milorava_POSITION DE THESE - Université Paris

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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE
ÉCOLE DOCTORALE V- Concepts et langage
Laboratoire de recherche LACITO (UMR 7107)
THÈSE
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE
Discipline/ Spécialité : Linguistique
Présentée et soutenue par :
Sophio Milorava
Le 30 novembre 2011
Syntaxe et sémantique des verbes de déplacement,
de mouvement et de position en français et en
géorgien modernes
Sous la direction de :
M. Alain LEMARÉCHAL
Professeur à l'Université de Paris IV-Sorbonne,
Directeur d'études à l'EPHE
JURY :
M. Winfried BOEDER
Professeur à l’Université d’Oldenbourg
Mme Dominique GAUTHIER-ELIGOULACHVILI
Maître de conférences à l’INALCO
M. George HEWITT
Professeur à l’Université de Londres, à l’Institut du Moyen-Orient
M. Gilbert LAZARD
Membre de l’Institut
M. Alain LEMARÉCHAL
Professeur à l’Université de Paris IV-Sorbonne,
Directeur d’études à l’EPHE
Position de thèse
Cette thèse a pour objet d’étudier la syntaxe et la sémantique des verbes de déplacement, de
mouvement et de position en français et en géorgien modernes dans un cadre typologique, et contribuer à une
meilleure connaissance de cet aspect trop peu étudié de la langue géorgienne. À travers la description des
verbes de déplacement, de mouvement et de position, c’est la question plus générale de l’expression de
l’espace qui est abordée. Le rapport entre les verbes de déplacement, de mouvement et de position réside
dans le fait qu’ils comprennent un sème locatif. Avec ces verbes le sème locatif est instancié par un
syntagme prépositionnel/postpositionnel et par un préverbe. Ce travail vise aussi à étudier les similarités et
les différences entre le français et le géorgien.
Nous définissons les verbes de déplacement, de mouvement et de position de la façon suivante : un
mouvement correspond à un déplacement d’un lieu à un autre (partir, arriver) ou à un changement de
posture ou d’état (s’asseoir, se lever) ; un déplacement est un mouvement orienté qui fait passer un être ou
une chose d’un lieu à un autre (mettre, poser), ou plus simplement correspond à un changement de lieu. Une
position ne représente ni mouvement ni déplacement, elle correspond à une posture ou à une localisation
statique dans un lieu (être assis, être debout). Ainsi, par verbes de mouvement (Vmvt) et de déplacement
(Vdpt), nous entendons les verbes exprimant un changement de lieu : ces verbes s’opposent à ceux qui
renvoient à une position statique (Vpos). Mais parmi les verbes de mouvement, nous distinguons les verbes
de mouvement corporel (Vmvc) qui ne renvoient pas obligatoirement à la sémantique de « changement de
lieu », mais qui implique nécessairement la notion de lieu. Dans ce cas, l’opposition paraît purement
sémantique. De ce fait, en français aussi bien qu’en géorgien, une même base verbale peut présenter ces trois
types. On obtient ainsi trois types de lexicalisation des verbes : l’un correspondant à une construction de
verbe de déplacement, le second à un verbe de mouvement et le troisième à un verbe de position.
Plusieurs modèles théoriques nous ont inspirés pour les descriptions syntaxiques et sémantiques des
verbes de déplacement, de mouvement et de position en français et en géorgien modernes. Vu le grand
nombre de faits à expliquer, le choix d’un cadre théorique unique risquait de restreindre l’analyse et de
limiter la portée de notre travail. Dans la partie syntaxique, nous faisons appel à la théorie tesniérienne pour
définir la valence verbale des verbes de déplacement, de mouvement et de position dans les deux langues.
Dans la partie sémantique, nous choisissons la typologie de Talmy (1985, 2000) et les approches localistes
(Boons 1984, Laur 1991, Sarda 1999), ces deux approches nous paraissant les plus opératoires pour
appréhender l’expression de l’espace.
Nous avons collecté le corpus de référence pour l’étude des verbes de déplacement, de mouvement et
de position en français et en géorgien dans les dictionnaires monolingues, Le Petit Robert (2005) pour le
français et kartuli enis ganmart’ebiti leksik’oni (« dictionnaire de la langue géorgienne ») volumes I et II
(1986). Selon les besoins, nous nous référons à d’autres sources lexicographiques comme le Trésor
Informatisé de la Langue Française (TILF) ; nous nous sommes également servi des exemples utilisés dans
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les travaux de Boons, Guilllet, Leclère (1976, 1992). La plupart des exemples du géorgien que nous avons
créés nous-mêmes ont été vérifiés auprès d’autres locuteurs géorgiens.
