Défi climatique
et
Croissance économique
Les propositions de la CCIP
Rapport de Monsieur Christian BALMES
présenté au nom de la commission économique, financière et fiscale
et adopté par l’Assemblée Générale du 13 septembre 2007
2/12
"Défi climatique et Croissance économique"
Si le défi climatique s’inscrit bien dans
une dimension planétaire, il revient à
chaque Etat de définir une politique
énergétique durable sans entraver la
compétitivité des entreprises. Car la
France, au même titre que les autres pays
signataires du protocole de Kyoto, a des
obligations environnementales : réduire
par quatre ses émissions de CO2 à
l’horizon 2050, par rapport au niveau de
référence de 1990.
Certes, le principe du Facteur 4 est bien
inscrit dans la Loi française de
programme sur les orientations de la
politique énergétique. Néanmoins, le
choix français du nucléaire et les
réponses apportées par le Plan Climat
laissent la France sur une trajectoire ne
lui permettant pas d’atteindre les objectifs
fixés par Kyoto.
Seules les industries intensives en
énergie, y compris la production
électrique, sont actuellement soumises à
une contrainte carbone via la
réglementation européenne du marché de
quotas. Ce mécanisme de marché, qui
mérite d’être soutenu pour contraindre
davantage ces industries à réduire leurs
émissions, présente toutefois une limite
dans la mesure où il ne couvre que 30%
des émissions totales de CO2 de la
France.
Même si la France affiche une panoplie de
taxes et redevances dites
environnementales, celles-ci ne
procèdent pas d’une fiscalité organisée et
efficace pour limiter les émissions
diffuses (Transports, Bâtiment,
Agriculture, PME/PMI et les collectivités
territoriales), à l’origine de 70% des
émissions de CO2.
Pour concilier respect de l’environnement
et performance économique, la CCIP
formule trois grandes orientations
responsabilisant l’ensemble des acteurs
économiques, qui combinent instruments
de marché et fiscalité environnementale,
en veillant à l’application du principe
pollueur-payeur.
En définissant une stratégie claire et
innovante, la France pourrait impulser
une dynamique nationale autour du défi
climatique et jouer un rôle leader au
niveau communautaire dans la
construction d’une grande politique
européenne énergétique, en portant le
débat sur le défi climatique post 2012.
LES TROIS ORIENTATIONS DE LA CCIP
I - OPTIMISER LES INSTRUMENTS DE MARCHE POUR REDUIRE LES
EMISSIONS DES INDUSTRIES
LOURDES ET DES SECTEURS SEMI-DIFFUS
Après une première phase d’apprentissage (2005-2007), le
système européen d’échange de quotas nécessite d’être
plus contraignant pour le rendre plus efficient en matière
de réduction des émissions. Les voies de progrès
proposées pour améliorer le système existant pour les
industries intensives en énergie, y compris les
producteurs d’électricité sont :
1. Un durcissement concerté des contraintes
2. Un élargissement du périmètre géographique et
sectoriel
3. Une plus grande visibilité des règles
institutionnelles sur le long terme
4. La création de nouveaux marchés sectoriels "Cap
and Trade" européens visant les secteurs semi-
diffus : les transports aérien et maritime
II - ADAPTER LA REGLEMENTATION ET LA FISCALITE
POUR LIMITER LES EMISSIONS DIFFUSES
Pour être efficace, la fiscalité environnementale doit être à
double sens : "sur-taxer" les produits polluants et "sous-
taxer" les comportements vertueux. Ceci impose de :
5. Uniformiser les taxes sur l’énergie en fonction du
contenu carbone, en corrigeant les écarts
existants entre la TIPP, la TICGL et la taxe sur le
charbon
6. Engager une négociation européenne afin de
permettre l’application du taux réduit de TVA aux
éco-produits
7. Appliquer une redevance kilométrique au
transport routier de marchandises
8. Imposer des standards énergétiques et
environnementaux aux activités non soumises à
une concurrence internationale, notamment dans
le domaine des installations électriques
III - ENCOURAGER LES PME/PMI HORS PNAQ ET LES
COLLECTIVITES TERRITORIALES A TOUTE DEMARCHE
VOLONTAIRE VISANT A DECARBONER LECONOMIE
La CCIP propose deux modes d’incitation alternatifs, l’un
fiscal, l’autre financier :
9. Soutenir les dépenses propres par un crédit
d’impôt environnement
10. Favoriser le développement de projets
domestiques CO2 autour du transport urbain, des
déchets, des processus industriels, des réseaux
de chaleur, de l’agriculture
3/12
I – LE DEFI CLIMATIQUE : UN ENJEU
MONDIAL QUI MET LA FRANCE DEVANT
DES OBLIGATIONS ENERGETIQUES,
ENVIRONNEMENTALES ET ECONOMIQUES
Un défi mondial
Un consensus mondial se dégage sur la réalité du
changement climatique, sur le rôle prépondérant
des gaz à effet de serre1 issus de l’activité humaine
et sur le danger majeur que son impact présente
pour nos sociétés.
