Chirurgie des cavités postérieures de l`oreille moyenne et

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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 46-080
46-080
Chirurgie des cavités postérieures
de l’oreille moyenne et antroatticotomies
P Bordure
O Malard
Résumé. – La chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne a deux objectifs principaux. Le premier
est d’aborder directement et de traiter des lésions pathologiques localisées au niveau de ces cavités. Le
deuxième est d’aborder d’autres régions de l’oreille comme l’attique, la caisse du tympan, ou même l’oreille
interne. Les indications de cette chirurgie sont représentées principalement par le traitement de l’otite
chronique le plus souvent cholestéatomateuse. Deux types principaux d’interventions peuvent être proposés
dans ce cas : antroatticotomie ou mastoatticotomie dans lesquelles le conduit auditif est préservé, et la cavité
d’évidement où une partie du conduit auditif externe osseux est sacrifiée. Sa réalisation correcte nécessite un
abord adapté des tissus mous, en particulier la maîtrise du conduit osseux, en insistant particulièrement sur
l’alésage souvent nécessaire de ce dernier. Une méatoplastie est nécessaire lors de la réalisation des cavités
d’évidement pour assurer une bonne cicatrisation et une surveillance postopératoire dans de bonnes
conditions.
La chirurgie des cavités postérieures présente actuellement un regain d’intérêt depuis le développement des
implants cochléaires et d’oreille moyenne. Cette chirurgie implantatoire requiert une très bonne maîtrise de la
chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : mastoïdectomie, évidement d’oreille, tympanotomie postérieure, cholestéatome, implants,
méatoplastie.
Introduction
CAISSE DU TYMPAN
La chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne a deux
objectifs. Le premier est d’aborder directement et de traiter des
lésions pathologiques localisées au niveau de ces cavités.
Le deuxième objectif est d’aborder par ces cavités d’autres régions
de l’oreille moyenne, comme l’attique, grâce à une antroatticotomie,
ou la caisse du tympan par une tympanotomie postérieure. Les
indications de cette chirurgie sont dominées par l’otite chronique,
qu’elle soit cholestéatomateuse ou non cholestéatomateuse. Deux
principales interventions existent : l’antroatticotomie ou la
mastoatticotomie au cours desquelles le conduit osseux est conservé,
et la cavité d’évidement où le conduit osseux est sacrifié.
La chirurgie des cavités postérieures présente actuellement un regain
d’intérêt avec le développement des implants cochléaires et des
prothèses implantables d’oreille moyenne. La réalisation correcte de
cette chirurgie nécessite un abord adapté des tissus mous.
Enfin, une méatoplastie peut être nécessaire pour assurer une bonne
cicatrisation et permettre une surveillance clinique dans les
meilleures conditions.
Rappel anatomique
[1, 8]
L’oreille moyenne est divisée chirurgicalement en six régions.
Philippe Bordure : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Olivier Malard : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.
Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, place Alexis-Ricordeau, 44039 Nantes cedex 1,
France.
Elle comprend le mésotympanum ou atrium, l’hypotympanum, le
protympanum qui est l’orifice tubaire, le rétrotympanum avec le
sinus tympani, et l’épitympanum ou attique.
Le mésotympanum se situe médialement par rapport à la membrane
tympanique, au-dessous du canal du muscle tenseur du marteau et
de la deuxième portion du nerf facial, et en avant de la troisième
portion du nerf facial. C’est la zone fonctionnelle de l’oreille. Elle
doit être préalablement explorée avant la chirurgie des cavités
postérieures pour otite chronique.
ATTIQUE
Il est situé juste au-dessus de l’atrium, c’est-à-dire au-dessus du
canal du muscle tenseur du marteau et de la deuxième portion du
nerf facial. C’est aussi une zone fonctionnelle qui comprend la tête
du marteau et le corps de l’enclume. L’enclume est un excellent
repère chirurgical qui permet de se situer par rapport au nerf facial
grâce à sa courte apophyse, et par rapport à l’étrier qui peut être
noyé dans des fongosités, grâce à sa longue apophyse. La partie
antérieure de cette région, l’attique antérieure, pose des difficultés
dans la chirurgie de l’oreille moyenne car elle est camouflée par une
cloison osseuse descendant du tegmen tympani ; à ce niveau, le nerf
facial est très proche de la paroi médiale de l’attique [2].
ANTRE
C’est une des principales cavités postérieures constamment
présentes, même chez le nourrisson. Elle communique avec l’attique
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bordure P et Malard O. Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Techniques chirurgicales - Tête et cou, 46-080, 2002, 12 p.
Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
46-080
par l’aditus ad antrum. L’antre est limité en haut par le tegmen antri,
en arrière par le sinus latéral et médialement par le labyrinthe
osseux. L’aire triangulaire qui se situe en arrière de l’antre entre le
sinus latéral, le sinus pétreux supérieur et le labyrinthe osseux est
appelé triangle de Trautmann. Latéralement, l’antre est limité par
l’intermédiaire de la lame pétrosquameuse, par des cellules
superficielles qu’il ne faut pas confondre avec les cellules antrales
(cf fig 4D).
POINTE DE LA MASTOÏDE
Elle est occupée par deux groupes cellulaires d’importance variable,
séparés par la crête digastrique qui représente l’insertion
mastoïdienne du muscle digastrique. La crête digastrique marque
plus ou moins profondément le relief de la pointe mastoïdienne.
L’émergence du nerf facial au niveau du trou stylomastoïdien se
situe au niveau de l’extrémité antérieure de la crête digastrique. Le
groupe cellulaire profond de la pointe est en relation directe avec le
groupe cellulaire sous-facial.
Techniques chirurgicales
Évidement
Le terme d’évidement pétromastoïdien, ou plus simplement
évidement, est propre à la littérature médicale française. Sa
signification a été précisée depuis plus d’un siècle par Malherbe
dans sa thèse en 1895 : « une cavité d’évidement est définie par la
création d’une cavité unique, plus ou moins vaste, réunissant
l’ensemble des cavités atticales et mastoïdiennes avec le conduit
auditif externe, après suppression de la paroi postérieure et du mur
de la logette » [9]. L’évidement a été trop souvent assimilé à la radical
mastoidectomy décrite dans la littérature anglo-saxonne. Au contraire
de la radical mastoidectomy, la cavité d’évidement ne préjuge pas de
l’état du système tympano-ossiculaire qui peut être laissé en place,
ou reconstruit. Il s’agit dans ce dernier cas d’un évidement avec
tympanoplastie. Lorsque tous les reliquats tympano-ossiculaires sont
réséqués, il s’agit alors d’un évidement total.
