N°
83
Mémento de terrain
Gestion des milieux et des espèces
4.6 - Contrôle des espèces invasives
Les introductions d’espèces végétales et animales sont désormais considérées comme la deuxième cause
d’appauvrissement de la biodiversité, juste après la destruction des habitats. Elles peuvent aussi s’accompagner de graves
conséquences sanitaires et être une menace pour la santé animale et humaine ou se traduire par un préjudice économique
et financier considérable.
Esce indigène ou autochtone : Se dit d’une espèce originaire de lendroit où on la trouve. Dans ce cas, on ne parle pas
d’invasion biologique mais d’envahissement si elle se développe abondamment. Elle appartient le plus souvent à des
groupes d’espèces pionnières et peut poser des problèmes de concurrence pour d’autres espèces locales.
Espèce invasive : Se dit d’une espèce introduite qui, par sa pullulation et lextension de son aire de répartition, produit des
changements significatifs de composition, de structure et/ou de fonctionnement des écosystèmes.
Esce introduite ou allochtone : Se dit d’une espèce non indigène qui a été introduite délibérément ou accidentellement
depuis une autre région ou un autre pays. En général, lorsque l’espèce est originaire d’un autre continent, on parle d’espèce
exotique.
Esce naturalisée : Se dit d’une espèce originaire dune région étrangère mais se comportant comme une espèce
indine. Elle a troudans sa nouvelle aire de répartition des conditions favorables à son développement et s’y reproduit
naturellement.
Le caracre invasif d’une espèce est difficile à prédire
On observe une grande diversité des traits biologiques de ces espèces. Il est extrêmement difficile, voir impossible d’établir
un profil type des espèces invasives.
On retrouve cependant certains caractères communs à ces espèces :
elles adoptent une stratégie de compétiteur avec une croissance et une multiplication souvent rapides. Dans le cas des
plantes, le mode de dissémination et/ou de régénération peut être très différent dune espèce à l’autre ;
un grand nombre d’espèces introduites montre une phase de latence au cours de laquelle les populations restent très
restreintes suivie d’une phase de croissance exponentielle ;
ce sont fréquemment des espèces qui s’adaptent facilement aux perturbations de lenvironnement. Il n’est pas rare que
ce soit un changement dans lhabitat qui favorise leur dissémination et leur prolifération. On peut d’ores et déjà prédire
que les performances des espèces invasives seront probablement fonction de limpact des changements climatiques à
venir ;
linvasion de certaines espèces serait déterminée ou accentuée par le dysfonctionnement d’origine naturelle ou
artificielle de l’écosystème d’accueil ;
l’invasion d’une espèce introduite peut également être favorisée par l’absence de prédateur ou de pathogène
spécifique de l’espèce dans la zone d’introduction ;
une espèce n’est pas envahissante partout. Il faut étudier les interactions espèce/milieu ou écosystème daccueil.
Le contrôle des espèces invasives en France et les stratégies de lutte. Comment y faire face ?
La gestion et le contrôle des espèces invasives doit préférentiellement s’orienter vers des actions préventives de
surveillance, de détection précoce et d’intervention rapide. Les caractéristiques biologiques et écologiques des espèces
concernées, les types d’habitats favorables et les modes d’invasion doivent être intégrés pour un contrôle efficace.
Le premier niveau de la gestion des invasions biologiques est lévaluation du risque d’invasion : pouvoir prédire, prévenir
pour gérer une invasion (éradication ou limitation).
La mise en place d’une opération de contrôle d’une invasion biologique doit s’accompagner d’une réflexion approfondie sur
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les impacts prévisibles des actions de contrôle envisagées, les perturbations qu’elles peuvent engendrer sur la dynamique
d’autres espèces autochtones ou invasives. Les méthodes déradication doivent être testées dans le but de déterminer les
plus efficaces et les moins onéreuses.
Le contrôle manuel et mécanique d’une espèce végétale invasive
Arrachage Fauchage Moissonnage Débroussaillage Coupe c’est-à-dire l’élimination de l’espèce uniquement pour
des opérations précoces menées lorsque l’écosystème est peu envahi, linvasion est récente et/ou la surface envahie est
réduite. Les opérations doivent être répétées régulièrement lorsque les invasions sont plus importantes.
