Mémoire à la Commission de consultation sur les pratiques d

Mémoire à la Commission de consultation
sur les pratiques d'accommodement
reliées aux différences culturelles
Présenté par
l’Hôpital général juif - Sir Mortimer B. Davis
Montréal
Octobre 2007
Samuel Minzberg Henri Elbaz
Président Directeur général
« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
1
Préface
Depuis 1934, l’Hôpital général juif - Sir Mortimer B. Davis (HGJ) dispense des
traitements d’avant-garde et prodigue des soins avec compassion à des patients d’origines
culturelles et religieuses diverses, à Montréal ainsi que partout au Québec et même à
l’extérieur de la province. Ce centre hospitalier bilingue à vocation universitaire de 637
lits, affilié à l’Université McGill, est l’un des hôpitaux de soins actifs les plus grands et
les plus occupés de la province, avec plus de 23 000 patients admis chaque année, et
300 000 patients externes, 67 000 visites à l’urgence et plus de 4 000 naissances. L’HGJ a
acquis aussi une réputation d'excellence dans d'importantes spécialités médicales en
agrandissant et en modernisant sans cesse ses installations consacrées aux traitements
cliniques, à l'enseignement et à la recherche menée à l'Institut Lady Davis de recherches
médicales.
La mission de l’Hôpital général juif:
Dispenser des soins généraux et spécialisés de la plus haute qualité, avec
humanité et compassion, en mettant l’accent sur les soins spécialisés et ultra-
spécialisés.
Développer et promouvoir un environnement propice à assurer la position de
leadership de l’Hôpital et son excellence dans le domaine de l’éducation en
sciences de la santé.
Encourager et soutenir la recherche afin d’accroître les connaissances relatives à
la santé, à la prévention des maladies, à leurs causes et à leurs traitements.
Participer activement au développement et à l’évaluation de nouvelles
technologies, et faire figure de leader dans ce domaine afin d’améliorer la qualité
des soins.
Tout au long de son histoire, l’Hôpital général juif a fait de son mieux pour répondre aux
besoins particuliers et de plus en plus diversifiés de ses patients et de son personnel. Par
conséquent, il a veillé à ce que toute demande raisonnable soit satisfaite le plus
professionnellement possible, que celle-ci soit de nature religieuse, ethnique ou
culturelle.
Comme l’Hôpital général juif l’a confirmé par son expérience de plusieurs dizaines
d’années, la notion globale d’« accommodement raisonnable » est un concept valable, à
condition qu’il soit appliqué convenablement, administré de façon équitable et apte à
trouver le juste équilibre entre les droits et les besoins de la minorité et ceux de la
majorité. C’est pour ces raisons que l’HGJ a choisi la devise : « Au service de tous ».
Hôpital général juif
3755, chemin de la Côte-Sainte-Catherine
Montréal (Québec) H3T 1E2
(514) 340-8222
www.jgh.ca
« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
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VISITE DINTRODUCTION
Bienvenue à l’Hôpital général juif — Sir Mortimer B. Davis. Notre visite commence ici.
En premier lieu, écoutez simplement les langues… française, espagnole, grecque, hindi,
italienne, hongroise, anglaise, arabe, yiddish, chinoise, et bien d’autres encore. Ici dans
l’entrée principale, important carrefour de l’hôpital, l’espace est rempli d’une multitude
de langues : Demande d’information dans un accent à consonance asiatique. Éclats de
voix en langue slave provenant de visiteurs pressés de rejoindre leurs proches. Des
chirurgiens en route vers une salle d’opération qui comparent leurs notes en anglais et en
français.
Promenez-vous ensuite en regardant tout autour… Salles d’examen, salons, bureaux
administratifs—partout, des visages de toutes les teintes et nuances. Dans les corridors,
voyez les saris et les robes moyennes-orientales qui côtoient les complets-cravates, les
kippas et les colliers à crucifix. Une liste du personnel contient une grande variété de
noms, y comprisLanglois, Wong, Eisenberg, Nguyen, MacNamara, Christopoulos,
Hakim…
Qu’est-ce qui amène à l’Hôpital général juif un regroupement aussi disparate ? C’est
l’assurance qu’en recevant (ou en prodiguant) des traitements médicaux et des soins de
santé attentionnés et de qualité supérieure, ces gens pourront combler leurs besoins
respectifs, qu’ils soient d’ordre linguistique, religieux ou culturel.
Notre courte visite touche maintenant à sa fin, mais une surprise de taille vous attend :
Cette visite de l’Hôpital général juif n’a pas lieu en 2007. Il s’agit plutôt d’une visite
intemporelle. Malgré les voix et les images contemporaines, elles auraient tout aussi bien
pu être celles de 1993, les visages de 1971, les vêtements de 1958 et les listes d’employés
de 1946. Le visage multiethnique de l’HGJ, bien loin d’être apparu récemment, fait partie
de manière intrinsèque de l’histoire et du patrimoine de l’hôpital. En effet, les
« Accommodements raisonnables », c’est une philosophie que l’Hôpital général juif a
faite sienne et qu’il a toujours mise de l’avant. Il en a fait un de ses principes directeurs
plusieurs dizaines d’années avant que la formule « accommodement raisonnable » ne soit
utilisée.
« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
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Cette politique audacieuse et dynamique—le respect et les soins à tous, peu importe leurs
origines—est en vigueur à l’Hôpital général juif depuis le jour de son ouverture en 1934.
