Mémoire à la Commission de consultation sur les pratiques d

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Mémoire à la Commission de consultation
sur les pratiques d'accommodement
reliées aux différences culturelles
Présenté par
l’Hôpital général juif - Sir Mortimer B. Davis
Montréal
Octobre 2007
Samuel Minzberg
Président
Henri Elbaz
Directeur général
« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
Préface
Depuis 1934, l’Hôpital général juif - Sir Mortimer B. Davis (HGJ) dispense des
traitements d’avant-garde et prodigue des soins avec compassion à des patients d’origines
culturelles et religieuses diverses, à Montréal ainsi que partout au Québec et même à
l’extérieur de la province. Ce centre hospitalier bilingue à vocation universitaire de 637
lits, affilié à l’Université McGill, est l’un des hôpitaux de soins actifs les plus grands et
les plus occupés de la province, avec plus de 23 000 patients admis chaque année, et
300 000 patients externes, 67 000 visites à l’urgence et plus de 4 000 naissances. L’HGJ a
acquis aussi une réputation d'excellence dans d'importantes spécialités médicales en
agrandissant et en modernisant sans cesse ses installations consacrées aux traitements
cliniques, à l'enseignement et à la recherche menée à l'Institut Lady Davis de recherches
médicales.
La mission de l’Hôpital général juif:
• Dispenser des soins généraux et spécialisés de la plus haute qualité, avec
humanité et compassion, en mettant l’accent sur les soins spécialisés et ultraspécialisés.
• Développer et promouvoir un environnement propice à assurer la position de
leadership de l’Hôpital et son excellence dans le domaine de l’éducation en
sciences de la santé.
• Encourager et soutenir la recherche afin d’accroître les connaissances relatives à
la santé, à la prévention des maladies, à leurs causes et à leurs traitements.
• Participer activement au développement et à l’évaluation de nouvelles
technologies, et faire figure de leader dans ce domaine afin d’améliorer la qualité
des soins.
Tout au long de son histoire, l’Hôpital général juif a fait de son mieux pour répondre aux
besoins particuliers et de plus en plus diversifiés de ses patients et de son personnel. Par
conséquent, il a veillé à ce que toute demande raisonnable soit satisfaite le plus
professionnellement possible, que celle-ci soit de nature religieuse, ethnique ou
culturelle.
Comme l’Hôpital général juif l’a confirmé par son expérience de plusieurs dizaines
d’années, la notion globale d’« accommodement raisonnable » est un concept valable, à
condition qu’il soit appliqué convenablement, administré de façon équitable et apte à
trouver le juste équilibre entre les droits et les besoins de la minorité et ceux de la
majorité. C’est pour ces raisons que l’HGJ a choisi la devise : « Au service de tous ».
Hôpital général juif
3755, chemin de la Côte-Sainte-Catherine
Montréal (Québec) H3T 1E2
(514) 340-8222
www.jgh.ca
1
« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
VISITE D’INTRODUCTION
Bienvenue à l’Hôpital général juif — Sir Mortimer B. Davis. Notre visite commence ici.
En premier lieu, écoutez simplement les langues… française, espagnole, grecque, hindi,
italienne, hongroise, anglaise, arabe, yiddish, chinoise, et bien d’autres encore. Ici dans
l’entrée principale, important carrefour de l’hôpital, l’espace est rempli d’une multitude
de langues : Demande d’information dans un accent à consonance asiatique. Éclats de
voix en langue slave provenant de visiteurs pressés de rejoindre leurs proches. Des
chirurgiens en route vers une salle d’opération qui comparent leurs notes en anglais et en
français.
Promenez-vous ensuite en regardant tout autour… Salles d’examen, salons, bureaux
administratifs—partout, des visages de toutes les teintes et nuances. Dans les corridors,
voyez les saris et les robes moyennes-orientales qui côtoient les complets-cravates, les
kippas et les colliers à crucifix. Une liste du personnel contient une grande variété de
noms, y comprisLanglois, Wong, Eisenberg, Nguyen, MacNamara, Christopoulos,
Hakim…
Qu’est-ce qui amène à l’Hôpital général juif un regroupement aussi disparate ? C’est
l’assurance qu’en recevant (ou en prodiguant) des traitements médicaux et des soins de
santé attentionnés et de qualité supérieure, ces gens pourront combler leurs besoins
respectifs, qu’ils soient d’ordre linguistique, religieux ou culturel.
