Résumé du livre de Pascal Lamy1, Quand la France s`éveillera, éd

Résumé du livre de Pascal Lamy1,
Quand la France s’éveillera, éd. Odile Jacob, mars 20142
Pascal Lamy a été commissaire européen chargé du commerce de 1999 à 2004
puis à la tête de l’Organisation Mondiale du commerce est particulièrement
qualifié pour nous inviter à regarder la France et l’Europe dans le monde, et le
monde tel qu’il est aujourd’hui. Un petit livre qui passe un message lucide mais
confiant dans nos atouts.
Introduction
Les pays émergents fourniront à l’avenir l’essentiel de la croissance mondiale,
désormais tirée par une nouvelle classe moyenne de plusieurs milliards
d’individus. Oui, il est possible de peser sur la mondialisation pour l’infléchir.
Il existe des forces, en particulier l’Europe qui ne se satisfont pas de l’ordre
mondial tel qu’il se dessine. Penser le monde est un atout, une force et
l’Europe peut être un acteur essentiel qui « civilise la mondialisation ».
1. La mondialisation Janus
Elle est là, c’est un fait qui résulte des progrès des moyens de transport et de
communication/information qui entrainent une réduction effective des
distances. Le développement soutenu et quasiment continu du commerce
mondial constitué pour les deux tiers de composants et sous-ensembles pour
l’industrie permet l’intégration des systèmes de production et une
redistribution de l’activité économique au profit des pays naguère dits « du
Sud ». Et depuis 2012 la richesse produite par le « Sud » surpasse celle
produite par le « Nord ». Les pays en développement sont les moteurs de la
croissance mondiale et voient émerger de nouvelles classes moyennes en
Asie, en Afrique, en Amérique Latine qui ajouteront d’ici quinze ans 3
milliards de personnes, nouveaux consommateurs aux 2 milliards
d’aujourd’hui.
Ainsi, en Chine et en Inde la proportion de « pauvres » est passée entre 1980
et 2005 respectivement de 80% et 40% à 20%. On ne peut que se réjouir de
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
"!P. Lamy, HEC, Sciences Po, ENA, a été successivement, directeur du cabinet du président
de la Commission européenne Jacques Delors, directeur général du Crédit Lyonnais,
commissaire européen au Commerce sous la présidence de Romano Prodi, directeur général
de l’OMC. Pascal Lamy est actuellement président d’honneur du think tank « Notre Europe -
Institut Jacques Delors ».
#!Pascal Lamy a présenté son livre dans le cadre du Cercle « Initiatives à Grenoble »,
Grenoble le 26 juin 2014.!
!
cette augmentation du niveau de vie, des sorties de la pauvreté3 et de la
réduction des inégalités entre pays.
A ce décollage économique est associée une montée dans la recherche et la
technologie, la Chine devenant en 2010 le deuxième pays par le montant des
investissements en recherche, l’Inde figurant dans les 10 premiers.
Le monde industriel s’est transformé, la fabrication et les services se
fragmentent et se répartissent entre les pays selon leurs capacités et
compétitivités respectives. La réduction considérable des coûts de transport, a
permis un développement rapide du commerce mondial qui porte à présent
davantage sur des composants et sous-ensembles que sur des biens finis, la
part des biens intermédiaires représentant à présent 60% du total. Au
commerce des biens succède donc une économie mondiale «des tâches ».
Cette nouvelle organisation mondiale de la production entraîne de fait une
plus grande interdépendance des pays et des zones économiques. Les pays qui
exportent le plus sont donc ceux qui importent le plus, ce qui leur permet de
tirer de leur participation au commerce mondial la plus grosse partie de leur
croissance.
On ne peut s’empêcher de penser à Ricardo et Shumpeter quand on observe
ces transformations de l’économie mondiale. D’une part, la spécialisation
économique résulte d’avantages comparatifs relatifs, stimule les gains de
productivité et entraîne une plus grande efficience globale. D’autre part, la
réduction des barrières physiques, douanières et réglementaires exposent les
firmes et les pays à une forte concurrence. Dans ce contexte, les plus faibles,
firmes ou pays doivent s’adapter et se renouveler. Ce processus de mutation,
de destruction créatrice selon la vision de Joseph Shumpeter en 19424 est le
moteur vigoureux de la croissance mondiale. Mais il est aussi à l’origine de
tensions dans les firmes et les pays qui subissent une concurrence qui les
obligent au renouvellement. Par ailleurs, il a pour effet de creuser l’écart entre
les firmes, entre les pays innovants et les pays moins compétitifs, entre les
travailleurs qualifiés et non qualifiés, entre le Sud émergeant et le Sud pauvre
et stagnant.
