aussi que pastoralement et évangéliquement la discipline doit être modifiée et que donc
il faut clairement envisager un changement de la doctrine, ce qui implique une
« désinfiallibillisation » de l’enseignement pontifical ordinaire (encycliques en
particulier), positions doctrinales de la CDF et texte du Droit canon. Je montrerai aussi
que la tension n’est pas seulement entre pastorale et doctrine, tension la plus visible et
explicite dans les discours, mais aussi entre théologie et doctrine.
En ce sens, il s’agit bien d’une question emblématique, d’un enjeu ecclésiologique
fondamental qui concerne non seulement cette question, mais aussi d’autres questions
urgentes dans l’actualité : la relation homosexuelle (qui a été un tabou sur lequel il a été
impossible de réfléchir au synode), la question doctrinalement non résolue de la
contraception (que le synode a soigneusement évité de rencontrer), mais aussi les
questions qui n’entrent pas dans le cadre et l’objet du synode : la question des ministères,
en particulier l’accès des femmes au ministère presbytéral, mais plus largement et
fondamentalement la nécessité de repenser le ministère ordonné, les questions éthiques
concernant le commencement et la fin de la vie, le tabou porté sur l’ensemble des
questions posées par l’approche du genre, etc.
Mon analyse cherche à être objective, mais elle n’est pas neutre. Je suis animé par la
conviction que dans ce domaine, et dans d’autres, évangéliquement, tant la pratique que
la doctrine de l’Église devraient changer. Par ailleurs, cette analyse ne prétend
évidemment pas à l’exhaustivité : une multitude d’études et de prises de position ont été
publiées. Je n’ai accès qu’à une fraction d’entre elles, – principalement dans ce qui est
publié en français ou en anglais, – mais que je crois significatives
.
1. Entre les deux sessions du synode
Avant et pendant la première session du synode, le débat a été particulièrement vif entre
évêques et au plus haut niveau de l’église, à celui des cardinaux, autour de la question de
l’accès à la communion des divorcés remariés, à partir de l’intervention du cardinal
Kasper au consistoire préparatoire au synode (où il a été invité à s’exprimer par le pape
François), et la contradiction portée par le cardinal Müller, préfet de la CDF. Au cours de
cette première session, les ouvertures évoquées par le rapport intermédiaire ont suscité en
interne de violentes protestations. Dans le Rapport final de la première session du synode,
les deux numéros touchant la question des personnes divorcées et remariées (nn. 52 et
53), bien que nettement en retrait en regard du rapport intermédiaire, n’ont pas obtenu les
deux-tiers requis (soit 122 sur 183 votants : respectivement : 104 oui, 74 non, et 112 oui,
64 non). Le numéro traitant de l’homosexualité n’a rien retenu de ce que le rapport
intermédiaire avait dit concernant la relation homosexuelle. Il touche seulement à
Au niveau de la documentation, nombre d’extraits sont cités d’après le site de Sandro Magister
www.chiesa.espressonline.it. Cité désormais simplement par Chiesa. Remarque : Sandro Magister est un
vaticaniste très bien informé, mais pas neutre du tout : il milite clairement pour un maintien sans aucun
changement de la doctrine et de la discipline actuelles. L’intérêt de son site est qu’il cite très largement les
documents qui vont dans son sens, mais aussi ceux qui vont dans le sens du changement, dont il fait une
présentation critique. Ses adversaires déclarés sont les cardinaux Kasper et Marx et l’Église d’Allemagne.
Les titres de deux de ses chroniques en disent long : « Les évêques allemands mettent la charrue avant les
bœufs » (06.05.15) et « Synode. La bataille d’Allemagne » (29.05.15).