n°27 de La Revue de Respir

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Janvier 2010 ; N°27
DOSSIER
La Grippe
Pr. M. DUPON
Service des maladies infectieuses, CHU Bordeaux
Décembre 2009
Editeur / GERI-Communication
4 voie romaine - Bât. G - 33610 Canéjan
[email protected]
http://www.geri-communication.com
CONTINUITE DU TRAITEMENT
Assistance Respiratoire - Oxygénothérapie - Ventilation Assistée - Aérosolthérapie - Apnées du Sommeil (PPC)
Nutrition - Perfusion - Insulinothérapie
DOSSIER : La Grippe
Pr. M. DUPON, Service des maladies infectieuses, CHU Bordeaux, décembre 2009.
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http://www.respir.com/doc/abonne/base/Grippe2.asp
Epidémiologie virale
Mode de contamination
Les virus de la grippe (Myxovirus influenzae à ARN) comprennent
trois types majeurs : A (le plus virulent) B et C. Seuls les types
A et B causent des épidémies humaines à large échelle sans
immunogénicité croisée. Le réservoir du virus grippal A est
constitué par les oiseaux aquatiques qui peuvent contaminer les
oiseaux domestiques et les mammifères en particulier le porc
et l’homme par l’intermédiaire de leurs déjections. Le porc est
infectable par les souches aviaire et humaine, permettant par
réassortiment l’adaptation à l’homme. L’enveloppe des virus de la
grippe porte à sa surface des glycoprotéines antigéniques :
- les hémagglutinines (H) qui fixent le virus sur les récepteurs
cellulaires de l’épithélium respiratoire (résidus d’acide sialique) et
permettent l’infection des cellules.
- les neuraminidases (N) qui permettent la libération des particules
virales néo synthétisées et leur dissémination dans l’épithélium
respiratoire.
Essentiellement par projection de sécrétions respiratoires lors
de la toux (contamination de type gouttelettes de 1 à 3 mm contact de type rapproché).
Mais aussi par contact direct (mains souillées par sécrétions
des muqueuses respiratoires) et possiblement indirect par
surface souillée, le virus pouvant survivre dans l’environnement.
Contamination aérienne possible mais rare (aérosol à distance
du patient).
La grippe est une maladie très contagieuse, une personne
contamine en moyenne 2 personnes.
Il existe un grand polymorphisme du virus grippal A (H1 à H15
et N1 à 9) :
- avec l’acquisition progressive de mutations responsables
d’épidémies hivernales annuelles (grippe saisonnière par
glissement antigénique - shift - touchant 1 à 3 millions de
personnes)
- et avec de possibles échanges par réassortiment à l’origine de
pandémie humaine (cassure antigénique –drift-). Chaque nouveau
virus A se répand alors avec une augmentation de la morbidité et
de la mortalité, puis au fur et à mesure que la population acquiert
une immunité, le nombre de cas diminue.
Chez l’homme H1, H2, H3 et N1, N2 sont retrouvées. Dans le
passé, il y a eu une pandémie à virus A(H1N1) en 1918 (« grippe
espagnole »), à virus A(H2N2) en 1957 (grippe asiatique), à virus
A(H3N2) en 1968 (grippe de Hong-Kong) et depuis mars 2009
à virus A(H1N1)v. Ce dernier virus résulte d’un réassortiment de
génomes viraux provenant de quatre origines (humain H3N2, porc
américain, porc européen H1N1, aviaire). Le virus A(H5N1) de la
grippe aviaire ne se transmet pas facilement d’homme à homme
et n’a pas donné lieu à une pandémie jusqu’alors.
Physiopathologie
L’hémagglutinine du virus grippal se fixe au récepteur spécifique à la surface des cellules des voies respiratoires (acide
sialique) puis il y a une réplication virale qui aboutit à la destruction cellulaire. Parfois, le virus entraine une desquamation hémorragique des cellules alvéolaires avec un œdème,
une thrombose (alvéolite hémorragique avec syndrome de détresse respiratoire aiguë). L’atteinte du revêtement épithélial
peut être à l’origine de surinfection secondaire par des bactéries comme le Pneumocoque ou le Staphylocoque. Le virus
A(H5N1) (grippe aviaire) aurait la possibilité de se fixer sur
l’épithélium des cavités nasales mais aussi sur les pneumocytes de type II et sur les macrophages alvéolaires, à l’origine
d’atteinte pulmonaire. Pour la grippe A(H1N1)v il y a également une possibilité de fixation sur les alvéoles à l’origine
d’une alvéolite hémorragique avec sécrétion cytokinique intense (rôle possible de la mutation H222).
