Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2006-2007 5
Des querelles anciennes sur les effets de l’individualisme éthique sur le lien de
filiation :
Les affres de l’individualisme éthique : Trois raisons chez les socgs classiques de se pencher sur la famille pour
comprendre le développement de l’individualisme : 1) la famille cstuait le pilier d’un monde disparu fondé sur la
transmission de la propriété 2) est-ce que la nouvelle famille conjugale peut continuer de structurer le lien social ? 3)
opposition de la primauté du lien familial sur l’anthropologie individualiste, qui est celle d’une philosophie politique
contractualiste et d’une philosophie politique communautariste. La question sous-jacente : comment la nouvelle
société horizontale, fraternelle et égalitaire, par opposition à une société patriarcale, verticale et autoritaire, peut-elle
se maintenir ?
On peut distribuer les positions selon que les auteurs considèrent que le changement porte une potentialité de
décadence ou qu’ils se servent du développement de l’individualisme comme un paradigme herméneutique du
changement social.
La crainte de la fin de l’autorité et de l’éloignement des générations : Bonald, Démonstration philosophique du
principe constitutif de la société (1830) ; congruence fondamentale entre ordre familial, ordre politique monarchique
et ordre cosmique. Il existe donc des pouvoirs absolus : du monarque, du père. Pas d’harmonie sans respect de ces
principes architectoniques.
Ces idées influencent Le Play, même s’il est abusif d’affirmer avec Nisbet qu’il ne fait « qu’exprimer en termes
scientifiques les idées formulées par Bonald ». Son objectif est de formuler la forme familiale adéquate à la stabilité
sociale dans une société industrielle. La solution est un mixte de tradition et de modernité : la « famille-souche », par
différence avec la famille patriarcale et la famille instable. La commune résidence des générations est source de
continuité du nom et de la propriété, les aspirations individuelles restant secondaires par rapport au souci du groupe.
Mais empiriquement, il déplore la montée en puissance de la famille instable, source de souffrance individuelle et
collective. Donc il faut renforcer les autorités tutélaires, assurer au père une autorité qui apprendra à l’enfant l’amour
de l’ordre, l’obéissance…
La découverte d’une nouvelle gestion des sentiments entre parents et enfants : Tocquevile inaugure une autre
tradition. L’individualisme a rapproché les générations sans les confondre et a développé l’affection de parents à
enfants. Le facteur déterminant est la transformation du régime successoral : quand la transmission est indivise, la
famille se confond avec la possession de la terre qui garantit sa perpétuation ; quand elle ne l’est plus la chaîne des
générations disparaît des esprits, « on songe à l’établissement de la génération qui va suivre et rien de plus ». dans les
sociétés démocratiques, le jugement personnel remplace la tradition comme guide de la conduite. A une autorité
paternelle formelle et légale se substitue une relation fondée sur les sentiments.
Pour lui comme pour Durkheim, l’individualisme est au fondement de l’avènement de la famille conjugale. Là où le
communisme domestique domine, l’individu n’a pas d’existence propre, mais dans la famille conjugale, « chacun de
ses membres qui la composent à son individualité, sa sphère d’action propre » (La famille conjugale), y compris
l’enfant, sur lequel le père a des droits correctionnels limités. L’enfant acquiert une identité propre en s’émancipant
du père. « La solidarité domestique devient toute personnelle. Nous sommes attachés à notre famille parce que nous
sommes attachés à la personne de notre père, de notre mère, de notre femme, de nos enfants ». L’autorité de droit n’a
plus de sens dans les sociétés modernes : « il faut des raisons à ma raison pour qu’elle s’incline devant celle d’autrui.
Le respect de l’autorité n’a rien d’incompatible avec le rationalisme pourvu que l’autorité soit fondée
rationnellement » (L’individualisme et les intellectuels, in La science sociale et l’action). Mais Durkheim émet tout
aussi bien des réserves sur l’individualisme, quant à ses capacités à socialiser l’individu notamment ; la famille
conjugale serait un horizon étroit de socialisation, c’est pourquoi à la recherche d’un groupe de son plus large
Durkheim s’exprimera en faveur du groupe socioprofessionnel (DTS). A la différence de Tocquqeville pour qui
l’individualisme est potentiellement destructeur de l’ordre public, chez Durkheim ce sont ses effets sur la vertu
intégratrice de la famille qui est en jeu.
Fustel de Coulanges : La cité antique : a mis dans une position centrale dans les débats intellectuels la figure du
paterfamilias romain ; on comprend qu’en référence à ce modèle les pères du 19ème apparaissent bien faibles.
L’individualisation du lien de filiation :
Considérer avec cette seconde tradition l’individualisme comme une source de recomposition du sens du lien de
filiation permet d’éviter deux écueils 1) écarter les discours sur la démission parentale et la juvénilisation de la
société 2) assimiler individualisation, isolement, désolidarisation sans nier la profonde reformulation des valeurs
holistes qu’il induit. Pour montrer comment l’individualisation induit une reformulation des rapports entre
générations, il faut montrer comment ces liens changent avec les étapes de l’individualisation de l’enfant, en
surpassant la difficulté théorique venant du fait que plus les interactions s’individualisent, moins l’unité d’observation
peut être réduite à l’acteur isolé (goffmanien). Donc comprendre l’individualisation par rapport aux formes concrètes
des dépendances qui lient les acteurs familiaux.
Derrière la construction et la redéfinition des interdépendances : soi moral et soi humanitaire : Les études
supérieures sont une période où est recherchée une définition de soi moins dépendante des parents par la demande
d’une indépendance financière et résidentielle et d’un auto-gouvernement de soi (Cf. Libres ensemble). Ce terrain