Acquisition et évaluation sur corpus de propriétés de sous

Revue. Volume X – n° x/année, pages 1 à X
Acquisition et évaluation sur corpus
de propriétés de sous-catégorisation
syntaxique
Didier Bourigault*, Cécile Frérot*†
* Equipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique
CNRS et Université Toulouse Le Mirail
5, allées Antonio Machado
F-31058 Toulouse cedex 1
{prenom.nom}@univ-tlse2.fr
Synomia
3, rue Nationale
F-92100, Boulogne Billancourt
gaelle.recou[email protected]
RÉSUMÉ. Syntex est un analyseur syntaxique de corpus. Pour résoudre les ambiguïtés de
rattachement prépositionnel, il exploite un lexique de probabilités de sous-catégorisation
(que telle unité lexicale - verbe, nom ou adjectif - se construise avec telle préposition), qui a
été construit automatiquement à partir d’un corpus de 200 millions de mots. Pour évaluer ce
lexique, nous utilisons 4 corpus de test de genres variés. Nous testons plusieurs stratégies de
désambiguïsation, et montrons qu’une stratégie mixte, utilisant à la fois des probabilités de
sous-catégorisation spécifiques acquises à partir du corpus en cours de traitement et les
probabilités de sous-catégorisation génériques acquises à partir du corpus de 200 millions
de mots, donne les meilleurs résultats : les performances en précision de l’analyseur sur la
tâche de désambiguïsation des rattachements prépositionnels varient selon les corpus de
79.4 % à 87.2 %.
ABSTRACT. We carry out an experiment aimed at using subcategorization information into a
syntactic parser for PP attachment disambiguation. The subcategorization lexicon consists of
probabilities between a word (verb, noun, adjective) and a preposition. The lexicon is
acquired automatically from a 200 million word corpus, that is partially tagged and parsed.
In order to assess the lexicon, we use 4 different corpora in terms of genre and domain. We
assess various methods for PP attachment disambiguation : an exogenous method relies on
the sub-categorization lexicon whereas an endogenous method relies on the corpus specific
ressource only and an hybrid method makes use of both. The hybrid method proves to be the
best and the results vary from 79.4 % to 87. %
MOTS-CLÉS : analyse syntaxique automatique, ambiguïté de rattachement prépositionnel,
probabilité de sous-catégorisation, évaluation.
KEYWORDS:. Parsing, pp-attachment, sub-categorization, evaluation
2 Revue. Volume X – n° x/année
1. Introduction
Dans leur grande majorité, les nombreux travaux sur le développement de
parseurs statistiques concernent la langue anglaise et tendent à utiliser comme corpus
d’apprentissage et comme corpus de test des portions de la section du Wall Street
Journal du Penn TreeBank (Charniak, 1997). Outre qu’elle permet d’éviter la tâche
laborieuse de construction de corpus annotés, cette démarche présente l’avantage de
pouvoir comparer les parseurs entre eux (Ratnaparkhi et al., 1994 ; Pantel et Lin,
1998). Cette exploitation mono-corpus pose cependant la question de la stabilité des
performances en fonction du type de corpus, comme le mentionnent Kilgarriff et
Grefenstette (2003 :341) : « there is little work on assessing how well one language
model fares when applied to a text type that is different from that of the training
corpus ». Par ailleurs, il est maintenant bien connu que, dans tout corpus, certaines
unités lexicales ont des propriétés syntaxiques de sous-catégorisation spécifiques,
qui peuvent donc varier d’un domaine à l’autre (Roland, Jurafsky, 1998 ; Basili et
al., 1999). Or peu de travaux relatent des expériences sur la variation des
performances de l’analyseur en fonction du type de corpus à traiter, sur le problème
de la possible variation inter-corpus et sur celui de la nécessaire adaptation des
règles ou ressources de l’analyseur à un corpus donné. On peut néanmoins citer
(Sekine, 1997 ; Gildea, 2001 ; Slocum, 1986).
Dans cet article, nous nous intéressons à l’acquisition et à l’évaluation sur corpus
de données de sous-catégorisation syntaxique. Cette étude est menée dans le cadre
du développement de l’analyseur syntaxique de corpus Syntex. Dans la section 2,
nous présentons de façon succincte les principes qui sont à la base du développement
de l’analyseur, et nous décrivons comment l’analyseur exploite des données de sous-
catégorisation syntaxique se présentant sous la forme de probabilités de sous-
catégorisation (que telle unité lexicale - verbe, nom ou adjectif se construise avec
telle préposition) pour résoudre les ambiguïtés de rattachement prépositionnel. Dans
la section 3, nous décrivons comment ces données sont acquises automatiquement à
partir d’un corpus de 200 millions de mots, étiqueté et partiellement analysé
syntaxiquement. La section 4 est consacrée à l’évaluation de ces données sur 4
corpus de test de genres variés, pour lesquels nous avons annoté à la main plusieurs
centaines de cas de rattachements prépositionnels ambigus. Dans la section 5, nous
présentons plusieurs stratégies de désambiguïsation : une stratégie de base, une
stratégie endogène qui exploite des propriétés de sous-catégorisation spécifiques,
acquises à partir du corpus en cours de traitement, une stratégie exogène qui exploite
des propriétés de sous-catégorisation génériques, acquises à partir du corpus de 200
millions de mots, et enfin une stratégie mixte qui utilise les deux types de ressources.
