Revue Clonage des mammifères par greffe du noyau somatique et remodelage épigénétique de la chromatine Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Andràs Pàldi Ecole Pratique des Hautes Etudes, Généthon, 1 bis rue de l’Internationale, 91002 Evry <[email protected]> Les scandales à répétition autour du clonage des mammifères font souvent oublier que les embryons clonés constituent principalement un modèle expérimental. Les problèmes fondamentaux de la biologie qu’on peut étudier grâce à ce modèle sont très loin de ce qui occupe en général le grand public : fantasmes sur la fabrication d’individus identiques ou de cellules « miracles » qui peuvent être utilisées comme « pièces de rechange » pour guérir des maladies. En revanche, le transfert nucléaire est une excellente approche expérimentale pour étudier certains mécanismes à l’œuvre au cours du développement comme le remodelage et l’activation du génome au cours des stades initiaux, ou encore l’importance de la régulation génique. L’étude des clones permet également de revisiter certaines questions fondamentales, comme celle de la totipotence, de la différenciation ou de l’hérédité épigénétique. Mots clés : hérédité épigénétique, expression aléatoire, canalisation, variation L Tirés à part : A. Pàldi 268 e fait que l’introduction du noyau d’une cellule différenciée dans un ovocyte dont les chromosomes sont enlevés, permette un développement normal, soulève plusieurs questions. D’une part, les cellules différenciées spontanément ne se dédifférencient pas ou seulement très rarement. Le processus de la différenciation au cours duquel le potentiel de la cellule se restreint de plus en plus est le plus souvent considéré comme irréversible. Bien qu’il existe des observations qui démontrent que certaines cellules différenciées sont capables de changer leur phénotype, ces exemples sont largement débattus [1]. L’état différencié d’une cellule est caractérisé par l’expression restreinte d’une fraction des gènes et une répression d’expression d’autres gènes. Si les cellules dif- férenciées ont des difficultés à se dédifférencier, c’est parce que la répression des gènes non exprimés est difficile à surmonter. Mais le succès du clonage démontre sans ambigüité que le noyau d’une cellule somatique est capable de reexprimer les gènes qu’il exprimait aux stades précoces de son développement. Le processus qui restreint la capacité d’exprimer n’importe quel gène est donc réversible. Comment l’ovocyte est-il capable de lever la restriction ? Comment le noyau de la cellule donneuse « se dédifférencie-t-il » ? Ces questions sont étroitement liées à la compréhension de la régulation génique mais aussi au développement et à la différenciation, et l’étude des fœtus clonés peut apporter des explications. D’autre part, il est clair que le processus qui permet de lever la restric- mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 4, juillet-août 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. tion qui contraint une cellule somatique à un répertoire restreint de phénotypes est très peu efficace. Seul un petit nombre d’ovocytes dans lesquels un noyau de cellule somatique a été greffé se développent normalement. Le développement préimplantatoire se déroule plus au moins normalement, bien que le nombre de cellules dans les blastocystes soit généralement plus faible [2]. Les blastocystes s’implantent dans l’utérus, mais seulement très peu d’entre eux survivent jusqu’au terme. La mortalité périnatale est aussi très importante. De plus, les clones qui survivent sont souvent anormaux et ont des malformations plus au moins importantes. Les causes de ces anomalies ne sont pas tout à fait claires. Néanmoins, il est établi que l’expression d’un grand nombre de gènes est dérégulée. Même chez les animaux clonés qui ne souffrent apparemment pas de malformations, on observe une telle dérégulation [3, 4]. Il est à noter que le génotype et l’état de différenciation de la cellule donneuse sont importants pour le succès du développement. Plus la cellule donneuse est éloignée des stades précoces du développement, plus elle s’est engagée vers une différenciation terminale, moins l’ovocyte greffé de son noyau est capable de parcourir un développement normal. Le greffe d’un noyau d’une cellule souche embryonnaire (cellule ES) permet un