Ce travail se divise en 4 parties assez inégales, comprenant 6 chapitres au total :
La première partie limitée par un seul chapitre (chapitre I) porte sur quelques particularités du
géorgien qui nous paraissent importantes pour les analyses contrastives des verbes de déplacement, de
mouvement et de position du géorgien et du français, développées dans les chapitres ultérieurs. Le géorgien
appartient au groupe caucasique de la famille des langues « kartvèles » (ou « kartveliennes »). Le français est
une langue indo-européenne, appartenant à la branche des langues romanes. La comparaison s’effectue donc
entre deux langues de familles différentes, avec des propriétés morphosyntaxiques souvent très divergentes.
Considérant que le système grammatical du français est connu des lecteurs francophones, nous ne consacrons
pas de section spécifique à la présentation générale du français mais, nous avons recours à quelques traits
comparatifs avec le géorgien. Les traits généraux du géorgien présentés dans la première partie de cette thèse
concernent les structures verbales et nominales, les systèmes de diathèses et de temps/aspect/mode, la mise
en ordre des rôles sémantiques selon les fonctions d’agent et de patient et les types d’alignement.
Après une présentation générale du géorgien, nous menons notre étude des verbes de déplacement,
de mouvement et de position en français et en géorgien modernes à partir de la deuxième partie.
La deuxième partie qui consiste aussi par un seul chapitre (chapitre II) est consacrée au cadre
théorique et à la méthodologie de cette étude. Nous donnons également les définitions des notions des verbes
de déplacement, de mouvement et de position et la classification de ces verbes.
La troisième partie également limitée par un seul chapitre (chapitre III) qui est divisé en trois
sections est consacrée à l’étude de la valence et de la diathèse de verbes de déplacement, de mouvement et de
position. Pour une analyse syntaxique de ces verbes généralement construits à deux et à trois arguments dans
les deux langues, nous procédons à une étude des propriétés de valence et du système des diathèses pour
analyser les opérations morphosyntaxiques impliquant une augmentation et une réduction du nombre des
arguments. Nous empruntons à Tesnière (1959) la notion de valence pour déterminer le nombre de places
d’arguments (actants) associés à un prédicat en l’étendant à l’argument de lieu des Vdpt, des Vmvt et des
Vpos. La valence verbale désigne de la manière la plus générale l’aptitude combinatoire des verbes. Il
convient de noter que, selon Tesnière (1959), les compléments de lieux, tous considérés comme
circonstanciels sont hors de la valence verbale, mais dans la ligne des travaux de Gross 1986 et du LADL, de
Lemaréchal 1998, 2009, nous considérons que les Vdpt, les Vmvt et les Vpos portent un sème locatif et que
l’argument de lieu de ces verbes fait partie de la valence verbale. Par cette analyse, nous dégageons les
propriétés syntaxiques et sémantiques de ces verbes et des arguments entrant dans trois types de
constructions différentes en utilisant les outils morphosyntaxiques permettant d’augmenter et de réduire de la
valence verbale dans les deux langues qui font l’objet de notre étude.
La quatrième partie est consacrée à la sémantique des verbes de déplacement, de mouvement et de
position. Cette partie est organisée autour de trois chapitres : l’un étudiant la relation locative, le second
étudiant la polarité aspectuelle et le troisième étudiant la typologie de l’expression des verbes de
déplacement, de mouvement et de position.
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Dans le chapitre IV concernant la relation locative, nous étudions une construction où les
constituants (entités participantes, entité lieu, préverbes, adpositions) mettent en jeu la configuration
sémantique de l’espace exprimée par le verbe. Les différences entre les verbes locatifs du français et du
géorgien se situent au niveau de la mise en relation du verbe avec les prépositions (dans le cas du français) et
avec les préverbes (dans le cas du géorgien). En d’autres termes, les prépositions du français et les préverbes
du géorgien ont une incidence très forte sur la relation locative. Nous privilégions dans cet examen deux
niveaux d’analyse, l’un concernant les adpositions et les préverbes, et l’autre concernant l’argument locatif
sans adposition. D’un côté les adpositions et les préverbes apparaissent comme des éléments essentiels dans
la sémantique de la relation locative et, d’un autre côté, l’argument locatif sans adposition met en jeu le
sémantisme locatif propre de ces verbes.