Le terme de tympanoplastie en technique ouverte est parfois utilisé
pour désigner une cavité d’évidement avec tympanoplastie.
Une autre source de confusion est le terme d’évidement partiel, jadis
utilisé, car on ne sait pas si le caractère partiel porte sur la cavité ou
bien sur le contenu tympano-ossiculaire.
TRAÎNÉE INTERSINUSOFACIALE
C’est le groupe cellulaire situé entre la troisième portion du nerf
facial et le sinus latéral.
RÉGION SOUS-FACIALE
Elle est située médialement par rapport à la troisième portion du
canal facial. Il s’agit du prolongement de la traînée
intersinusofaciale. Elle est d’un volume très variable.
Définitions
[5, 7, 9, 15]
La chirurgie des cavités postérieures correspond à plusieurs
interventions selon l’importance de l’ouverture.
Antrotomie superficielle
C’est l’ouverture des cellules périantrales superficielles, sans ouvrir
nécessairement l’antre.
Antrotomie (ou puit antral)
C’est l’ouverture mastoïdienne limitée à l’antre.
Mastoïdectomie
Elle consiste à mettre à plat toutes les cellules mastoïdiennes, y
compris l’antre, et la traînée intersinusofaciale, la pointe, les cellules
sous-faciales. En fait, la mastoïdectomie simple est rarement
indiquée. Il s’agit le plus souvent d’une mastoatticotomie car s’il
existe des lésions inflammatoires, l’attique doit souvent être exploré.
Mastoatticotomie
C’est la mise à plat des cellules mastoïdiennes complétée par
l’ouverture de l’attique.
Antroatticotomie
C’est l’ouverture de l’attique par voie mastoïdienne. L’atticotomie
par voie mastoïdienne doit être distinguée de l’atticotomie
transcanalaire qui comporte le sacrifice d’une partie ou de la totalité
du mur de la logette. L’atticotomie transcanalaire ne se conçoit que
pour traiter un cholestéatome attical antérieur ou externe dont les
limites ont été précisées par le scanner, ou bien encore pour aborder
une ankylose de la tête du marteau. Dans tous les cas, le mur de la
logette doit être reconstruit.
Principes généraux
[7, 11, 12]
Le succès d’une intervention chirurgicale sur l’oreille moyenne
dépend non seulement de la bonne indication opératoire, de la voie
d’abord chirurgicale et de la qualité de la technique opératoire, mais
aussi de la préparation du patient au moment de l’intervention, ainsi
que du respect de certaines précautions pré- et peropératoires.
PRÉPARATION DU MALADE
L’installation en salle d’opération a un intérêt majeur, car une
mauvaise installation peut exposer à des gestes malencontreux du
fait d’un mauvais repérage anatomique.
Le plan mastoïdien doit être horizontal lorsque la tête est tournée en
position extrême à l’opposé de l’opérateur. Cela implique souvent
de mettre en place un coussin sous la tête du patient si celui-ci est
obèse, ou sous les épaules d’un sujet maigre ou d’un enfant.
Il vaut mieux ne pas attacher la tête, sauf en cas de difficultés de
rotation cervicale, afin de pouvoir tourner très facilement celle-ci et
obtenir un angle de vision adapté en fonction des besoins.
En cas de perforation tympanique, il faut veiller à ne pas mettre
directement de produits antiseptiques dans le conduit auditif, et
protéger la caisse par un fragment d’éponge avant de badigeonner
le champ opératoire. La plupart des antiseptiques utilisés en
chirurgie ont une ototoxicité potentielle (polyvidone, hexamidine).
La mise en place d’un système de monitorage du nerf facial est
recommandée, en particulier pour les opérateurs les moins
expérimentés, car un des risques majeurs de la chirurgie des cavités
postérieures est la lésion du nerf facial [13]. Comme tout système de
monitorage, son installation doit être particulièrement rigoureuse,
garante de sa fiabilité, et l’opérateur doit s’assurer tout au long de
l’intervention de son bon fonctionnement. Il n’a pas pour but de
remplacer la vigilance et l’expérience de l’opérateur, mais il constitue
un système d’alerte supplémentaire.
PRÉCAUTIONS PEROPÉRATOIRES
– L’opérateur doit veiller en permanence au respect des organes
nobles de l’oreille, c’est-à-dire l’oreille interne, le nerf facial, les
méninges et le sinus latéral.
Tympanotomie postérieure
– Pour parer le traumatisme cochléaire, il faut éviter tout contact
entre la fraise et la chaîne ossiculaire, en particulier avec l’enclume
lors d’une antroatticotomie ou d’une mastoatticotomie. Les fraises
coupantes sont plus nocives que les fraises diamantées.
C’est l’ouverture de la caisse par voie mastoïdienne aux dépens du
récessus facial.
– La durée du fraisage est aussi un élément important, et on a
intérêt à utiliser des fraises coupant très bien, avec un moteur
2
Techniques chirurgicales
Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
puissant, pour diminuer la durée du fraisage. Il faut utiliser des
aspirateurs de diamètre le plus petit possible, car le bruit généré par
l’aspiration est proportionnel au calibre de celle-ci.
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1
Voie rétroauriculaire
chez le nourrisson : la partie
inférieure de l’incision est
nettement à distance du
sillon rétroauriculaire et ne
doit pas dépasser l’horizontale passant par le plancher
du méat auditif externe.
– Protection du lambeau tympanoméatal en cas d’alésage : elle se
fait, soit en plaçant une petite éponge dans le conduit lors du
fraisage de la partie latérale, soit en intercalant une languette de
papier d’emballage de fil de suture entre la fraise et le lambeau lors
du fraisage de la partie médiale du conduit.
– Respect de la muqueuse de la caisse.
