Conférence de la société géologique de France RENNES, 12 mars 2004 REPRESENTATION DE LA TECTONIQUE DES PLAQUES EN 3D ET CARTES PALEOGEOGRAPHIQUES Par Chris Scotese www.scotese.com [email protected] Introduction Christopher SCOTESE de l’Université du Texas est l'auteur de cartes paléogéographiques qui reconstituent les géographies de la planète de - 500Ma à ....+250Ma. Développées dans le cadre du programme "Paleomap", elles sont célèbres dans le monde entier et sont maintenant dans la plupart des manuels de géologie. Disponibles sur un CD "Terra-mobilis" elles sont accessibles sur un site Web (Scotese.com). Plan de la conférence Ł méthodes et techniques utilisées pour la création des cartes Ł DVD sur le déplacement des plaques (250 Ma à actuel) et images spéculatives du futur Traduction D. PERRET 1/1 Conférence de la société géologique de France I. RENNES, 12 mars 2004 Qu’est ce que la Paléogéographie ? La Paléogéographie tente de recréer la position et le déplacement relatif des plaques lithosphériques au cours de l’histoire géologique du globe. La tectonique est le processus majeur sur lequel doit reposer la création des cartes paléogéographiques. A cela s’ajoute la nécessité de représenter quel était l’environnement local de chaque zone : océan profond, plateau continental, plaines, plateaux ou montagnes. C’est à partir de ces bases que l’on pourra ensuite étudier plus en détail le globe et son évolution : la circulation océanique, les changements climatiques, la biogéographie ou la mise en place des ressources minérales et fossiles. Le point de départ sera de toute façon la tectonique des plaques. Exemple de carte paléogéographique : Bleu le plus foncé : océan profond (>3000m) Bleu le plus clair : plateau continental (50 à 100m) Vert : plaines Marron : montagnes Noter la morphologie différente des caraïbes et l’emplacement des lignes de côte qui varient très rapidement dans le temps. Ces cartes sont le produit d’un travail commun de 6 à 8 équipes de multiples nationalités collectant des informations très diverses que l’équipe de C. Scotese synthétise ensuite sous forme de cartes. Traduction D. PERRET 2/2 Conférence de la société géologique de France II. RENNES, 12 mars 2004 Quelles sources d’informations utiliser ? 1. Informations générales sur la géomorphologie pour la mise en place de la base de données A l’aide de la carte des âges des fonds marins de l’océan Atlantique (source IFREMER), nous obtenons un excellent résumé de la position de la ride océanique et la vitesse d’expansion de la croûte. Cela permet de construire une première série de cartes en superposant chaque continent successivement sur la bande de fond océanique d’âge de plus en plus ancien. A partir de données géophysiques, géologiques et biologiques, il est possible ensuite de compléter la représentation : Source Anomalies magnétiques des fonds marins Période de temps < 150 Millions années Grille de référence des Points Chauds < 150 Millions années Mesures du paléomagnétisme des roches < 300 Millions années Orientation des pôles magnétiques (Key pôles), inversions du magnétisme Histoire géologique (données pétrographiques, stratigraphiques,…) > 300 Millions années Jusqu’à 4 Milliards d’années Intérêt L’une des plus utiles, mais aucune donnée de plus de 150 Ma puisqu’il ne reste aucune trace de croûte océanique plus ancienne Donne une référence sur les vitesses de déplacement des plaques au passage des points chauds Données fiables et reconnues, donnant une position en latitude du prélèvement. Peu de données et nombreux désaccords au niveau de la communauté scientifique La source la plus importante de données Pour les cartes des âges les plus reculés (i.e. paléozoïque), les données sont souvent incomplètes ou imprécises, ce qui aboutit à plusieurs possibilités pour une seule et même carte en fonction des hypothèses retenues. Afin d’affiner le modèle, les données d’autres techniques sont utilisées. Traduction D. PERRET 3/3 Conférence de la société géologique de France RENNES, 12 mars 2004 2. Informations utilisées pour tester et affiner le modèle Les lois de la tectonique avec les règles de subduction Les données de paléoclimatologie obtenues à partir des minéralogies des roches, renseignent sur l’humidité du climat, sur le taux d’oxydation ou sur l’évaporation. Ceci permet d’estimer la latitude de la position et ses variations. Biogéographie et distributions des paléofaunes qui permettent de préciser les connexions entre les continents : par exemple, la présence de chaînes intracontinentales séparant des faunes de la même époque justifie une collision plus ancienne. De même pour les océans et la circulation entre les océans, avec des indications de communication ou d’isolation des faunes marines. Ces données précisent aussi le climat sous lequel vivaient ces faunes (i.e. répartition des barrières de corail, espèces de foraminifères, bioturbations…) Exemple de carte paléoclimatique : Coal = Houille Traduction D. PERRET 4/4 Conférence de la société géologique de France RENNES, 12 mars 2004 3. Quelles sont les limites du modèle ? Quand une carte est réalisée, il est nécessaire de connaître quelle est la précision, c’est à dire la marge d’erreur, la fiabilité de la représentation. Quelle est la part de réalité et de fiction pour chaque modèle ? La précision du modèle peut être représentée par l’incertitude en degrés de latitude : Si le modèle dépasse 45° d’incertitude, il devient obsolète puisqu’un continent pourra se trouver tout aussi bien proche du pôle que de l’équateur, ce qui rend la représentation géographique inutile à l’échelle du globe. Cette incertitude maximum de +/- 45° est atteinte à partir de – 500Ma environ. Le maximum représenté à l’heure actuelle est – 