Dans la section 6, nous dressons un bilan de cette expérience.
Acquisition et évaluation sur corpus de propriétés de sous-catégorisation syntaxique 3
2. Syntex, un analyseur syntaxique de corpus
2.1. De Lexter à Syntex
L’analyseur Syntex a été développé à l’origine (Bourigaut et Fabre, 2000) pour
remplacer le logiciel Lexter, un analyseur syntaxique robuste dédau repérage des
syntagmes nominaux dans les corpus spécialisés et utilisé dans des applications de
construction de terminologies ou d’ontologies spécialisées (Bourigault, 1994). Les
diverses expérimentations réalisées avec Lexter avaient mis en évidence la nécessité
d’étendre la couverture du logiciel à l’extraction des syntagmes verbaux. A partir de
ce constat, nous avons décidé d’entreprendre la réalisation d’un nouvel analyseur,
avec l’objectif d’en faire un outil opérationnel d’analyse syntaxique de corpus,
utilisable dans différents contextes applicatifs, dont la construction de ressources
lexicales spécialisées pour des systèmes de traitement de l’information (Bourigault et
al., 2004). Syntex traite des corpus de phrases réelles, de taille importante (de
quelques centaines de milliers à plusieurs millions de mots). Ceci impose des
contraintes d’efficacité (temps de traitement), de robustesse (tolérance aux
malformations syntaxiques et aux mots ou structures inconnus, possibilité de rendre
des analyses partielles et incomplètes) et d’adaptabilité (prise en compte de certaines
propriétés syntaxiques particulières des mots dans des corpus spécialisés). Les
principes de base sont les suivants : Syntex analyse des corpus préalablement
étiquetés (section 2.2) ; c’est un analyseur en pendance, organisé sous la forme
d’un enchaînement de modules de reconnaissance de relations syntaxiques (section
2.3) ; il exploite de façon combinée des procédures d’apprentissage endogène et des
ressources lexico-syntaxiques de sous-catégorisation (section 2.4).
2.2. Etiquetage préalable
Syntex analyse des corpus préalablement étiquetés. L’organisation du partage des
tâches entre étiquetage morphosyntaxique (attribution d’une étiquette
morphosyntaxique aux mots de la phrase) et analyse syntaxique (identification de
constituants syntaxiques ou de relations de dépendance syntaxique) est un problème
délicat (Voutilaïnen, 1998 ; Prins et Van Noord, 2003). Disposer des étiquettes
morphosyntaxiques des mots pour identifier les relations syntaxiques est évidemment
très pratique. Mais, dans certains cas, la levée d’ambiguïtés catégorielles exige une
analyse syntaxique partielle du contexte large, et la présence d’étiquettes erronées à
l’entrée de l’analyseur rend a priori impossible une analyse correcte. Essentiellement
pour des raisons de disponibilité des forces, nous avons choisi de concentrer nos
efforts sur l’analyse syntaxique proprement dite et, comme cela était le cas avec
Lexter, de confier la tâche préalable d’étiquetage à un outil extérieur. Syntex prend
en entrée les résultats du Treetagger1, développé à l’Université de Stuttgart.
1 http://www.ims.uni-stuttgart.de
4 Revue. Volume X – n° x/année
Treetagger est un étiqueteur efficace et robuste. Il présente l’intérêt d’être ouvert, en
ce sens qu’il est possible de faire en amont, à sa place, une partie du travail de
segmentation en mots et d’étiquetage. Nous avons développé un ensemble de
procédures de reconnaissance de mots et d’unités syntaxiques complexes qui
viennent poser sur le corpus des étiquettes sur lesquelles le Treetagger s’appuie pour
étiqueter les mots environnants. Nous avons aussi introduit dans la chaîne de
traitement la possibilité pour l’utilisateur d’intégrer un fichier de règles de
segmentation et de pré-étiquetage, données sous la forme d’expressions régulières,
spécifiques au corpus à analyser. Cette fonctionnalité est essentielle quand il s’agit
de traiter des corpus comportant des mots inconnus ou des structures « bizarres »
(codes de produits, nomenclature d’éléments chimiques, etc.). La frontière entre
étiquetage et analyse n’est pas étanche. Dans certains contextes syntaxiques,
l’analyseur effectue des retours en arrière sur l’étiquetage en venant modifier des
étiquettes attribuées par le Treetagger, par exemple pour la forme que (Jacques,
2005).