taux de succès de 20 à 40 % [5]. Ce chiffre tombe à 1 à 3 % si la cellule donneuse est une cellule de cumulus [6]. Les taux sont encore plus bas si un lymphocyte T ou B est utilisé comme donneur [7]. Néanmoins, il est difficile de tirer des conclusions sans ambiguïté dans ce domaine, car les différents laboratoires n’utilisent pas toujours les mêmes techniques et même des détails apparemment sans importance peuvent influencer l’efficacité. Par exemple, les ovocytes greffés d’un noyau somatique gardent certaines caractéristiques de la cellule donneuse au cours de leur développement préimplantatoire. Quand ils sont cultivés dans un milieu de culture conçu pour les cellules somatiques, les ovocytes clonés se développent mieux et produisent des blastocystes avec une fréquence plus élevée que dans le milieu de culture optimisé pour les embryons préimplantatoires [8]. Il est généralement admis que le développement et la différenciation cellulaire dépendent de l’expression différentielle et ordonnée des gènes au cours du développement. Toutes les observations faites sur l’expression des gènes sur les embryons, fœtus ou animaux adultes clonés convergent vers la conclusion que l’expression des gènes chez ces animaux ne suit pas le cours normal. En fonction du degré de la dérégulation, l’embryon cloné se développe plus au moins normalement. La grande variabilité de l’expression génique chez les animaux clonés qui ne montrent aucune malformation apparente suggère que le processus du développement est plus plastique qu’on pourrait le penser, très robuste, et peut tolérer des écarts importants d’expression génique tout en maintenant le phénotype proche de la normale [5]. Cette observation est assez surprenante, car on pense généralement que l’expression des gènes au cours du développement est très strictement régulée et qu’aucun grand écart n’est possible. Visiblement, ce n’est pas le cas et l’expression désordonnée d’un grand nombre de gènes peut être compensée par le réseau complexe d’interactions qu’ils forment. Néanmoins, malgré cette grande capacité à canaliser la variabilité, l’écrasante majorité des clones meurent très tôt. Seuls les embryons survivants peuvent être étudiés, ce qui suggère que l’expression génique dans la majorité des embryons clonés doit être plutôt chaotique que simplement « dérégulée » ce qui rend leur développement normal impossible. La corrélation qui émerge est simple : plus l’expression génique est désorganisée, moins les embryons clonés sont capables de survivre. La question est de savoir pourquoi cette dérégulation ? Pour aborder cette question, il est nécessaire de comprendre comment les gènes sont régulés. L’opinion la plus répandue est que la régulation génique est une affaire de facteurs spécifiques de régulation [9]. C’est l’interaction des séquences régulatrices d’un gène avec des facteurs de transcriptions spécifiques qui permet la régulation de l’expression. Mais l’ADN ne se trouve pas à l’état libre dans le noyau cellulaire, il est organisé en chromatine. C’est une structure composée de protéines et d’ADN. L’unité structurelle de base de la chromatine est le nucléosome formé par un octamère d’histones et un segment de l’ADN enroulé autour de ce noyau. La chromatine est composée d’une succession de nucléosomes sur le fil de l’ADN, comme un collier de perles. Ce complexe nucléoprotéique est très stable, il peut même se former spontanément in vitro quand on mélange une solution d’ADN et des histones dans un tube d’essai. Aucune transcription n’est possible sans que les nucléosomes ne soient déplacés, car l’ADN dans la chromatine n’est pas accessible aux autres protéines. Nous savons que la chromatine n’a pas exactement la même structure partout. Les histones, ainsi que l’ADN sont sujets à des modifications covalentes, qui modifient leur conformation, leur charge électrique et leur capacité à interagir entre eux et avec d’autres protéines nucléaires. Ces modifications, qui portent le nom de « modifications épigénétiques », sont des modifications covalentes, qu’on retrouve couramment sur de nombreuses protéines : la phosphorylation, l’acétylation, la méthylation, la polyADP-ribosylation etc. L’ensemble de ces modifications sur une région chromosomique a une influence majeure sur la structure générale de la chromatine. La présence