Quid de la gouvernance mondiale qui pourrait aider à maitriser la
mondialisation ? De fait elle a peu progressé depuis les années 1990. Entre le
début des années 1990 qui voient l’URSS et la Chine abandonner le modèle
de planification centralisée et prendre le tournant vers des économies de
marché, et la crise de 2008, la prééminence du capitalisme de marché a fait
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croire pendant presque 30 ans à la prévalence du marché sur le politique. On
réalise depuis 2008 à quel point l’industrie financière, devenue la plus
globalisée et la moins régulée au plan international et qui a contribué au
développement économique, potentiellement source d’instabilité et de
déséquilibres, impose aux pays du G20 de mettre en place une régulation
financière et de lutter contre l’évasion fiscale et la corruption.
Insoutenable statu quo
On ne peut se contenter d’observer les effets de la mondialisation en restant
insensibles aux déséquilibres et injustices qu’elle entraîne pour les plus
faibles. Economie de marché, oui, société de marché, non ! La
« déglobalisation » n’a pas de sens, on ne reviendra pas sur le progrès
technique et la sortie de la pauvreté de centaines de millions de personnes.
Mais, en complément du traitement des questions sociales qui relèvent de la
gouvernance locale, une approche politique de la globalisation est nécessaire
pour adresser les enjeux qui sont devenus globaux : environnement
(réchauffement climatique, biodiversité..), santé (pandémie..), flux
migratoires, crise et régulation financière, évasion fiscale et corruption. Les
institutions actuelles (ONU, OMC, FMI..) ont montré leurs limites et leur
incapacité à s’adapter. Face au gouffre croissant qui sépare la connaissance
des défis globaux et la capacité d’agir pour les maîtriser, des approches
innovantes sont nécessaires. Il existe des propositions5. Rompre le monopole
des Etats-Nations souverains au moyen de nouvelles coalitions, partenariats
transversaux qui permettraient d’impliquer les diverses parties prenantes,
localiser les problèmes globaux plutôt que globaliser les problèmes locaux,
adresser à une échelle régionale les enjeux de régulation, telles sont les pistes
d’un nouveau mode d’action.
Dans ce mouvement de constitution d’un espace régional de gouvernance
supranationale, c’est l’Europe qui a été la plus ambitieuse, et qui peut, par sa
dimension, ses valeurs fondamentales et son expérience historique, inspirer et
promouvoir l’advenue d’une régulation d’une mondialisation « civilisée ».
2. L’Europe au cœur
Dans ce contexte l’Europe ne s’en sort pas si mal, elle n’est pas « l’idiot du
village » global. Avec plus de 500 millions d’habitants, le plus grand poids
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
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économique et le quart des échanges mondiaux, l’Europe est capable de
dégager un excédent commercial de 200M et de maintenir ses parts de
marché.
Mais en tant qu’institution l’Europe se cherche, et ne parvient pas à gagner la
confiance de ses citoyens qui vivent et perçoivent sa diversité et son
hétérogénéité, quand le reste du monde est impressionné par la construction
de son unité. Unification sans précédent ni réplique, modèle le plus avancé de
construction d’un espace politique supranational. Résultant de la volonté de
surmonter un passé douloureux, dépassement des nationalismes, l’Europe à
présent élargie au-delà du cercle des fondateurs incarne la liberté, la maturité
des démocraties, et le modèle de l’économie sociale de marché apte à opposer
une résistance aux inégalités.
Alors pourquoi la désaffection de ses citoyens, pourquoi cette « eurosion » ?