Dans le chapitre V concernant la polarité aspectuelle, nous analysons la relation aspectuelle des
verbes de déplacement et de mouvement qu’ils mettent en jeu une des trois phases aspectuelles suivantes :
initiale, médiane et finale, phases qui correspondent aux lieux initial, médian et final. Étant donné que les
préverbes, les adpositions et le sémantisme du verbe mettent en jeu trois repères de localisation : lieu de
départ, lieu de passage et lieu d’arrivée, ces repères impliquent également trois phases qui définissent la
polarité aspectuelle du verbe. Nous montrons que, dans les deux langues, la polarité aspectuelle exprimée
dans l’ensemble d’un énoncé est définie par l’addition des propriétés sémantiques du verbe et de celles de la
préposition (en français) ou de celles du préverbe (en géorgien). Une des premières observations à propos de
la classification des Vdpt et des Vmvt en polarité aspectuelle concerne la structuration de l’aspect et la
relation aspectuelle. Nous distinguons les verbes qui expriment leur polarité aspectuelle à travers les
adpositions et les préverbes (aller à, venir de,) et les verbes qui l’expriment à travers leur sémantisme propre
et à travers leur argument locatif sans adposition (monter l’escalier, descendre l’escalier). Nous montrons
également que les Vmvc (verbes de mouvement corporel) présentent une polarité aspectuelle différente de
celle des Vmvt, car ils sont soit initiaux, soit finaux. En prenant en compte ces distinctions, nous mettons en
évidence une différence de comportement existant entre les Vdpt et les Vmvc d’un côté et les Vmvt de
l’autre.
Dans le chapitre VI concernant la typologie de l’expression du déplacement, du mouvement et de la
position, nous étudions comment le français et le géorgien conceptualisent cette expression. Dans la ligne des
travaux de Talmy (1985, 2000), nous proposons une typologie des combinaisons des verbes locatifs, des
adpositions et des préverbes selon leurs propriétés sémantiques, combinaisons impliquant différentes
trajectoires et manières dans l’expression du déplacement et du mouvement. Nous montrons que les
préverbes et les adpositions déterminent différents types de structuration des trajectoires et des manières. Le
géorgien a une tendance constante à encoder la trajectoire et la manière dans le préverbe et à laisser la racine
verbale exprimer le mouvement ou le déplacement, tandis qu’en français, la trajectoire peut être encodée
dans le préverbe, mais aussi dans une préposition, et laisse le verbe exprimer la manière du mouvement ou
du déplacement. En ce qui concerne l’expression de la position, les deux langues conceptualisent les
positions d’état naturel et d’état résultatif au moyen des propriétés sémantiques du verbe et des propriétés
sémantiques de l’entité localisée, chaque langue utilisant des outils morphosyntaxiques différents : les Vpos
du géorgien sont morphologiquement simples, alors qu’en français, ces verbes sont morphologiquement
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complexes. Ces distinctions sont dues à la lexicalisation aspectuelle de ces verbes : en géorgien, les Vpos
sont lexicalisés à l’aspect statif, alors qu’en français, ces verbes sont lexicalisés à l’aspect agentif et, c’est de
cet aspect qu’on dérive l’aspect statif. L’étude présente que la différence essentielle entre les deux langues
réside dans l’emploi en géorgien de Vpos qui impliquent des postures comme être debout et être allongé. À
la différence du français, en géorgien, ces verbes indiquent l’orientation actuelle de l’entité localisée
(verticale ou horizontale).
Dans ce travail, nous avons dégagé trois niveaux d’analyse permettant de caractériser un verbe
locatif : les structures dans lesquelles il apparaît (constructions syntaxiques et autres propriétés valencielles),
ses propriétés sémantico-aspectuelles et le champ lexical auquel il appartient. Par la valence verbale des
Vdpt, des Vmvt et des Vpos nous avons définie les propriétés syntaxico-sémantiques de la valence locative
et les opérations morphosyntaxiques caractéristiques à l’augmentation et à la réduction du nombre des
arguments en français et en géorgien. Par l’étude des relations locatives, des polarités aspectuelles et des
différents types de trajectoire et de manière de déplacement, de mouvement et de position, nous avons
constaté que tous les éléments participants : verbe, entité lieu, préverbe et adpositions contribuent au calcul
du sémantisme locatif.
La thèse est accompagnée de deux annexes. La première consiste en un tableau récapitulatif des
verbes de déplacement, de mouvement et de position du français, classés selon les prépositions locatives
qu’ils acceptent ; ce tableau est accompagné d’un échantillon d’exemples, d’emplois de ces verbes. La
deuxième annexe est présentée par un tableau récapitulatif des verbes de déplacement, de mouvement et de
position du géorgien, classés selon le système des diathèses, les types d’alignement et les préverbes qu’ils
acceptent, ce tableau est également accompagné d’un échantillon d’exemples de ces verbes.
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