1
opolitique de l’islamisme au XXIe scle :
Comprendre les nuances d’un concept pour
« Éduquer à la Paix »
Avant toute chose, il convient de s’interroger sur ce qu’est la géopolitique
La géopolitique étudie les enjeux et les rivalités de pouvoir, de puissance qui existent autour des
territoires, et ce à toutes les échelles, avec de surcroît la possibilité de se situer dans un passé très
récent voire dans un champs contemporain.
Mais la réflexion menée n’est pas (et ne doit pas être) centrée sur des hypothèses, des solutions, ou
de la prospective, c’est-à-dire qu’il ne sera pas question dans ce propos d'étudier ou de prévoir
l'évolution et l’avenir des sociétés.
Mener une réflexion géopolitique, c’est avoir une démarche qui est très proche de l’histoire
(travailler sur des documents et des sources avérées et contradictoires) et de la géographie (avec la
carte, le territoire, l’échelle).
Le deuxième préalable est de savoir dans quel espace se situer lorsque l’on mène une réflexion sur
l’islamisme.
L’espace naturel de l’islamisme c’est ce que l’on appelle le Proche ou encore le Moyen Orient (avec
d’ailleurs beaucoup d’approximations dans les termes), un espace auquel on associe fréquemment le
Maghreb. C’est-à-dire un espace que désormais l’ONU appelle les pays du MENA (Moyen Orient +
Afrique du Nord), un espace que l’on arrête à l’Est en Iran mais dont on a souvent une vision plus
élargie, celle des États-Unis puisqu’ils englobent l’Afghanistan et le Pakistan.
Mais le plus important en guise d’introduction est incontestablement de poser quelques définitions
pour ne pas confondre, pour ne plus jamais confondre des termes dont la confusion est entretenue
avec plus ou moins d’innocence.
L’islam : C’est le nom de la religion qui se définit par référence au Coran (c'est-à-dire d’une religion
du livre), un des trois grands monothéismes.
Attention à Islam avec un grand I, il s’agit alors de la civilisation, c’est une acception culturelle et
non plus religieuse (le 22 septembre à Paris lors de l’inauguration au Louvre du « Département des
Arts de l’Islam », Sophie Makariou, directrice de ce département a déclaré « pour le Louvre, il s'agit de
montrer l'Islam, avec un grand I. En langue française, cela désigne la civilisation. Le propos n'est pas de
se centrer exclusivement sur l'islam avec un petit i, qui désigne la sphère religieuse ».
Musulman : C’est un adepte de l’islam. L’islam est aujourd’hui la 2e religion du monde par le
nombre de croyants, de ces croyants regroupés en communauté que l’on appelle alors l’Oumma, et
que l’on peut chiffrer selon une fourchette qui va de 1 200 000 000 à 1 500 000 000 de musulmans.
Ce sentiment d’appartenance à l’Oumma abolit la frontière des États au profit d’un espace
géopolitique appartenant au peuple de Dieu.
Arabe : surtout ne pas confondre arabe et musulman !
Etre arabe c’est appartenir à une ethnie, c’est-à-dire un groupe de population ayant en commun une
origine géographique, une histoire, un passé, des coutumes et une langue…
L’islam est apparu dans la péninsule arabique d’où sans doute l’origine de la confusion. Ce sont les
Arabes qui les premiers ont adopté l’islam ; de plus le Coran est rédigé en langue arabe.
Il est donc vrai qu’une grande majorité des Arabes est de confession musulmane, en revanche tous
les musulmans ne sont pas arabes, aujourd’hui la majorité des musulmans ne le parlent pas et de
surcroit le plus grand pays musulman du monde, l’Indonésie, ne l’est pas.
On en arrive enfin à islamisme :
2
« L’islamisme est une idéologie, pas une religion, pas une théologie mais une idéologie politique à
base de religieux», ainsi s’exprime Séverine Labat, chercheuse au CNRS et spécialiste reconnue de
l’islamisme en général et du terrorisme islamiste algérien des années 1990.
Le terme est synonyme d’intégrisme musulman qu’il s’agisse d’un groupe, d’un individu ou d’un pays
L’islamisme est un projet politique, juridique et social, qui repose sur une certaine interprétation du
Coran. C’est donc un concept qui désigne une utilisation politique de l’islam : imposer à la société et à
l’État d’un pays l’islam originel, celui des origines d’une part, et avoir comme seule norme juridique
et politique la Charia (= la loi islamique) d’autre part.