Notre courte visite touche maintenant à sa fin, mais une surprise de taille vous attend :
Cette visite de l’Hôpital général juif n’a pas lieu en 2007. Il s’agit plutôt d’une visite
intemporelle. Malgré les voix et les images contemporaines, elles auraient tout aussi bien
pu être celles de 1993, les visages de 1971, les vêtements de 1958 et les listes d’employés
de 1946. Le visage multiethnique de l’HGJ, bien loin d’être apparu récemment, fait partie
de manière intrinsèque de l’histoire et du patrimoine de l’hôpital. En effet, les
« Accommodements raisonnables », c’est une philosophie que l’Hôpital général juif a
faite sienne et qu’il a toujours mise de l’avant. Il en a fait un de ses principes directeurs
plusieurs dizaines d’années avant que la formule « accommodement raisonnable » ne soit
utilisée.
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
Cette politique audacieuse et dynamique—le respect et les soins à tous, peu importe leurs
origines—est en vigueur à l’Hôpital général juif depuis le jour de son ouverture en 1934.
Si les fondateurs de l’hôpital ont adopté cette philosophie, ce n’est pas à cause de la
création d’une commission gouvernementale, de l’adoption d’une loi ou de la pression
exercée par les médias ou par des groupes d’intérêt particulier. La décision fut prise parce
que les dirigeants de l’hôpital avaient compris que la valeur accordée aux traditions et
aux croyances d’un patient est d’importance capitale pour que cette personne soit traitée
comme une personne entière et non comme une collection de symptômes. L’HGJ a
élaboré ce code d’éthique parce que la communauté juive, qui a souvent souffert de
discrimination religieuse, a décidé d’aider à briser le cercle vicieux des préjugés.
L’hôpital est passé à l’action tout simplement parce que c’était—et ce l’est encore
aujourd’hui—le bon geste à poser, moralement et en toute dignité.
LES ORIGINES DE L’HÔPITAL GÉNÉRAL JUIF
Dans une large mesure, l’Hôpital général juif doit son existence à la détermination de ses
fondateurs, qui voulaient doter la communauté juive des services de santé dont elle avait
un urgent besoin, tout en évitant la discrimination religieuse qui prévalait dans plusieurs,
sinon la plupart, des hôpitaux de Montréal.
C’est la persécution religieuse qui régnait alors en Russie et en Europe de l’Est qui a
poussé les Juifs à venir en Amérique du Nord au début du XXe siècle. Selon les
statistiques du recensement canadien, la population juive de Montréal était de 8 100 en
1901, à la suite d’une augmentation graduelle au cours des années précédentes. Mais de
nouvelles vagues d’immigrants ont déferlé sur Montréal pendant les deux décennies qui
ont suivi, et la taille de la communauté juive a fait un bond gigantesque. En 1921,
Montréal comptait 51 287 Juifs sur une population totale de 618 506. 1
Malheureusement, quand les immigrants juifs sont arrivés à Montréal à la recherche de
liberté, ils ont été surpris de découvrir que la discrimination religieuse prédominait dans
les grandes institutions de soins de santé de la ville, ce qui empêchait les patients de
recevoir les soins rapides et fiables dont ils avaient désespérément besoin.
Les médecins juifs ont dû faire face aux mêmes problèmes. Il était exceptionnellement
rare pour un médecin juif de se tailler une place comme médecin dans un des hôpitaux de
langue française de Montréal ou d’y obtenir un internat. Même dans les hôpitaux de
langue anglaise, les restrictions étaient sévères. L’Hôpital général de Montréal et
l’Hôpital Royal Victoria étaient, sauf à de très rares exceptions, considérés comme
interdits aux médecins juifs.2 Heureusement, certains des hôpitaux plus petits—par
exemple le Homeopathic Hospital, le Saint Mary’s Hospital, le Western Hospital et le
Women’s Hospital—montraient une plus grande ouverture dans leurs politiques. Mais,
1
2
Wright, Alexander. Our Tribute Everlasting. Hôpital général juif, Montréal, 1984.
Etziony, Dr. M.B. History of the Montreal Clinical Society. Montreal Clinical Society, Montréal, 1963.
