
Manuel Quinon et Arnaud Saint-Martin                                                                     5 
 
 
un petit détour par le passé est peut-être ici nécessaire, afin que le lecteur de 2015 
saisisse le point de départ de notre propre canular. 
« L’affaire Sokal » commence lorsqu’en 1996, le physicien new-yorkais Alan Sokal 
parvient à publier, dans la revue d’études culturelles Social Text, un article truffé 
d’inepties pseudo-scientifiques, intitulé : « Transgresser les frontières : vers une 
herméneutique transformative de la gravitation quantique »9. À travers son canular, 
le but de Sokal était, d’une part, de critiquer l’utilisation abusive, par un courant de 
pensée qualifié par lui de « postmoderne », de concepts scientifiques à peine digé-
rés afin de simuler un fondement « savant » à une prose absconse et à un projet 
politique censément de « gauche » ; et, d’autre part, de préserver ladite pensée de 
gauche des errements rhétoriques et pseudo-savants, qui s’avèrent en réalité contre-
productifs. Une année après la publication et la révélation de son canular, Sokal 
publiera en France, avec le physicien belge Jean Bricmont, l’ouvrage Impostures 
intellectuelles, qui reviendra en détail, avec le même objectif à la fois épistémolo-
gique et politique qui avait présidé au « hoax » initial, sur l’étayage pseudo-
scientifique de pensées et de penseurs français (J. Lacan, B. Latour, J. Kristeva, J. 
Baudrillard, G. Deleuze, F. Guattari, L. Irigaray, P. Virilio, M. Serres), pour la plu-
part d’entre eux considérés comme « de gauche », et pour certains adulés dans les 
départements de cultural studies américains, avides de « French Theory ». Face aux 
critiques pourtant serrées de Sokal et Bricmont, les « intellectuels » incriminés, ou 
leurs défenseurs zélés, balaieront la plupart du temps les arguments d’un simple 
revers de main, et n’hésiteront pas à invoquer, pour toute réponse, le complot des 
positivistes et conservateurs « américains », cette véritable « police de la pensée » 
marquée par la « haine de la philosophie »10…  
L’affaire Teissier, quant à elle, si elle n’a pas eu le retentissement international de 
l’affaire Sokal, n’en est pas moins importante en ce qui concerne les questions épis-
témologiques qu’elle a soulevées, et nous rapproche de l’objet de notre propre ca-
nular et du présent texte : le « maffesolisme ». En avril 2001, l’ancien mannequin, 
actrice, et astrologue hautement médiatique Élizabeth Teissier (née Germaine Han-
selmann), connue notamment pour ses horoscopes dans l’hebdomadaire à grand 
tirage Télé 7 Jours, ses divers shows télévisés, ou encore son activité de conseil au-
près de l’ancien Président de la République François Mitterrand, soutient en grande 
pompe, à l’Université Paris 5 (aujourd’hui Paris-Descartes), une thèse de doctorat 
de sociologie, intitulée : « Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambiva-
lence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes »11. Dirigée par M. Maffesoli, la 
 
9 A. Sokal, « Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of 
Quantum Gravity », Social Text, n° 46/47, printemps/été 1996, p. 217-252. 
10 Voir la seconde édition d’Impostures intellectuelles, qui recense ces « critiques », composées 
pour la plupart de divertissants procès d’intention et de très sophistiques arguments ad ho-
minem (A. Sokal et J. Bricmont, Impostures intellectuelles, Paris, Livre de Poche, 1999). Voir 
encore l’excellent article-canular de Pascal Engel, qui propose, sous une forme ironique, une 
synthèse des pseudo « arguments » anti Sokal et Bricmont : P. Engel, « L’affaire Sokal con-
cerne-t-elle vraiment les philosophes français ? », in J.-F. Mattéi (dir.), Philosopher en français, 
Paris, PUF, 2001, p. 458-476. 
11 Sur « l’affaire Teissier », on consultera en priorité le précieux mémoire de DEA de Guil-
laume Decouflet, qui reste, à notre connaissance, la seule approche académique réellement 
socio-anthropologique (et non exclusivement épistémologique) de ladite « affaire » (cf.