Ces techniques sont aussi bien utilie pour les espèces terrestres (renouée, berce du Caucase, robinier, sénéçon du Cap)
ou aquatiques (jussie, myriophylle du Brésil, élodée, etc.).
Le contrôle ciblé d’une espèce animale invasive
Le contrôle et/ou l’éradication d’une espèce animale invasive peut se faire à différents stades (méthodes testées dans le
programme d’éradication de la grenouille taureau dans la région Aquitaine):
ramassage manuel des pontes ;
capture des jeunes et/ou des adultes par piégeage ;
élimination des adultes par le tir (ex : écureuils gris, ibis sacré).
Le contrôle chimique
Les opérations de lutte par lutilisation des herbicides et des pesticides donnent des résultats partiels et temporaires. Dans
certaines situations, il est préconisé d’utiliser les traitements chimiques combinés à d’autres techniques.
Le contrôle chimique a par ailleurs des conséquences sur la biodiversité et lenvironnement, en particulier sur la qualide
leau qu’il ne faut pas négliger.
Dans certains cas, lempoisonnement est envisagé pour l’éradication des différentes espèces d’écureuils introduites dans
plusieurs pays d’Europe.
Le contrôle sur la reproduction
L’immuno-contraception est une technique qui consiste à provoquer une réaction immunologique chez les femelles
interdisant la pénétration des spermatozoïdes dans les ovules. Cette technique a épréconisée pour lécureuil gris mais
elle présente de nombreux risques car elle n’est pas spécifique à la cible visée et peut donc affecter d’autres rongeurs.
La stérilisation des pontes a épréconisée comme action de contrôle des populations dibis sacré mais son efficacité n’a
pas été prouvée. La mortalité des adultes étant faible, la population resterait longtemps à un niveau élevé même sans apport
de jeunes. De plus, les actions sur les pontes risquent d’être contre productives car l’échec de la reproduction peut entraîner
la dispersion des oiseaux vers d’autres sites de reproduction.
Le contrôle biologique
Depuis des décennies, les pays anglo-saxons (Australie, Afrique du sud, Nouvelle-Zélande et Etats-Unis) concentrent leurs
efforts sur la lutte biologique pour éliminer les espèces végétales envahissantes. En France, la lutte biologique en est encore
aux balbutiements.
Cette méthode se révèle être la plus efficace pour rétablie un équilibre, mais sans détruire toute la population. Elle consiste à
introduire des consommateurs (insectes, gastéropodes, etc.) ou des pathogènes (champignons, bactéries, parasites)
spécifiques de lespèce invasive.
Le contrôle écologique
La restauration des milieux et l’arrêt des perturbations naturelles ou artificielles des écosystèmes permet de limiter ou de
contenir les invasions biologiques. L’efficacide ces méthodes n’est souvent perceptible que quelques années après leur
mise en place et elles nécessitent des interventions de contrôle régulres tant que léquilibre recherché nest pas établi. Le
contrôle écologique s’inscrit dans une stratégie globale d’aménagement du territoire et de développement durable.
La prévention et l’information
Les actions éducatives représentent la démarche la plus efficace contre les invasions biologiques. Mais leur mise en place
nécessite une meilleure connaissance des invasions biologiques (distribution, dynamique des populations et écologie des
espèces végétales envahissantes). EN 1999, le ministère en charge de lenvironnement a lancé le programme INVABIO qui
soutient 30 programmes de recherche sur les problématiques liées aux invasions biologiques.
L’information et la sensibilisation du public sur les dangers que peuvent représenter les espèces invasives sont primordiales
pour mener à bien le contrôle des invasions biologiques. Elles peuvent être mises en place par la diffusion de plaquettes et
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d’affiches et/ou la mise en ligne de sites internet.
Les espèces invasives et la réglementation
Une réglementation de la commercialisation et des activités qui favorisent la dissémination des espèces invasives doit être
mise en oeuvre.
La première convention internationale, ratifiée par la France le 20 août 1957, est celle "pour la protection des végétaux"
(Convention enregistrée le 29 novembre 1952 auprès du Secrétariat de l'ONU, sous le No. 1963). Cette convention est
un trai multilatéral qui "propose d'assurer une action commune et efficace pour empêcher la dissémination et
l'introduction d'organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux et de promouvoir des mesures en matière
de lutte".
La convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de lEurope, signée par la
France et entrée en vigueur en 1982, oblige les états à contrôler strictement lintroduction des espèces non indigènes.