Si les fondateurs de l’hôpital ont adopté cette philosophie, ce n’est pas à cause de la
création d’une commission gouvernementale, de l’adoption d’une loi ou de la pression
exercée par les médias ou par des groupes d’intérêt particulier. La décision fut prise parce
que les dirigeants de l’hôpital avaient compris que la valeur accordée aux traditions et
aux croyances d’un patient est d’importance capitale pour que cette personne soit traitée
comme une personne entière et non comme une collection de symptômes. L’HGJ a
élaboré ce code d’éthique parce que la communauté juive, qui a souvent souffert de
discrimination religieuse, a décidé d’aider à briser le cercle vicieux des préjugés.
L’hôpital est passé à l’action tout simplement parce que c’était—et ce l’est encore
aujourd’hui—le bon geste à poser, moralement et en toute dignité.
LES ORIGINES DE L’HÔPITAL GÉNÉRAL JUIF
Dans une large mesure, l’Hôpital général juif doit son existence à la détermination de ses
fondateurs, qui voulaient doter la communauté juive des services de santé dont elle avait
un urgent besoin, tout en évitant la discrimination religieuse qui prévalait dans plusieurs,
sinon la plupart, des hôpitaux de Montréal.
C’est la persécution religieuse qui régnait alors en Russie et en Europe de l’Est qui a
poussé les Juifs à venir en Amérique du Nord au début du XXe siècle. Selon les
statistiques du recensement canadien, la population juive de Montréal était de 8 100 en
1901, à la suite d’une augmentation graduelle au cours des années précédentes. Mais de
nouvelles vagues d’immigrants ont déferlé sur Montréal pendant les deux décennies qui
ont suivi, et la taille de la communauté juive a fait un bond gigantesque. En 1921,
Montréal comptait 51 287 Juifs sur une population totale de 618 506. 1
Malheureusement, quand les immigrants juifs sont arrivés à Montréal à la recherche de
liberté, ils ont été surpris de découvrir que la discrimination religieuse prédominait dans
les grandes institutions de soins de santé de la ville, ce qui empêchait les patients de
recevoir les soins rapides et fiables dont ils avaient désespérément besoin.
Les médecins juifs ont dû faire face aux mêmes problèmes. Il était exceptionnellement
rare pour un médecin juif de se tailler une place comme médecin dans un des hôpitaux de
langue française de Montréal ou d’y obtenir un internat. Même dans les hôpitaux de
langue anglaise, les restrictions étaient sévères. L’Hôpital général de Montréal et
l’Hôpital Royal Victoria étaient, sauf à de très rares exceptions, considérés comme
interdits aux médecins juifs.2 Heureusement, certains des hôpitaux plus petits—par
exemple le Homeopathic Hospital, le Saint Mary’s Hospital, le Western Hospital et le
Women’s Hospital—montraient une plus grande ouverture dans leurs politiques. Mais,
1 Wright, Alexander. Our Tribute Everlasting. Hôpital général juif, Montréal, 1984.
2 Etziony, Dr. M.B. History of the Montreal Clinical Society. Montreal Clinical Society, Montréal, 1963.
« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
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compte tenu de la taille de ces institutions, les postes en pratique clinique et en recherche
étaient rarement accessibles.
Les infirmières juives étaient victimes des mêmes difficultés. L’enseignement local en
sciences infirmières était pour ainsi dire inexistant pour les juifs, à part une formation
élémentaire pour quelques femmes du Hebrew Maternity Hospital. Toutes les autres
infirmières juives devaient suivre leur formation à l’extérieur de la province ou devaient
venir d’ailleurs.
L’Hôpital général juif a été fondé précisément pour contrer ce genre d’antisémitisme
généralisé—et bien sûr pour fournir aux Montréalais de toutes origines des soins
médicaux de qualité. Heureusement, cet objectif avant-gardiste a été reconnu
publiquement par certains des dirigeants les plus éclairés et les plus en vue au Canada et
au Québec. Lord Bessborough, gouverneur général du Canada, qui avait participé à la
cérémonie de levée de la première pelletée de terre pour la construction de l’HGJ en
1931, est revenu en 1934 pour l’ouverture officielle, où il s’est adressé à l’auditoire en
ces termes :
Aujourd’hui un fleuron pour sa ville, une addition remarquable aux
services sociaux de cette ville, l’Hôpital général juif s’élève, entièrement
équipé et doté de tout son personnel. Mais il représente bien plus encore.
C’est un monument à cet esprit de charité envers vos semblables qui a
toujours été la caractéristique des Juifs partout dans le monde.
J’espère que ceci marquera le début d’un long et fructueux chapitre dans
l’histoire de cette lutte interminable que les hommes de toutes races et de
toutes croyances ont à mener contre la maladie et la souffrance dans le
monde. 3
Pour sa part, le maire Camilien Houde de Montréal a mis fin à la cérémonie en exprimant
sa gratitude en termes très clairs :
S’il y a une leçon, plus que tout autre, que nous devons apprendre de la
communauté juive de Montréal, c’est celle de la solidarité et de l’effort
communautaire. À travers les âges, le peuple juif, souvent dans les
difficultés et la tristesse, a survécu en tant que race parce que les Juifs ont
toujours su aider ceux des leurs qui étaient dans l’adversité, qui
connaissaient la pauvreté et la maladie.
Montréal est aux prises avec de graves problèmes. Les besoins sont criants
et nombreux sont ceux qui ont besoin qu’on les aide plus que jamais. Pour
avoir mené à bien votre projet, pour avoir financé et érigé ce magnifique
hôpital, tout Montréal vous exprime sa gratitude. 4
3 Montreal Daily Star, Oct. 9, 1934.
4 Ibid.
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