– Maîtrise du fraisage : il faut utiliser un matériel en parfait état,
des fraises coupant parfaitement. La pièce à main doit être tenue
comme un stylo en ayant de manière permanente des appuis sous
les avant-bras ou les mains. Le fraisage s’effectue avec le côté de la
fraise par des mouvements d’effleurement et dans un plan parallèle
à celui de l’organe sensible (fraisage parallèle au tegmen lors de sa
squelettisation). Il faut éviter de travailler en profondeur dans un
trou, et au contraire tenter toujours d’abaisser au maximum les
berges d’une cavité. Si on est obligé de travailler dans un trou, il est
plus prudent d’utiliser une curette.
– Nettoyage des cavités en fin d’intervention : il est important de ne
pas laisser dans les cavités postérieures, et surtout dans la caisse du
tympan, des fragments d’os ou de poudre d’os, car ils risquent
d’entraver le bon fonctionnement du système tympano-ossiculaire.
ABORD DES TISSUS MOUS ET FERMETURE
On a le choix entre deux voies d’abord : la voie rétroauriculaire et la
voie endaurale prolongée.
¶ Voie rétroauriculaire
[7, 12]
Pour donner le meilleur champ opératoire sur la mastoïde et surtout
sur l’attique, cette incision doit être non seulement postérieure mais
aussi supérieure. L’incision peut être située dans le sillon
rétroauriculaire, ce qui entraîne une cicatrice habituellement
invisible mais qui limite parfois l’accès à la partie postérieure d’une
cavité mastoïdienne très pneumatisée. D’autre part, certains patients
sont gênés lors du port de lunettes au niveau de l’extrémité des
branches en contact avec la cicatrice. L’incision peut être au mieux
réalisée à distance du sillon rétroauriculaire dans le cuir chevelu, ce
qui donne un accès beaucoup plus large.
Il est très important de réamarrer le lambeau fibropériosté souscutané pour éviter une sténose du conduit fibrocartilagineux par
collapsus de la conque. La suture cutanée est réalisée en deux plans
*
A
avec un plan sous-cutané au fil résorbable ou non résorbable et un
plan cutané avec un fil monobrin non résorbable.
Chez le nouveau-né et le nourrisson, la pointe mastoïdienne n’est
pas développée, et une incision rétroauriculaire classique risque de
léser le nerf facial. Chez le nourrisson jusqu’à 2 ans, l’incision doit
donc être la plus horizontale possible. Elle doit éviter la région du
sillon rétroauriculaire et la pointe mastoïdienne où le nerf facial est
très superficiel. En pratique, cette incision ne doit pas descendre
sous une ligne horizontale passant par le bord inférieur du méat
acoustique (fig 1).
¶ Voie endaurale prolongée
[5, 7]
(fig 2)
Pour donner un meilleur champ sur la mastoïde, l’incision doit être
prolongée au-dessus du pavillon très en arrière, puis descendre
éventuellement dans le cuir chevelu. En fin d’intervention, il est
important d’assurer la reconstruction du ligament antérieur du
pavillon, en réamarrant le ligament antérieur du pavillon à l’épine
de l’hélix.
*
B
*
C
2
Voie endaurale prolongée.
A. Incision cutanée. Pour avoir un bon accès à la pointe mastoïdienne, l’incision
peut être prolongée selon 1.
B. 1. Résection du triangle graisseux supraméatique.
C. Vue de la paroi latérale de la mastoïde après la mise en place des écarteurs autostatiques.
3
Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
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Techniques chirurgicales
Avantages de cette voie d’abord
3
Antrotomie. Ce schéma
montre l’alésage de la paroi
postérosupérieure du conduit.
A. Vue opératoire.
B. Coupe axiale oblique
passant par le conduit
auditif externe et le
puits antral.
Ils sont nombreux :
– un large accès à toute la région temporale et à l’aponévrose
temporale superficielle ;
– très bonne visibilité des différents éléments anatomiques du méat,
qui autorise une méatoplastie dans les meilleures conditions ;
– et enfin, c’est une voie qui peut être prolongée à la demande en
fonction des besoins d’accès aux cavités postérieures. En d’autres
termes, une intervention pour chirurgie d’otite chronique peut
débuter par une voie du conduit ou du spéculum ou bien une voie
endaurale a minima, et être élargie à une voie endaurale prolongée
s’il est nécessaire de réaliser un temps chirurgical sur les cavités
postérieures.
¶ Fermeture et méchage du conduit auditif
Le méchage du conduit auditif externe s’impose dès qu’il existe une
incision au niveau du méat. La membrane tympanique est couverte
par des fragments d’éponge résorbable. Un tampon expansible est
mis en place dans le conduit auditif externe. Une mèche imbibée de
pommade antibiotique est placée un niveau du méat, l’oreille
protégée par un pansement. Le déméchage a lieu entre le cinquième
et le huitième jour postopératoire.
Antrotomie ou puits antral
*
A
[1, 5, 7]
PRINCIPE
Toutes les interventions chirurgicales sur les cavités postérieures ont
en commun la réalisation d’une antrotomie qui consiste à ouvrir la
principale cellule mastoïdienne. On peut distinguer l’antrotomie
superficielle où les cellules périantrales superficielles sont ouvertes
sans aller jusqu’à l’antre, de l’antrotomie complète.
*
B
RÉALISATION PRATIQUE
La zone d’attaque initiale de l’antrotomie est la région sus- et
rétroméatique, située juste en arrière de l’épine de Henle (fig 3A).
L’antrotomie ne doit être réalisée qu’après avoir alésé la paroi
postérosupérieure du conduit (fig 3B). Cette notion est fondamentale
car si l’alésage est entrepris après l’antrotomie, sa réalisation peut
nécessiter d’entamer la partie latérale du conduit osseux. Il vaut
donc mieux réaliser l’alésage postérosupérieur en premier, pour
pouvoir amincir et rendre parfaitement rectiligne le conduit osseux.
Ceci facilitera le repérage du nerf facial et de l’enclume, ainsi que la
réalisation d’une éventuelle tympanotomie postérieure.
