Cinq traditions à la recherche du public
tels effets n'a jamais été la tâche principale de l'analyse littéraire. Grosso modo, ces effets ont
toujours été considérés comme acquis. Néanmoins, un certain nombre d'études empiriques et
parfois expérimentales portant sur ce type d'effets apparaissent dès le début du siècle. Un
nouvel élan est donné à un tel travail par I. A. Richards et par ses successeurs américains et
européens (Richards, 1929 ; Hansson, 1959, 1985 ; Purves, 1971 ; Segers, 1978 ; Svensson,
1985).
Dans les études littéraires actuelles, on peut distinguer trois conceptions de l'audience.
D'abord, en élargissant le cadre historique de l'analyse du rôle du lecteur, l'esthétique de la
réception — en particulier celle de l'école allemande — a étudié les transferts et les
transformations historiques de thèmes littéraires, mais aussi les conditions de compréhension de
la littérature (Iser, 1970
;
Jauss, 1970 ; Holub, 1984). Ensuite, un intérêt similaire pour l'aspect
« micro » de l'interaction entre le texte et le lecteur
s'est
manifesté dans une variété d'autres
approches rassemblées sous la dénomination de «
reader-response
theory » (Fish, 1980 ; Sulei-
man et Crosman, 1980 ; Tompkins, 1980). Enfin, depuis les dernières décennies, les études
empiriques sur la réception de la littérature se sont multipliées dans une orientation sociolo-
gique ou psychologique en Europe et aux Etats-Unis. En témoignent des revues comme
Poetics
et SPIEL (Siegener Periodicum zur Internationalen Empirischen Literaturwissenschaft ; voir en
particulier Poetics, 14, 1-2, 1985 ; SPIEL, 1, 2, 1988).
Cependant, en paraphrasant la formule que nous avons déjà citée, il est probablement juste
de dire que, pour l'essentiel, l'analyse littéraire porte sur ce que la structure des textes littéraires
fait aux lecteurs, plutôt que ce que les lecteurs font de la littérature.
L'approche culturaliste (Cultural Studies)
L'articulation des recherches sociologiques et des recherches sur le texte
s'est
construite au
sein de l'approche culturaliste. Combinant des hypothèses structuralistes sur la nature des
sociétés capitalistes industrielles avec des hypothèses sur la relative autonomie des formes
culturelles et leur rôle en termes de changement social (Hall, 1980), cette tradition analyse le
procès des communications de masse comme un aspect des « pratiques » quotidiennes. On peut
brièvement définir les « pratiques » comme des activités sociales signifiantes (Williams, 1977).
Le concept permet de privilégier une perspective globale de la vie sociale, en reconnaissant à la
fois la possibilité d'intervention des individus et le rôle joué par la production du sens dans
l'orientation de l'action sociale. Pour l'approche culturaliste, l'objet des recherches sur les
communications de masse se situe en dehors des médias : ces derniers renvoient, tout comme
leurs publics, à des pratiques sociales et culturelles plus larges.
Les sources des recherches culturalistes actuelles sont multiples, comprenant de nombreux
classiques du siècle dernier (Durkheim, Marx, Weber), tout comme de modernes pionniers
européens et américains tels qu'Adorno et Horkheimer (1977), Hoggart (1957), Williams
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