600/700Ma mais très peu de données sont disponibles pour l’alimenter à l’exception de l’Ordovicien pour lequel on dispose de bonnes données biologiques et climatologiques. D’une manière générale, il est beaucoup plus difficile de représenter les périodes comprenant des continents multiples car les informations sont morcelées et moins nombreuses. Les périodes où un supercontinent est présent (GONDWANA, PANGEE,…) vont permettre de recueillir beaucoup plus d’informations et les représentations seront plus précises. Ceci amène ainsi une légère oscillation de l’incertitude au cours du temps si l’on est en phase « supercontinent » ou en phase « éclatement ». Incertitude sur la latitude (en degrés) Pas de traces d’océans Perte de précision sur le paléomagnétisme Absence de fossiles « Snowballearth » Cambrien Silurien Devonien RODINA PANNOTIA Ordovicien PANGEE PANGEE paléozoïque Age (en millions d’années) Supercontinent Courbe de l’évolution de l’incertitude en fonction de l’Age géologique Glaciation Traduction D. PERRET 5/5 Conférence de la société géologique de France III. RENNES, 12 mars 2004 Paléogéographie globale, a « Reality » Reconstruction 1. Le projet Les cartes paléogéographiques sont établies en trois stades : Stade initial: définir les zones émergées et immergées, les montagnes, plateaux continentaux et océans profonds, Stade Intermédiaire : ajouter l’environnement local et le climat, Stade Final : réalisation des vues en 3D de la topographie et de la bathymétrie. Le nom de « reality reconstruction » est en fait lié à l’actualité télévisée tant aux USA qu’en France qui fait la part belle aux shows de télé-réalité. L’utilisation des données modernes de topographie et de bathymétrie formera les fondations du modèle numérique. 2. Reconstitution de la tectonique des plaques Au départ, il y a dix ans, C.Scotese a fait appel à un dessinateur professionnel pour réaliser les premières cartes paléogéographiques qui sont d’ailleurs visibles sur le site internet. Ainsi, il fallait d’abord dessiner puis numériser les images avant de pouvoir les utiliser. Mais cela ne donne qu’une représentation morcelée de l’histoire des plaques et demande un énorme travail graphique pour tenir les cartes à jour. Aujourd’hui l’approche est différente, les données sont entrées au fur et à mesure dans un programme de cartographie numérique. Pour chaque pixel qui représentant une zone de 0.1 x 0.1 degrés carré soit environ 10Km x 10Km, est affecté une valeur d’altitude qui correspond à une couleur de relief. Grâce aux données recueillies par les missions IBACO (72°N-72°S) et BEDMAP (antarctique) qui fournissent une topographie complète des fonds marins, il a été possible de définir les topographies sans les calottes de glace et d’obtenir des lignes de côtes très précises formant un point de départ complet. Ainsi le modèle de départ est une représentation numérique la plus fidèle possible de la situation à la date d’aujourd’hui. Il ne reste qu’à définir quelle a été l’histoire des continents et le mouvement des plaques. 3. Affinement des données topographiques Pour chaque âge défini correspondra une carte dont la trame de départ sera une sélection de pixels de la carte actuelle choisi selon les critères suivants : - L’âge géologique du pixel (plus ancien que l’âge choisi) La nature de la plaque tectonique d’origine du pixel Traduction D. PERRET 6/6 Conférence de la société géologique de France RENNES, 12 mars 2004 Les pixels sélectionnés sont ensuite déplacés selon une grille globale pour atteindre leur position estimée à l’âge défini. Puis il faut appliquer un certain nombre de corrections : - - calcul des variations du niveau moyen des océans. Si l’on rajeuni la croûte océanique, elle devient plus légère car plus chaude, ce qui engendre une remontée de la bathymétrie, élimination de tous les éléments volcaniques plus jeunes, élimination du poids des sédiments qui ne sont pas déposés à l’époque considérée, obtention du niveau réel des océans tenant compte de l’isostasie des lithosphères continentales et océaniques. - élimination des masses de glace compte tenu des traces relevées des différentes périodes glaciaires, isostasie des croûtes continentales (variations de +300 à –400 m), en fonction de l’accroissement ou de la diminution des calottes de glace continentales, élimination des variations d’altitude liées à des phénomènes tectoniques plus jeunes (rifting, collisions,…) restitution des reliefs à leur état non érodé Sont ainsi réalisées 50 cartes correspondant à un âge donné : elle vont former le squelette de l’animation. Un logiciel de « morphing » (comme au cinéma) est utilisé pour lié chaque carte avec la suivante et ainsi obtenir une animation complète depuis l’actuel jusqu’au début du paléozoïque. Conclusion Le modèle en 3D a été réalisé à partir de la position actuelle des plaques lithosphériques pour ensuite remonter dans le temps. La réalisation des cartes et du modèle de paléogéographie en 3D a imposé de faire des choix car dans de nombreux cas les données scientifiques ne sont pas concordantes : il est donc nécessaire de prendre la meilleure information du moment qui est généralement celle qui est admise par le plus grand nombre, c’est un peu comme faire de la science « démocratique ». Et puis, « l’expérience » et l’analogie avec les systèmes actuels font le reste, notamment pour la topographie des chaînes de montagnes « fossiles ». Dans l’avenir, le modèle de paléogéographie réalisé pourra peut être servir de base de départ pour de nouvelles recherches en biogéographie, ou en géologie. Une étude américaine sur les dinosaures s’est déjà basée sur les données du modèle pour évaluer les possibilités de migrations des populations. Traduction D. PERRET 7/7