La convention internationale de Rio, dite aussi "convention sur la diversité biologique" du 22 mai 1992, ratifiée par la
France et entrée en vigueur le 29 septembre 1994, prévoit que chaque partie contractante "empêche d'introduire,
contrôle ou éradique les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces".
Dans le droit français, larticle L411-3 du code de lenvironnement (loi de février 1995 relative au renforcement de la
protection de l’environnement) modifié par Loi n°2005-157 du 23 février 2005 stipule :
afin de ne porter préjudice ni aux milieux naturels ni aux usages qui leur sont associés ni à la faune et à la flore
sauvages, est interdite l'introduction dans le milieu naturel, volontaire, par négligence ou par imprudence :
De tout spécimen d'une espèce animale à la fois non indine au territoire d'introduction et non domestique, dont la
liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, soit du ministre chargé de
l'agriculture soit, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;
De tout spécimen d'une espèce gétale à la fois non indigène au territoire d'introduction et non cultivée, dont la
liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, soit du ministre chargé de
l'agriculture soit, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;
De tout spécimen de l'une des espèces animales ou végétales signées par l'autorité administrative.
Seule dérogation : L’introduction effectuée à des fins agricoles ou forestières ou pour des motifs d’intérêt néral, après
évaluation de ses conséquences et sur autorisation de « lautorité administrative ». Le décret qui doit préciser les
conditions d’application de cet article notamment pour désigner lautorité compétente pour délivrer les autorisations,
n’est toujours pas paru en 2007.
En application de larticle L415-3 du même code, lintroduction volontaire constitue un délit. Les introductions par
négligence ou imprudence devraient être lobjet de contraventions, mais le décret fixant la sanction nétant pas paru,
ces faits ne sont aujourd’hui pas constitutifs d’une infraction pénale.
Se poser les bonnes questions pour une meilleure gestion de la situation
Quelles conséquences de la présence de l’espèce invasive sur quels enjeux ?
Écologiques ? (effet sur la biodiversité via la modification des caractéristiques du milieu)
Economiques ? Sociaux ?
Culturels ? (Lintroduction souvent ancienne de la plante fait que sa présence est perçue comme “naturelle”.)
Pour quels acteurs de la société ? Avec quel coût ?
Quels avantages éventuels ?
Quelles utilisations potentielles ?
Avec quels gains ?
Et si l’on choisit de “lutter contre”
Par quels moyens ? Avec quelles conséquences ?
Quels risques associés ? (par exemple, en liaison avec l’emploi en grande quantidherbicides)
A quels coûts ? Pour quels gains ?
Principales esces animales invasives en Francetropolitaine
Esce Famille Origine
Black-bass - Micropterus salmoides Centrarchidae Etats-Unis
Carassins - Carassius sp. Cyprinidae Asie
Coque d’eau douce asiatique -
Corbicula sp. Corbiculidae Asie
Crevette grise d’eau douce - Atyidae Afrique du
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Atyaephyra desmaresti Atyidae nord
Ecrevisse américaine - Orconectes
limosus Cambaridae Amérique du
nord
Ecrevisse de Louisiane - Procambarus
clarkii Cambaridae Sud des
Etats-Unis
Ecrevisse signal - Pacifastacus
leniusculus Astacidae Californie
Ecureuil à ventre rouge - Callosciurus
erythraeus Sciuridae Asie du sud
Ecureuil gris - Sciurus carolinensis Sciuridae Amérique du
nord
Ecureuil de Finlayson - Callosciurus
finlaysonii Sciuridae Région
indochinoise
Fausse limnée - Potamopyrgus
antipodarum Hydrobiidae Nouvelle
Zélande
Faux-gardon - Pseudorasbora parva Cyprinidae Japon
Gammare poilu - Dickerogammarus
villosus Gammaridae Mer noire
Grenouille-taureau - Rana
castesbeiana Ranidae Amérique du
nord