Une autre « difficulté » intervient alors à propos d’une définition simple de la Charia ; on dit que c’est
la loi islamique et pourtant elle n’a jamais été codifiée dans un livre de lois, ce sont plutôt des
obligations (religieuses, morales, sociales, juridiques) qui composent la tradition, ainsi son
interprétation est nécessaire ce qui explique la multiplicité et la diversité des interprétations entre
les plus modernistes et les plus rigoristes.
L’islamisme est donc une forme d’intégrisme. La langue française offre une autre richesse, ou une
autre complexité, elle distingue islamisme de fondamentalisme. Une distinction qui n’est pas faite
aux États-Unis où le terme d’islamisme n’existe pas car seul le mot « fondamentalisme » est utilisé.
Certains auteurs, comme Olivier Roy, parlent de néo-fondamentalisme plutôt que d’islamisme. Par
fondamentalisme on entend la volonté du retour aux textes fondamentaux de l’islam avec une
lecture littérale du Coran, mais sans projet politique. La définition d’islamisme s’affine peu à peu, les
islamistes sont des fondamentalistes mais avec une politisation du fondamentalisme.
L’islamisme moderne apparait en 1979 avec la révolution en Iran et peu à peu le terme s’impose.
Un dernier terme, très ambigu dans l’utilisation qui en est faite, est le mot islamique.
Islamique est souvent (le plus souvent ?) utilisé comme synonyme de musulman, en réalité il l’est de
islamiste. Quelques exemples permettent de clarifier cette affirmation.
Quand on parle d’un régime islamique ou d’une république islamique, des termes employés
essentiellement à propos de l’Iran ou de l’Afghanistan, il s’agit en réalité d’un régime ou d’une
république islamiste.
Au lendemain de la révolution arabe qui a touché la Tunisie, les partis politiques se sont multipliés et
aujourd’hui le parti qui s’appelle « Parti de la Libération Islamique » est celui qui incarne l’islamisme
dans sa forme la plus dure, la plus radicale. Une autre précision, et qui ne peut que faire réfléchir, en
arabe il n’y a pas de différence entre islamique et islamiste, c’est un même mot. La différence se fait
seulement avec musulman. L’ambiguïté est telle que aujourd’hui, les historiens d’art, lorsqu’ils
veulent parler de formes artistiques qui ne s’appliquent pas à une religion en particulier, utilisent de
plus en plus systématiquement l’expression « arts de l’Islam » au lieu d’art islamique, sinon ils
parlent « d’art musulman ».
Donc dès le début, il convient de prendre de nombreuses précautions dans le vocabulaire employé,
la vigilance, la précision et la connaissance rigoureuse du sens des mots sont indispensables pour
apporter un peu de clarté là où certains alimentent le flou et la confusion.
1) QU’EST-CE QUE L’ISLAMISME ?
Répondre à la question qu’est-ce que l’islamisme est la première approche à satisfaire pour mieux
cerner la nature de ce phénomène. L’islamisme se distinguant avant tout par un projet politique, la
première entrée mérite d’être politique.
L’islamisme peut d’abord être appréhendé comme une réponse à la faillite des idéologies
antérieures, une alternative à des idéologies qui n’ont jamais vraiment fonctionné dans les pays
musulmans.
Réponse et/ou alternative au nationalisme qui a certes apporté les indépendances mais à ce jour n’a
pas su assurer le développement de ces pays ; une alternative au panarabisme (préfixe « pan » qui
rassemble) qui était un mouvement politique, culturel, idéologique visant à réunir et à unifier les
peuples arabes, à la fois socialiste et nationaliste, au XIXe siècle avec un courant de renaissance
arabe, ce panarabisme était la grande ambition de Nasser pour l’Égypte mais il disparaît avec lui. Les
ponts entre islamisme et panarabisme sont tellement nombreux que l’islamisme est parfois qualifié
de néo-panarabisme. Une alternative au capitalisme également avec à la fois le rejet de la modernité,
3
du matérialisme et de l’Occident symbolisé par des élites urbaines (qui ont tout), un Occident le plus
souvent synonyme de colonisation et de domination depuis le XIXe siècle, une image qu’il ne
parvient pas à effacer. Une réponse ou une alternative au communisme enfin et pour cela il suffit de
penser aux pays qui ont pris pour modèle de développement le modèle économique de l’URSS et au
désastre économique qu’ils ont connu, par exemple l’Algérie.
