agrégation de sciences économiques et sociales
préparations ENS 2006-2007
fiches de lecture
Famille et modernité occidentale
De Singly (2001) : Etre soi d’un âge à l’autre. Famille et
individualisation II
Fiche de lecture réalisée par les agrégatifs des ENS Ulm et Cachan
De Singly, Frnaçois (dir.) (2001), Etre soi d’un âge à l’autre. Famille et
individualisation, tome 2, Paris, L’Harmattan, 233 p.
Notes :
- pratiquement tous les conférenciers sont membres du CERLIS. Pas de surprise donc à ce qu’aucun
d’entre eux ne dévie vraiment de la doxa singlienne de base, qui se décline en deux types de
discours : relectures globalisantes du processus d’individualisation (Cf. contribution de Chaland) et
études interactionnistes du couple ou du groupe familial.
- certaines contributions semblent vraiment vaines. Je ne les fiche pas parce que ni mon temps ni le
vôtre ne méritent d’être perdus.
- Franchement FDS commence à me gonfler.
Intro de FDS :
Explique à partir notamment de Pontalis que l’identité personnelle n’a rien de substantiel, qu’elle est une sorte de
puzzle en perpétuel recomposition, que cela peut être lu en partie comme une incidence de la dérigidification
normative propre aux sociétés modernes. Tout cela contribue à réhabiliter non seulement la socialisation secondaire,
mais plus largement l’ensemble des expériences par lesquelles sont produites des reformulations de l’identité. Cf.
Libres ensemble : loin d’être une unité donnée une fois pour toutes, l’identité est le produit d’un mouvement de « va-
et-vient », même s’il ne faut pas tomber dans une conception totalement mobiliste de la personnalité : le va-et-vient
identitaire laisse subsister un noyau relativement stable (il y aurait donc quand même quelque chose comme un
primat de la « socialisation primaire », de « l’habitus », du « pattern de personnalité », ou de qq autre terme que l’on
veuille bien employer).
Pour un usage sociologique de la double généalogie de
l’individualisme (K. Chaland)
Intro et première partie (Autonomie et indépendance, deux dimensions de
l’individualisme) :
Il faut distinguer dans l’individualisme la dimension de l’indépendance, qui renvoie philologiquement à Leibniz, et la
dimension de l’autonomie, qui est celle que l’on peut tirer de Kant et Rousseau. L’individualisme des Lumières,
égalitariste et universaliste, renvoie de manière privilégiée à la dimension de l’autonomie. Mais ce qui est intéressant
est de constater que la notion d’individualisme peut sans contradiction prêter à l’accentuation de l’une ou de l’autre
dimension, et dans cette combinaison donner lieu à une diversité de pratiques et d’éthiques : centration sur l’ego ou
valorisation humaniste de chaque individu. Pourtant, autonomie et indépendance ne génèrent pas les mêmes
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conséquences : pour Renaut (ok, c’est Renaut), la valorisation de l’indépendance porte en elle via l’accentuation
unilatérale de la constitution indépendante de l’individu le principe d’une désocialisation, d’une subjectivité sans
intersubjectivité, ce qui ne serait pas le cas de l’autonomie.
2. Relire des travaux en sociologie de la famille à la lumière de la distinction
entre autonomie et indépendance :
Intéressant dans la mesure où c’est un des aspects soulignés par De Singly de manière récurrente (notamment sur les
définitions de la jeunesse).
Certains individus accèdent aux deux dimensions alors que d’autres les vivent sous un régime de dissociation ; ainsi
tous les individus des sociétés contemporaines ne sont pas au même titre des « individus individualisés » ; ces
décalages recouvriraient moins des différences socioéconomiques que des différences de génération et de genre ; Cf.
Beck : thèse selon laquelle la première modernisation, modernisation simple, a affecté les hommes, et que la seconde,
modernisation complexe, inclut les femmes dans son mouvement. Chaque modernisation correspond à une
affirmation de l’individualisme. Mais ce qu’on peut reprocher à Beck est d’inclure justement de lanière trop
monolithique les femmes dans la seconde modernisation ; différencier selon les groupes, c’est ce que va permettre la
distinction entre autonomie et indépendance.