Relever le défi du changement climatique induit une
nouvelle donne économique : l’introduction d’une
valeur "carbone" pour amener les agents
économiques à privilégier dans leurs décisions
d’investissement les matériaux, les produits et les
activités moins intensives en CO2.
Le protocole de Kyoto a formalisé cette contrainte
environnementale en fixant aux pays une réduction
des émissions de CO2 par quatre dans les pays
développés à l’horizon 2050 par rapport à 1990. 156
pays signataires, dont la France, se sont engagés
dans cette voie.
L’Europe demeure la région du monde montrant la
volonté la plus forte. En effet, afin de préparer les
entreprises aux contraintes établies par Kyoto pour
la période 2008-2012, elle a lancé dès 2000 un
programme d’action visant à réduire ses émissions
annuelles de GES de 8% par rapport à 1990, en
impulsant plusieurs directives : « Cap and Trade »
de CO2 à l’intérieur de l’Union, énergies
renouvelables, biocarburants, performances
énergétiques dans la construction etc. Elle a
réaffirmé ses engagements lors du Sommet
européen des 7 et 8 mars 2007, en annonçant une
réduction des ses émissions de 20% à l’horizon
2020, voire à 30% si la communauté internationale
s’engageait à en faire autant. Les moyens pour y
parvenir conjuguent les mêmes outils que sur la
période précédente, autour d’objectifs plus
ambitieux.
Une ingérence dans la politique énergétique
française
Même si le défi s’inscrit dans une dimension
planétaire, il revient à chaque Etat de définir une
politique énergétique efficace, cohérente et
responsable. Car la France, au même titre que les
pays signataires du protocole de Kyoto, a des
obligations de performances énergétiques,
environnementales et donc économiques.
Consciente de sa responsabilité, elle a inscrit le
principe du Facteur 4 dans la Loi de programme sur
les orientations de la politique énergétique de juillet
2005. Des actions ont suivi : création du groupe
Facteur 4 et de la Mission interministérielle "Outils
économiques et développement durable",
réactualisation du Plan Climat, etc.
1 De nombreux gaz sont responsables du réchauffement
mais on retiendra principalement le CO2 pour sa
contribution majoritaire en France aux émissions (à
hauteur de 71%), à l’image de l’ensemble des pays
développés
Avec la création d’un nouveau ministère d’Etat du
Développement et de l’Aménagement Durables
(MEDAD) doté d’un budget à la hauteur des enjeux,
la France semble afficher une volonté affirmée de
répondre aux impératifs environnementaux,
marquant ainsi une rupture avec le passé.
L’écologie est désormais placée sous l’autorité d’un
ministre qui détient une capacité d’influence, voire
d’autorité, sur l’ensemble de l’action et des
politiques publiques menées par les différents
ministères. Aussi quelles réponses la France va-t-
elle apporter aux objectifs connus et fixés par le
Protocole de Kyoto ? Le débat sur la loi de finances
2008 pourrait permettre l’émergence de décisions
notamment autour de la fiscalité écologique dans le
budget 2008. Qu’en sera-t-il dans les faits ?
En définissant une stratégie claire et innovante, la
France pourrait impulser une dynamique nationale
autour du défi climatique et jouer un rôle majeur au
niveau européen auprès de tous les Etats-membres
en portant le débat du défi climatique sur l’après
2012 du protocole de Kyoto, sujet qui laisse place
pour une grande politique européenne à construire.
La position de la CCIP
C’est dans ce contexte que la Chambre de
commerce et d’industrie de Paris entend prendre
position pour trois raisons principales :
- Les entreprises sont doublement impliquées dans
les émissions de gaz à effet de serre : au titre de
leur secteur d’activité d’une part ; en tant que
citoyennes consommatrices d’énergie d’autre part.
La contrainte carbone devrait donner un avantage
compétitif aux secteurs les moins émetteurs de
CO2, lesquels se distinguent par une dotation en
facteur travail particulièrement élevée. Aussi,
favoriser leur développement devrait être source
d’emplois.
- Le défi climatique est idéologiquement perçu
comme un frein à la croissance et le coût de toute
nouvelle politique environnementale est en général
surévalué. Cependant, le rapport Stern montre que
l’inaction se traduirait par une perte de PIB bien
supérieure et finirait par menacer sérieusement la
croissance. Il convient donc de dépasser cette
vision et de considérer l’innovation nécessaire à la
limitation des émissions de gaz à effet de serre
comme un avantage compétitif stratégique pour
l’industrie française et européenne.