ou l’absence de certaines modifications peut être corrélée à l’activité transcriptionnelle des gènes de la région. Ainsi, on peut parler d’une « signature épigénétique » qui caractérise la chromatine lorsqu’elle est potentiellement compétente pour la transcription. Ce type de chromatine porte le nom d’euchromatine et est caractérisé par une abondance d’acétylations ou de polyADPribosylations des histones et par une absence de méthyla- mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 4, juillet-août 2006 269 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Revue 270 tion de l’ADN et des histones. En revanche, la chromatine inactive du point de vue de la transcription, qui porte le nom d’hétérochromatine, a une signature épigénétique opposée : pas ou peu d’acétylation ou de polyADPribosylation et une abondance de méthylation de l’ADN sur les CpG-s des séquences régulatrices. La probabilité pour un gène d’être exprimé ou réprimé dépend grandement des différences de modifications épigénétiques affectant la chromatine dans ces deux types de régions. Un gène a toutes les chances de rester inactif transcriptionnellement, même en présence des facteurs de transcriptions nécessaires pour sa transcription, s’il se trouve dans une région hétérochromatique qui rend ses séquences régulatrices inaccessibles. En revanche, l’activation d’un gène est possible s’il se trouve dans une région euchromatinique [1]. Les modifications épigénétiques contribuent également à l’organisation de la structure globale de la chromatine. Les chromosomes occupent des territoires distincts dans le noyau d’une cellule interphasique. L’organisation des sous-régions actives et inactives à l’intérieur de ces territoires corrèle également avec la nature des modifications épigénétiques [10]. Les réactions qui conduisent à ces modifications ainsi que les réactions opposées de démodifications sont catalysées par des enzymes. Le même type de modifications peut être catalysé par plusieurs enzymes différents. Mais ce sont des enzymes différents qui catalysent les modifications opposées. Le degré de modification de la chromatine dépendra donc à chaque instant de l’équilibre entre les deux types de réactions opposées. Tout changement de l’état physiologique de la cellule qui modifie l’équilibre des réactions épigénétiques peut influencer l’état épigénétique de la chromatine et, par suite, induire des changements d’expression génique [11]. Les différentes modifications épigénétiques génèrent des interactions synergiques ou antagonistes entre les différents composants de la chromatine, renforçant ainsi la formation de l’euchromatine ou de l’hétérochromatine. La structure globale de la chromatine est très dynamique et change au cours de la différenciation cellulaire en parallèle avec l’activation et l’inactivation des groupes de gènes. Mais les mécanismes épigénétiques remplissent également un autre rôle essentiel. En plus de déterminer la structure de la chromatine, les modifications « épigénétiques » jouent le rôle de « mémoire ». En effet, c’est grâce aux mécanismes épigénétiques que la structure de la chromatine est conservée et que l’état d’activité des gènes est transmis au cours des divisions cellulaires. Un gène qui n’a pas été exprimé depuis des générations porte des modifications typiques de l’hétérochromatine (acétylation réduite et méthylation élevée) et ne peut être réactivé facilement. Grâce à la transmission de l’état de la chromatine, la cellule « garde en mémoire » les gènes dont l’activité n’est pas indispensable à son fonctionnement. En revanche, les gènes actifs avant la division conservent les modifications typiques de l’euchromatine (acétylation augmentée et méthylation de l’ADN réduite), ce qui permet au gène de rester actif ou facilement activable après la division cellulaire. D’une certaine façon en permettant à la cellule de « garder en mémoire » son parcours, les mécanismes épigénétiques sont à la base de l’unidirectionnalité du processus de différenciation car la différenciation se produit plus facilement que la dédifférenciation. Cette « mémoire » ne prédestine pas la cellule à un phénotype différencié donné, elle ne fait que rétrécir les possibilités de la cellule en fonction de son parcours antérieur en rendant le retour en arrière moins probable. Néanmoins, comme