P. Lamy est convaincu des vices de construction qui menacent l’édifice. La
coordination économique aurait venir compléter l’édifice du marché
unique, de la politique de la concurrence, et des politiques communes
d’ajustement structurel et de développement régional. Les Etats membres, y
compris ceux de la zone Euro, ont poursuivi des politiques économiques
indépendantes des autres pays et de la Commission et du Parlement Européen,
ignorant l’article 21 du Traité selon lequel « les Etats membres considèrent
leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun ». Pire,
le non-respect des rares engagements (règles de déficit et d’endettement), le
manque de vigilance couplé aux contraintes institutionnelles (la mission et les
limitations des actions de la BCE) ont conduit après 2008 la zone Euro au
bord de l’explosion. Mais l’Europe a su montrer sa capacité de résilience, la
BCE a pris sa responsabilité et par son initiative a réussi à empêcher
l’éclatement de la zone Euro, ce qui aurait été désastreux pour de nombreux
pays dont la France. Si d’une part cette crise a été l’occasion d’engager un
processus de rapprochement économique et financier et de mettre en place des
outils de stabilité et de solidarité6, d’autre part dans les pays soumis à un
régime de redressement par l’austérité, les citoyens, en particulier ceux des
classes moyennes et défavorisées ont subir les effets douloureux d’une
crise dont leurs dirigeants portaient une bonne part de responsabilité. Enfin,
la confiance globale dans l’Europe ne s’est pas améliorée, à la fin de 2013
seulement 31% de citoyens en ont une image positive et seulement 51% sont
optimistes sur son avenir.
Quatre déficits menacent donc la marche en avant de cette aventure :
narratif, d’appartenance, de croissance et de gouvernance.
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« Plus jamais la guerre », ce mot d’ordre qui a animé le rapprochement des
pays fondateurs ne peut plus parler aux générations récentes. L’Europe qui
bénéficie d’une identité forte et unique, faite de la capacité à concilier liberté
individuelle et intérêt collectif, son expérience d’intégration régionale, son
modèle économique et social, sa richesse culturelle, peut se trouver une autre
vision, une ambition apte à mobiliser et unir ses citoyens. Un continent qui
représente 7% de la population mondiale, mais 25% de la production
mondiale, 50% des prestations sociales et 100% de démocraties, peut et doit
jouer un rôle premier de maitrise et de civilisation de la mondialisation. C’est
là qu’elle est attendue.
Selon les « pères fondateurs », à l’intégration économique devait succéder
l’intégration politique. Si progressivement le Parlement qui représente
directement les citoyens, a augmenté ses pouvoirs, pour la plupart des partis il
n’a pas encore réussi à dépasser les enjeux nationaux et engager les débats
que mériterait un véritable espace d’appartenance et de solidarité. Les
dirigeants nationaux souvent, les partis extrémistes systématiquement se
servent de l’Europe comme excuse ou comme repoussoir. On voit donc
croître un déficit d’appartenance auquel il est vital de s’attaquer. Mais
comment resserrer les liens, comment créer une citoyenneté commune ?
Capitaliser sur le désir des jeunes de s’ouvrir, de découvrir, de travailler
ensemble. Se baser sur Erasmus qui permet chaque année à 200 000 étudiants
de découvrir un autre pays dans leurs études, doubler les investissements dans
ce programme. Renforcer l’espace européen de la recherche qui a déjà vu son
budget commun multiplié par 12 en vingt ans. Ainsi se créera, par ces
réseaux, ces liens, ces opportunités de rencontres et d’apprentissage et de
travail en commun, un sentiment d’appartenance, « une solidarité qui unit ».
P. Lamy propose d’autres mesures afin de prévenir le risque de « dumping
fiscal et social » : l’instauration d’un salaire minimum européen, la création
d’une « garantie jeunesse » pour permettre à chaque jeune européen de ne pas
rester plus de quatre mois sans emploi ni formation, la généralisation de
comités d’entreprise européens, la création d’un fonds européen d’ajustement
à la mondialisation, l’harmonisation de l’impôt sur les profits des
entreprises….
Les Européens se doivent de combler le déficit de croissance. Non pas pour la
croissance elle-même, mais parce qu’une économie sociale de marché et donc
la redistribution ne peuvent opérer qu’à la condition d’une croissance
minimale, de 2% environ. Même si de nombreux facteurs de croissance
résident aux niveaux nationaux, une coordination plus active des politiques
économiques et les effets d’échelle (réseaux de transport, distribution,
énergie, recherche-développement, actions sur les obstacles à l’ouverture des
marchés, mobilité des travailleurs,…) pourraient redonner à l’Europe le
surcroît de compétitivité qui lui manque. Et compétitivité n’est pas synonyme
de compression sur l’emploi et de chômage, bien au contraire. Or l’Europe
1 / 11 100%

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