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Contagiosité
Evolution
La contagiosité due à l’excrétion virale respiratoire commence 24
heures avant les manifestations cliniques et se prolonge jusqu’à 5
à 7 jours après le début des signes. Classiquement, la contagiosité
cesse 24h à 48h après la fin de la fièvre. L’excrétion virale est plus
prolongée chez l’enfant, chez l’immunodéprimé, ainsi que dans la
grippe A(H1N1)v.
Habituellement bénigne
Grippe saisonnière : résolution habituelle en 5 jours.
Incubation
2 à 4 jours (en moyenne 2 jours).
Clinique
Forme habituelle
- Début brutal avec malaise général, frissons intenses, fièvre élevée d’emblée, céphalées et myalgies.
- Phase d’état : signes généraux fièvre, tachycardie, frissons, asthénie, anorexie associés à un syndrome respiratoire : catarrhe des
voies aériennes supérieures, douleurs pharyngo-pharyngées, toux
sèche et douloureuse, à un syndrome algique diffus avec arthralgie, myalgie, céphalées. L’examen clinique très pauvre, contraste
avec la symptomatologie fonctionnelle (parfois râles sous crépitants), le cliché pulmonaire dans cette forme est normal.
L’association toux + fièvre supérieure à 37.8° a une valeur prédictive positive de 80 %.
Formes compliquées
- Pneumonie virale primaire (SDRA par alvéolite hémorragique
virale) (grippe A(H1N1)v chez des sujets jeunes sans facteurs de
risque).
- Pneumonie bactérienne secondaire, la plus fréquente des complications, survient à partir de J5-J7, responsable d’hospitalisations, en particulier sur certains terrains ; avec une récidive fébrile, une toux productive, une dyspnée, un taux de procalcitonine
élevé, des anomalies radiologiques.
- Bronchite aiguë, exacerbation de BPCO.
- Otite moyenne aiguë chez l’enfant qui peut se surinfecter.
- Sinusite.
- Complications extra-respiratoires rares : myocardite, péricardite, neurologique, méningo-encéphalite.
Terrain
- Femme enceinte : risque de complication pulmonaire pour la
femme elle-même surtout à partir du 2ème trimestre et en fin de
grossesse et risque d’avortement spontané pour l’enfant. Le virus
traverse la barrière placentaire.
- Immunodéprimés : pneumonie plus fréquente chez les transplantés.
- Obésité morbide : IMC > 40 - grippe A(H1N1)v.
La mortalité
Augmente aux âges extrêmes de la vie, au dessus de 65 ans avec
l’existence de facteurs de risque (cardio-vasculaire, pulmonaiAutre formes cliniques
re+++) mais également avant 6 mois. Elle est de l’ordre de 0,1 à
- Formes asymptomatiques, 30 à 50 % au cours d’une épidémie 0,2 %.
saisonnière
- Grippe de l’enfant :
Avant 1 an, asymptomatique ou paucisymptomatique ou forme
d’allure sévère parfois septique.
Entre 3 et 5 ans, symptômes minimes, inattendus, non spécifiques
(somnolence, signes gastro-intestinaux).
A partir de prélèvements sur les voies aériennes (dont des écou- Grippe du sujet âgé :
villonages naso-pharyngés) :
Myalgie, coryza et frissons moins fréquents ; parfois signes trom- - Test de détection « rapide » par immunochromatographie pour
peurs à type de confusion mentale, déshydratation, troubles diges- la grippe saisonnière.
tifs ; risque de décompensation cardio-vasculaire de surinfection - Détection directe d’antigènes viraux par Elisa ou immunofluobactérienne et de troubles neuropsychiques.
rescence.
- Détection de fragments de génomes par RT-PCR +++ permettant un typage du virus en particulier pour A(H1N1)v.
La sérologie n’est utile que dans des enquêtes épidémiologiques.
La culture virale sur culture cellulaire est la méthode classique de
référence réalisée dans les centres de référence avec des séquençages génétiques.
Confirmation du diagnostic
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Diagnostic différentiel
- Autres virus (virus respiratoire syncitial) adénovirus, entérovirus,
dont certains coexistent ou succèdent à la grippe saisonnière (VRS).