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
compte tenu de la taille de ces institutions, les postes en pratique clinique et en recherche
étaient rarement accessibles.
Les infirmières juives étaient victimes des mêmes difficultés. L’enseignement local en
sciences infirmières était pour ainsi dire inexistant pour les juifs, à part une formation
élémentaire pour quelques femmes du Hebrew Maternity Hospital. Toutes les autres
infirmières juives devaient suivre leur formation à l’extérieur de la province ou devaient
venir d’ailleurs.
L’Hôpital général juif a été fondé précisément pour contrer ce genre d’antisémitisme
généralisé—et bien sûr pour fournir aux Montréalais de toutes origines des soins
médicaux de qualité. Heureusement, cet objectif avant-gardiste a été reconnu
publiquement par certains des dirigeants les plus éclairés et les plus en vue au Canada et
au Québec. Lord Bessborough, gouverneur général du Canada, qui avait participé à la
cérémonie de levée de la première pelletée de terre pour la construction de l’HGJ en
1931, est revenu en 1934 pour l’ouverture officielle, où il s’est adressé à l’auditoire en
ces termes :
Aujourd’hui un fleuron pour sa ville, une addition remarquable aux
services sociaux de cette ville, l’Hôpital général juif s’élève, entièrement
équipé et doté de tout son personnel. Mais il représente bien plus encore.
C’est un monument à cet esprit de charité envers vos semblables qui a
toujours été la caractéristique des Juifs partout dans le monde.
J’espère que ceci marquera le début d’un long et fructueux chapitre dans
l’histoire de cette lutte interminable que les hommes de toutes races et de
toutes croyances ont à mener contre la maladie et la souffrance dans le
monde. 3
Pour sa part, le maire Camilien Houde de Montréal a mis fin à la cérémonie en exprimant
sa gratitude en termes très clairs :
S’il y a une leçon, plus que tout autre, que nous devons apprendre de la
communauté juive de Montréal, c’est celle de la solidarité et de l’effort
communautaire. À travers les âges, le peuple juif, souvent dans les
difficultés et la tristesse, a survécu en tant que race parce que les Juifs ont
toujours su aider ceux des leurs qui étaient dans l’adversité, qui
connaissaient la pauvreté et la maladie.
Montréal est aux prises avec de graves problèmes. Les besoins sont criants
et nombreux sont ceux qui ont besoin qu’on les aide plus que jamais. Pour
avoir mené à bien votre projet, pour avoir financé et érigé ce magnifique
hôpital, tout Montréal vous exprime sa gratitude. 4
3
4
Montreal Daily Star, Oct. 9, 1934.
Ibid.
4
« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
Les dirigeants politiques continuent aujourd’hui de reconnaître les réalisations de
l’Hôpital général juif et ils savent à quel point les citoyens de la province bénéficient de
l’HGJ. Voici quelques exemples récents :
Parmi les établissements du secteur de la santé, l’Hôpital général juif, en
plus de sa réputation d’excellence pleinement justifiée, est aujourd’hui le
pivot qui entraîne un rapprochement entre les Québécois juifs et non-juifs.
L’hôpital est sans doute l’exemple le plus probant de la contribution de la
communauté juive au bien-être de la communauté dans son ensemble. En
ce début de siècle, cette institution illustre les valeurs d’ouverture d’esprit,
de partage et de solidarité qui animent la communauté juive.
– Bernard Landry, Premier ministre de Québec
Centre de conférences Gelber, le 14 mai 2001
Il est clair qu’une institution possédant une expertise comme celle que
l’Hôpital général juif a développée sera appelée à jouer un rôle
extrêmement important dans notre plan intégré de lutte contre le cancer.
– Philippe Couillard, Ministre de la Santé et des Services sociaux
Inauguration du Centre du cancer Segal de l’HGJ
Le 28 août 2006
C’est une institution très importante et même essentielle pour la qualitié de
vie des Montréalaises et des Montréalais, le développement et le
rayonnement de notre métropole. Une institution qui, au cours des
dernières décennies, n’a jamais cessé d’innover et d’ouvrir des voies
nouvelles en recherche médicale ou dans l’approche en matière de
traitement des patients… Vous faites la preuve devant tous les Montréalais
que vous éprouvez de la compassion pour autrui, et que vous êtes
déterminés à faire tout ce qui est humainement et financièrement possible
pour aider les gens dans le besoin… J’aimerais faire un unique souhait,
celui que votre geste exemplaire crée chez les autres le désir d’en faire
autant.