Lors de la réalisation d’une antrotomie, il faut penser à :
– respecter le sinus sigmoïde qui est parfois très procident et très
superficiel, et qui peut être lésé dès les premiers tours de fraise ;
– éviter de léser la dure-mère temporale, en la squelettisant avec
une fraise non agressive, et des mouvements parallèles au tegmen ;
– respecter le coude du nerf facial et le labyrinthe postérieur. Pour
cela, il faut au moindre doute se repérer en profondeur par rapport
au sillon tympanique. Ce plan du sillon tympanique ne doit jamais
être dépassé sans prendre d’autres repères tels que la courte
apophyse de l’enclume. Le fraisage doit être réalisé avec des fraises
mordantes mais non agressives vis-à-vis de la dure-mère ou du sinus
latéral. Pour cela, l’utilisation de fraise conique paraît parfaitement
adaptée. Il faut éviter de réaliser un forage à l’aveugle par un orifice
étroit, mais au contraire élargir d’emblée les cavités, en dessinant un
triangle dont les côtés sont représentés par :
– la paroi antérieure parallèle au conduit osseux ;
– la paroi postérieure parallèle au trajet du sinus latéral ;
– la paroi supérieure parallèle au tegmen.
INDICATIONS
¶ Antrotomie superficielle
Elle permet de vérifier la perméabilité antroatriale lorsque la
mastoïde est très pneumatisée. De plus, elle constitue une prise d’air
4
neutralisant l’hyperpression induite par la diffusion du protoxyde
d’azote dans l’oreille moyenne au cours de l’anesthésie générale.
Cette hyperpression est parfois très gênante lors de la réalisation
d’une myringoplastie, car elle provoque souvent un bombement
majeur de la greffe.
¶ Antrotomie ou puits antral
Elle permet de vérifier la perméabilité antroatriale lorsque
l’ouverture des cellules superficielles est insuffisante. C’est un temps
préalable à l’exploration des cavités postérieures à la recherche
d’éventuelles lésions inflammatoires mastoïdiennes, et en précisant
l’état de la muqueuse de la région antrale.
Mastoïdectomie
PRINCIPE
C’est la mise à plat de toutes les cellules mastoïdiennes. Le plus
souvent, le chirurgien est amené à réaliser une mastoatticotomie car
les lésions inflammatoires n’épargnent que rarement l’attique. Le
temps initial de la mastoïdectomie est l’antrotomie.
La mastoïdectomie impose la squelettisation du tegmen et du sinus
latéral situés respectivement en haut et en arrière ; puis en avant,
l’amincissement du conduit osseux aux dépens de sa paroi
postérieure. Il est important de rester toujours latéral par rapport à
la courte apophyse de l’enclume et au relief du canal semi-circulaire
latéral.
RÉALISATION PRATIQUE
– L’incision doit être prudente en cas d’abcès sous-périosté pour
éviter de léser la méninge ou le sinus sigmoïde qui pourraient être
dénudés. La même prudence est de mise lors d’une reprise
chirurgicale.
Techniques chirurgicales
Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
*
A
*
C
4
Mastoïdectomie. CL : canal semi-circulaire latéral ; CP : canal semi-circulaire postérieur ; SL : sinus latéral ; VII : canal facial.
A. Antrotomie et mise à plat des cellules superficielles : le tegmen antri est squelettisé dans sa partie latérale.
B. L’antre a été largement ouvert et la squelettisation a été menée au niveau du tegmen, du sinus latéral, de l’angle sinusodural postérieur ainsi qu’au niveau de la
paroi postérosupérieure du conduit osseux : les traînées intersinusofaciales et rétrosinusiennes ont été mises à plat, et le sinus latéral a été squelettisé ;
– Une antrotomie est réalisée (fig 4A).
– L’intervention se poursuit par la mise à plat des cellules
intersinusofaciales (fig 4B).
– Évidement de la région de la pointe : l’évidement complet de la
pointe nécessite d’effondrer entièrement la corticale externe. La crête
digastrique doit être rapidement repérée pour contrôler le danger
principal représenté par le nerf facial qui émerge de la mastoïde au
trou stylomastoïdien. Pour maîtriser ce danger, il faut d’abord
parachever la squelettisation du sinus latéral dans sa partie
inférieure, en sachant que le point le plus déclive du bord antérieur
du sinus se trouve à une distance de 4 à 9 mm en arrière du nerf
facial. La crête digastrique est ensuite squelettisée d’arrière en avant.
Son identification est parfois difficile, et on peut créer facilement une
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*
B
*
D
évidement de la pointe de la mastoïde ; repérage de la troisième portion du nerf facial.
C. Ouverture de la traînée cellulaire sous-faciale en maîtrisant le danger du canal
semi-circulaire postérieur et après avoir repéré impérativement la troisième portion du nerf facial dans la partie inférieure.
D. Coupe axiale du rocher droit montrant la lame pétrosquameuse (flèche) séparant médialement l’antre des cellules superficielles latérales.
fausse crête digastrique. Pour éviter cela, on a intérêt à dénuder le
muscle digastrique dans sa partie postérieure, et à poursuivre la
squelettisation vers l’avant.
– Évidement de la région sous-faciale (fig 4C) : cette région apparaît
comme le prolongement de la traînée intersinusofaciale. Elle est
située médialement par rapport à la troisième portion du nerf facial,
et sous le canal semi-circulaire postérieur. La mise à plat de cette
région nécessite d’avoir squelettisé parfaitement le sinus latéral, et
surtout d’avoir identifié la moitié inférieure de la troisième portion
du canal facial.
Le canal semi-circulaire postérieur doit être respecté en évitant de
dépasser vers le haut une ligne passant par l’axe de la courte
apophyse de l’enclume. D’autre part, le golfe de la jugulaire peut
5
Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
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être lésé accidentellement dans la partie profonde de la région sousfaciale, et il convient donc d’être prudent à ce niveau.
La mastoïdectomie est complétée par la mise à plat des cellules
rétrosinusales, du récessus zygomatique, et des cellules temporales
superficielles qui sont souvent siège d’ostéite chez l’enfant qui
présente une mastoïdite.
Le risque cochléaire est pratiquement nul en cas d’interruption de la
chaîne ossiculaire. Mais en cas de chaîne continue, le moindre
contact ossiculaire avec une fraise doit être évité en permanence.
Les différents temps de l’intervention sont les suivants.
– Premier temps : mastoïdectomie ou antrotomie.
– Deuxième temps : repérage de la région de la fossa incudis qui est
proche de la partie postérieure du relief du canal semi-circulaire
latéral et de la partie la plus postérieure du conduit osseux (fig 5A).
Parfois, le repérage de cette zone est difficile car le relief du canal
latéral est peu visible.
INDICATIONS
– Mastoïdite est ostéite mastoïdienne.
– Abord de la troisième portion du nerf facial.
