04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement DENITRIFICATION DANS UN MILIEU NUTRITIF NATUREL H. BOUGHERARA, W. CHEURFI, O. BENTABET et B. KEBABI Laboratoire Pollution et Traitement des Eaux, Département de chimie, Faculté des sciences exactes. Université Mentouri de Constantine, Route de Ain El Bey, Constantine 25000 Tel/Fax: 213 31 81 88 65 [email protected] RESUME L’utilisation intensive des engrais azoté en Algérie a entrainé une pollution des eaux par les nitrates. Cette concentration a atteint dans la région de Collo (Wilaya de Skikda) 570 mg/L dépassant ainsi largement la norme O.M.S (50 mg/L). Ceci a des conséquences négatives sur la santé humaine (Méthémoglobinémie) et l’environnement (eutrophisation). Dans nos travaux, nous avons étudié l’élimination de cette pollution par l’utilisation d’une culture mixte de microorganismes. Les microorganismes ont été prélevés dans la station d’épuration d’El Menia Constantine. Après leurs adaptations, ils sont introduits à température fixe dans un réacteur en anoxie contenant l’eau polluée par les nitrates, le milieu nutritif et une source de carbone. Un spectrophotomètre UV-Visible Techcomp 8500 a été utilisé pour la mesure de la turbidité des échantillons ce qui permet de déterminer l’évolution de la densité de la population bactérienne. Il a également été utilisé pour mesurer le taux d’élimination des nitrates par colorimétrie avec la méthode de salicylate de sodium. Dans notre étude nous avons remplacé la source de carbone et le milieu nutritif conventionnellement synthétiques par la farine de datte. Cette dernière contient des sels minéraux et des sucres favorables à la croissance bactérienne. Notre étude à montré que l’efficacité de dénitrification est proportionnelle à la croissance bactérienne. Elle augmente d’une façon exponentielle après un temps de latence de l’ordre de 8 heures. Au cours de la réaction de dégradation nous avons observé une augmentation du pH dans notre réacteur, il passe de 7,00 à 8,38. En étudiant l’influence du pH initial sur la dénitrification des microorganismes, nous avons observé que la concentration en ion hydrogène modifie le taux de croissance des bactéries et de dégradation des nitrates. A pH acide, la réduction des nitrates est incomplète, ceci s’explique par l’accumulation d’oxyde nitreux et nitrique qui interfère la réaction de dénitrification. La vitesse de réduction des nitrates est moins importante dans un pH acide (0,0096 g.L-1.h-1) que dans un pH basique (0,013 g.L-1.h-1). La dénitrification est optimale à une température de 35°C pour un rapport C/N = 2,5. Dans ces conditions 95% de la quantité initiale des nitrates est éliminée après environ 100 heures de traitement. Mots clés Culture mixte, dénitrification, source de carbone, milieu nutritif, farine de datte. 1 Env_19 04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement 1. INTRODUCTION Les eaux souterraines destinées à l’alimentation humaine sont souvent sujet à d’innombrables sortes de pollution chimique. L’une des principales pollutions des eaux souterraines par les produits diffuse, d’origine notamment agricole, est la pollution par les nitrates. Au cours des dernières décennies un grand nombre d’observations ont conduit les autorités sanitaires de nombreux pays et l’O.M.S à considérer les nitrates des eaux d’alimentation et, sans doute leur augmentation progressive consécutive aux activités de l’homme, comme un danger potentiel pour la santé publique. Environ 70% des fertilisants azotés utilisés en agriculture sont perdus dans l’environnement sous forme de nitrates [Yapo O.B. et al, 2009] que l’on retrouve dans les eaux de surface et souterraines. La pollution des aux par les nitrates en Algérie est un problème alarmant, ceci est due à l’utilisation intensive des engrais azotés ainsi que la mal formation de nos agriculteurs qui utilisent les engrais en excès des besoins des plantes. Des études dans certaines régions ont montrées que la concentration en nitrate est souvent au dessus de 50 mg/L, norme recommandée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Sidi Bel-Abes, Birkhadem, Chlef, et la plaine de Mitidja sont des exemples concrets où la concentration en nitrates dépasse déjà en 1990 les 260 mg/L [Salem Z. et al, 2007]. En 2004 la concentration atteint 570 mg/L à Oued Mazzouze (Collo, W de Skikda) [Chabour N., 2004]. Une concentration élevée des nitrates dans les eaux de récréation modifie l’équilibre biologique en provoquant le phénomène d’eutrophisation [Foglar L. et Vukovié M., 2005]. La consommation d’une eau riche en nitrates peut provoquer la méthémoglobinémie aussi appelée la maladie des bébés bleus du fait de la transformation