2.3. Architecture modulaire
Syntex ne s’appuie sur aucune grammaire formelle. C’est un analyseur
incrémental organisé en « couches » (Constant, 1991 ; Abney, 1996 ; Aït-Moktar et
al., 2002). Nous décomposons le problème de l’analyse syntaxique d’une phrase en
sous-problèmes élémentaires du type : soit m un mot de catégorie C dans la phrase
étiquetée et partiellement analysée S, quel est le recteur syntaxique de m dans S ?
L’analyse s’effectue par un enchaînement en cascade d’une suite de modules qui
prennent en charge chacun une relation syntaxique. Chaque module prend en entrée
les sorties du module précédent. Cette organisation séquentielle des traitements
impose de choisir un ordre dans l’analyse. On est face à un dilemme du type de celui
du partage entre étiquetage et analyse. Par exemple, faut-il reconnaître les relations
Sujet avant de chercher à identifier les relations de coordination, ou faire l’inverse,
ou répartir le traitement à deux moments de la chaîne ? Le choix de l’ordre est un
choix difficile qui a un impact fort sur la programmation des différents modules. A
l’intérieur de la chaîne d’analyse, les retours en arrière sont possibles. Il peut arriver
qu’un module vienne détruire et remplacer une relation syntaxique posée par un
module antérieur. Les modules sont constitués d’un ensemble d’heuristiques de
parcours de la chaîne étiquetée et partiellement analysée, qui partent d’un régi (resp.
recteur) potentiel à la recherche de son recteur (resp. régi). Ces heuristiques
exploitent deux contraintes classiques : les liens de dépendance ne se croisent pas,
un régi n’a qu’un seul recteur. Les modules sont développés « à la main » par des
linguistes informaticiens (dans le langage Perl), selon une méthode empirique qui
met en œuvre le recours à la connaissance grammaticale et la réalisation de tests
nombreux sur des corpus diversifiés.
Acquisition et évaluation sur corpus de propriétés de sous-catégorisation syntaxique 5
2.4. Ressources lexicales limitées
L’analyseur Syntex est peu lexicalisé. Nous avons fait le choix initial de la table
rase. Contrairement aux approches qui choisissent de développer au préalable un
lexique syntaxique très riche recensant les propriétés syntaxiques des mots de la
langue2, nous avons choisi de commencer sans aucune information de ce type. Cette
approche est possible à partir du moment où l’on a choisi de s’appuyer sur les
résultats d’un étiqueteur (on bénéficie indirectement des ressources lexicales
exploitées par celui-ci). Des informations lexicales sont intégrées dans l’analyseur au
fur et à mesure des besoins : liste de locutions prépositionnelles, liste des verbes
transitifs, liste des verbes se construisant avec des compléments en que, en de, etc.
Pour résoudre les ambiguïtés de rattachement prépositionnel, l’analyseur exploite
des informations de sous-catégorisation associées aux couples (mot, préposition).
Depuis l’origine de nos travaux sur l’analyse syntaxique, ces informations sont
acquises de façon endogène sur le corpus en cours de traitement (Bourigault, 1993).
Les expériences menées sur de nombreux corpus spécialisés ont montré que ces
corpus renferment des spécificités lexicales, en particulier que certains mots,
fréquents dans le corpus, manifestent des comportements syntaxiques spécifiques et
imprédictibles. C’est pourquoi, nous avons porté nos efforts depuis une dizaine
d’années sur le veloppement de procédures d’apprentissage endogène sur corpus
qui permettent à l’analyseur d’acquérir lui-même, par analyse du corpus à traiter, des
informations de sous-catégorisation spécifiques à ce corpus. Devant les limites
inhérentes à l’exploitation exclusive d’informations de sous-catégorisation
endogènes, nous travaillons à l’élaboration de ressources générales, susceptibles
d’être exploitées pour tout corpus (Frérot et al., 2003). Nous avons expérimenté
l’utilisation d’un lexique de sous-catégorisation construit à partir des tables du
Lexique Grammaire (Frérot, 2005). Dans la section suivante, nous présentons une
expérience d’acquisition d’un lexique de probabilités de sous-catégorisation à partir
d’un corpus de 200 millions de mots, utilisé par le module de Syntex en charge du
rattachement des prépositions.
Le rattachement des prépositions à leur recteur s’effectue en deux passes sur le
corpus : (1) recherche des candidats recteurs, (2) choix d’un recteur. Un premier
module (rechercher-candidats) traite l’ensemble des phrases du corpus, et
recherche, pour chaque préposition, le ou les mots susceptibles de régir cette
préposition. Ce module est constitué de règles qui reconnaissent un certain nombre
de configurations linéaires de mots et de catégories morphosyntaxiques à gauche de
la préposition, au sein desquelles sont identifiés des mots susceptibles de régir la
préposition. Ces règles s’appuient sur les relations de dépendance placées par les
modules antérieurs, et sont capables d’aller chercher des candidats recteurs dans des
configurations relativement complexes, incluant par exemple des structures
2 Le projet LexSynt, animé par S. Kahane, et auquel nous participons, vise à rassembler et à
coordonner les efforts des différentes équipes qui travaillent sur le français.
www.lexsynt.inria.fr
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