Fonctions économiques et écologiques du raphia, une plante à usage multiple Auteur : Zarasoa Jean Noël RANDRIANJAFY - 10/03/2005 Abstract Among the existing palms in Madagascar, raffia or Raphia ruffia, Mart. (PALMEAE) commonly named “rofia”, would occupy the first place because of its multiplicity of uses and its economical value. However, this species is far from being safe from the pressures that forest products undergo nowadays. Key-words : Madagascar, palms, raphia, pressure Résumé Parmi les palmiers existant à Madagascar, le raphia ou Raphia ruffia, Mart. (PALMEAE). appelé communément « rofia », occuperait la première place en raison de sa multiplicité d’usages et sa valeur économique. Cependant, cette espèce est loin d’être à l’abri des pressions que subissent actuellement les produits forestiers. Mots-clès : Madagascar, Palmier, raphia, pressions MULTIPLICITE D’USAGES Des enquêtes et des observations effectuées dans la région de Mahajanga, située dans le Nord-ouest de la Grande Ile, ont permis d’énumérer les utilités et les services que peut offrir le raphia dans le domaine socio-économique. - Les fibres d’une jeune feuille donnent le « raphia » qui est utilisé dans la vannerie, la sparterie, la fabrication de cordage et de divers liens, la rembourrure, etc... Ces fibres sont destinées soit à la consommation locale ou nationale, soit à l’exportation pour rapporter de la devise au pays. - Les grandes feuilles pennées du raphia sont utilisées pour la toiture des cases d’habitation, et avec quelques préparations ces feuilles servent aussi à tresser les nattes, les paniers et les soubiques utilisées dans la vie quotidienne. - La nervure principale ou rachis des feuilles donne le « baobao » ou « maivanaty », une perche très utilisée dans la charpenterie des cases d’habitation et dans d’autres fabrications comme celle du mobilier, de la clôture et d’objets d’art. Le rachis, débité en des minces lamelles, sert aussi à la confection du van ou « sahafa » qui est très commercialisé dans les zones forestières. - La nervure secondaire des feuilles donne le « kira », un sous-produit obtenu après l’enlèvement des fibres qui est utilisé dans la pêcherie traditionnelle pour fabriquer les nasses appelées « treko » ou « vovo » et des pièges à poisson appelés « valankira ». Ce sous-produit sert aussi à construire des poulaillers en forme de pyramide appelés « rovanakoho », qui attirent toujours la curiosité des touristes en tant que pratique traditionnelle. - Le bourgeon apical donne le chou de raphia ou « potaka » qui, après cuisson, est un aliment très estimé par le paysan par son goût ; sa récolte est pourtant à déconseiller car sacrifie le pied mère. - Le fruit écailleux de forme ovoïdale et de couleur rougeâtre brillant peut servir à la confection de bijoux artisanaux et d’objets ornementaux. - La partie charnue ou mésocarpe de couleur jaune dorée du fruit est comestible, elle présente un goût amer douceâtre (selon les préférences). - L’endocarpe lignifié de la graine est utilisé pour la fabrication artisanale de boutons de vêtement, des collecteurs venant des grandes villes sont aussi présents pour cet effet. - Le stipe ou faux tronc du raphia peut servir à la confection de pot à fleur du type fongeon. FONCTIONS ECOLOGIQUES Les utilisations énumérées ci-dessus permettent d’apprécier les biens et les services que peut offrir le raphia dans la vie quotidienne des paysans malagasy. Ce n’est pas tout, car cette plante présente aussi d’autres importances écologiques plus spécifiques par rapport aux autres composants végétaux de l’écosystème forestier. Dans une vallée forestière, par exemple, la raphière joue un rôle de filtre naturel qui laisse passer l’eau mais retient les sédiments provenant des érosions environnantes, protégeant ainsi les ruisseaux, les rivières et les rizières contre l’ensablement. La raphière contribue directement à l’entretien des sources d’eau et au maintien de l’humidité d’un marécage, la disparition d’une raphière entraîne souvent l’assèchement de l’endroit où elle s’est développée. Le pied de raphia qui est couvert par des bases persistantes de gaines foliaires, sert de support préféré pour une fougère comestible appelée communément « felipomby » ou « anantsingotra » du genre Nephrolepis ondulata. Les jeunes frondes de cette fougère sont consommées comme légumes et se récoltent toute l’année. VULNERABILITE AUX PRESSIONS ANTHROPIQUES Le raphia est toutefois très sensible aux emprises humaines ; il n’est pas rare d’apercevoir, dans le paysage agricole, un ou deux pieds de raphia isolés qui témoignent encore que jadis, il y avait en cet endroit une végétation riche mais actuellement disparue. Cette disparition ne pourrait être due qu’aux actions de l’homme. Seul au niveau des Aires Protégées qu’il est encore possible de voir des raphières dignes de ce nom. En effet, c’est une plante monocarpique sans rejets (qui meurt après une seule fructification), ainsi une perturbation du sous-bois de la raphière ou une élimination systématique des jeunes repousses issues du semis naturel entraîne la disparition certaine du peuplement. Cet aspect technique est bien connu par les paysans et est pratiqué malheureusement pour la recherche de nouveaux terrains rizicultivables. Une modification de son habitat naturel par le drainage, l’inondation permanente ou un ensablement de plus de 40cm d’épaisseur tuera à coup sûr la raphière, les conditions du milieu ne seront plus favorables aux processus de régénération naturelle. Une exploitation irrationnelle des produits qu’elle peut fournir gêne le bon développement de la raphière et nuit à sa pérennité. La forme de pression la plus menaçante pour cette espèce est son utilisation pour la construction des cases d’habitation. Il est noté que, sur toutes les zones côtières de Madagascar, la majorité des cases d'habitation est construite à la base de matériaux végétaux dont le raphia (trano ketikety) pour le Nord Ouest et le Ravinala (trano falafa) pour l’Est. Dans la ville d’Analalava, la construction d'une case d’habitation familiale de 4m x 5m a besoin de 453 perches de raphia (baobao) et de 27 unités bois ronds pour la charpenterie. Sachant qu’un pied de Raphia adulte ne présente en moyenne que de 5 grandes feuilles dont les nervures principales sont exploitables comme perches. Pour cette case, on aura donc besoin d’environ 81 pieds de raphia, et si la densité moyenne d’un peuplement de raphia est estimée à 2000 pieds /ha, de là on arrive à évaluer l’étendue du menace qui pèse sur cette espèce. Bien que le prélèvement des feuilles ne tue pas le pied mère, il faut reconnaître que cette forme d’élagage intensif affaiblit la plante et réduit sa capacité productrice ainsi que sa durée de vie. Certains investisseurs nationaux et étrangers, pour être en harmonie avec le paysage côtier, ont eux aussi, imité ce que font les autochtones : on utilise des quantités énormes de matériaux végétaux pour construire des locaux et des bâtiments prestigieux, ce qui ne manque pas d’aggraver la situation. CONCLUSION Le raphia présente des importances particulières aussi bien dans la vie quotidienne des paysans que dans l’écosystème forestier naturel. Aucune plante ne pourrait se substituer à la place qu’occupe le raphia, ainsi il serait à suggérer aux développeurs, aux scientifiques et à tout citoyen de faire le nécessaire pour sauvegarder cette espèce. En ce qui concerne les cases d’habitation, il est temps de chercher des solutions pour appuyer la population sur l’utilisation des matériaux de construction à base de brique ou de ciment. Une telle initiative est faisable à travers des sensibilisations et des formations techniques pour contribuer à la diminution des prélèvements de matériaux végétaux dans l’écosystème. NOTES SCIENTIFIQUES par : RANDRIANJAFY Zarasoa Jean Noël, (Docteur ès Sciences Biologiques Appliquées) - Tél. : 033 11 317 09 – email : [email protected]