– Gérald Tremblay, Maire de Montréal
Inauguration du Centre du cancer Segal de l’HGJ
Le 28 août 2006
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
QUESTIONS D’IMPORTANCE HISTORIQUE
De temps à autres, les critiques et les commentateurs du Québec ont ouvertement posé la
question, à savoir s’il est approprié qu’une institution financée publiquement affiche aussi
clairement son affiliation religieuse dans son nom—l’Hôpital général juif. La réponse est
un « Oui » catégorique.
À l’époque de la fondation de l’Hôpital, il était encore courant pour les institutions de
soins de santé d’enjoliver leur nom et celui de leurs installations et programmes
médicaux en utilisant des métaphores ouvertement religieuses et des symboles. Cette
pratique avait cours depuis la fondation de Montréal et l’établissement du tout premier
hôpital, l’Hôtel-Dieu, au début des années 1640. La coutume s’est maintenue pendant
plus de trois siècles et apparaît clairement aujourd’hui dans les noms d’hôpitaux comme
Sacré-Coeur, Notre-Dame, Sainte-Justine et Saint-Luc. En donnant un nom à leur
institution, les fondateurs de l’Hôpital général juif ont simplement suivi l’exemple donné
par la société catholique. D’un point de vue plus moderne, leur effort pour distinguer
clairement l’HGJ des autres hôpitaux montréalais n’était rien d’autre qu’une version
prémoderne de « branding », longtemps avant que le terme de marketing ne devienne
populaire.
Il est aussi important de souligner que le nom de l’hôpital n’a jamais signifié—et ne
signifie pas aujourd’hui—un avantage pour les Juifs, que ce soit pour les traitements
médicaux ou l’embauche de personnel. Bien au contraire. L’HGJ, qui s’est donné pour
devise « Au service de tous », a toujours maintenu une politique non discriminatoire, et
cela, depuis le jour où il a ouvert ses portes. Cette politique contrastait fortement avec les
pratiques d’exclusion en vigueur dans de nombreux autres hôpitaux de Montréal (tel que
mentionné précédemment), et elle a été mise en pratique plusieurs années avant que la
législation provinciale ou fédérale en matière de droits de la personne n’intègre de telles
mesures.
La force qui anime l’Hôpital ne provient pas de l’étoile de David que l’on voit parfois sur
une entête de lettre, ni d’un quelconque ornement architectural. L’Hôpital puise plutôt sa
motivation dans les valeurs auxquelles les Juifs s’identifient et dans les traditions de
longue date qui consistent à rendre accessibles les soins à tous ceux qui souffrent, à
apporter la compassion à tous ceux qui sont éprouvés, et l’aide à tous ceux qui sont dans
le besoin.
Certains critiques ont aussi remis en question le bien-fondé de procurer des fonds publics
à une institution liée d’aussi près à la communauté juive. Une fois de plus, la réponse est
un « Oui » catégorique.
Comme il est expliqué précédemment, une des raisons fondamentales qui a mené à la
fondation de l’Hôpital général juif a été de répondre aux besoins pressants des patients et
professionnels de la santé d’origine juive. Conséquemment, il est naturel qu’au cours de
ses premières années d’existence la plupart des patients et des employés de l’Hôpital
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
étaient juifs, même si l’HGJ accueillait tout le monde en soignant ou en embauchant les
personnes sans égard à leurs croyances religieuses ou à leurs origines. Toutefois, au fil
des années, les ratios ont évolué considérablement, de façon graduelle.
Les patients et les employés juifs sont maintenant en minorité à l’HGJ. En 2006, les Juifs
étaient au nombre de 4 814, soit 25,1 pour cent des 19 169 patients admis à l’Hôpital.
Ainsi, malgré le fait que la communauté juive de Montréal et l’Hôpital général juif
demeurent indissociables, celui-ci dessert une partie de la société québécoise plus grande
que jamais auparavant.
