Journée « management de la vitesse en milieu urbain » – 2 février 2007 Environnement et Vitesse Jacques Beaumont Directeur du Laboratoire transports et environnement (LTE) Cette intervention aborde les différents impacts sur l’environnement que peut avoir une politique de management de la vitesse en milieu urbain. On présente les principales lois d’émission gazeuse et sonore en fonction de la vitesse moyenne des véhicules routiers afin de montrer en quoi les objectifs de sécurité routière et les différents objectifs environnementaux (réduction du bruit, de la consommation de carburant, de la pollution atmosphérique) peuvent s’avérer antagonistes. Dans le domaine des émissions gazeuses, les lois sont formulées sur la base de cycles censés caractériser des conditions de trafic. Les cycles peuvent être normalisés (NEDC) ou non (Hyzem, Artemis, Inrets). Citons, par exemple, les cycles de type urbain, rural ou autoroutier. Compte tenu des nombreux paramètres d’influence (classe du véhicule, technologie, motorisation, température moteur, température de l’air, etc.) et de la variabilité des conditions d’usage réelles, les résultats sont d’une part très dispersés et, d’autre part, caractérisés par une incertitude non négligeable. Cependant, les lois d’émission en fonction de la vitesse moyenne (lois agrégées) présentent une tendance cohérente pour chaque type de polluant réglementé (CO, HC, NOx, particules) et pour le CO2. Il s’agit d’une forme en U, plus ou moins évasée selon le type de polluant, le point bas correspondant à la zone 50-60 km/h. Ces résultats sont valables pour les moteurs thermiques, les performances étant très liées à l’état du mélange carburant/air. Les exigences réglementaires stipulées par la directive européenne (Euro 1, 2, 3, 4 en 2005) ont entraîné de la part des industriels des améliorations très importantes en terme de performances (diminution de 20 à 40 et même 60%). Dans le cas des moteurs thermiques, on peut affirmer que le bas niveau des seuils des polluants, à ce jour, limite les possibilités de réduction de la consommation et donc des émissions de CO2. Au niveau du trafic, l’inventaire des émissions réelles a fait l’objet de nombreuses recherches méthodologiques (Meet, Copert, …), la dernière en date étant le modèle Artemis. Ce modèle européen propose une approche par situation de trafic et non plus seulement par vitesse moyenne. Il fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus et devrait être transformé en outil opérationnel. Un tel outil permettra, par exemple, d’évaluer les effets apportés par une modification d’aménagement urbain et de trafic (ex : zone 30, onde verte, …), exercice non résolu par les précédents modèles disponibles. Si l’on constate une diminution drastique de l’émission unitaire de polluants, et ce quelle que soit la vitesse, on ne peut pas en dire autant du CO2. Les progrès pourtant effectués par les constructeurs au niveau du rendement du moteur sont contrecarrés par l’évolution des véhicules, de plus en plus lourds (sécurité, bruit) et de plus en plus confortables (dimensions, auxiliaires dont la climatisation, pneus plus larges, …). De plus, l’augmentation régulière et monotone des km parcourus par le parc routier ne permet pas, dans les conditions actuelles, d’envisager avec optimisme l’objectif de réduction des Gaz à Effet de Serre d’un facteur 4 pour 2050. Quant au bruit émis par les véhicules, le phénomène se pose différemment : il est instantané et proche. Par comparaison à la pollution, la sensibilité des paramètres est moins « forte ». Pour un véhicule, il est d’usage de distinguer deux plages de vitesse. Pour les vitesses inférieures à 50 km/h, l’émission de bruit du Groupe Moto Propulseur est primordiale. Elle est liée aux influences croisées du rapport de boîte, du