Etre autonome sans être indépendant :
La situation des jeunes est comparable à celle des femmes avant-guerre. Ils vivent le rapport entre autonomie et
indépendance comme une dissociation, au sein d’une époque qui enjoint d’être un individu individualisé de manière
pleine et entière. L’étudiant qui ne vit plus chez ses parents est à la fois dépendant d’eux et autonome au sens de
l’auto-prescription de ses règles. Cela permet de poser la question des implications de la dépendance. La dépendance
est d’autant plus forte qu’elle est redevable d’une seule personne ou instance (état), même si toutes choses égales par
ailleurs les dépendances par rapport aux personnes sont plus contraignantes que les dépendances par rapport aux
institutions. L’autonomie sera donc moins entamée lorsque la dépendance est « lointaine ».
Le dosage est différent chez l’adolescent : mélange de dépendance, d’hétéronomie et d’autonomie. En général la
soumission aux règles découlant de la dépendance est redoublée par des espaces plus autonomes ; mais la soumission
elle-même peut être modulée selon le degré d’adhésion aux règles ou de participation à leur élaboration.
Les femmes au foyer illustrent aussi le découplage entre autonomie et indépendance. Cf. FIFM : l’autonomie n’est
pas l’apanage des femmes « autogestionnaires » ou égalitaires, c'est-à-dire actives ; les « femmes ménagères »
peuvent aussi avancer des revendications d’autonomie avec succès : elles maîtrisent l’espace qui leur est dévolu et
peuvent y revendiquer de la responsabilité. Il y a donc à distinguer l’autonomie des « autogestionnaires » « par
désengagement » et l’autonomie des « femmes ménagères » « par renforcement », même si bien sûr toutes les
femmes au foyer n’accèdent pas à cette deuxième forme : elle n’est ni donnée d’avance ni accordée une fois pour
toutes.
L’autonomie par renforcement apparaît assez clairement dans Le Cœur à l’ouvrage : appropriation par ritualisation
des tâches ménagères, base d’une nouvelle valorisation de celles-ci. Il s’agit alors de faire de l’espace ménager un
espace personnel.
Etre autonome et indépendant :
Contrairement aux « renforcées », les autogestionnaires sont à la fois autonomes et indépendantes. Certaines
cumulent l’autonomie par renforcement et par désengagement : dans certaines configurations de travail à temps
partiel par exemple. L’autonomie, par désengagement est ici utilisée de manière synonyme à l’indépendance
économique. Tout cela ne doit pas occulter le caractère quelque peu indépassable de la dépendance affective,
relationnelle, et ses contraintes, vécues différemment par les individus. L’idéal valorisé est la combinaison de
l’indépendance, de l’autonomie et du lien « avec ».
Les célibataires (économiquement indépendants) offrent une combinaison plus radicale de l’autonomie et de
l’indépendance. Mais contrairement au modèle « avec » ce modèle est peu valorisé voire stigmatisé ; Cf. Kaufmann
sur les « solos » : celles qui assument (les solos « volontaires ») et celles qui n’assument pas (les solos « par défaut »).
Les assomptrices exigent de la vie « avec » un véritable plus ; les autres sont prêtes à renoncer à puisque tout pour la
chaleur conjugale ; ces autonomes par défaut subissent leur mode de vie.
La question se pose de manière encore plus accrue pour les femmes seules non-indépendantes (non actives), allant
jusqu’à des formes difficiles à vivre d’individualisme négatif, selon les termes de Kaufmann reprenant Castel. Les
solitaires par défaut se trouvant aspirées dans des trajectoires qui ne prennent sens qu’à l’autre pôle.
Ainsi on a bien opéré des distinctions dans le groupe des femmes à l’aide de la différence entre autonomie et
indépendance. ON comprend ainsi mieux la complexité du processus d’individualisation. Entre autres : l’individu
individualisé ne saurait être pensé sans sa relation à des autruis significatifs. La difficulté de l’individualisme
contemporain est de parvenir à un équilibre entre autonomie, indépendance et relation à l’autre. Sur ce dernier point,
voir la thématique de la relation pure de Giddens.
