50 n° 17 - mai 2003
LLAATTIITTUUDDEESS
des Açores, point de passage obligé
des navires de retour d’Afrique ; à
partir de 1537-1540, on signale leurs
agressions au large du Cap-Vert ; en
1550, pour la première fois, il est
fait mention de la prise d’un navire
sucrier par des Français au large de
l’île de S. Tomé. Ce ne sera pas la
dernière.
Durant toute cette période, les
souverains portugais ne cessent
d’adresser à leur royal et bien-aimé
cousin de France des protestations
contre ces actes de piraterie.
François Ier puis son fils Henri II
présentent des excuses, admettent
le principe de réparations, promul-
guent même des édits interdisant
officiellement aux navires français
de se rendre dans ces parages, mais
font montre d’une évidente duplici-
té en ne prenant aucune sanction
contre les pirates, dont certains ont
été clairement identifiés. Aussi, s’il
est assez probable (bien que nos
sources soient muettes sur ce point)
que les neuf Français débarqués
bien malgré eux à S. Tomé en 1526
ont été remis aux autorités françaises
après une incarcération plus ou
moins longue, le roi João III ayant
alors le souci d’arriver avec la France
à un réglement négocié, par la suite,
les Français ou autres étrangers cap-
turés par la marine portugaise furent
en général pendus haut et court.
A partir des années 1550, les rela-
tions entre la France et le Portugal
se détériorent fortement. C’est le
moment où les Français tentent de
créer des colonies de peuplement
au Brésil. L’expérience de la “France
antarctique” dans la baie de Rio sera
brève, puisqu’elle ne dure que de
1555 à 1560, mais elle donnera lieu
à la publication de récits passion-
nants : “Les singularités de la France
antactique”, d’André Thevet (1557)
(ré-éditée aux éditions Chandeigne
en 1997) ; et “Histoire d’un voyage
en terre de Brésil”, de Jean de Léry
(parue pour la première fois en 1578
et ré-éditée récemment en Livre de
Poche).
Après 1560, les violences armées
entre catholiques et protestants (les
“guerres de religion”) affaiblissent
en France le pouvoir royal, mais la
piraterie française redouble ; contre
les Portugais, elle est souvent (mais
pas exclusivement) le fait de protes-
tants, puisqu’ainsi la convoitise du
pillard se trouve une justification
religieuse. Etaient-ils protestants, ces
Français qui assaillent S. Tomé en
1567, brûlant les maisons de bois
de la ville, et pillant, outre les biens
des particuliers, les ornements sacrés
dans les églises ? Ils avaient l’année
précédente (eux, ou des navires de
leur bande) donné l’assaut à
Funchal, et, à cette nouvelle, les
autorités de S. Tomé avaient reçu
de Lisbonne l’ordre d’édifier au plus
vite une forteresse pour défendre
l’entrée du port. Mais un fort ne
s’édifie pas en un jour, ni même en
quelques mois, et les travaux n’en
étaient qu’aux prémices quand les
Français débarquèrent.
On est à vrai dire assez mal ren-
seigné sur les circonstances exactes
de cette première invasion française
de l’île. Mais une tradition locale
solidement établie veut que les habi-
tants se soient débarrassés des enva-
hisseurs en empoisonnant leurs
boissons (l’eau, ou selon d’autres, le
vin de palme). Les pillards mouru-
rent, dit-on, dans d’atroces souf-
frances.
Notons à ce propos que les San-
toméens eurent, à cette époque et
au siècle suivant, une réputation
bien établie d’empoisonneurs. On
peut y voir l’écho de deux phéno-
mènes. D’une part, la crainte révé-
rentielle des Européens devant les
connaissances des Noirs africains en
matière de pharmacopée tirée des
plantes de la forêt, parfois utilisée
par les “sorciers” sous la forme du
fameux “bouillon de onze heures”,
dont les récits légendaires pimen-
tent encore les soirées des coopé-
rants dans l’Afrique d’aujourd’hui.
D’autre part, les symptômes du palu-
disme, surtout sous sa forme ménin-
gée, dont les causes étaient incon-
nues à l’époque ; les effets de ce
paludisme, auxquels les nouveaux-
venus étaient particulièrement sen-
sibles, peuvent aisément être
confondus avec ceux d’un empoi-
sonnement (terribles névralgies, hal-
lucinations, tétanie, et mort rapide).
Le Hollandais Dapper, parlant au
17ème siècle de l’effroyable mortali-
té qui frappa les corps expédition-
naires lors des occcupations hollan-
daises de l’île (car celle-ci eut enco-
re plus à souffrir des agressions hol-
landaises que françaises) raconte
(dans la traduction française de
1686) : “La plupart moururent d’une
douleur de tête si violente, qu’il y
en avoit qu’elle les jettoit dans la
rage et dans la folie ; quelques uns
se sentirent affligés d’une douleur
de ventre qui les emportoit dans
trois ou quatre jours... Il y mourut
dans moins de quinze jours plus de
mille personnes, toutes de cette
maladie endémique ou particulière
à ce païs”.
Que la cause en fût le paludisme
ou le “bouillon de onze heures”
concocté par les “curandeiros”
créoles, les pirates français de 1567
ne s’attardèrent pas dans l’île. De
toute façon, les diverses invasions
françaises de l’archipel n’eurent
apparemment jamais pour objectif
une occupation de longue durée,
encore moins l’établissement d’une
colonie (à la différence de la tentati-
ve hollandaise qui se déroula entre
1641 et 1649). Même au 18esiècle,
où les interventions armées fran-
çaises furent des actions menées,
non par des pirates, mais par des
troupes régulières, il s’est toujours
agi de coups de main destinés à se
procurer du butin et à démontrer au
Portugal la vulnérabilité de son
empire et de ses communications
maritimes.
La leçon avait cependant été cui-
sante pour les insulaires Trop
confiants dans la puissance de leur
flotte, les Portugais avaient jusque là
négligé les dangers de débarque-
ment hostiles. Les habitants acceptè-
rent au sein de l’Assemblée locale
(“a Câmara”, la Chambre, sorte de
conseil municipal doté de larges
pouvoirs, et expression à partir de
cette époque de l’autonomisme des
grandes familles locales) de contri-
buer pour moitié aux frais de
construction de la forteresse proje-
tée, le Trésor Public assumant l’autre
moitié. La construction fut achevée
en 1575 et prit le nom de Fort S.
Sebastião, en hommage au jeune roi
du Portugal qui disparut trois ans
plus tard dans le désastre d’Alcaçer
Quibir. Le bâtiment, avec quelques
remaniements aux siècles suivants,
a subsisté jusqu’à nos jours. C’est le