Cependant, le principal enjeu n’est pas la démographie ou les caractéristiques
personnelles de la population de patients. Pour l’obtention de financement public, un
hôpital doit être évalué sur des critères comme la dispensation de services médicaux de
qualité en temps opportun (ce que fait l’HGJ); la réussite de programmes de formation
dispensés aux nouvelles générations de professionnels de la santé (ce que fait l’HGJ); une
expertise de classe internationale en vue de poursuivre des recherches médicales
avancées (que possède l’HGJ); la mise à niveau des installations et des services médicaux
pour répondre aux besoins changeants des patients (ce que fait l’HGJ); ainsi qu’un bon
dossier quant au maintien de politiques favorisant l’accueil de tous les patients, peu
importe leur religion ou tout autre aspect touchant leur origine ethnique ou culturelle (ce
que possède l’HGJ).
Il est intéressant de souligner que même si les Juifs sont maintenant une minorité dans
l’Hôpital, la plupart des dons du secteur privé proviennent encore de la communauté
juive. Pourquoi cet appui solide perdure-t-il ? Parce que l’HGJ continue d’être l’hôpital
de premier choix pour de nombreux Juifs, malgré les changements dans la population de
patients. De plus, tel que mentionné précédemment, le cœur du sujet n’est pas la
démographie ou les caractéristiques personnelles des patients. Ce qui est important c’est
le fait que la communauté juive dans son ensemble continue de reconnaître sa dette
envers l’Hôpital général juif pour ses multiples années de services dévoués à l’égard des
Juifs et de tous les Montréalais.
PRÊCHER PAR L’EXEMPLE
Tout au long de son histoire, l’Hôpital général juif a fait de son mieux pour répondre aux
besoins particuliers et de plus en plus diversifiés de ses patients et de son personnel. En
1973, en implantant une nouvelle mesure qui fut d’abord financée par les Auxiliaire de
l’Hôpital, l’HGJ est devenu le premier hôpital au Canada à nommer un représentant des
relations avec les patients, appelé ombudsman. Ce faisant, l’Hôpital a donné à ses
patients le moyen non seulement de soulever des problèmes liés aux traitements
médicaux, mais d’assurer que toute demande raisonnable soit satisfaite le plus
professionnellement possible, que celle-ci soit de nature religieuse, ethnique ou
culturelle.
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
Cette attitude remarquable de la part de l’Hôpital, marquée par l’ouverture et l’accueil,
est aussi illustrée par les exemples ou anecdotes suivants.
Religion
Bien que l'Hôpital général juif a été fondé pour répondre aux besoins de la communauté
juive de Montréal, il a toujours respecté, soigné et tenté de satisfaire toutes les personnes,
peu importe leurs origines.
•
Même si la chapelle de l’Hôpital général juif est de conception traditionelle juive,
elle est ouverte à tous, quelle que soit leur croyance, et ce, à toute heure du jour
pour la prière ou la méditation silencieuse.
•
Dans son rôle de Directeur des Services de la pastorale, l’aumônier juif de l’Hôpital
est toujours accessible pour donner des conseils ou pour offrir un soutien affectif
aux patients de toute croyance, ainsi qu’à leurs parents et à leurs proches. Toutefois,
un prêtre catholique et un ministre protestant sont aussi disponibles pour s’occuper
des besoins spirituels des patients et de leurs familles. De plus, à la demande ou à
l’invitation des patients, les représentants d’autres croyances sont aussi les
bienvenus dans l’Hôpital pour offrir un soutien religieux.
•
Le jour du Souvenir, tout le monde dans l’Hôpital est invité à assister à la
cérémonie qui propose des prières récitées par les membres du clergé de différentes
croyances et religions.
•
Quatre fois par année, l’HGJ organise dans l’hôpital un service commémoratif pour
rendre hommage à ceux qui sont décédés à l’hôpital dans les mois précédents.
L’aumônier et les membres du clergé d’autres religions président le service, qui est
ouvert à tous les parents et amis des personnes décédées.
•
Un précepte fondamental de l’éthique et de la tradition juive est la nécessité
primordiale de préserver la vie humaine et de prévenir la souffrance, quelle que soit
la religion de la personne malade. C’est pourquoi, si nécessaire, des médecins juifs
pratiquants demeurent en service pour s’occuper de leurs patients, même le jour du
Sabbat juif et lors des autres fêtes juives qui ne sont normalement pas des jours de
travail.