régime moteur et donc de la vitesse et de l’accélération. Les fluctuations peuvent être lissées autour d’une droite à pente très légèrement négative (maximum entre 0 et 20 km/h). Au-delà de 50 km/h, le bruit de roulement (contact pneumatique-chaussée) devient alors prépondérant, et suit une loi en 30 logV. On peut donc affirmer que le niveau de bruit augmente de façon significative avec la vitesse pour des situations de trafic fluide, même si la pente est moins forte pour un trafic plus dense (20 logV). En termes d’émissions sonores et gazeuses, il apparaît donc que les lois en fonction de la vitesse ne sont pas linéaires d’une part, et que les effets des différentes nuisances environnementales sont de natures diverses et parfois antagonistes d’autre part. Le moteur thermique doit donc être considéré comme un système puissance et couple destiné à optimiser aussi bien le rendement énergétique que la consommation (CO2), les émissions gazeuses, le bruit ou les vibrations. Quelques exemples permettent d’illustrer les difficultés du compromis à mettre en œuvre. Par rapport à la motorisation essence (allumage commandé), le diesel (allumage par compression) consomme moins de carburant (-20 à -25%) ; toutefois, les exigences de dépollution (oxyde d’azote, particules) nécessitent la mise en place de systèmes (catalyseurs, filtres à particules) générateurs d’une surconsommation non négligeable (3 à 5%). Par ailleurs, en matière de bruit et vibration, même s’il a fait beaucoup de progrès, le moteur diesel reste plus bruyant que son homologue essence. Par ailleurs, si l’on considère les importants progrès réalisés en matière de bruit du Groupe Moteur Propulseur, pour tous les types de motorisation, le bruit de roulement apparaît désormais à des vitesses plus faibles (40 km/h). Le problème se déplace donc vers les infrastructures (contact pneumatique-chaussée). En matière de trafic, quelle que soit la vitesse, une trafic fluide est très avantageux pour tous les critères environnementaux envisagés ici (consommation, pollution, bruit). De plus, réduire le volume du trafic ne peut que diminuer la quantité des émissions. Finalement, une réduction pure et simple de la vitesse en milieu urbain, par exemple de 50 à 30km/h n’amène pas forcément un gain en terme de nuisances environnementales. Chaque situation, chaque mesure envisagée doit donc faire l’objet d’une évaluation environnementale rationnelle et systémique, c'est-à-dire d’une évaluation intégrant dans un cadre méthodologique unique l’ensemble des nuisances. C’est l’ambition du projet « Prospective et indicateurs des impacts des transports sur l’environnement – outil d’aide à l’évaluation et à la décision » (PIE) que pilote le LTE. Sources Emission Emissions Propagation* Propagations* Impact Impacts Relations dose/réponse Réponse de cible Société -Economie - Santé Energie et effet de serre Pollution de l’air Bruit Paysages* Paysages Eau* Déchets* * Champs non couverts par le LTE Approche multi globale nuisances multi nuisances Solutions globales pour un environnement durable 1 50 1 50 New European Driving Cycle Art emis driving cycles 1 20 1 20 90 90 road cycle urban cycle urban cycle ( UDC) 60 60 30 30 extraurban cycle ( EUDC) 0 0 5 00 motorway cycle 0 0 1 00 0 5 00 2 00 0 1 50 0 1 00 02 50 0 t ime ( sec) 1 50 0 2 00 0 2 50 0 t ime ( sec) Diesel, CO Diesel, NOx 2.5 1 0.9 Euro I Euro I 0.8 Euro II 0.7 Euro III 2 Euro II Euro III 1.5 [g/km] [g/km] 0.6 0.5 1 0.4 0.3 0.5 0.2 0.1 0 0 0 15 30 45 60 75 90 Average Speed [km/h] 105 120 135 0 15 30 45 60 75 90 Average Speed [km/h] 105 180 120 135 180 total tous modes total véh. légers route tous modes urbain tous modes autoroute tous modes total poids lourds total 2 roues 150 120 161 139 132 125 117 117 99 91 90 72 75 60 30 0 1970 1980 1990 année 2000 2010 2020