– Abord du sac endolymphatique.
– Abord translabyrinthique.
– Préalable à la mise en place d’un implant cochléaire ou de
certaines prothèses implantables d’oreille moyenne.
Antroatticotomie
et mastoatticotomie
Techniques chirurgicales
[3, 5, 7, 12]
PRINCIPE
Le but de ces interventions est d’accéder à l’attique par voie
mastoïdienne. La principale difficulté tient au risque cochléaire lors
du fraisage accidentel des osselets dès lors que la chaîne ossiculaire
est continue. Une deuxième difficulté est la conservation du conduit
auditif, et en particulier du mur de la logette en cas de procidence
du tegmen.
– Troisième temps : réalisation d’une tranchée osseuse dans le
massif attical en squelettisant le tegmen qui est un repère
fondamental. En effet, on diminue nettement le risque de fraisage
accidentel de l’enclume ou du canal facial en restant au ras du
tegmen temporal. Lors de la réalisation de cette tranchée atticale, il
faut conserver une lamelle osseuse de protection ossiculaire (fig 5A).
– Quatrième temps : découverte de la courte apophyse de
l’enclume, et abord de la logette des osselets. La découverte de la
courte apophyse de l’enclume s’effectue à la curette, en exerçant des
mouvements de bas en haut, et en tournant la tête de l’opéré en
position opposée à celle de l’opérateur. Une fois l’enclume repérée,
l’atticotomie peut être poursuivie à la fraise diamantée. Lorsque le
contact ossiculaire est proche, mieux vaut utiliser une curette.
INDICATIONS
RÉALISATION PRATIQUE (fig 5)
Ces interventions sont principalement indiquées pour le traitement
des lésions inflammatoires de l’otite chronique cholestéatomateuse
ou non cholestéatomateuse. Elles sont aussi indiquées pour le
traitement des séquelles de l’otite chronique, et en particulier pour
la cure d’ankylose de la tête du marteau.
Il est indispensable de vérifier préalablement la continuité de la
chaîne ossiculaire en explorant la région incudostapédienne.
Elle représente aussi le premier temps chirurgical pour aborder les
trois portions du nerf facial.
*
B
*
A
5
Mastoatticotomie. CL : canal semi-circulaire latéral ; CP : canal semi-circulaire
postérieur ; SL : sinus latéral ; VII : nerf facial ; E : enclume.
A. Repérage de la zone des osselets au niveau de la verticale passant par la paroi
postérieure du conduit osseux et lorsque apparaît la partie postérieure du canal
semi-circulaire latéral : encoche atticale en laissant un mur de protection ossicu6
laire (1) ; la tête de l’opéré est tournée vers le côté opposé à celui de l’opérateur pour
mieux voir la courte apophyse de l’enclume.
B. Ouverture de l’attique d’arrière en avant ; la curette doit être utilisée dès qu’on
se trouve près de l’enclume.
Techniques chirurgicales
Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
46-080
*
A
*
B
6
Tympanotomie postérieure. CL : canal semi-circulaire latéral ; CP : canal semicirculaire postérieur ; VII : nerf facial.
A. Zone de résection qui correspond au récessus facial (en rouge).
B. Importance de l’alésage de la paroi postérosupérieure du conduit qui doit donner une
double vision à la fois sur le sulcus et sur la zone de tympanotomie.
C. Tympanotomie postérieure avec conservation d’un pont osseux de protection de l’enclume.
*
C
Tympanotomie postérieure
[3, 5, 7, 12]
– la tympanotomie postérieure et inférieure où persiste un pont
osseux de protection de l’enclume (fig 6C).
PRINCIPE
RÉALISATION PRATIQUE
C’est l’ouverture de la caisse du tympan par voie mastoïdienne aux
dépens du récessus facial (fig 6A). Le récessus facial correspond à
un triangle osseux délimité médialement par le nerf facial,
latéralement par la corde du tympan, et en haut par la fossa incudis.
La réalisation correcte d’une tympanotomie postérieure impose,
d’une part un alésage du conduit auditif externe qui doit être
parfaitement rectiligne, d’autre part d’abaisser le plus possible les
berges postérieures et supérieures de la cavité mastoïdienne. Les
risques de cette intervention sont d’abord la labyrinthisation par
contact de la fraise avec l’enclume, l’atteinte du nerf facial, et enfin
l’encoche accidentelle du sulcus par une tympanotomie postérieure
trop latérale.
On peut distinguer trois types de tympanotomie postérieure :
Préalablement à la tympanotomie postérieure, il est nécessaire de
réaliser une antroatticotomie ou une mastoatticotomie. Les berges
supérieures et postérieures de la cavité doivent être abaissées au
maximum pour ne pas limiter les mouvements de la fraise au niveau
de la région du récessus facial. Le conduit auditif externe dans sa
partie postérieure et supérieure doit être parfaitement rectiligne, et
surtout aminci, aussi bien dans sa partie latérale que dans sa partie
médiane. Cet alésage du conduit doit permettre de voir, d’un seul
coup d’œil du côté tympanique, la région incudostapédienne et le
sulcus, et de l’autre côté du conduit, l’enclume ainsi que la zone
d’attaque de la tympanotomie postérieure (fig 6B). Cette zone
d’attaque est située dans un plan passant par la courte apophyse de
l’enclume, juste au-dessous de l’extrémité de la courte apophyse.
Un pont osseux de protection doit être laissé si la chaîne est continue
et mobile. Il n’y a pas de risque de lésion du nerf facial si on prend
garde à ne pas dépasser médialement cette frontière. D’autre part,
l’intégrité du sulcus peut être assurée par la double vision de part et
d’autre du conduit. La tympanotomie postérieure est ensuite
– la tympanotomie postérieure et supérieure qui correspond à
l’amincissement de la portion postérieure du mur de la logette ;
– la tympanotomie postérieure complète qui comporte l’ouverture
de tout le récessus facial ;
7
Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
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*
A
7
Tympanotomie postérieure.
A. Implant cochléaire. Tympanotomie postérieure et inférieure pour la mise en
place d’un implant cochléaire. La région de la fenêtre ronde doit être bien dégagée.
La cochléostomie a été réalisée.
prolongée vers le bas. Le fraisage doit être beaucoup plus prudent
vers le bas, du fait de la latéralisation progressive du nerf facial qui
rejoint la corde du tympan à la partie inférieure de la tympanotomie.