•
Les jours de congé non-juifs, comme Noël ou Pâques, les membres du personnel
sont invités à décorer leur lieu de travail en utilisant les symboles propres à ces
fêtes. Des cérémonies spéciales sont aussi organisées dans l’hôpital à Noël et à
Pâques pour les patients, les visiteurs et le personnel. De plus, l’HGJ tient chaque
année une grande fête de Hanoukka/Noël, organisée par les membres du personnel,
à leur intention.
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
•
Les membres du personnel médical et infirmier qui sont juifs se font un devoir de
travailler à Noël et à Pâques, afin de permettre aux employés de religion chrétienne
de s’absenter. Et puisque le Premier de l’an revêt une grande importance pour les
Haïtiens, les horaires sont aussi ajustés en conséquence pour que les employés
haïtiens puissent prendre congé ce jour-là.
•
Les médecins et autres employés musulmans ont la possibilité d’observer le
Ramadan grâce à des mesures particulières mises en place par l’HGJ. À certains
moments de la journée, ils ont la possibilité de se retirer dans une chambre
tranquille ou dans un autre espace approprié dans l’hôpital.
•
À l’Unité d’hémodialyse, un patient musulman qui souhaitait jeûner de l’aube à la
tombée du jour pendant le Ramadan a demandé de recevoir ses traitements le jour
plutôt que la nuit, temporairement, afin de pouvoir manger dans la soirée. Sa
demande a été acceptée parce que le personnel infirmier a fait un effort particulier
pour trouver un autre patient qui acceptait d’ajuster son horaire.
•
Le personnel des Soins palliatifs répond à à des demandes occasionnelles de
patients musulmans qui aimeraient que leur lit soit placé différemment pour qu’ils
puissent se tourner vers la Mecque.
•
Afin de réduire la congestion et d’offrir aux patients une transition plus rapide du
Service de l’urgence vers le premier lit d’hôpital disponible, l’Hôpital général juif a
mis en place une politique de chambres mixtes. Cependant, si un patient s’oppose à
occuper une chambre mixte pour des raisons d’ordre religieux, l’Hôpital fera tout en
son pourvoir pour accéder à sa demande.
•
Aux Soins palliatifs, une patiente hindoue avait exprimé le souhait de suivre la
tradition et de mourir sur le sol. Quand le moment approcha, ses parents
demandèrent qu’elle soit allongée sur le sol dans sa chambre. Le personnel a
accepté et a placé la patiente sur des draps de coton matelassés avec endos
imperméable. Même si la situation rendait les soins à la patiente passablement plus
compliqués, elle a pu mourir paisiblement, après avoir passé 36 heures sur le
plancher, selon ses désirs.
•
Une autre fois, aux Soins palliatifs, la famille d’un patient bouddhiste a demandé
une aide spéciale pour trouver un endroit où il serait possible de tenir une
cérémonie religieuse rituelle qui durerait huit heures, après le décès du patient. Les
membres du personnel infirmier ont réussi à trouver une chambre privée pour la
patiente. À sa mort, la famille a pu y passer les huit heures prescrites par leur
religion.
•
Une cérémonie spéciale pour un patient bouddhiste a aussi été permise dans l’Unité
des soins intensifs. La cérémonie exigeait que le lit du patient soit déplacé – une
requête difficile étant donné les instruments médicaux auxquels le patient était relié.
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
Pourtant, le personnel a trouvé un moyen de satisfaire le patient sans compromettre
ses traitements.
•
Le personnel de l’Unité des soins intensifs a aussi aidé à placer un patient originaire
du Sri Lanka dans une chambre dont le numéro ne devait pas comporter de 4 ni de
8, des chiffres malchanceux selon la tradition sri lankaise. Juste avant le transfert
temporaire du patient à l’Institut neurologique de Montréal, le personnel des Soins
intensifs a fait le nécessaire pour qu’il puisse être placé à l’Institut dans une
chambre ne portant pas ces chiffres malchanceux. À son retour à l’HGJ, on lui a à
nouveau offert une chambre sans ces chiffres.
•
De la même façon, quand le personnel en Gynéco-obstétrique doit provoquer le
travail menant à une naissance, certaines femmes de culture asiatique demandent
que la procédure ne soit pas effectuée à certaines dates qui comportent des chiffres
malchanceux. Les demandes en ce sens sont généralement respectées, à moins de
retards déraisonnables ou de risques pour la santé de la mère ou de l’enfant.