l’ont montré les expériences de clonage, le retour reste possible, car l’inhibition via les mécanismes épigénétiques est réversible. L’établissement d’un profil épigénétique dans un noyau cellulaire se fait en étroite « collaboration » avec le cytoplasme. Dans une cellule normale c’est par le cytoplasme que l’influence de l’environnement se transmet, c’est dans le cytoplasme que les enzymes qui catalysent les réactions épigénétiques et leurs substrats sont synthétisés. Les processus biochimiques dans le noyau, y compris les modifications épigénétiques, sont donc conditionnés par le cytoplasme et vice versa, car l’expression des gènes à son tour modifie la composition du cytoplasme. Le cytoplasme façonne le noyau qu’il façonne. Cette complémentarité dynamique est bien illustrée par la fusion de deux cellules différentes. L’hétérocaryon qui en résulte, en plus d’exprimer des gènes caractéristiques des cellules initiales, commence à exprimer aussi des gènes nouveaux qui n’étaient exprimés dans aucune des cellules parentales [12]. La greffe du noyau somatique dans un ovocyte, et même la fécondation naturelle de l’ovocyte, montrent certaines analogies avec la fusion expérimentale des cellules. Dans les deux cas, la chromatine subit un remodelage extensif. En règle générale, l’ovocyte fécondé peut être considéré comme la seule cellule véritablement totipotente, c’est-à-dire, capable de se différencier en n’importe quelle type cellulaire, car le zygote est à l’origine de toutes les cellules de l’organisme. Cela peut apparaître comme une évidence. Mais, si on considère que ni l’ovocyte, ni le spermatozoïde dont la fusion crée le zygote ne sont capables de se diviser et de se développer séparément, la question apparaît moins évidente. En effet, on peut considérer les gamètes mâles et femelles comme des cellules différenciées, dont la seule fonction est de féconder ou d’être fécondées. Le spermatozoïde, en plus d’apporter dans le zygote le jeu de chromosomes paternels, induit des changements importants dans l’ovocyte, qu’on désigne le plus souvent par le terme « d’activation » [13]. En réalité, l’ovocyte n’est pas inactif, il se maintient dans un état d’équilibre dynamique qui nécessite de l’investissement en énergie produite par le métabolisme de la cellule. S’il semble être mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 4, juillet-août 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. inactif, c’est parce qu’il est arrêté en métaphase de la deuxième division méiotique avec ses chromosomes condensés et organisés en fuseau métaphasique. L’activation par le spermatozoïde, lequel peut être remplacé par un stimulus électrique ou chimique artificiel, déclenche une série de changements cytoplasmiques rapides [13]. En réponse, l’ovocyte termine sa division, ses chromosomes se décondensent et forment un noyau interphasique : le pro-noyau maternel qui ne renferme que les chromosomes maternels. Les chromosomes paternels apportés par le spermatozoïde ont un autre parcours. L’ADN paternel a une organisation très compacte qu’on ne retrouve que dans les spermatozoïdes. Il est associé à des protamines, des protéines basiques qui remplacent les histones sur les chromosomes au cours de la maturation des gamètes mâles. Les protamines permettent l’empaquetage de l’ADN dans un volume aussi petit que la tête du spermatozoïde. Donc, au moment de la fécondation, la chromatine paternelle n’a pas une structure nucléosomique. Les protamines sont rapidement dégradées par l’ovocyte après son activation et remplacées par des histones déjà présentes dans le cytoplasme. Un deuxième noyau est formé, le pro-noyau paternel avec le génome paternel qui a acquis une structure nucléosomale. Le génome paternel subit donc un remodelage profond qui efface la majorité des marques épigénétiques préexistantes [14]. On peut suivre ces changements si on visualise les différentes protéines de la chromatine ou la méthylation de l’ADN avec des techniques d’immunohysochimie. On observe une diminution rapide de la méthylation de l’ADN, probablement le résultat de l’action d’une enzyme encore non identifiée [15]. Parallèlement, on voit l’accumulation de l’histone H4 hyperacétylé ou encore de la protéine de l’hétérochromatine HP1b [16, 17]. Ces protéines sont normalement déjà présentes dans le pronoyau