Ibis sacré - Threskiornis aethiopicus Threskiornithidea Afrique
Moule zébrée - Dreissena polymorpha Dreissenidae Mer
Caspienne
Omble de fontaine - Salvelinus
fontinalis Salmonidae Amérique du
nord
Perche-soleil - Lepomis gibbosus Centrarchidae Amérique du
nord
Poisson chat commun - Ameirus
melas Ictaluridae Amérique du
nord
Poisson-moustique - Gambusia affinis Poeciliidae Etats-Unis
Ragondin - Myocastor coypus Echimyidae Amérique du
sud
Rat musqué - Ondrata zibethicus Talpidae Amérique du
nord
Sandre commun - Sander lucioperca Percidae Hongrie
Silure commun - Silurus glanis Siluridae Europe de
lest
Tamia de Sirie - Tamias sibiricus Sciuridae Asie
Tortue de Floride - Trachemys scripta Emydidae Floride
Vison d’Amérique - Mustela vison Mustelidae Amérique du
nord
Principales esces végétales invasives en France métropolitaine
Esce Famille Origine
Ambroisie à feuilles d’armoise -
Ambrosia artemidiifolia Asteraceae Amérique du
nord
Arbre aux papillons - Buddleja davidii Buddlejaceae Chine
Asters américains - Aster lanceolatus
– A. novi-belgii Asteraceae Amérique du
nord
Azolla fausse fougère - Azolla
filiculoides Azollaceae
Amérique
tropicale et
temrée
Balsamine à petite fleurs - Impatiens
parviflora Balsaminaceae Asie centrale
Balsamine géante - Impatiens
glandulifera Balsaminaceae Himalaya
Berce du Caucase - Heracleum
mantegazzianum Apiaceae Caucase
Bident à fruits noirs - Bidens frondosa Asteraceae Amérique du
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Bident à fruits noirs - Bidens frondosa Asteraceae nord
Caulerpes - Caulerpa taxifolia – C.
racemosa Caulerpaceae Mers
tropicales
Cerisier tardif - Prunus serotina Rosaceae Amérique du
nord
Chiendent d’eau - Paspalum
distichum Poaceae Amérique
tropicale
Egéria - Egeria densa Hydrocharitaceae Amérique du
sud
Elodées - Elodea canadensis – E.
nuttallii – E. callitrichoides Hydrocharitaceae Continent
américain
Erable negundo - Acer negundo Aceraceae Amérique du
nord
Faux indigo - Amorpha fructicosa Fabaceae Amérique du
nord
Faux vernis du Japon - Ailanthus
altissima Simaroubaceae Chine
Griffes de sorcière - Carpobrotus sp. Aizoaceae Afrique du
sud
Herbe de la pampa - Cortaderia
selloana Poaceae Amérique du
sud
Jussies - Ludwigia peploides – L.
grandiflora Onagraceae
Amérique du
nord et du
sud
Lagarosiphon - Lagarosiphon major Hydrocharitaceae Afrique du
sud
Lentille d’eau minuscule - Lemna
minuta Lemnaceae Amérique
tropicale
Lentille d’eau rouge - Lemna
turionifera Lemnaceae Amérique du
nord
Mimosa - Acacia dealbata Fabaceae Australie -
Tasmanie
Myriophylle du Brésil - Myriophyllum
aquaticum Haloragaceae Amérique du
sud
Paspale dilaté - Paspalum dilatatum Poaceae Amérique du
sud
Renouées - Fallopia japonica – F.
sachalinensis Polygonaceae Japon - Asie
orientale
Rhododendron pontique -
Rhododendron ponticum Ericaceae Balkans et
Turquie
Robinier faux-acacia - Robinia
pseudoacacia Fabaceae Amérique du
nord
Rudbéckie laciniée - Rudbeckia
laciniata Asteraceae Amérique du
nord
néçon en arbre - Baccharis
halimifolia Asteraceae Amérique du
nord
néçon du cap - Senecio
inaequidens Asteraceae Afrique du
sud
Solidages - Solidago canadensis – S.
gigantea Asteraceae Amérique du
nord
Spartine de Townsend - Spartina
townsendii Poaceae Espèce
hybride
Topinambour - Helianthus tuberosus Asteraceae Amérique du
nord
Les milieux insulaires fortement menacés
Les problématiques ne se posent pas de la même manière en milieux insulaire et continental. L’isolement géographique a
entraîné le développement d’écosystèmes uniques avec une biodiversité exceptionnelle, mais vulnérables aux introductions
d’espèces exotiques. La flore et la faune ont souvent évolué en l’absence d’espèces plus compétitives venant des continents
et nont pas velop de moyens de lutte contre les invasions. 47 espèces gétales et animales parmi les 100 plus
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