dans l’organisme humain des nitrates en nitrites et en nitrosamines cancérogènes. Il existe plusieurs techniques physicochimiques et biologiques de traitement des nitrates. Les plus utilisés sont les procédés d’échanges d’ions et l’osmose inverse [Goodrich A. et al, 1991]. Récemment les processus biologiques se sont avéré les plus concurrentiels et les mieux adaptés au traitement des nitrates en raison de leur facilité, efficacité et de leurs coût modéré. La dénitrification biologique permet la transformation de composés d’oxyde d'azote par des bactéries en azote gazeux. Notre travail porte sur le traitement biologique des nitrates en utilisant des micro-organismes en culture mixte prélevés dans la station d’épuration d’El Menia de Constantine. La technique que nous avons choisie nécessite l’apport d’une source de carbone extérieure dans un milieu nutritif approprié où les nitrates jouent le rôle d’un accepteur final d’électrons au lieu de l’oxygène. L’inconvénient de l’utilisation d’une source de carbone synthétique est l’intoxication de milieu récepteur par l’excès non complètement dégradé de cette source. Cet inconvénient est évité dans notre étude par le remplacement de la source de carbone conventionnelle par de la farine de datte. Ceci a aussi comme avantage la réduction du coût du traitement par l’inutilité de l’utilisation d’un milieu nutritif. 2. MATERIELS ET METHODES 2.1. Matériels Les bactéries utilisées pour ce travail ont été prélevées du bassin de dénitrification de la station d’épuration d’El Menia Constantine Algérie. Après adaptation de ces cultures mixtes elles ont été utilisées dans notre procédé [Bougherara, H., 2007]. Elles ont été par la suite utilisées pour l’inoculation du réacteur et cultivées dans une culture en discontinu (batch) en conditions anoxiques, car les germes dénitrifiant existent dans les zones ou la concentration en oxygène dissout est faible [Stanier R.Y., 1976]. Un spectrophotomètre UV-Visible 320 2 Env_19 04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement SAFAS MONACO a été utilisé pour la mesure de la turbidité des échantillons ce qui permet de déterminer la densité de la population bactérienne. Il a été également utilisé pour mesurer l’évolution de la concentration de nitrate. L’évolution du pH a été mesurée à l’aide d’un pHmètre HANNA instruments HI 8519 N. 2.2. Méthodes d’analyses En présence de salicylate de sodium les nitrates prennent une coloration jaune susceptible d’un dosage à 415 nm [Rodier J., 1978]. Cette propriété a été exploitée pour la mesure de la concentration des nitrates durant nos expériences. Les nitrites sont dosés aussi par colorimétrie. L’acide sulfanilique en milieu chlorhydrique, en présence d’ion ammonium et de phénol forme avec des ions un complexe coloré jaune dont l’intensité est proportionnelle à la concentration en nitrites [Rodier J., 1978]. L’évolution de la turbidité aux cours de nos expériences a été mesurée à une longueur d’onde de 600 nm. Cette mesure nous a permis de déterminer l’évolution de la quantité de biomasse. 2.3. Les conditions opératoires Les boues prélevées dans la station d’épuration sont dissoutes par agitation dans de l’eau distillée. La solution récupérée après filtration est mélangée à une solution contenant notre milieu naturel qui contient la farine de datte comme source de carbone. La croissance bactérienne est suivie par des mesures de la densité optique (à 600 nanomètres) à des intervalles réguliers de temps. Les expériences sont réalisées dans un réacteur de 500 ml contenant 200 ml du milieu nutritif que nous avons ensemencé avec 5 ml d’inoculum préparé précédemment. La mesure du pH et la concentration de l’oxygène sont réalisés par des électrodes introduites en permanence dans le réacteur. L’anaérobie est réalisé par barbotage d’azote jusqu'à désoxygénation totale de la solution. Le réacteur est agité en permanence afin d’homogénéiser le milieu réactionnel. Il est muni d’une ouverture permettant les prélèvements sans perturbation du milieu réactionnel. 3. RESULTATS ET DISCUSSIONS 3.1. Utilisation de la farine de datte comme source de carbone Après adaptation des cultures mixtes elles ont été utilisées dans une solution aqueuse contenant la farine de datte et les nitrates à une concentration fixe. Avant de s’intéresser au suivie des différents paramètres contrôlant la dénitrification (concentration en nitrates, suivi de la dégradation du polluant au cour du temps…) en utilisant la farine de datte comme milieu nutritif et source de carbone, il s’est avéré nécessaire de rappeler d’une manière générale l’évolution d’une masse bactérienne en présence de notre source de carbone et milieu nutritif naturel. La courbe montrant l’évolution de la concentration bactérienne (figure 1) montre que la croissance bactérienne passe par les quatre étapes successives suivantes : étape de latence, étape de croissance exponentielle, étape de ralentissement et finalement l’étape de stagnation. 