Il est intéressant de constater que l’islamisme, et les « révolutions islamiques/islamistes », refusent
avec la même violence les deux modèles idéologiques dominants qui se sont partagés le monde
durant la Guerre Froide.
Dans le rhétorique iranienne qui prévaut depuis la Révolution de 1979 les États-Unis sont « le Grand
Satan » et on ne compte plus les drapeaux américains qui ont été brulés en Iran. Moins connu sans
doute mais tout aussi révélateurs les autres surnoms attribués aux pays occidentaux : la mère de
Satan pour Israël, le père de Satan l’Angleterre, le Petit Satan la France, les amis de Satan enfin pour
le Canada, l’Espagne et l’Australie. Le rejet du modèle occidental est donc affirmé et pas seulement
par un défi à l’égard des Etats-Unis.
L’URSS et son modèle ne sont pas mieux considérés par les islamistes. L’Afghanistan doit devenir,
selon les islamistes afghans « le Viêt-Nam de l’URSS ». On parle alors volontiers de « bourbier
afghan » comme on parlait de bourbier vietnamien. Les islamistes considèrent avoir joué un rôle
capital dans l’effondrement de l’URSS et du communisme et ce grâce à l’Afghanistan ; une courte
chronologie en deux dates, le départ de l’Armée Rouge en mars 1989 et la chute du Mur de Berlin en
novembre 1989, permet d’étayer ce postulat.
Dans ce rejet affiché et sans doute intrinsèque des deux modèles existants ou ayant existé,
l’islamisme se pose en projet politique et se présente comme une alternative voire comme la seule
alternative.
Répondre un peu plus finement à la question qu’est-ce que l’islamisme c’est faire l’effort de mieux
cerner la nature de l’islamisme, c’est présenter quelques aspects de cette forme politique de
fondamentalisme qui est en fait un extrémisme religieux et politique.
Quelques grandes caractéristiques peuvent être retenues dans une première approche de cet
extrémisme.
Sans doute la 1ère de toutes est de respecter scrupuleusement l’intégrité de la tradition, lui rendre
toute sa force par une interprétation littérale du Coran et s’en tenir là. C’est que la Charia, la loi
islamique déjà définie, intervient. Elle doit être la source de tout. Ainsi le Coran devient la férence
exclusive qui régit le comportement religieux mais aussi social, juridique et politique.
L’islamisme se caractérise également par le fanatisme et l’intolérance indissociables du prosélytisme
de ses adeptes. Les ennemis de l’islam, appelés hérétiques ou infidèles, doivent être éliminés par la
Guerre Sainte (le Djihad/le Jihad) avec pour seule alternative, se convertir ou mourir. Ceux qui se
sacrifient pour cette cause et qui en deviennent les martyrs reçoivent la promesse par les imams du
Paradis et donc la vie éternelle. Intolérance, Guerre Sainte, fanatisme, on voit dès lors non seulement
se profiler le terrorisme, mais aussi sa justification.
Une 3eme caractéristique de l’islamisme est qu’il est largement réactionnaire, au sens littéral de
réactionnaire selon la définition du Robert «qui va contre le progrès social et l’évolution des
mœurs ». Ces pratiques réactionnaires trouvent leur origine, et de fait leur justification, dans la
référence unique et constante à la société des premiers temps de l’islam puisque les islamistes se
veulent les défenseurs des valeurs originelles de l’islam, globalement le VIIème siècle de notre ère.
Quelques unes de ces pratiques réactionnaires peuvent être citées en exemple et ce parmi les plus
connues : un rejet total de la pensée scientifique, un même rejet de certaines valeurs souvent
qualifiées d’occidentales, mais avant tout considérées comme des inventions humaines et donc
contraires au Coran, telles la démocratie et la liberté pour ne citer qu’elles. Rejet enfin de toutes les
formes de modernité : l’alcool, le tabac, la musique, les jeux de hasard, le cinéma, la mixité… et la liste
n’est pas exhaustive.
Une autre caractéristique et non des moindres est la question de la sujétion totale des femmes qui
est bien une des composantes de l’islamisme, une composante qui revient sous différentes formes
4
mais de façon récurrente, omniprésente mais diverse, de sa forme la plus violente, la lapidation des
femmes à sa forme la plus banale la question du port du voile.
Dernière manifestation de cet islamisme dans l’extrémisme politique et religieux qu’il incarne est la
référence à l’antisémitisme, un antisémitisme érigé en valeur fondamentale, véritable valeur de
référence qui anime les islamistes, un antisémitisme porteur d’instabilité au Proche Orient avant
tout mais dans le monde en général.