CAS PARTICULIERS
¶ Implant cochléaire
*
B
B. Prothèse implantable d’oreille moyenne. Tympanotomie postérieure très large,
qui doit laisser passer la masse flottante de la prothèse Vibrant Soundbridget. 1.
Tendon du muscle de l’étrier ; 2. masse flottante ; 3. clip sur la branche descendante de l’enclume.
récessus pouvant entretenir un foyer d’infection : fossette sustubaire, saillie du bec du nerf facial, mur du nerf facial et pointe
mastoïdienne.
Ainsi, les qualités fondamentales d’une cavité d’évidement sont le
caractère régulier et harmonieux ainsi qu’une taille de méat adaptée
au volume de la cavité.
[6]
Une tympanotomie postérieure et inférieure est réalisée afin de
visualiser la région de la fenêtre ronde (fig 7A). C’est par cette
tympanotomie postérieure qu’est glissé le porte-électrodes jusque
dans la rampe tympanique de la cochlée. Il est important de ne pas
dénuder le nerf facial afin d’éviter des stimulations faciales
indésirables lors du fonctionnement de l’implant.
¶ Prothèse implantable d’oreille moyenne du type
Vibrant Soundbridget [14]
La mise en place de ce type de prothèse impose la réalisation d’une
tympanotomie postérieure très large, d’une hauteur de 3 mm, pour
laisser passer la masse flottante qui sera amarrée à l’enclume (fig 7B).
Pour cela, il est souvent nécessaire de parfaitement visualiser la
corde du tympan et le canal facial au niveau de son coude. Il est
important de laisser un auvent osseux de protection en regard de la
courte apophyse de l’enclume, mais celui-ci ne doit pas être trop
marqué pour ne pas gêner la visualisation de la branche
descendante de l’enclume sur laquelle sera amarrée la masse
flottante.
INDICATIONS
– Otites chroniques : la tympanotomie postérieure peut avoir deux
intérêts dans l’otite chronique. La tympanotomie postérieure a pour
objectif principal de réséquer des lésions inflammatoires ou
épidermiques au niveau du récessus facial. Il s’agit dans ces cas
d’une tympanotomie postérieure complète. Elle peut avoir aussi un
rôle d’aération, en assurant une communication large entre la caisse
du tympan et les cavités postérieures. Dans ce cas, une
tympanotomie postérieure et supérieure suffit.
– Chirurgie du nerf facial : l’exposition du coude du nerf facial
nécessite la réalisation d’une tympanotomie postérieure complète.
– Implant cochléaire.
– Prothèse implantable d’oreille moyenne.
Cavité d’évidement
[3, 5, 7, 12]
PRINCIPE
La mise à plat de l’ensemble des cavités mastoatticales doit
permettre un accès à toutes les zones de l’oreille moyenne, d’une
part pour la surveillance otoscopique, d’autre part pour éviter tout
8
Techniques chirurgicales
RÉALISATION PRATIQUE (fig 8A)
L’intervention peut être décomposée en huit temps opératoires.
– Premier temps : exploration de la caisse et mastoatticotomie.
– Deuxième temps : suppression du mur de la logette et de la paroi
postérieure du conduit osseux. La région du bec du facial est
régularisée à la fraise diamantée afin de mettre à plat complètement
le récessus facial (fig 8B).
– Troisième temps : abaissement de la berge mastoïdienne
postérieure, parfois aux dépens des cellules rétrosinusiennes.
L’abaissement de la hauteur des berges de la cavité est un élément
essentiel pour réduire son volume final, par diminution de sa
hauteur.
– Quatrième temps : régularisation de la pointe. Dans le cas où la
mastoïde est très éburnée, une simple régularisation de la région de
la pointe suffit. Dans les autres cas, lorsque la mastoïde est très
pneumatisée, la corticale mastoïdienne de la pointe est
complètement effondrée jusqu’au niveau de la crête digastrique,
c’est-à-dire l’insertion du ventre postérieur du muscle digastrique.
La pointe est alors complètement mise à plat.
– Cinquième temps : abaissement du mur du nerf facial. Ce temps
ne doit être amorcé que si tous les autres temps précédents ont été
correctement réalisés, en particulier la régularisation de la région du
bec du nerf facial. En effet, si le nerf facial est bien repéré au niveau
du coude d’une part, d’autre part en bas au niveau de l’extrémité
antérieure de la crête digastrique, le mur du facial peut être abaissé
sans risque. Une grosse fraise diamantée doit être utilisée dès qu’on
se trouve à proximité du nerf, et sous bonne irrigation.
– Sixième temps : régularisation de l’attique. La fossette sus-tubaire
qui correspond au récessus épitympanique antérieur, située en avant
du tendon du muscle tenseur du marteau, doit être généralement
largement ouverte pour être explorée. Son ouverture nécessite
d’effondrer une cloison osseuse dont l’insertion médiale est en
rapport très intime avec la première portion du nerf facial et le
ganglion géniculé.
– Septième temps : régularisation de la berge supérieure et de
l’angle intersinusodural.
– Huitième temps : régularisation des parois antérieures et
inférieures du conduit osseux.
En fin d’intervention, la cavité ne doit présenter aucun relief aigu,
aucun récessus. L’impression est, en fait, autant tactile que visuelle.
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VII
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Évidement pétromastoïdien.
A. Les huit temps opératoires de l’évidement.
1. Mastoatticotomie. 2. Suppression du mur de la logette et de la paroi postérieure du
conduit osseux, et régularisation de la région du bec du facial. 3. Abaissement de la
berge mastoïdienne postérieure. 4. Régularisation de la pointe. 5. Abaissement du mur
du facial. 6. Régularisation de l’attique. 7. Régularisation de la berge supérieure de la
cavité. 8. Mise à plat et régularisation des parois inférieures et antérieures.
B. Abaissement du mur du facial. CSCL : canal semi-circulaire latéral ; VII : nerf facial.
C. Aspect terminal d’une cavité d’évidement. 1. Processus cochléariforme ; 2. étrier ; 3.
protympanum ; 4. pyramide ; 5. fenêtre ronde ; 6. canal facial ; 7. tegmen ; 8. canal
semi-circulaire postérieur ; 9. canal latéral ; 10. sinus latéral ; 11. crête digastrique.
