Prévenir l`apparition des cancers 2010

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Prévenir l’apparition des cancers 2010
« Mieux prévenir l’extension des tumeurs : vers des dépistages plus
performants et adaptés aux risques »
Dépister mieux les personnes à risque
Cette table ronde, animée par le journaliste Jean-Daniel Flaysakier, abordait la
question du dépistage des personnes à haut risque au travers de trois
problématiques : la gestion du risque génétique avec l’exemple du cancer du sein,
la rencontre entre le risque environnemental et le risque familial et ethnique avec
l’exemple du cancer de la prostate aux Antilles et la relation entre
immunodépression et le dépistage des cancers à travers le cas du sida.
Le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, professeur de génétique à l’Université Paris Descartes, a
ouvert cette table ronde, en abordant la question des risques génétiques avec l’exemple du
cancer du sein. Deux gènes majeurs de prédisposition ont été aujourd’hui identifiés, BRCA 1
et BRCA 2. « Aujourd’hui, on trouve une mutation de l’un ou l’autre de ces gènes dans 15%
des cas testés [après une consultation d’oncogénétique] » a expliqué Dominique StoppaLyonnet tout en ajoutant qu’il existait des gènes de prédisposition qui n’avaient pas encore
été identifiés. Elle est ensuite revenue sur les modalités de prise en charge en cas de
mutation d’un gène avérée. Cette prise en charge consiste en une surveillance mammaire
dès 30 ans, conjuguant mammographie, échographie et IRM annuelles. Des modalités de
surveillance qui demandent à la fois des équipements et des compétences spécifiques de la
part des professionnels de santé, en cas par exemple de biopsies sous IRM ainsi que la
nécessité de pouvoir accéder facilement à de tels équipements.
Sur l’arrivée de molécules d’inhibiteurs de PARP, Dominique Stoppa-Lyonnet a souligné que
l’avancée était importante mais restait à confirmer. « Cela pose également la question de la
réalisation de tests génétiques plus rapidement » a-t-elle ajouté.
Suite des échanges avec le Pr Pascal Blanchet, professeur d’urologie à l’Université des
Antilles et de la Guyane. Le thème de son intervention était le cancer de la prostate via la
question de la convergence entre un risque génétique et familial et un risque
environnemental. Le Pr Blanchet a rappelé que le cancer de la prostate était largement
surexprimé dans les départements de Guadeloupe et de Martinique, en termes d’incidence et
de mortalité. Aux facteurs de risques génétiques et familiaux, s’est surajouté un facteur
environnemental avec le chlordécone, pesticide utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe
et Martinique (aujourd’hui interdit) et perturbateur endocrinien. « Une grande étude castémoins publiée au mois de juillet 1 a montré que plus l’exposition au chlordécone était
importante et plus le risque de survenue du cancer de la prostate était grand. Le risque n’est
pas distribué de manière homogène. Et ceux qui ont des antécédents familiaux de cancer de
1
Multigner L. et al, Chlordecone exposure and risk of prostate cancer, Journal of Clinical Oncology, 28 : 34573462, juillet 2010.
la prostate ont encore plus de risques », a expliqué le Pr Blanchet en parlant de la nécessité
d’un dépistage dans cette population.
Pr Willy Rozenbaum, président du Conseil national du Sida, est revenu pour sa part sur les
liens entre immunodépression et dépistage du cancer via l’exemple du sida. Il a expliqué que
le cancer était la deuxième cause initiale des décès des adultes infectés par le VIH, cette
proportion ayant augmenté entre 2000 et 2005. Or, la part des cancers liés au VIH (classant
SIDA) tels certains lymphomes ou bien encore la maladie de Kaposi a diminué alors que la
proportion de cancers n’ayant pas de lien avec le VIH comme les cancers du poumon, de
l’anus, le cancer primitif du foie, les mélanomes, les cancers ORL ou bien encore celui du
sein a augmenté. Il apparaît tout d’abord important de traiter tous les patients, dès le
passage sous le seuil de 500 CD4/mm3. Par ailleurs, le président du Conseil national du Sida
a présenté différentes mesures proposées aux personnes infectées par le VIH face à
l’augmentation de ces cancers :
- lutte contre le tabagisme
- Diagnostic précoce des hépatocarcinomes et du cancer du poumon
- Frottis vaginal et anal (pour l’homme)
Willy Rozenbaum a également rappelé que sur les 150 000 personnes contaminées par le
VIH en France, un tiers ne sont pas diagnostiquées. Il a rappelé, à ce titre, la
recommandation de la Haute Autorité de Santé de proposer le test de dépistage VIH à
l’ensemble de la population âgée de 15 à 70 ans. L’animateur de la table ronde, Jean-Daniel
Flaysakier, a posé la question d’une vaccination préventive contre l’HPV chez les garçons.
Pour Willy Rozenbaum, cette question est très intéressante mais il n’y a pas, pour le
moment, de réponse scientifique.
Une séance de questions-réponses est venue clôturer ces échanges. Gilbert Lenoir, président
de la Ligue nationale contre le cancer, est intervenu pour parler des problèmes de
surdiagnostic et donc de surtraitement liés au dépistage du cancer de la prostate, avec les
séquelles afférentes. « C’est un dossier qu’il faut prendre à bras-le-corps ». Le Professeur
Blanchet a notamment expliqué que les marqueurs pourraient permettre à l’avenir de
mesurer l’agressivité des tumeurs et donc de pouvoir mieux suivre les patients. Le Pr Guy
Launoy (CHU Caen) a indiqué qu’il fallait, selon lui, mettre tout le monde autour de la table,
y compris les patients, pour rapprocher les pratiques réelles des pratiques souhaitées, tout
en rappelant qu’on ne disposait pas à ce jour d’éléments scientifiques suffisants pour asseoir
un dépistage du cancer de la prostate.
Autre question d’une patiente, cette fois-ci, sur les modalités de surveillance en France des
patientes présentant une mutation de type BRCA 1. « Il y a une réticence du corps médical
français à évoquer la mammectomie. Or, il faut que les femmes françaises aient le choix ».
Dominique Stoppa-Lyonnet a répondu qu’aujourd’hui on se devait de parler de la
mammectomie prophylactique comme option. Enfin, une question dans la salle a porté sur
l’impossibilité en France de demander l’origine ethnique d’une personne, ce qui pouvait
constituer une difficulté pour la recherche. Dominique Maraninchi a répondu qu’il n’était pas
interdit dans l’enseignement médical de parler de facteurs de risque spécifiques. Dominique
Stoppa Lyonnet a, quant à elle, indiqué, qu’il était possible dans certaines études de
recherche, de demander l’origine des participants.
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