Cet extrémisme religieux mais aussi politique qu’affirme l’islamisme est animé d’un fort
prosélytisme qui se caractérise notamment par une volonté d’expansionnisme.
La stratégie expansionniste de l’islamisme est double mais avec une recherche de but final identique.
Le 1er temps de la stratégie est simple à appréhender. Il s’agit de conquérir toutes les régions
musulmanes et d’y imposer l’islamisme donc de fait l’intégrisme ; cette première étape doit
permettre de se débarrasser de régimes corrompus, autoritaires, dictatoriaux ; de régimes qui sont
considérés par les islamistes eux-mêmes comme des ennemis de l’islam. Ce premier temps de la
stratégie expansionniste islamiste est qualifié de « Lutte contre l’ennemi proche » ce que l’on appelle
parfois des Jihad locaux.
Déstabiliser l’Occident est le second temps de la stratégie et cela peut se faire de deux façons, soit en
prenant le contrôle des communautés musulmanes qui y vivent par le financement de mosquées, par
la formation d’imam ou encore par la multiplication d’associations caritatives soit, et c’est la
deuxième solution envisagée par les islamistes, par le terrorisme international. Il s’agit alors de
mener « la lutte contre l’ennemi lointain ».
Le but final recherché dans cette déstabilisation de l’Occident étant la conversion du monde entier
dans un califat mondial ! Le calife est le nom donné au souverain musulman, successeur de Mahomet
qui a un pouvoir spirituel et temporel et ainsi « la boucle est bouclée » par ce retour au projet
religieux et politique de l’islamisme.
L’islamisme revêt peu à peu une certaine réalité ; présenté comme une alternative à tout ce qui a pu
exister dans le monde musulman, idéologie aux composantes extrémistes tant religieuses que
politiques, une nouvelle approche par les courants et les stratégies est également nécessaire.
Le monde musulman, musulman pas islamiste, est fait de diversité avec une répartition des
musulmans en deux grands courants, Chiites et Sunnites, courants dont les origines se rattachent à
des faits historiques. Ceux qui, au lendemain du renversement d’Ali (4eme Calife, 656-661), cousin et
gendre du Prophète, par le gouverneur de Syrie, considèrent que le calife doit être choisi pour ses
qualités morales, religieuses, politiques, sont devenus les sunnites, un nom qui vient de sunna
signifiant la pratique, la ligne de conduite de Mahomet sont majoritaires dans le monde musulman à
près de 90%. Mais d’autres estiment que la communauté musulmane doit être dirigée uniquement
par un descendant du prophète, ce sont les partisans d’Ali, shia ali » en arabe, ce qui va donner le
mot chiite). Ils ont toujours été minoritaires parmi les musulmans (9%). Les 1% restant
correspondent à quelques minorités (alaouites, soufis, etc.).
Les islamistes se composent également de deux grands courants, des courants aux origines
communes.
Avant tout le wahhabisme dont on pourrait dire qu’il constitue les racines de l’islamisme. Il s’agit
d’une conception conservatrice, très dogmatique et puritaine, où s’imposent une pureté morale
scrupuleuse et un respect rigoureux des principes de l’islam. C’est la doctrine en vigueur en Arabie
Saoudite qui en est d’ailleurs le berceau, le seul autre État wahhabite au monde est le Qatar. La
doctrine a été fondée au XVIIIème par Abd Al Wahhab (1720-1792) par des Sunnites et les
Wahhabites vont jusqu’à prôner la contrainte pour imposer l’islam. Mais, et cela les différencie-t-il
sans doute beaucoup de l’évolution suivie par l’islamisme au cours du XXème siècle, sans projets
politiques. En effet, il n’y a ni contestation ni volonté de renverser les régimes en place. Le
wahhabisme est donc seulement, ou plus exactement surtout une doctrine religieuse, un
fondamentalisme.
Le salafisme, al-salaf signifie affiliation aux anciens, incarne quant à lui aujourd’hui la réalité de
l’islamisme. Cette doctrine née au XIXème siècle, prône également le retour au chemin des ancêtres et
aux valeurs authentiques de l’islam. On y retrouve une même lecture figée des textes sacrés, la même
interprétation du Coran ou plutôt la même absence d’interprétation puisque il s’agit d’une lecture
5
littérale. Ainsi le salafisme prend bien ses racines dans le wahhabisme et se développe dans un
monde sunnite.