*
C
INDICATIONS
Elles sont dominées par la chirurgie de l’otite chronique
cholestéatomateuse. On peut être aussi amené à réaliser une cavité
d’évidement pour réséquer des tumeurs primitives de l’oreille
moyenne ou étendues à l’oreille moyenne : c’est le cas par exemple
des paragangliomes tympaniques. La décision d’évidement dans le
cas des otites cholestéatomateuses peut être prise avant
l’intervention en fonction de l’étendue des lésions à l’examen
tomodensitométrique, des possibilités de surveillance du patient, du
nombre d’interventions déjà effectuées, mais aussi pendant le temps
d’exploration chirurgicale, en fonction des données anatomiques.
Une importante pneumatisation oblige à abaisser au maximum les
berges d’une cavité, et fait discuter un comblement pour diminuer
le volume de la cavité. Mieux vaut dans ces cas tenter de conserver
le conduit osseux et réaliser une technique fermée. Une procidence
importante des méninges et du sinus latéral peut gêner la réalisation
d’une atticotomie antérieure ou d’une tympanotomie postérieure, et
fera discuter un évidement. L’otite ostéomateuse représente
l’extrême où les repères classiques sont pris dans un bloc osseux.
Dans ce cas, la cavité d’évidement est l’option la moins périlleuse.
En pratique, la solution qui s’impose souvent est de commencer par
une antroatticotomie ou une mastoatticotomie, et de ne faire un
évidement qu’après avoir rassemblé toutes les données de
l’exploration chirurgicale.
CAVITÉ INCOMPLÈTE
Aucun compromis ne doit être fait sur l’ouverture de la paroi
postérieure du conduit, car les abaissements incomplets du massif
du nerf facial et les antrotomies transcanalaires sans reconstruction
du mur de la logette sont source de rétention, de surinfection et de
récidive de cholestéatome. En revanche, la conservation du mur de
la logette peut parfois se justifier lorsque les lésions respectent
l’attique antérieur. Il est alors possible de conserver le mur de la
logette et de fermer l’attique en arrière par un fragment de cartilage,
évitant ainsi les rétractions atticales et sus-tubaires, parfois source
de rétention.
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A
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Tympanoplastie et évidement.
A. Myringostapédopexie. 1. Fenêtre ronde ; 2. étrier ; 3. nerf facial.
B. Prothèse partielle en titane avec conservation de la superstructure de l’étrier.
C. Schéma d’une tympanoplastie type 4 de Wullstein lorsque la superstructure de l’étrier est détruite, avec
création d’une petite caisse. 1. Fenêtre ronde ; 2. étrier ; 3. nerf facial.
*
C
ÉVIDEMENT ET TYMPANOPLASTIE
Une tympanoplastie n’est pas contradictoire avec une cavité
d’évidement. Une myringoplastie réalisée en glissant un fragment
d’aponévrose temporale sous les reliquats de la membrane
tympanique permet d’éviter une otorrhée tubaire.
Une ossiculoplastie peut être aussi réalisée comme dans une
technique fermée, soit d’emblée, soit dans un deuxième temps
opératoire.
Lorsque la superstructure de l’étrier est préservée, celle-ci peut être
rehaussée simplement par un petit fragment de cartilage. Dans
certains cas, même en l’absence de reconstruction ossiculaire, une
myringostapédopexie peut donner un excellent résultat fonctionnel
(fig 9A).
L’utilisation d’une autogreffe ossiculaire ou d’une prothèse en
biomatériaux (fig 9B) est souvent possible.
En l’absence de superstructure de l’étrier, l’amélioration de
l’audition peut être réalisée grâce à une petite caisse (tympanoplastie
de type IV de Wullstein), qui rétablit le déphasage physiologique
entre fenêtre ovale et fenêtre ronde (fig 9C) [16].
REVÊTEMENT MASTOÏDIEN
L’épidermisation directe à partir de l’os est souvent lente et de
mauvaise qualité. Il est donc avantageux de tapisser les parois de la
cavité par un très large fragment d’aponévrose temporale ou de
périoste temporal pour apporter un sous-sol conjonctif favorable à
une épidermisation. Cette épidermisation peut être accélérée par
l’utilisation de fragment de greffe de peau comme les greffes de
Davis.
COMBLEMENT DE LA CAVITÉ
La présence de cavités postérieures très pneumatisées incite à
réaliser un comblement partiel de cette cavité pour en limiter sa
taille et assurer une meilleure tolérance. À côté de ses avantages, le
10
principal inconvénient de cette technique est de couvrir et d’enclore
un éventuel reliquat de cholestéatome qui peut évoluer en
profondeur et se révéler, à un stade tardif, par des complications.
Différentes techniques ont été proposées pour réaliser ce
comblement. Tout d’abord, le comblement par lambeau
conjonctivomusculaire dont le plus connu est le lambeau
fibropériosté mastoïdien pédiculé sur le pavillon ou lambeau de
Palva [10]. D’autres types de lambeaux peuvent être utilisés : lambeau
fibropériosté à pédicule périmastoïdien, lambeau musculoaponévrotique temporal à pédicule temporal antérieur ou postérieur,
et enfin le lambeau de fascia temporal superficiel avec un pédicule
axé sur l’artère temporale.
La poudre d’os mélangée à de la colle biologique (« bone paté »)
constitue un matériau de comblement intéressant. Il importe de
tapisser toute la surface libre de ce comblement par un large
fragment aponévrotique, en sachant qu’une partie de ce comblement
va se résorber avec le temps.
Enfin, les biomatériaux représentent une alternative intéressante, en
particulier les granulés de céramique phosphocalcique tels que le
macroporous biphasic calcium phosphate (MBCP) [ 4 ] . Après
humidification préalable de ces granulés dans du sérum
physiologique, ils sont mélangés à de la colle biologique et de la
poudre d’os. Dans ce cas aussi, il est important de recouvrir
totalement le biomatériau par un fragment de tissu conjonctif, pour
éviter sa migration.
MÉATOPLASTIE (fig 10)
[7, 12]
Elle constitue la dernière étape de l’intervention, mais détermine en
grande partie la réussite et la bonne tolérance de la cavité
d’évidement. Sa taille doit être adaptée au volume de la cavité ; c’està-dire qu’une grande cavité doit bénéficier d’une vaste méatoplastie
alors qu’une petite cavité peut se contenter d’un méat acoustique
externe de taille normale. La voie endaurale élargie donne un accès
très confortable au méat. On peut réaliser ainsi une méatoplastie
Techniques chirurgicales
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A
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Méatoplasties dans les cavités d’évidement.