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Le sens retrouvé du mariage ? Vers une nouvelle perspective
théorique (C. Cicchelli-Pugeault)
Dans un arcl intitulé « le sens perdu du mariage », l’anthropologue JF Gossiaux se demandait « Cela s’appelle encore
le mariage, cela a certaines apparences du mariage, mais est-ce vraiment le mariage ? ». Cela révèle une assimilation
entre déshérence du mariage assigné par les familles et jouant une fonction claire de rite de passage et disparition
pure et simple du mariage. Le recul des formes traditionnelles s’inscrit en fait dans un mouvement de diffusion du
processus d’individualisation qui forme les cadres sociaux d’expériences toujours plus personnalisées et privatisées.
Bozon, Sociologie du rituel du mariage, INED 1992 : la cérémonie peut ne plus être considérée comme rite de
transition tout en continuant à être considérée comme une fête majeure, qu’il est normal de célébrer ». Segalen fournit
une interprétation convergente.
les limites des travaux disponibles :
Trois difficultés :
- tendance à se référer au traditionnel pour qualifier d’innovation radicale les formes présentes. Gossiaux interprète ainsi le
mariage comme « une oeuvre d’art rituel ». C’est aussi la biais de Segalen, qui repère dans le mariage contemporain une
double exigence festive et d’affirmation du groupe des pairs : ce sont les amis qui vont véritablement marier les époux.
L’interprétation en termes de nouveauté réifie les catégories sociologiques de tradition et de modernité, sans pénétrer le
sens intrinsèque du second
- si le mariage se comprend par rapport à une norme d’individualisation, il faut-il en conclure qu’il est totalement soustrait à
des formes de contrôle collectif ? Comment comprendre dans ce cadre la relative permanence des formes rituelles
traditionnelles ? On peut alors se demander pourquoi les formes de personnalisation des noces n’ont pas envahi le mariage ;
cf. le rituel d’enterrement de la vie de célibataire : une logique d’intronisation continue à jouer ; le mariage reste donc un
rite de passage : sinon pourquoi simuler la possibilité de se refuser au mariage, avec l’enterrement de la vie de célibataire
comme lieu symbolique de la possibilité de ce refus de l’union au profit de la logique de développement individuel ?
- Les interprétations sont conduites en termes de manque. On décrit les mariés comme des adultes qui ne souhaitent que faire
la fête. Pourtant, le mariage est aussi l’occasion d’un rapport de force entre générations et entre familles : peut-on parler de
dédramatisation ? Segalen évoquant ce rapport de forces entre générations le résout par des considérations de force
statutaire relative : dans qle mesure sont-ils en position d’imposer leur vision des choses ? On touche ici au postulat le plus
problématique : ce sont les conjoints qui contrôlent le mariage du fait de leur autonomie. Or de là il est difficile
d’interpréter ce qui érode cette autonomie, sinon la pure contrainte économique du financement du mariage, ce qui est une
interprétation réductrice et discutable. Cela aboutit à différencier statutairement les mariés, selon que leurs ressources
statutaires leur permettent ou pas de se présenter comme « adultes » dans la négociation des modalités du mariage.
L’interprétation a donc des implications discriminantes puisqu’elle à considérer que soit l’individu est achevé et impose sa
définition du mariage, soit qu’il est inachevé et reste un être sous tutelle. Le refus théorique du mariage comme passage est
cohérent avec cette position qui considère que le passage s’opère dans une autre sphère. La thèse de l’individualisation
ainsi interprétée exclut le mariage comme rite, donc ses dimensions collectifs, dès lors que pour être conforme aux attentes
il faut être totalement acteur de son mariage. Or, en tant que doublement arrimé à la communauté et aux familles, le
mariage ne doit-il pas être considéré comme un passage ?
