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La transformation des cellules normales de l’organisme en un phénotype malin est souvent
accompagnée de changements dans leur antigénicité. L’antigène Tn (GalNac-O-Ser/Thréo) est un
antigène (Ag) glycopeptidique spécifique des tumeurs et exprimé à la membrane plasmique des
cellules cancéreuses dans la majorité des carcinomes humains ainsi que dans certaines tumeurs
hématologiques, tandis qu’il n’est pas détecté dans les cellules normales. Il représente donc une
cible potentielle très intéressante pour l’immunothérapie passive par anticorps, car il n’est pas
détectable dans les cellules normales, mais est démasqué dans environ 90% des cancers épithéliaux
du fait d’une dérégulation des processus de glycosylation.
Les anticorps monoclonaux (AcM) spécifiques d’antigènes exprimés à la membrane des cellules
tumorales ont une efficacité prouvée dans le traitement de certains cancers. Ces AcM
thérapeutiques sont particulièrement intéressants pour le traitement des cancers du fait de leur forte
spécificité pour les cellules tumorales et de leur faible toxicité pour les cellules normales,
contrairement aux chimiothérapies conventionnelles, mais leur mécanisme d’action est encore mal
connu. L’AcM Chi-Tn est un anticorps chimérique homme/souris capable de se fixer de façon
spécifique à l’antigène tumoral Tn, alors qu’il ne se fixe pas sur les cellules normales. Cet AcM
pourrait donc être envisagé comme agent thérapeutique dans le traitement des cancers épithéliaux
par immunothérapie passive.
Nous nous sommes intéressés à l’AcM Chi-Tn non couplé en vue d’analyser son mécanisme
d’action et d’évaluer son efficacité thérapeutique in vivo. Nous avons montré que l’AcM Chi-Tn
seul ne possède pas d’effet toxique direct sur les lignées de cellules tumorales Tn-positives in vitro.
Cependant, en présence de macrophages, cet AcM est capable d’induire la lyse de ces cellules par
un mécanisme d’ADCC. In vivo, l’AcM Chi-Tn, associé à la cyclophosphamide, induit le rejet
d'une tumeur du sein dans plus de 80% des souris. Cette inhibition de la croissance tumorale est
abolie chez les souris déficientes pour la chaine γ associée aux récepteurs RFcγ activateurs,
suggérant in vivo un mécanisme d’ADCC. Par l’étude microscopique du microenvironnement
tumoral, nous avons observé que les cellules tumorales forment in vivo des synapses avec des
macrophages, des neutrophiles, mais aussi des lymphocytes B. Des expériences de survie in vivo
chez des souris déficientes pour différentes populations cellulaires montrent que les lymphocytes T
semblent nécessaires à la protection des souris par Chi-Tn contre la tumeur. Ainsi, ces résultats
confirment le rôle des effecteurs exprimant des RFcγ activateurs, mais aussi le rôle indispensable de
la réponse immune adaptative pour assurer l'effet thérapeutique des AcM.
Nous nous sommes également intéressés à l’utilisation potentielle de l’AcM Chi-Tn comme vecteur
d’agents cytotoxiques. In vivo, dans un modèle de tumeurs solides chez la souris, des expériences
de biodistribution montrent que l’AcM Chi-Tn est capable de cibler spécifiquement les zones
tumorales, ce qui en fait un anticorps potentiellement utilisable comme vecteur de molécules
toxiques. L’internalisation du complexe anticorps/antigène cible est un pré-requis nécessaire à
l’utilisation de l’anticorps conjugué. Nous avons montré in vitro que l’AcM Chi-Tn est internalisé
dans les endosomes précoces et de recyclage pendant un temps relativement long, faisant de cet
AcM un bon candidat pour être couplé à des agents cytotoxiques. Durant ma thèse, nous avons
couplé l’AcM Chi-Tn à la toxine saporine ou à la molécule cytotoxique auristatine F, et nous avons
montré in vitro que ces conjugués sont cytotoxiques sur des lignées cellulaires Tn-positives.
Mots clés :
Anticorps monoclonal, immunothérapie, internalisation, immunoconjugué, saporine, auristatine F.