- Bactéries intracellulaires (mycoplasmes, chlamydiae..).
Prévention collective
Protection contre la transmission de type gouttelettes et de contact+++ :
Rester à l’écart des autres, si possible pièce isolée et aérée régulièrement, limiter les déplacements et contact avec l’entourage, ne pas embrasser ni serrer les mains.
Se couvrir la bouche lors d’une toux, utilisation de mouchoirs en papier à usage unique.
Se laver les mains (utilisation de solution hydroalcoolique).
Port de masque chirurgical voire appareil de protection respiratoire
FFP2 pour les soignants, en cas de contact rapproché.
Vaccination A(H1N1)v
Les vaccins A(H1N1)v dérivent des vaccins pré-pandémiques
A(H1N5) avec des virus ou fragments viraux inactivés. Plusieurs types de vaccins peuvent être utilisés : vaccins adjuvantés par des squalènes (Focetria®, Pandemrix®), vaccins non adjuvantés (Celvapan®,
Panenza®) ; vaccins comportant du thiomersal (conservateur des
flacons multidoses - Focetria®, Pandemrix®, Panenza®) ; vaccin sans
conservateur (Celvapan®). Certains vaccins sont cultivés sur l’œuf
(Focetria®, Pandemrix®, Panenza®), d’autres sont cultivés sur cellules
Vero peuvent être utilisés chez les allergiques (Celvapan®) ; enfin, certains peuvent être utilisés par voie sous cutanée et sont utiles chez les
patients ayant des troubles graves de la coagulation (Panenza®). Une
vaccination de masse a été mise en place à partir de novembre 2009
réalisée par étape comportant des catégories de priorité. Il s’agit d’une
vaccination recommandée avec une ou 2 injections IM à 3 semaines
d’intervalle.
Traitement symptomatique
La grippe commune
Nécessite avant tout :
- Repos et hydratation correcte.
- Antipyrétiques (en évitant les salicylés).
Vaccination saisonnière
La vaccination permet une prévention individuelle et collective. Elle - Sédatifs de la toux.
prévient la grippe chez 70 à 90 % des adultes en bonne santé, âgés de
moins de 65 ans, lorsque la souche est bien assortie en souches circu- Les antibiotiques ne sont indiqués qu’en cas de complications baclantes. Le vaccin est actualisé chaque année et comprend trois souches tériennes avérées
virales (2009-2010 : A(H1N1), A(H3N2), B). Il s’agit d’une suspension - Amoxicilline 1 g 3/jour chez l’adulte.
virale inactivée préparée sur œuf de poule embryonné. La tolérance est - Amoxicilline/acide clavulanique en cas de facteurs de risque ou
bonne (réaction locale : 10 % des cas, courbatures fébriles à partir du d’infection supposée à Staphylocoque 1 g x 3/jour chez l’adulte.
3ème jour : 5 % des cas, réactions allergiques chez les gens sensibilisés - Si allergie aux bêtalactamines : Pristinamycine, Cefpodoxime
aux protéines de l’œuf). La vaccination doit être réalisée deux semaines Proxetil, Levofloxacine chez l’adulte.
avant le début de l’épidémie par voie sous-cutanée ou intra-musculaire - En cas de nécessité de traitement injectable Ceftriaxone 1 à 2 g/jour.
*L’hospitalisation s’impose en cas de formes graves avec recours à
(en règle à l’automne). L’immunité dure environ 9 mois.
des unités de soins intensifs pour ventilation invasive ou non invasive
voire, en cas de SDRA, à de l’oxygénation extracorporelle.
Recommandations vaccinales
Vaccination
Elles concernent : les personnes âgées de 65 ans ou plus, les sujets à
risque (professionnels de santé), l’ entourage familial des nourrissons
de moins de 6 mois, les personnes séjournant dans un établissement de
santé de moyen ou long séjour quel que soit leur âge, les enfants et adolescents dont l’état de santé nécessite un traitement prolongé par l’acide
acétylsalicylique, le personnel naviguant sur bateaux de croisière et
avions, et le personnel de l’industrie des voyages (accompagnateurs).
Cette vaccination est potentiellement utile chez les femmes enceintes et
lors de l’infection à VIH. La vaccination peut être utilisée en cas d’épidémie de grippe dans une collectivité pour les personnes qui n’ont pas
été vaccinées.