Il faut donc se garder d’interprétation les mariages contemporains comme des répliques inversées des formes
traditionnelles, donc en particulier de poser que les enfants remplacent les parents dans le rôle de codification de la
définition du mariage. Pour cela, il faut conjoindre la dimension festive et la ritualisation du passage matrimonial
dans des formes nouvelles, non traditionnelles, qui rappellent et activent des liaisons sociales.
Le mariage comme source d’effets de déconstruction sociale de la réalité :
Berger / Kellner, Le mariage et la construction de la réalité, Dialogue, 1988 : donne une définition idéal-typique du
mariage dans les 60’, moment où la conjugalité implique le mariage. « Le mariage, dans notre société, est un acte
dramatique dans lequel deux étrangers se rencontrent et se redéfinissent »Les mariés sont « étrangers » car à la
différence des sociétés traditionnelles ils ne sont pas unis par un passé commun transgénérationnel, ils s’unissent sur
la base de relations interpersonnelles partagées. « Notre société est généralement exogame en ce qui concerne les
relations nomiques ». Dans ce contexte, le mariage est saisi comme impliquant une « rupture nomique « , quand bien
même les mariés se pensent dans la continuité de ce qu’ils étaient, ne ressentent pas les modifications normatives et
identitaires induites par la vie conjugale. Le mariage est une construction sociale de la réalité fournissant aux
individus la médiation actualisée leur permettant de faire du monde « leur » monde, c'est-à-dire de se l’approprier
identitairement de manière stable. Cette construction appelle la validation de groupes adjacents, au premier rang
desquels la famille et les amis. Cette validation effectuée les conjoints deviennent l’un pour l’autre les autruis
significatifs primordiaux.
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L’analyse de B et Culture reste actuelle, même s’il faut prendre en compte que la cohabitation devenant la norme, les
conjoints peuvent plus difficilement être considérés comme des étrangers, ils sont déjà l’un pour l’autre l’ « autre par
excellence ». Les acteurs du mariage « sont déjà précédés par leurs ombres conjugales », la redéfinition des relations
significatives a déjà été opérée. Mais si la rupture nomique ne garde pas le même sens, elle n’est pas pour autant
effacée. En mettant les relations de chacun en contact, le mariage rappelle aux conjoints qu’ils furent des étrangers,
mise à jour potentiellement déstabilisante. « Les affiliations anciennes peuvent agir comme un boomerang identitaire
par l’entremise de la confrontation de cercles relationnels distincts. Se profile alors la possibilité d’une déconstruction
sociale de la réalité impliquant moins un anéantissement qu’une déstabilisation de l’ordre conjugal préétabli ».
L’obsession de la fête réussie se comprend alors comme tentative de contrôle du risque identitaire. La fête réussie
prend alors le sens quasi-divinatoire de conjuration de la possibilité de l’échec du mariage.
Le mariage comme concurrence :
De façon idéal-typique on considérera que l’acteur qui se marie cherche à maximiser sa satisfaction personnelle mais
sous contrainte relationnelles spécifiques : contraintes familiales, contraintes conjugales, contraintes liées aux pairs.
L’individu cherche à réassurer les relations qui lui procurent un soutien identitaire. Il cherche à ajuster ses
préférences individuelles et ces pressions relationnelles. Ce sont moins des ressources monétaires que relationnelles
qui sont mobilisées dans le mariage. C’est pourquoi le financement par les parents n’est pas la contrainte
primordiale : le financement parental n’implique pas nécessairement un sentiment d’hétéronomie. Le mariage offre
alors un cas de concurrence organisée entre groupes habituellement séparés. Dans le mariage communautaire, les
différents cercles sociaux partageaient tout au moins un cadre culturel et normatif. Ce n’est plus forcément le cas dans
le mariage contemporain. Il faut donc le saisir comme concurrence pour l’affirmation de sous-groupes concurrents.
Les mariés doivent donc négocier (au double sens de tractation et d’approximation pratique) une définition acceptable
de leur mariage, et par là secondairement une définition d’eux-mêmes. Le mariage peut donc aussi bien conforter que
déstabiliser le regard porté sur soi et la définition de soi afférente.