Langue et culture
L’HGJ est une institution complètement bilingue où les services médicaux sont
accessibles à tous les membres du public, et où toutes les activités se déroulent aussi
facilement en français qu’en anglais. Au Québec, il n’existe pas d’hôpitaux de langue
anglaise. Les institutions de soins de santé qu’on y retrouve sont soit de langue française
ou bilingues, et l’HGJ appartient à la deuxième catégorie.
•
Le niveau de multilinguisme à l’Hôpital général juif est sans doute plus élevé que
dans tout autre hôpital du Québec. Un sondage effectué par le Centre de médecine
familiale Herzl de l’HGJ a démontré qu’en plus du français et de l’anglais, au moins
dix autres langues sont utilisées de façon habituelle dans l’hôpital, dix autres sont
utilisées souvent, et 50 autres langues peuvent être entendues de temps à autre—
pour un total de 72 langues.
•
Il arrive souvent que des membres du personnel qui connaissent plusieurs langues
soient appelés à donner un coup de main comme interprète. Si un patient ou un
visiteur a besoin de communiquer dans une langue autre que le français ou
l’anglais, un appel à l’aide est aussitôt diffusé. Souvent, d’un service à un autre, le
personnel peut trouver l’aide nécessaire. Par exemple, le Service de chirurgie
contacte directement le Service de pathologie pour demander l’aide d’un employé
en particulier. Toutefois, à l’occasion, des demandes d’aide générales sont aussi
diffusées à tout le personnel au moyen du réseau de communication interne de
l’hôpital.
•
Dans des circonstances normales, certains patients de langue maternelle autre que le
français ou l’anglais, peuvent être tout à fait à l’aise de s’exprimer dans une ce ces
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
langues. Cependant, quand ils sont souffrants ou troublés émotivement, il peut
arriver qu’ils n’aient pas la présence d’esprit de parler en français ou en anglais, et
qu’ils s’expriment plutôt dans leur langue maternelle. Les professionnels en soins
de santé de l’HGJ sont avisés et savent rester sensibles à ce genre de situations; ils
essaient alors de communiquer avec ces personnes dans la langue qui présente le
plus de facilité pour elles.
•
Une patiente autochtone ayant subi une fausse couche à l’HGJ avait demandé la
permission d’apporter le fœtus à la maison, afin de pouvoir l’enterrer dans une terre
sacrée, selon la coutume des Premières nations en cas de fausse-couche. Cependant,
la politique du Service de pathologie de l’hôpital permet de remettre les corps
uniquement aux salons mortuaires, et non à des individus. Après beaucoup de
recherches, le personnel a pu trouver un salon mortuaire qui acceptait de venir
prendre le corps à l’HGJ et de le remettre directement à la patiente qui a pu
l’enterrer chez elle.
•
En soignant un patient qui arrivait du Lac Saint-Jean, le Chef du Service
d’oncologie a remarqué par hasard qu’il portait une petite épinglette du drapeau du
Canada sur son vêtement. Le patient lui a expliqué qu’il ne savait pas trop à quoi
s’attendre en venant dans un hôpital connu pour ses origines juives et qu’en portant
cette épinglette, il aurait une chance de mieux s’intégrer. Plus tard, il a confié à son
médecin qu’il avait compris que l’HGJ était un hôpital comme les autres et qu’il
n’avait plus besoin de l’épinglette. Après son premier traitement, le patient a eu le
choix de retourner au Lac Saint-Jean, mais il avait été tellement impressionné par
l’Hôpital général juif qu’il a décidé d’y suivre tous ses traitements.
•
À la clinique de Gynéco-obstétrique, les médecins et le personnel infirmier se font
un devoir de s’informer des diètes spéciales et des pratiques culturelles des patients
qui viennent de l’extérieur de l’Amérique du Nord. Des compléments ou des
ajustements sont parfois nécessaires si la diète traditionnelle du patient n’est pas
suffisamment nutritive pendant la grossesse. De cette façon, le personnel soignant
de l’hôpital peut aider les patients à prévenir certains problèmes comme l’anémie et
le diabète de gestation.
