Besoins nutritionnels dans la grossesse :
cas clinique & réponses (Pr Lalau).
Cas clinique
Une femme de 29 ans consulte son gynécologue au début d’une deuxième
grossesse. Elle cherche à avoir des informations précises et des
recommandations aussi au sujet de l’alimentation à adopter pour sa grossesse.
Elle craint en effet la survenue d’un nouvel accident car sa première grossesse
s’est soldée par une mort fœtale à 6 mois demeurée inexpliquée. Comme au cours
de cette première grossesse, des évènements familiaux pénibles ne lui avaient
pas permis, de son point de vue, de s’alimenter normalement, elle n’exclut une
relation entre le déséquilibre alimentaire et l’événement fatal.
En quelques mots : elle tient à s’entourer du maximum de précautions.
Elle n’a sinon pas d’autre antécédent personnel. Elle ne présente pas de surpoids
(IMC = 24). Il y a quelques mois, lors d’une visite d’embauche, le médecin du
travail n’a fait aucune observation particulière sur son état de santé.
Questions
1. Peut-on dire que la notion de « besoin physiologique » est superposable à celle
d’ « apports nutritionnels conseillés » ? Argumenter.
2. Quels sont les principaux mécanismes d’adaptation métabolique au cours de la
grossesse ?
3. Quels sont les principaux risques auxquels expose une alimentation non
surveillée au cours de la grossesse ?
4. Quelle est l’évolution habituelle du poids au cours de la grossesse ? Quels sont
les déterminants de cette évolution ? Et comment assurer la surveillance ?
5. Quelles peuvent être les recommandations pour l’apport énergétique au cours
de la grossesse ? Argumenter.
6. Faire vos recommandations pour l’apport en protéines au cours de la grossesse.
Argumenter.
7. Faire vos recommandations pour lapport en fer au cours de la grossesse.
Argumenter.
8. Y a-t-il lieu de faire des recommandations pour d’autres nutriments ?
Argumenter.
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1. Peut-on dire que la notion de « besoin physiologique » est superposable à celle d’ « apports
nutritionnels conseillés » ?
Ces notions ne sont pas superposables : celle de besoin est relative à un individu, pour l’apport
nécessaire pour assurer une ou plusieurs fonctions, tandis que celle d’apport conseillé s’adresse à la
population, pour assurer la couverture des besoins physiologiques du plus grand nombre, compte
tenu des besoins physiologiques mais aussi des différences culturelles, socio-économiques, etc.
2. Quels sont les principaux mécanismes d’adaptation métabolique au cours de la grossesse ?
Il y a généralement une adéquation entre l’état des réserves maternelles et les besoins du fœtus.
En outre, des mécanismes d’adaptation se mettent en place, dont les principaux sont :
- Accroissement progressif de l’appétit, dont il résulte une alimentation variée ;
- Adaptation métabolique pour plusieurs nutriments, le plus souvent acquise au cours du 2ème
trimestre. C’est ainsi que les bilans azoté ou calcique sont positifs dès le 2ème trimestre, et
que l’absorption intestinale de calcium peut s’élever au terme d’un facteur 5 à 9,
comparativement au début de la grossesse ;
- Le rôle du placenta, qui confère une relative indépendance de la mère, pour, notamment,
le fer, le calcium, et la vitamine A.
3. Principaux risques auxquels expose une alimentation non surveillée
Malgré les phénomènes d’adaptation mentionnés, il faut prendre en considération les risques
suivants :
- Des risques de carences spécifiques (cas par ex. de l’acide folique et de la vitamine D) ;
- Le risque sanitaire liés à certains aliments (listériose, toxoplasmose) ;
- La prise de poids importante (grossesse multiple ; surpoids primitif)
- Des comportements inadaptés (alcool, tabac) ;
- Des allergies (alimentaires et autres) ;
- Des troubles alimentaires du début de grossesse ;
- Des efforts physiques inadaptés (nature et l’intensité)
Une fois constitué, le surpoids, acquis pendant la grossesse ou antérieur, est associé à :
- Une plus grande fréquence de syndrome métabolique ;
- Un risque supérieur d’événements fœto-maternels (risque relatif de diabète gestationnel de
2,8 à 6,5 et d’hypertension de 3,6 jusqu’à 30 en cas d’obésité).
Ce surpoids peut justifier une prise plus modérée qu’à l’ordinaire (moins de 12 kg), mais en aucun
cas < 7 kg et avec un niveau calorique absolu < 1 500 kcal/j.
A l’inverse, une prise de poids à l’inverse insuffisante augmente le risque de fausse-couche (et
également un risque accru de syndrome métabolique plus tard !).
Enfin les complications incluent le risque d’une préoccupation et d’une médicalisation excessive.
4. Evolution habituelle du poids & déterminants ?
La prise de poids habituelle et souhaitable est habituellement de 9 à 12 kg, surtout par
accroissement des réserves lipidiques et inflation volémique, dont 4 à 5 pour la première moitié de
la grossesse, puis avec une prise plus rapide de 1 à 2 kg/mois, surtout pour le fœtus et le placenta.
Plus précisément :
- + 3-4 kg/fœtus,
- + 500-700 g/placenta,
- + 700-800 g/liquide amniotique,
- + > 800 g/utérus,
- + > 400 g/glandes mammaires,
- + > 1 kg/volume sanguin,
- + > 1 kg/volume interstitiel,
- + 3-4 kg/masse grasse
Dans la grossesse gémellaire : prise supplémentaire est de 3 à 4 kg.
Après l’accouchement, le poids devrait normalement revenir au poids antérieur.