L’efficacité symbolique du mariage :
On accède ainsi à une autre interprétation des mariages contemporains ; l’épreuve identitaire n’a pas de raison
d’exclure la réactivation de traits rituels traditionnels, l’important étant de saisir à qles conditions le mariage-
événement peut former une ressource d’identité et d’ajustement avec les groupes qui soutiennent l’identité des mariés
en particulier. C’est dans cette perspective que le mariage continue de marquer un passage, comme moment
particulier d’articulation de l’autonomie des individus et de leur encastrement dans un univers de soutien identitaire.
Le blues de la mariée :
Il se comprend en référence à l’attente de confirmation des liens, même si elle est souvent déniée par les acteurs. Le
mariage est potentiellement déstabilisant car il est une forme d’auto-évaluation.
Recomposer le sens du lien de filiation. De l’individualisme éthique
au processus d’individualisation (V. Cicchelli)
Généalogies de l’individualisme : problèmes de méthode :
Jusqu'où faire remonter l’individualisme ? C’est un exercice un peu vain que la recherche des origines : Cf. Elias.
Cependant, si l’on comprend qu’il ne s’agit pas de trouver le passage où l’individu hors du monde passe au centre du
monde, la généalogie de l’individualisme garde un intérêt : il s’agit alors de dégager la façon dont au cours du temps
cette valeur s’est combinée avec des valeurs opposées. La genèse de l’individualisme, ce n’est pas l’histoire d’une
conquête qui laisserait les autres valeurs au bord de la route.
Individualisme, individualisation : Dumont : idée d’hybridation des valeurs. Il est malaisé de qualifier
l’individualisme de moderne et le holisme de traditionnel, il faut plutôt regarder comment l’individualisme induit une
remodelage des valeurs holistes ; le holisme appartient aussi à la modernité, il faut comprendre comment il a été
reformulé pour donner naissance à une configuration de valeurs sui generis, tout comme les éléments de culture
individualiste font appel à des éléments holistes pour être opérationnels. FDS : comment atteindre son identité
présuppose un travail relationnel impliquant les proches ; Taylor : la fidélité à soi présuppose un horizon de sens
partagé qui transcende l’individu et implique autrui. L’individualisme se comprend alors comme processus de
recomposition du sens du rapport entre individu et institution. Ici exemple des rapports entre parents et enfants
étudiants.
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Des querelles anciennes sur les effets de l’individualisme éthique sur le lien de
filiation :
Les affres de l’individualisme éthique : Trois raisons chez les socgs classiques de se pencher sur la famille pour
comprendre le développement de l’individualisme : 1) la famille cstuait le pilier d’un monde disparu fondé sur la
transmission de la propriété 2) est-ce que la nouvelle famille conjugale peut continuer de structurer le lien social ? 3)
opposition de la primauté du lien familial sur l’anthropologie individualiste, qui est celle d’une philosophie politique
contractualiste et d’une philosophie politique communautariste. La question sous-jacente : comment la nouvelle
société horizontale, fraternelle et égalitaire, par opposition à une société patriarcale, verticale et autoritaire, peut-elle
se maintenir ?
On peut distribuer les positions selon que les auteurs considèrent que le changement porte une potentialité de
décadence ou qu’ils se servent du développement de l’individualisme comme un paradigme herméneutique du
changement social.
La crainte de la fin de l’autorité et de l’éloignement des générations : Bonald, Démonstration philosophique du
principe constitutif de la société (1830) ; congruence fondamentale entre ordre familial, ordre politique monarchique
et ordre cosmique. Il existe donc des pouvoirs absolus : du monarque, du père. Pas d’harmonie sans respect de ces
principes architectoniques.
Ces idées influencent Le Play, même s’il est abusif d’affirmer avec Nisbet qu’il ne fait « qu’exprimer en termes
scientifiques les idées formulées par Bonald ». Son objectif est de formuler la forme familiale adéquate à la stabilité
sociale dans une société industrielle. La solution est un mixte de tradition et de modernité : la « famille-souche », par
différence avec la famille patriarcale et la famille instable. La commune résidence des générations est source de
continuité du nom et de la propriété, les aspirations individuelles restant secondaires par rapport au souci du groupe.