•
Des colloques éducatifs se tiennent à l’HGJ afin de sensibiliser le personnel
soignant aux besoins spéciaux, linguistiques ou autres, des patients et des visiteurs.
Ces séances se sont révélées utiles pour le personnel des Soins palliatifs et de
« L’espoir c’est la vie » (qui apporte un soutien aux patients atteints de cancer et à
leurs familles).
Accès
L’Hôpital général juif offre des services médicaux non seulement à ceux qui habitent
dans le voisinage immédiat et à d’autres résidants de Montréal, mais à un grand nombre
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
de citoyens du Québec qui ont des besoins particuliers, et dont le lieu de résidence peut se
trouver n’importe où, de l’Estrie jusqu’au Grand Nord. L’hôpital sert de centre de
référence pour tous les Québécois qui consultent les spécialistes pour un diagnostic et qui
viennent pour des traitements dans différentes spécialités comme l’oncologie, la
cardiologie, les soins intensifs de la néonatologie, et la gynéco-obstétrique.
•
Le Service de médecine familiale de l’HGJ envoie régulièrement des médecins dans
des villes et des villages reculés du Nord du Québec pour offrir des soins à des
résidants qui n’ont pas de médecin de famille.
•
Depuis 1997, un médecin du Service d’otolaryngologie de l’hôpital se rend deux
fois par année visiter et traiter des résidants de Kuujjuaq, un village de l’Arctique
(2 000 habitants) en bordure de la baie d’Ungava. Les maux d’oreille sont
inhabituellement élevés dans le Nord en raison de la plus grande vulnérabilité des
Inuits aux bactéries présentes dans la société occidentale. Les premières visites du
médecin de l’HGJ ont donné l’occasion à ces patients de recevoir des traitements
dans des conditions chirurgicales stériles. Son exemple a inspiré d’autres
professionnels de la santé, provenant d’institutions comme l’Hôpital de Montréal
pour Enfants, qui font bénéficier les résidants de différentes régions du Nord du
Québec de leur expertise
•
Un chercheur sénior du Centre de recherche en soins infirmiers de l’Hôpital général
juif prépare une étude visant à examiner le rôle des médias électroniques pour aider
les gens dans les régions éloignées du Québec qui sont atteints de cancer à un stade
avancé. Au cours de cette étude, un soutien émotionnel sera apporté à des personnes
qui autrement seraient seules pour vivre leur souffrance.
CONCLUSION
Comme l’Hôpital général juif l’a confirmé par son expérience de plusieurs dizaines
d’années, et comme le démontre ce mémoire, la notion globale d’« accommodement
raisonnable » est un concept valable, à condition qu’il soit appliqué convenablement,
administré de façon équitable et apte à trouver le juste équilibre entre les droits et les
besoins de la minorité et ceux de la majorité.
L’hôpital est aussi entièrement d’accord avec la déclaration d’ouverture du décret 952007 du gouvernement du Québec, qui a constitué la commission de consultation : « La
société québécoise est attachée à des valeurs fondamentales, telles que l’égalité entre les
femmes et les hommes, la séparation de l’Église et de l’État, la primauté de la langue
française, la protection des droits et des libertés, la justice et la primauté du droit, la
protection des minorités et le rejet de la discrimination et du racisme »
L’Hôpital général juif est fier d’avoir assumé un rôle de premier plan en parvenant à ces
objectifs tout en continuant de moderniser et d’améliorer les services de santé offerts à
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« Au service de tous »
L’Hôpital général juif
tous les patients de Montréal, du Québec et à l’étranger. L’hôpital, ses dirigeants et son
personnel ont montré l’exemple en favorisant l’harmonie sociale, et cela, en contribuant
pleinement à la santé, au bien-être et à la réputation internationale des citoyens de leur
ville et de leur province. Parallèlement, l’HGJ a maintenu les idéaux et les traditions
juives de ses fondateurs, en démontrant avec pertinence qu’il est possible de préserver et
de protéger l’héritage de la communauté juive sans compromettre les besoins légitimes
des autres.
C’est pour toutes ces raisons que l’Hôpital général juif a choisi pour le représenter une
devise courte mais extrêmement éloquente qui symbolise avec justesse le désir de
l’Hôpital d’améliorer la vie des personnes de toutes origines partout au Québec : « Au
service de tous ».
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