A. Méatoplasties : 1. Extracartilagineuse ; 2. Transcartilagineuse.
B. Méatoplastie extracartilagineuse.
C. Méatoplastie transcartilagineuse.
*
C
extracartilagineuse, respectant le cartilage conchal, ou bien une
méatoplastie transcartilagineuse emportant un fragment de cartilage
conchal et donnant un méat beaucoup plus large.
FERMETURE
La cavité est couverte de fragments d’éponges résorbables, et une
mèche iodoformée est insérée dans la cavité.
Soins postopératoires et surveillance
ANTIBIOTHÉRAPIE
L’attitude adoptée est différente selon que l’oreille opérée est sèche
ou qu’elle est infectée au moment de l’intervention.
Si l’oreille est sèche, une antibiothérapie prophylactique peut être
proposée. C’est une antibiothérapie peropératoire et éventuellement
postopératoire de courte durée, inférieure à 48 heures. Si l’oreille est
infectée, une antibiothérapie s’impose jusqu’au déméchage. Elle doit
être ciblée, en particulier vis-à-vis de Pseudomonas aeruginosa et du
staphylocoque doré, et au mieux être adaptée aux données d’un
examen bactériologique préopératoire.
chondrite. Le déméchage est effectué entre le cinquième et le
huitième jour. Une intervention sur oreille infectée incite à démécher
plus précocement vers le cinquième jour.
La rigueur des soins opératoires est indispensable pour obtenir une
bonne cicatrisation. Les tissus bourgeonnants sont réséqués à la
pince ou cautérisés avec un Coton-Tiget imbibé d’acide
trichloracétique dilué au tiers. Un traitement par gouttes
antibiocorticoïdes limite le bourgeonnement et favorise la
cicatrisation. Il faut toutefois être sûr que la caisse du tympan est
étanche pour utiliser ce type de goutte. En l’absence de membrane
tympanique étanche, il est impératif d’utiliser des gouttes non
ototoxiques (fluoroquinolone, rifamycine). Le patient est revu
15 jours après, puis toutes les 3 ou 4 semaines jusqu’à cicatrisation
complète. Cette cicatrisation s’effectue en moyenne en 2 mois pour
les cavités d’évidement et 3 semaines pour les techniques fermées.
Pendant la période de cicatrisation, les bains sont à proscrire. En
revanche, une cavité d’évidement bien cicatrisée ne contre-indique
pas systématiquement les activités nautiques, excepté la plongée
sous-marine.
COMPLICATIONS
¶ Complications peropératoires
SOINS LOCAUX ET SURVEILLANCE
Après toute chirurgie des cavités postérieures, en particulier après
un évidement, il est indispensable de surveiller l’état du pavillon
pendant les jours qui suivent l’opération afin de dépister une
Blessure du sinus latéral
Elle est contrôlée le plus souvent par un tamponnement de
Surgicelt.
11
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Chirurgie des cavités postérieures de l’oreille moyenne et antroatticotomies
Blessure de la dure-mère
Elle peut survenir très précocement dès le début de l’antrotomie si
la dure-mère est très procidente, ou si l’antrotomie est amorcée trop
haut par rapport aux repères habituels. La dénudation de la duremère est un incident mineur si sa surface est réduite. Au-delà de
1 cm, le defect doit être comblé par du cartilage ou un fragment
d’os, car il peut être source d’une hernie méningée ou
méningoencéphalique.
Une hémorragie d’un vaisseau dure-mérien est stoppée par un
tamponnement de Surgicelt ou une coagulation bipolaire. En cas de
fuite de liquide céphalorachidien, on peut agrandir légèrement le
defect osseux avec une fraise diamantée et glisser un fragment
d’aponévrose temporale entre l’endocrâne et la dure-mère.
Fistule du canal semi-circulaire latéral
Lorsqu’on suspecte une fistule du canal semi-circulaire latéral, soit
devant l’imagerie tomodensitométrique, soit par l’importance de
l’étendue du cholestéatome lors de l’intervention, il convient de
terminer la dissection par la région du canal latéral. Deux options
doivent être discutées : soit laisser en place la matrice de
cholestéatome sur la fistule bouchée, soit tenter une dissection
minutieuse de la matrice épidermique qui peut adhérer au
labyrinthe membraneux. Dans ce cas, la fistule doit être recouverte
rapidement d’un greffon d’aponévrose temporale.
Lésion du nerf facial
Une lésion peropératoire du nerf facial implique sa réparation
immédiate qui est le plus souvent une résection de la partie lésée du
Techniques chirurgicales
nerf facial avec interposition d’un greffon aux dépens du plexus
cervical superficiel.
¶ Complications postopératoires
Paralysie faciale
En cas de paralysie faciale postopératoire, il est important de savoir
si celle-ci est survenue dès le réveil ou si elle est apparue après un
temps de latence le lendemain ou le surlendemain. En cas de
paralysie faciale secondaire, le traitement consiste en un déméchage
et une corticothérapie générale. Si la paralysie faciale est survenue a
priori d’emblée, et si l’opérateur est sûr de ne pas avoir lésé le nerf
facial, on réalise le même traitement. Si l’opérateur a des doutes, il
faut alors proposer une intervention exploratrice le plus rapidement
possible.
L’apparition d’une paralysie faciale postopératoire secondaire et
tardive à partir de la troisième semaine doit faire évoquer en priorité
le diagnostic de tuberculose de l’oreille moyenne.
Chondrite
C’est une complication redoutée, en particulier dès qu’il y a mise à
nu de cartilage. Elle survient le plus souvent après un évidement
associé à une méatoplastie transcartilagineuse. Les premiers signes
apparaissent souvent précocement dès la 48e heure, avec douleurs,
inflammation et rougeur des téguments du pavillon de l’oreille. La
constatation d’une chondrite débutante nécessite une antibiothérapie
par voie générale orientée contre Pseudomonas aeruginosa et le
staphylocoque doré.
Références
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York : Chuchill Livingstone, 1988
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l’otite chronique chez l’adulte. Paris : Arnette, 1966
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