
denrées alimentaires augmentent à un taux plus modéré qu'actuellement, par exemple de
20 % par an. Pour ramener le taux d'inflation à 3 % dans un pays donné, il faut que tous les
autres prix ralentissement brutalement, voire diminuent, au risque d'un ralentissement
marqué de l'économie et une augmentation du taux de chômage. Le remède serait pire que
le mal.
Que faire ? D'abord, il ne faut pas rendre les politiciens et les banques centrales
responsables de l'inflation importée, ni leur attribuer le mérite d'une inflation contrôlée
lorsque la conjoncture mondiale est propice. La faible hausse des prix observée en
Amérique lors des années Greenspan vient ainsi d'abord de la baisse des prix des produits
alimentaires et de la déflation en Chine. Ensuite, nous devons reconnaître que la hausse
des prix provoque une forte angoisse. Les émeutes dans certains pays en développement
ne font que révéler ce malaise.
Les défenseurs de la libéralisation du commerce ne seront jamais totalement honnêtes sur
ses risques. Il y a plus de vingt-cinq ans, je démontrais que, dans des conditions plausibles,
la libéralisation du commerce pourrait tous nous appauvrir. Je n'argumentais pas en faveur
du protectionnisme mais lançais plutôt un appel à la prudence. Lorsqu'il s'agit d'agriculture,
les pays développés protègent les consommateurs et les agriculteurs contre les risques.
Pour éviter un retour de bâton encore plus violent que celui de la mondialisation, l'Occident
doit répondre vite et fort. Il faut supprimer les aides à la production de biocarburants, qui
ont encouragé à passer de l'alimentation à l'énergie. Plus important encore, il faut
abandonner le ciblage d'inflation. Il est déjà assez difficile de tenir la distance face à la
hausse des prix des denrées et de l'énergie. Le ciblage d'inflation n'aura que peu d'impact :
il ne fera que compliquer la survie dans ces conditions.
Oui, le ciblage d'inflation marche !
Par THOMAS BARON, doctorant en économie à l'Essec et à l'Université Paris-I, et ANDRÉ
FOURÇANS professeur d'économie à l'Essec.
[LES ECHOS, 05/09/08]
Faut-il abandonner le ciblage d'inflation ? Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz réclame
la suppression de ces politiques monétaires cherchant à atteindre un taux d'inflation de
moyen terme déterminé à l'avance. Cette demande est cependant loin de faire consensus.
Avant d'aborder les différentes critiques de Stiglitz, il faut rappeler que ce système, avec
ses diverses variantes, a permis de maintenir les anticipations d'inflation à un niveau faible
dans maints pays industrialisés et en développement, favorisant ainsi la stabilité des prix et
la croissance. Ces exemples démontrent que le ciblage d'inflation peut être efficace dans la
lutte contre la flambée des prix, même s'il n'est pas exempt de difficultés. Curieusement,
Joseph Stiglitz ne les mentionne pas. Il faut le mettre en oeuvre de façon cohérente et sur
la durée, étant donné les décalages entre les mesures prises et leur effet sur les étiquettes.
Et aussi en tenant compte du contexte institutionnel (surtout la structure du système
financier), de la situation économique du pays considéré et du système de change en
vigueur (les changes flexibles sont fortement recommandés, surtout dans les pays