5. Recommandations pour l’apport énergétique au cours de la grossesse
Les modifications corporelles (fœtus, placenta, mère) peuvent être traduites en quantités de
nutriments requises, incluant le coût de « maintenance » des organismes. Ceci peut être traduit en
coût énergétique total d’environ 80 000 kcal, avec :
- + 150 kacl/j pour le 1er trimestre,
- + 350 kcal/j pour le 2ème trimestre,
- + 500 kcal/j pour le 3ème trimestre.
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En réalité, ce coût total ne rend pas en compte les phénomènes d’adaptation. Il ne faut donc pas
faire l’équivalence entre ce surcoût et la nécessité d’un apport supplémentaire qu’en l’absence
d’inadaptation métabolique et comportementale. Il n’y a en effet pas d’anomalie de la croissance
fœtale tant qu’il n’y a pas de restriction calorique sévère.
De fait, pour la triple raison de la capacité d’adaptation de l’organisme maternel, de l’adaptation
comportementale aussi (réduction de la mobilité en fin de grossesse), et du niveau calorique
habituel de la population générale, il n’y a généralement pas de raison d’inciter à augmenter les
apports.
Dans l’obésité, il est parfois même recommandé de réduire l’apport calorique (dans le cas du gain
de poids excessif pendant la grossesse).
6. Recommandations pour l’apport en protéines au cours de la grossesse
Sur la base des études factorielles, du bilan azoté, et de l’accroissement de l’efficacité de
conversion en protéines tissulaires, un apport supplémentaire de 1,3, 6,1, et 10,7 g de protéines par
rapport aux besoins de base (de 0,75 g/kg/j) est nécessaire, respectivement, pour les 1er, 2e, et 3e
trimestres, dont la moitié de protéines animales. C’est plus encore dans l’allaitement (la teneur en
protéines du lait est de 1,1 à 1,2 g/100 ml).
Cependant, dans la mesure où l’apport protéique habituel est très généralement supérieur à ce
niveau de base, il n’y a pas de raison non plus d’augmenter la ration en protéines.
7. Recommandations pour l’apport en fer
La carence en fer, non l’anémie, peut être responsable d’accouchements prématurés et d’un poids
de naissance plus faible. Or, la grossesse entraîne une augmentation des besoins (élévation de la
masse sanguine, croissance fœtale, développement placentaire). Pour autant, l’absorption du
fer est multipliée d’un facteur 5 à 9. En conséquence : pas de supplémentation systématique (qui
n’est pas sans risque : risque hypotrophie fœtale), sauf dans les situations à risque (adolescentes,
alimentation pauvre en fer héminique, grossesse répétées, ménorragies abondantes, alimentation
pauvre en fer héminique, milieu défavorisé : 40 à 60 mg/j.
8. Des recommandations pour d’autres nutriments ?
- Glucides : veiller à réduire l’excès de glucides rapides (stimulation de la sécrétion d’insuline
du fœtus & risque de prise de poids) ;
- Sel : alimentation normale en sel ;
- Calcium : couverture des besoins accrus par l’augmentation de l’absorption ;
- Magnésium : probable transport actif par le placenta ; pas de justification à supplémenter ;
- Iode : il est simplement conseillé de consommer des aliments riches en iode (lait et produits
laitiers, poissons de mer, sel iodé, œufs, etc.) ;
- Acide folique : augmentation des besoins (sources : feuilles, lég. verts, foie, fromages
fermentés, fruits secs). Un déficit à la phase décisive (du 14e au 21e jour de grossesse) peut
entraîner des malformations graves, telle la spina bifida, voire l’anencéphalie. Il faut par
conséquent envisager une supplémentation de 400 mcg au début de la grossesse et pour une
période d’environ 8 semaines, en particulier en cas de : tabagisme, contraception orale
(prescrire dès l’arrêt chez les femmes désireuses d’une grossesse), régime restrictif,
médicament interférant avec le métabolisme de l’ac. folique. En cas d’antécédent de
pathologie du tube neural, effectuer un traitement préventif dès 1 mois avant la grossesse
(à une dose supérieure : 5 mg/j) ;
- Vit. D : les besoins sont habituellement couverts pour 1/3 par l’alimentation courante, et
pour 2/3 par production de vitamine D dans l’épiderme. C’est à partir des réserves
maternelles que se constituent celles du nouveau-né. Dans les situations à risque
(hypovitaminose, faible ensoleillement et mois en « r », grossesses répétées et
rapprochées), il faut donc prévenir l’hypocalcémie néo-natale, l’ostéomalacie, et le
rachitisme soit par 400 U/j pendant toute la durée de la grossesse, soit par 1 000 U/j à
partir du 3e tr., soit encore pour une dose unique de 80 000 à 100 000 U au 6e ou au 7e mois
(40 UI = 1 g). Ces apports ne dispensent pas de consommer des aliments riches en vitamine
D (poissons gras en particulier) ;
- Autres vitamines et oligo-éléments : pas de supplémentation nécessaire.
Conclusion :
- Généralement pas de mesure spécifique à adopter, dans le cas de figure habituel d’une
alimentation suffisante et variée ;
- Mais la grossesse demeure une période privilégiée pour (re)mettre en place l’équilibre
alimentaire.
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Sources :
- Apports nutritionnels conseillés pour la population française, Ed. Tec & Doc, Paris, 2001 ;
- Cahiers de nutrition et de diététique, vol. 36, hors série, 2001 ;
- Le guide nutrition de la grossesse du PNNS (programme national nutrition-santé).
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