maternel. Le remodelage du génome continue tout au long du développement préimplantatoire. Par exemple, la forme méthylée MeK9H3 de l’histone H3 est présente sur les chromosomes de l’ovocyte, mais s’accumule sur les chromosomes paternels seulement au cours du deuxième et troisième cycle cellulaire [18]. Le génome maternel ne subit pas un remodelage épigénétique aussi intensif, néanmoins il est détectable. Les changements épigénétiques se poursuivent pendant toute la durée du développement préimplantatoire. Au cours des cycles cellulaires successifs, la méthylation des CpGs dans le génome est redistribuée entre les différentes régions génomiques et son niveau global baisse [19]. La cinétique du processus de remodelage est variable selon les espèces [20], mais ses conséquences sont similaires : il efface la plupart des traces de mémoire épigénétique déposée sur les chromosomes dans les gamètes rendant ainsi possible l’activation de la transcription de nombreux gènes. En un premier temps, l’expression du génome embryonnaire semble plutôt chaotique. On ob- serve l’expression désordonnée d’une multitude de gènes réprimés auparavant [21, 22]. Mais autour du stade de morula, un profil d’expression ordonnée commence à émerger et l’embryon entre dans la première phase de différenciation de sa vie. Le blastocyste qui en résulte est composé de deux types cellulaires, les cellules de la masse interne et le trophectoderme. Il est logique de penser qu’un noyau de cellule somatique introduit artificiellement dans un ovocyte doit subir des transformations similaires pour rendre le zygote reconstitué capable de se développer. En effet, le noyau d’un thymocyte fusionné avec un ovocyte subit des transformations et acquiert une ultrastructure ressemblant à un pronoyau [23]. Curieusement, ses transformations n’ont lieu que si la fusion est effectuée avant l’activation de l’ovocyte. Après l’activation, l’ovocyte perd rapidement sa capacité à remodeler un noyau, y compris celui du spermatozoïde [24]. Les analyses moléculaires détaillées ont démontré que les changements épigénétiques que le génome somatique greffé dans l’ovocyte subit, sont de nature similaire au génome zygotique. Le processus de remodelage du génome somatique est souvent qualifié de « reprogrammation » [4]. L’utilisation de ce terme est certainement un abus de langage car il est difficile d’imaginer que la réorganisation épigénétique se produise selon une séquence d’actions prédéterminées que l’ovocyte ferait subir au noyau. Quel que soit le terme utilisé, il est clair que les interactions dynamiques entre le noyau somatique greffé et le cytoplasme de l’ovocyte induisent une petite « révolution » épigénétique qui rend possible l’expression d’une multitude de gènes qui n’étaient pas exprimés dans la cellule donneuse. Néanmoins, ces changements sont le plus souvent incomplets et les traces de la « mémoire épigénétique » du génome somatique persistent, la « dédifférenciation » du noyau greffé reste incomplète. L’étude de la méthylation de l’ADN dans les embryons bovins ou murins clonés en a apporté la preuve [25-27]. La cinétique globale de la déméthylation est altérée [25] et la méthylation de diverses séquences répétées est différente de la normale [26], tandis que d’autres séquences suivent un cours normal de changements. La méthylation du génome des clones devient une véritable mosaïque du profil somatique et zygotique [28]. La conséquence en est que l’expression du génome de l’embryon cloné est très perturbée. La grande variabilité de l’expression génique qu’on observe même chez les animaux clonés qui ne montrent aucune malformation apparente est probablement la conséquence des traces épigénétiques non effacées au stade préimplantatoire du développement. Si la majorité des embryons clonés ne sont pas capables de se développer normalement, c’est parce que l’expression de leur génome est trop désordonnée. mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 4, juillet-août 2006 271 Revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L’une des plus importantes leçons que l’étude des clones nous réserve est qu’elle attire l’attention sur l’importance longtemps sous-estimée des mécanismes épigénétiques. Ces mécanismes assurent à la fois la stabilité et la capacité de changer l’expression du génome et gardent encore la majorité de leur secret. Nous n’avons à présent que des outils rudimentaires pour influencer ces mécanismes, ce qui limite l’utilisation du clonage pour autre chose que l’expérimentation. Ce qui n’est pas négligeable, car, comme modèle expérimental, les clones permettront d’étudier bien des problèmes fondamentaux de la biologie. 