Ce qui les différencie c’est la question de l’État islamique, essentiel pour les salafistes dans la
perspective d’établir un califat mondial, alors que les wahhabites se satisfont de dirigeants locaux du
moment, du moment qu’ils font respecter la Charia. La différence fondamentale est bien qu’ils
contestent les politiques en place dans les pays musulmans. Nous sommes donc cette fois face à une
doctrine politico-religieuse.
Mais pour autant le salafisme n’est pas à l’origine ce qu’il est aujourd’hui devenu, deux temps forts
marquent l’évolution de cette idéologie.
La première réalité prise par l’islamisme est marquée par la naissance d’un mouvement dans les
années 1920, les Frères musulmans. Cette association née en Égypte en 1928, s’organise comme une
confrérie et met en place des structures sociales et associatives, dans le but d’éduquer les jeunes
nérations. Les Frères musulmans se situent dans une mouvance de panarabisme et introduisent la
première politisation de l’islam. Dès lors la confrérie nourrit l’ensemble de la mouvance islamiste.
Son fondateur est Hasan al-Banna, grand-père de Tarik Ramadan, une personnalité à la fois connue
et controversée dans le monde musulman et dans le monde islamiste.
Jusqu’aux années 1970, la géopolitique de l’islamisme est balbutiante, l’islamisme arme le bras d’un
certain nombre de terroristes, mais n’a pas encore de légitimité populaire : on admire alors plutôt
Nasser ou Arafat.
Une évolution déterminante de l’islamisme vient encore d’Égypte et en constitue le second temps
fort. La théorie glisse vers la violence mystique sous l’impulsion de quelques penseurs, en
particuliers l’égyptien Saïd Qotb. Les cerveaux des attentats du 11 septembre et en particulier Al-
Zawahiri, alors numéro 2 d’Al Qaida se réclament tous de lui. Il fut, pour ne pas dire qu’il est encore,
l'inspirateur de tous les mouvements extrémistes sunnites. Égyptien et faisant partie des Frères
musulmans, il joua un rôle important dans l'Égypte nassérienne. Puis à la suite d’une répression qui
empêche les « Frères » d'accéder au pouvoir il radicalise son discours. Il prône l'usage de la violence
même contre un gouvernant musulman, en l’occurrence celui de Nasser sur l’ordre duquel il est
exécuté en 1966. Il met la violence au cœur de son projet politique et transforme la notion de Jihad,
littéralement « l'effort sur le chemin de Dieu ». De nombreux savants musulmans considérèrent
longtemps cet effort, cette lutte pour le chemin d’Allah, comme une lutte au sens spirituel. Désormais
cet effort est conçu comme une guerre pour l'islam.
La rupture par le biais du Jihad est bien le cœur du discours de Saïd Qotb (Sayyid Qutb) : plus que la
Charia ce qui importe c'est l'État islamique (islamiste) et l'ordre politique. Le projet global est
révolutionnaire. Il s’accompagne d’un recours assumé voire systématique à la violence, les
références à Lénine et au marxisme qu’il a étudié pendant son séjour aux Etats-Unis sont fréquentes.
Le djihad qui était d’abord un effort sur soi-même, est ainsi réinterprété dans le sens de la violence
révolutionnaire, avec une exaltation des martyrs et devient un quasi 6ème pilier de l’islam, pour
certains le plus important. Dans ce second temps le salafisme a connu une mutation déterminante, il
est devenu djihadiste.
Au delà de la nature de l’islamisme désormais un peu mieux cernée, il convient maintenant de faire
le pont avec la géopolitique par une « longue transition » qui devrait permettre de conduire aux
liens, voire aux mutations entre islamisme etvolutions arabes.
Le nouvel axe de réflexion doit permettre de voir l’entrée de l’islamisme sur la scène internationale,
c’est-à-dire d’aborder la réalité de la géopolitique de l’islamisme.
Le tournant véritable c’est l’année 1979 avec une accumulation de faits : une insurrection wahhabite
à la Mecque, la paix entre Israël et l’Égypte ressentie comme une trahison par les Salafistes, et
surtout la révolution en Iran et l’occupation de l’Afghanistan par l’URSS. Plus qu’un tournant ce
moment géopolitique est une rupture.
Lors de cette rupture de 1979 la réalité de l’islamisme est à visée nationale avec une double
implantation déterminante. Dans l’Iran de Khomeiny d’abord, c’est un islamisme chiite qui impulse
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !