tion de l’ADN et des histones. En revanche, la chromatine
inactive du point de vue de la transcription, qui porte le
nom d’hétérochromatine, a une signature épigénétique
opposée : pas ou peu d’acétylation ou de polyADP-
ribosylation et une abondance de méthylation de l’ADN
sur les CpG-s des séquences régulatrices. La probabilité
pour un gène d’être exprimé ou réprimé dépend grande-
ment des différences de modifications épigénétiques af-
fectant la chromatine dans ces deux types de régions. Un
gène a toutes les chances de rester inactif transcriptionnel-
lement, même en présence des facteurs de transcriptions
nécessaires pour sa transcription, s’il se trouve dans une
région hétérochromatique qui rend ses séquences régula-
trices inaccessibles. En revanche, l’activation d’un gène
est possible s’il se trouve dans une région euchromatini-
que [1]. Les modifications épigénétiques contribuent
également à l’organisation de la structure globale de la
chromatine. Les chromosomes occupent des territoires
distincts dans le noyau d’une cellule interphasique.
L’organisation des sous-régions actives et inactives à
l’intérieur de ces territoires corrèle également avec la
nature des modifications épigénétiques [10].
Les réactions qui conduisent à ces modifications ainsi
que les réactions opposées de démodifications sont cata-
lysées par des enzymes. Le même type de modifications
peut être catalysé par plusieurs enzymes différents. Mais
ce sont des enzymes différents qui catalysent les modifi-
cations opposées. Le degré de modification de la chroma-
tine dépendra donc à chaque instant de l’équilibre entre
les deux types de réactions opposées. Tout changement de
l’état physiologique de la cellule qui modifie l’équilibre
des réactions épigénétiques peut influencer l’état épigéné-
tique de la chromatine et, par suite, induire des change-
ments d’expression génique [11]. Les différentes modifica-
tions épigénétiques génèrent des interactions synergiques
ou antagonistes entre les différents composants de la chro-
matine, renforçant ainsi la formation de l’euchromatine ou
de l’hétérochromatine. La structure globale de la chroma-
tine est très dynamique et change au cours de la différen-
ciation cellulaire en parallèle avec l’activation et l’inacti-
vation des groupes de gènes.
Mais les mécanismes épigénétiques remplissent égale-
ment un autre rôle essentiel. En plus de déterminer la
structure de la chromatine, les modifications « épigénéti-
ques » jouent le rôle de « mémoire ». En effet, c’est grâce
aux mécanismes épigénétiques que la structure de la
chromatine est conservée et que l’état d’activité des gènes
est transmis au cours des divisions cellulaires. Un gène qui
n’a pas été exprimé depuis des générations porte des
modifications typiques de l’hétérochromatine (acétylation
réduite et méthylation élevée) et ne peut être réactivé
facilement. Grâce à la transmission de l’état de la chroma-
tine, la cellule « garde en mémoire » les gènes dont l’acti-
vité n’est pas indispensable à son fonctionnement. En
revanche, les gènes actifs avant la division conservent les
modifications typiques de l’euchromatine (acétylation
augmentée et méthylation de l’ADN réduite), ce qui per-
met au gène de rester actif ou facilement activable après la
division cellulaire. D’une certaine façon en permettant à
la cellule de « garder en mémoire » son parcours, les
mécanismes épigénétiques sont à la base de l’unidirec-
tionnalité du processus de différenciation car la différen-
ciation se produit plus facilement que la dédifférenciation.
Cette « mémoire » ne prédestine pas la cellule à un phé-
notype différencié donné, elle ne fait que rétrécir les
possibilités de la cellule en fonction de son parcours
antérieur en rendant le retour en arrière moins probable.
Néanmoins, comme l’ont montré les expériences de clo-
nage, le retour reste possible, car l’inhibition via les méca-
nismes épigénétiques est réversible.
L’établissement d’un profil épigénétique dans un
noyau cellulaire se fait en étroite « collaboration » avec le
cytoplasme. Dans une cellule normale c’est par le cyto-
plasme que l’influence de l’environnement se transmet,
c’est dans le cytoplasme que les enzymes qui catalysent
les réactions épigénétiques et leurs substrats sont synthé-
tisés. Les processus biochimiques dans le noyau, y com-
pris les modifications épigénétiques, sont donc condition-
nés par le cytoplasme et vice versa, car l’expression des
gènes à son tour modifie la composition du cytoplasme. Le
cytoplasme façonne le noyau qu’il façonne. Cette complé-
mentarité dynamique est bien illustrée par la fusion de
deux cellules différentes. L’hétérocaryon qui en résulte, en
plus d’exprimer des gènes caractéristiques des cellules
initiales, commence à exprimer aussi des gènes nouveaux
qui n’étaient exprimés dans aucune des cellules parenta-
les [12]. La greffe du noyau somatique dans un ovocyte, et
même la fécondation naturelle de l’ovocyte, montrent
certaines analogies avec la fusion expérimentale des cel-
lules. Dans les deux cas, la chromatine subit un remode-
lage extensif.
En règle générale, l’ovocyte fécondé peut être consi-
déré comme la seule cellule véritablement totipotente,
c’est-à-dire, capable de se différencier en n’importe quelle
type cellulaire, car le zygote est à l’origine de toutes les
cellules de l’organisme. Cela peut apparaître comme une
évidence. Mais, si on considère que ni l’ovocyte, ni le
spermatozoïde dont la fusion crée le zygote ne sont capa-
bles de se diviser et de se développer séparément, la
question apparaît moins évidente. En effet, on peut consi-
dérer les gamètes mâles et femelles comme des cellules
différenciées, dont la seule fonction est de féconder ou
d’être fécondées.
Le spermatozoïde, en plus d’apporter dans le zygote le
jeu de chromosomes paternels, induit des changements
importants dans l’ovocyte, qu’on désigne le plus souvent
par le terme « d’activation » [13]. En réalité, l’ovocyte
n’est pas inactif, il se maintient dans un état d’équilibre
dynamique qui nécessite de l’investissement en énergie
produite par le métabolisme de la cellule. S’il semble être
Revue
mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 4, juillet-août 2006
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