272 12. Rousset J, Bucchini D, Jami J. Hybrids between F9 nullipotent teratocarcinoma and thymus cells produce multidifferentiated tumors in mice. Dev Biol 1983 ; 96 : 331-6. 13. Jones K. Mammalian egg activation : from Ca2+ spiking to cell cycle progression. Reproduction 2005 ; 130 : 813-23. 14. McLay D, Clarke H. Remodelling the paternal chromatin at fertilization in mammals. Reproduction 2003 ; 125 : 625-33. 15. Mayer W, et al. Demethylation of the zygotic paternal genome. Nature 2000 ; 403 : 501-2. 16. Adenot P, et al. Differential H4 acetylation of paternal and maternal chromatin precedes DNA replication and differential transcriptional activity in pronuclei of 1-cell mouse embryos. Development 1997 ; 124 : 4615-25. 17. Arney K, et al. Histone methylation defines epigenetic asymmetry in the mouse zygote. Int J Dev Biol 2002 ; 46 : 317-20. Références 1. Cerny J, Quesenberry PJ. Chromatin remodeling and stem cell theory of relativity. J Cell Physiol 2004 ; 201 : 1-16. 2. Boiani M, et al. Pluripotency deficit in clones overcome by cloneclone aggregation : : epigenetic complementation? Embo J 2003 ; 22 : 5304-12. 3. Humpherys D, et al. Abnormal gene expression in cloned mice derived from embryonic stem cell and cumulus cell nuclei. Proc Natl Acad Sci USA 2002 ; 99 : 12889-94. 4. Rideout 3rd WM, Eggan K, Jaenisch R. Nuclear cloning and epigenetic reprogramming of the genome. Science 2001 ; 293 : 1093-8. 18. Cowell IG, et al. Heterochromatin, HP1 and methylation at lysine 9 of histone H3 in animals. Chromosoma 2002 ; 111 : 22-36. 19. Rougier N, et al. Chromosome methylation patterns during mammalian preimplantation development. Genes & Development 1998 ; 12 : 2108-13. 20. Beaujean N, et al. Non-conservation of mammalian preimplantation methylation dynamics. Curr Biol 2004 ; 14 : R266-R267. 21. Ko MSH, et al. Large scale cDNA analysis reveals phased gene expression patterns during preimplantation mouse development. Development 2000 ; 127 : 1727-49. 5. Humpherys D, et al. Epigenetic instability in ES cells and cloned mice. Science 2001 ; 293 : 95-7. 22. Zeng F, Schultz RM. RNA transcript profiling during zygotic gene activation in the preimplantation mouse embryo. Dev Biol 2005 ; 283 : 40-57. 6. Shiota K, Yanagimachi R. Epigenetics by DNA methylation for development of normal and cloned animals. Differentiation 2002 ; 69 : 162-6. 23. Szollosi D, et al. Remodelling of thymocyte nuclei in activated mouse oocytes : an ultrastructural study. Eur J Cell Biol 1986 ; 42 : 140-51. 7. Hochedlinger K, et al. Nuclear transplantation, embryonic stem cells and the potential for cell therapy. Hematol J 2004 ; 5(Suppl 3) : 114-7. 8. Gao S, et al. Somatic cell-like features of cloned mouse embryos prepared with cultured myoblast nuclei. Biol Reprod 2003 ; 69 : 48-56. 9. Lemon B, Tjian R. Orchestrated response : a symphony of transcription factors for gene control. Genes & Development 2000 ; 14 : 2551-69. 24. Szollosi D, et al. Remodeling of mouse thymocyte nuclei depends on the time of their transfer into activated, homologous oocytes. J Cell Sci 1988 ; 91 : 603-13. 25. Bourc’his D, et al. Delayed and incomplete reprogramming of chromosome methylation patterns in bovine cloned embryos. Current Biology 2001 ; 11 : 1542-6. 26. Kang YK, et al. Aberrant methylation of donor genome in cloned bovine embryos. Nat Genet 2001 ; 28 : 173-7. 10. Gilbert N, Gilchrist S, Bickmore W. Chromatin organization in mammalian nucleus. Int Rev Cytol 2005 ; 242 : 283-336. 27. Kang YK, et al. Precise recapitulation of methylation change in early cloned embryos. Mol Reprod Dev 2003 ; 66 : 32-7. 11. Paldi A. Stochastic gene expression during cell differentiation : order from disorder? Cellular and Molecular Life Sciences 2003 ; 60 : 1775-9. 28. Kang YK, et al. Limited demethylation leaves mosaic-type methylation states in cloned bovine pre-implantation embryos. Embo J 2002 ; 21 : 1092-100. mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 4, juillet-août 2006