- Plus généralement, cette question énergétique
remet en cause les fondements même de nos
modèles de développement basés sur l’abondance
énergétique. Elle exige une refonte profonde des
modes de consommation de l’énergie, comme de sa
production, par l’efficacité énergétique, thème sur
lequel la CCIP s’est prononcée2 et s’est engagée,
en partenariat avec l’ADEME, auprès des PME/PMI.
Le moment est par ailleurs opportun pour des
propositions puisque le défi climatique est au cœur
2 Rapport de Christian BALMES – 23 mars 2006 :
Contribution de la CCIP au débat : « quelle stratégie
énergétique pour la France ? »
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des débats, nécessitants des réponses urgentes à
différents niveaux :
national : premier chantier d’automne, le
Grenelle de l’environnement est prévu pour fin
octobre. En pratique, il s’agira des premiers
travaux pratiques de la Charte constitutionnelle
de l’environnement. Après une large
consultation en septembre (organisation
d’assises régionales, etc.), la négociation
proprement dite interviendra dans la deuxième
quinzaine d’octobre, pour déboucher sur des
mesures concrètes approuvées par un comité
interministériel d’aménagement et de
développement du territoire (CIADT) et, le cas
échéant, intégrées à la loi de finances 2008 ;
européen : l’Union européenne a lancé une
réflexion sur la promotion de l’utilisation des
instruments fondés sur le marché utilisés à des
fins de politique environnementale et d’énergie
et a invité les Etats-membres à se prononcer
avant le 31 juillet 2007 en réponse à son Livre
vert ;
international : des négociations pour l’après
2012 sont en cours. Le principal enjeu du futur
accord consiste à renforcer la contrainte
carbone à laquelle sont soumis les pays
industrialisés, à l’étendre aux pays en
développement, tout du moins aux principaux
émetteurs de GES (Chine, Inde, Brésil) et à
faire adhérer les Etats-Unis.
Les propositions formulées dans le présent
rapport visent à concilier réduction du CO2 et
croissance du PIB en envoyant des signaux
forts, mais équitables, aux différents acteurs
économiques :
- les industries intensives en énergie, y compris
production d’électricité, représentant 30% des
émissions nationales de CO2,
- les consommateurs des secteurs diffus
(Transports, Bâtiment, Agriculture, PME/PMI et
les collectivités territoriales) qui représentent
70% des émissions nationales de CO2 .
II – LA STRATEGIE FRANCAISE : UNE
REPONSE TROP TIMIDE FACE AUX
ENJEUX
1. L’option affichée du nucléaire : un préalable
qui n’apporte qu’une réponse partielle au défi
climatique
La France affiche une nette détermination quant au
choix du nucléaire dans son bouquet énergétique
(78% de l’électricité consommée), confirmée par la
reprise de construction de centrales avec des
réacteurs de troisième génération, comme l’EPR
d’AREVA.
Cet engagement permet de limiter fortement les
émissions de GES, comparativement à nos
homologues européens.
Cette source d’énergie présente l’avantage majeur
sur les autres modes de production électrique,
d’être très faiblement émettrice de gaz à effet de
serre.
La France est ainsi le pays développé qui émet le
moins de CO2 par habitant, avec 7,45 tonnes
d’émission en moyenne par individu.
Comparativement, les Allemands ou les Japonais
sont responsables d’émissions par habitant plus
élevées de 35%.
Ainsi, en 2004, selon les données des Nations
Unies, la France était responsable de 1,2% des
émissions mondiales alors qu’elle représentait 5%
du PIB mondial.
Ce découplage entre la croissance des émissions et
celle du PIB est à nuancer au regard des évolutions
sectorielles.
France : Evolution 1990-2004 des émissions de
CO2 par secteur
-9%
23%
-22%
22%
-10% -8%
-30%
-25%
-20%
-15%
-10%
-5%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
Energie
Traitement
des déchets
A
griculture
-
Sylviculture
Bâtiment
Industrie
Transports
Source : Groupe Facteur 4
Si les secteurs industriels et énergétiques
enregistrent une nette baisse de leurs émissions
depuis 1990 en raison d’investissements massifs
entrepris depuis cette date, celui des transports ou
encore du bâtiment sont responsables d’émissions
croissantes tout en représentant une part
importante des émissions (45%). En tant que
premier consommateur de produits pétroliers, le
secteur des transports est le premier émetteur de
CO2 (26% des émissions nationales).
France : Part des émissions de CO2 par secteur
3%
19%
19%
20%
13%
26%
Energie
Traitement des déchets
Agriculture -
Sylviculture
Bâtiment
Industrie
Source : Groupe Facteur 4
Transports
Le nucléaire ne sera pas à même de fournir tous les
besoins croissants en énergie, en raison de la
tertiarisation de l’économie dont certains secteurs
de services, comme le transport, sont à l’origine
d’importantes émissions de carbone.
Le choix du nucléaire ne doit pas être un prétexte
au "laisser aller" et doit s’accompagner d’une
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