée » vient du grec et signifie « testicule ». Encore une connotation sexuelle, mais celle-ci fait allusion à la forme des bulbes souterrains de certaines espèces de nos régions. 18/02/13 14:27 80 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS UN PIÈGE EN BORD DE CHEMIN Les cornets des arums sont familiers des bords de chemin. Ces plantes vénéneuses sont mêlées à des rumeurs sur les serpents, et leur histoire est liée à celle d’étranges moucherons. b Attention, toxique ! Toutes les parties de l’arum sont extrêmement toxiques. Des enfants sont morts d’avoir été tentés par ses fruits rouges ressemblant à des bonbons. Néanmoins, la plante a été consommée par les Anciens. Bouillis, desséchés et même crus, les tubercules étaient accompagnés de moutarde ou de vinaigre. On les a aussi fait dégorger à l’eau courante, comme pour le manioc, et leur fécule a été utilisée pour amidonner le linge. Les feuilles fraîches ont servi de pansement pour cicatriser des plaies purulentes. La plante est préconisée pour les affections respiratoires ; un arum est d’ailleurs toujours à la base d’un médicament homéopathique contre les maux de gorge et les laryngites. nature-chemins int F39.indd 80 18/02/13 14:27 81 B Des feuilles précoces À la sortie de l’hiver, les feuilles de l’arum sortent du sol. Elles poussent à partir de son tubercule souterrain, le rhizome, et se montrent sur les talus, sous les haies, souvent à l’ombre des arbres. Les feuilles mortes couvrant le sol obligent souvent celles de l’arum à les percer pour croître et atteindre la lumière. Comme un carcan végétal, les feuilles mortes étranglent celles de l’arum sans toutefois les empêcher de pousser. Les deux arums. L’arum tacheté doit son nom aux taches noires présentes sur ses feuilles. Moins commun, l’arum italien se reconnaît aux nervures blanches de ses feuilles ; le « bâton » de son cornet (le spadice) est jaune et non brun sombre comme celui de l’arum tacheté. nature-chemins int F39.indd 81 18/02/13 14:27 82 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS Anatomie d'un piège B Le cornet de l’arum est une feuille particulière, qui renferme un mécanisme diabolique. Il est révélé sur cette photo, où le cornet a été déchiré. Dans ce cornet se trouve un long organe vertical, le spadice, qui fonctionne un peu comme un bâton d’encens : c’est un diffuseur de parfums. Grâce à la chaleur fournie par la plante, le spadice irradie d’irrésistibles odeurs d’urine et de pourriture qui attirent de minuscules mouches : les psychodas. Les insectes glissent dans le cornet, y pénètrent, mais la série de filaments (en haut sur la photo de droite) les empêche de sortir. Obligés de rester dans le fond du cornet, ils s’imprègnent du pollen des fleurs mâles (l’anneau rouge). Le cornet se flétrira, et les bestioles libérées s’empresseront de se faire piéger par un autre arum. Ils en féconderont les fleurs femelles, les petites perles jaune-vert à la base du système. Métamorphose réussie : le cornet de l’arum a fait place à une plante d’aspect bien différent… nature-chemins int F39.indd 82 18/02/13 14:27 83 Métamorphose en cours : une fois les fleurs femelles fécondées, le cornet de l’arum se flétrit. Ses fruits clairs devenus verts se développent et rougissent en quelques jours. FAUX RAISINS ET FAUX SERPENTS Dans les campagnes, les fruits de l’arum étaient appelés « pains de vipères » ou « raisins de serpents », car on croyait que les reptiles s’en nourrissaient. Les serpents sont tous carnivores et ne toucheraient pas à cette plante, mais le poison du végétal était associé au venin de l’animal. Cette légende a sans doute servi à frapper l’esprit des enfants pour leur éviter de consommer ses fruits mortels. Dans les endroits frais où poussent les arums, on peut rencontrer des orvets (voir page 153). Ces reptiles discrets sont souvent pris pour des serpents, mais ce sont des lézards sans pattes. Les jeunes et les femelles portent de longues rayures noires, alors que les mâles sont de couleur unie. nature-chemins int F39.indd 83 18/02/13 14:27 84 LES RENDEZ-VOUS DU PRINTEMPS INDISPENSABLES ORTIES L’ortie suit les humains depuis le Néolithique, car elle prospère sur les sols enrichis en nitrates et en phosphates par les déchets, les cendres ou l’urine du bétail. Station d’épuration, refuge de vie, source de médicaments et de nourriture, l’ortie est irremplaçable. Ces plantes, parfois appelées ortie jaune et ortie blanche, ne piquent pas. En réalité ce sont des labiées, comme le lamier pourpre (pages 20/21), et non des urticacées comme les vraies orties. b Utile à tout L’ortie est l’un des rares végétaux contenant les 8 acides aminés dont les humains ont besoin, et qu’ils vont d’ordinaire chercher dans les produits animaux. De nombreux usages médicinaux de la plante sont toujours en vigueur pour ses propriétés antihémorragiques, antirhumatismales ou dépuratives. Son purin est réputé, ses fibres ont servi à faire des torchons, et l’on a même préconisé des flagellations à l’ortie contre l’impuissance ! Sur ces orties dioïques, on peut observer des chenilles de paon-de-jour. L’ortie dioïque, ou grande ortie, est notre espèce la plus commune. « Dioïque » signifie que chez cette plante, les fleurs mâles et femelles poussent sur des pieds séparés. Les orties se déployant par rhizomes souterrains, on rencontre donc des bosquets où seuls des plants soit mâles soit femelles se sont développés. nature-chemins int F39.indd 84 18/02/13 14:27 85 Les plants femelles de l’ortie dioïque Les plants mâles de l’ortie dioïque sont sont plus verts, en groupes plus compacts, et porteront des fruits, de minuscules pyramides noires, visibles à l’époque de la fructification. reconnaissables à leurs longues grappes de fleurs à tendance rougissante. À la loupe, on peut observer les 4 étamines des fleurs mâles. Contre les piqûres Le nom scientifique des orties, Urtica, fait allusion à leur pouvoir urticant. Chaque piquant est une petite seringue dont la base contient un liquide douloureux, l’auteur de ces photos en sait quelque chose… Elle l’injecte au moindre contact. En cas de piqûre, il faut frotter trois herbes différentes sur la partie atteinte, ou simplement des feuilles de plantain (page 149). C’est efficace. nature-chemins int F39.indd 85 18/02/13 14:27