Traitement antiviral spécifique
L’Amantadine (Mandatix®)
Inhibiteur de la protéine transmembranaire M2 n’est efficace que sur
les souches A. Son utilisation se heurte à l’émergence rapide de souches résistantes et à une tolérance médiocre (troubles digestifs, neuropsychiques). Le virus A (H1N1)v est résistant.
Les Inhibiteurs de la neuraminidase
Sont les plus utilisés et sont actifs sur les virus grippaux A et B. Une
émergence de résistance est possible avec des types de résistance dissociés en particulier du fait de l’apparition de la mutation H274Y avec
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une résistance à l’Oseltamivir, une sensibilité au Zanamivir pour la
souche A (H1N1) de la grippe saisonnière. Ils doivent être administrés le plus rapidement possible (dans les 48h), raccourcissent la durée
d’évolution, diminuent l’excrétion virale, diminueraient les complications (bien que les méta-analyses récentes n’apportent pas un niveau
de preuve suffisant).
- Oseltamivir (Tamiflu®) par voie orale avec utilisation à partir de
1an en préventif et en curatif voire en dessous de 1 an et en traitement
préemptif pour la grippe A(H1N1)v (à dose curative). Les effets secondaires sont des troubles digestifs essentiellement modérés, beaucoup
plus rarement des troubles neuropsychiatriques ou des perturbations
de la fonction hépatique.
- Zanamivir (Relenza®) par voie inhalée buccale à partir de 5 ans en
préventif et en curatif. Il est contre-indiqué en cas de bronchospasmes
ou altérations des fonctions respiratoires. Il peut être responsable de
troubles dyspnéiques. Une forme intraveineuse de Zanamivir est en
ATU de même qu’un nouvel anti-neuraminidase : Peramivir® (IV).
Références
- Beigel J, Bray M. Current and future antiviral therapy of severe
seasonal and avian influenza. Antiviral Res 2008:78:91-102
- Jefferson T et al. Physical interventions to interrupt or reduce the spread of respiratory viruses: systematic review. BMJ
2009;339:b3675
- Musher DM. How contagious are common respiratory tract infections? N Eng J Med 2003;348:1256-66
- Simonsen et al. Influenza vaccination and mortality benefits: New
insights, new opportunities. Vaccine 27 (2009) 6300–6304.
- Jefferson T et al. Neuraminidase inhibitors for preventing and treating influenza in healthy adults: systematic review and metaanalysis.
BMJ 2009;339:b5106.
*plan national – « Prise en charge médicale des malades atteints de
grippe et de leurs contacts en situation de pandémie ». http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/
*http://www.invs.sante.fr/surveillance/grippe_dossier/default.htm
*http://www.invs.sante.fr/surveillance/grippe_dossier/default.htm
Plan national « Pandémie grippale » - Fiches techniques Fiche C.5 – Stratégie et modalités d’utilisation des antiviraux
Tableau 1 : Antiviraux inhibiteurs de la neuraminidase : indications, mode d’administration et posologies usuelles
Chez l’adulte
Curatif
Oseltamivir
Voie orale
75 mg x 2/jour
pendant 5 jours
Chez l’enfant
Prophylaxie
Voie orale
75 mg/jour
pendant 10 jours
Curatif
Prophylaxie
Voie orale
13 ans et plus
75 mg x 2/jour pendant 5 jours
Voie orale
13 ans et plus
75 mg x 1/jour pendant 10 jours
1-12 ans :
≤ 15 kg : 30 mg x 2/j
> 15-23 kg : 45 mg x 2/j
> 23-40 kg : 60 mg x 2/j
> 40 kg : 75 mg x 2/j
pendant 5 jours
1-12 ans :
≤ 15 kg : 30 mg x 1/j
> 15-23 kg : 45 mg x 1/j
> 23-40 kg : 60 mg x 1/j
> 40 kg : 75 mg x 1/j
pendant 10 jours
6-11 mois :
3 mg /kg x 2/jour pendant 5 jours
0-5 mois :
2 à 3 mg /kg x 2/jour pendant 5 jours
Zanamivir
Voie inhalée
Voie inhalée
2 inhalations
(2 x 5 mg) x 2 /jour
pendant 5 jours
2 inhalations
(2 x 5 mg) x 1/jour
pendant 10 jours
Voie inhalée
A partir de 5 ans
2 inhalations
(2 x 5 mg) x 2/jour
pendant 5 jours
Voie inhalée
A partir de 5 ans
2 inhalations
(2 x 5 mg) x 1/jour
pendant 10 jours
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