Mais empiriquement, il déplore la montée en puissance de la famille instable, source de souffrance individuelle et
collective. Donc il faut renforcer les autorités tutélaires, assurer au père une autorité qui apprendra à l’enfant l’amour
de l’ordre, l’obéissance…
La découverte d’une nouvelle gestion des sentiments entre parents et enfants : Tocquevile inaugure une autre
tradition. L’individualisme a rapproché les générations sans les confondre et a développé l’affection de parents à
enfants. Le facteur déterminant est la transformation du régime successoral : quand la transmission est indivise, la
famille se confond avec la possession de la terre qui garantit sa perpétuation ; quand elle ne l’est plus la chaîne des
générations disparaît des esprits, « on songe à l’établissement de la génération qui va suivre et rien de plus ». dans les
sociétés démocratiques, le jugement personnel remplace la tradition comme guide de la conduite. A une autorité
paternelle formelle et légale se substitue une relation fondée sur les sentiments.
Pour lui comme pour Durkheim, l’individualisme est au fondement de l’avènement de la famille conjugale. Là où le
communisme domestique domine, l’individu n’a pas d’existence propre, mais dans la famille conjugale, « chacun de
ses membres qui la composent à son individualité, sa sphère d’action propre » (La famille conjugale), y compris
l’enfant, sur lequel le père a des droits correctionnels limités. L’enfant acquiert une identité propre en s’émancipant
du père. « La solidarité domestique devient toute personnelle. Nous sommes attachés à notre famille parce que nous
sommes attachés à la personne de notre père, de notre mère, de notre femme, de nos enfants ». L’autorité de droit n’a
plus de sens dans les sociétés modernes : « il faut des raisons à ma raison pour qu’elle s’incline devant celle d’autrui.
Le respect de l’autorité n’a rien d’incompatible avec le rationalisme pourvu que l’autorité soit fondée
rationnellement » (L’individualisme et les intellectuels, in La science sociale et l’action). Mais Durkheim émet tout
aussi bien des réserves sur l’individualisme, quant à ses capacités à socialiser l’individu notamment ; la famille
conjugale serait un horizon étroit de socialisation, c’est pourquoi à la recherche d’un groupe de son plus large
Durkheim s’exprimera en faveur du groupe socioprofessionnel (DTS). A la différence de Tocquqeville pour qui
l’individualisme est potentiellement destructeur de l’ordre public, chez Durkheim ce sont ses effets sur la vertu
intégratrice de la famille qui est en jeu.
Fustel de Coulanges : La cité antique : a mis dans une position centrale dans les débats intellectuels la figure du
paterfamilias romain ; on comprend qu’en référence à ce modèle les pères du 19ème apparaissent bien faibles.
L’individualisation du lien de filiation :
Considérer avec cette seconde tradition l’individualisme comme une source de recomposition du sens du lien de
filiation permet d’éviter deux écueils 1) écarter les discours sur la démission parentale et la juvénilisation de la
société 2) assimiler individualisation, isolement, désolidarisation sans nier la profonde reformulation des valeurs
holistes qu’il induit. Pour montrer comment l’individualisation induit une reformulation des rapports entre
générations, il faut montrer comment ces liens changent avec les étapes de l’individualisation de l’enfant, en
surpassant la difficulté théorique venant du fait que plus les interactions s’individualisent, moins l’unité d’observation
peut être réduite à l’acteur isolé (goffmanien). Donc comprendre l’individualisation par rapport aux formes concrètes
des dépendances qui lient les acteurs familiaux.
Derrière la construction et la redéfinition des interdépendances : soi moral et soi humanitaire : Les études
supérieures sont une période où est recherchée une définition de soi moins dépendante des parents par la demande
d’une indépendance financière et résidentielle et d’un auto-gouvernement de soi (Cf. Libres ensemble). Ce terrain
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