3 Env_19 04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement DO (600 nm) 0,20 IV 0,15 III 0,10 0,05 II I 0,00 0 20 40 60 80 100 Temps (h) Figure. 1: Evolution de la croissance bactérienne au cours de la dénitrification Le taux de croissance µ et la quantité de la biomasse produite ∆X [Guiraud. J.P., 1998] sont calculés à partir des deux relations suivantes : Les calcules montrent que : µ = 0,081 h-1 ∆X = 1135,6 mg L-1 La croissance bactérienne est accompagnée d’une consommation proportionnelle d’ions nitrates comme le montre la figure 2. [N-NO3] en mg/L 1000 800 600 400 200 0 0 20 40 60 80 100 Temps (h) Figure 2 : Cinétique de dénitrification 4 Env_19 04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement La croissance bactérienne s’arrête après consommation presque totale des nitrates. Ceci montre que la dénitrification n’est qu’une alternative à la respiration classique de l’oxygène [Patureau, D., 1995]. Ainsi les nitrates sont utilisés comme accepteurs finaux d’électrons qui sont transférés le long de la chaîne respiratoire [Tiedje J.M., 1988]. La vitesse moyenne de disparition des nitrates durant la phase de croissance exponentielle est de : Vmoy =4,58 mg L-1 h-1. Une concentration en nitrates inférieurs à 50 mg L-1 (concentration toléré par la législation algérienne) est obtenue après 80 heures de traitement. La dénitrification s’arrête après 85 heures de traitement. La concentration des nitrates est alors de 34 mg L-1, ce qui donne un taux de dénitrification de 93,5%. Au cours de la réaction de dégradation nous avons observé une augmentation du pH dans notre réacteur car la réaction biologique est consommatrice de protons [Haslay C., 1993]. Dans notre cas il passe de 7,00 à 8,38 (figure 3). 9 pH 8 7 6 0 20 40 60 80 100 Temps (h) Figure 3 : Evolution du pH au cours de la dénitrification 3.2. Effet de la teneur en ions nitrates Afin d’optimiser le rapport C/N nous avons réalisé quatre cultures dans une eau synthétique, ensemencées avec 5 ml d’inoculum préparé précédemment, alimentées par la farine de datte et différentes concentration de nitrates sont calculées de façon à obtenir différents rapports C/N. Dans ce cas l’évolution cinétique observée sur la figure 4 montre que la différence de la croissance bactérienne n’est pas large. Par ailleurs nous avons remarqué que la quantité de la biomasse produite pour la quatrième culture C/N=2,5 est la plus grande. Cette croissance bactérienne est dû a la consommation d’ions de nitrates figure 5. 5 Env_19 04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement 0,30 C/N = 1 C/N = 2 C/N = 2,5 C/N = 3 DO (600 nm) 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05 0,00 0 20 40 60 80 100 Temps (h) [N-NO3] en mg/L Figure 4 : Effet du rapport C/N sur la croissance bactérienne 650 600 550 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 C/N = 1 C/N = 2 C/N = 2,5 C/N = 3 0 20 40 60 80 100 Temps (h) Figure 5 : Effet du rapport C/N sur la dénitrification Une diminution de la concentration de nitrates et devient pratiquement nulle au bout de 75 heures, particulièrement pour le rapport C/N=2,5. dans ces conditions le taux de dénitrification atteint 94%. 2.3. Effet du pH initiale sur la dénitrification Le pH est un facteur important qui limite la dénitrification. En premier lieu nous avons suivi la croissance bactérienne dans trois milieux de culture ayant des pH initiaux différents (5, 7, 9) ceci a été réalisé en ajoutant HCl (1M) pour assurer l’acidité et NaOH (1M) pour la basicité. 6 Env_19 04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement pH = 5 pH = 7 pH = 9 0,30 DO (600 nm) 0,25 0,20 0,15 0,10 0,05 0,00 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Temps (h) Figure 6 : Effet du pH initial sur la croissance bactérienne La principale influence du pH pendant la dénitrification semble être son effet sur la concentration en NH3 et HNO2 qui peuvent être des inhibiteurs. Les pH acides provoquent une accumulation de NO et N2O. Dans notre cas, la dénitrification augmente avec le pH (figure 7) et le pH optimal est dans la marge neutre entre 6,5 et 7,5 où nous avons un taux de dénitrification de 95 %. 0,9 pH = 5 pH = 7 pH = 9 0,8 [N-NO3] en (g/L) 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 Temps (h) Figure 7 : Effet du pH initial sur la dénitrification 4. CONCLUSION La pollution des eaux par les nitrates provoque des nuisances sur la nature (eutrophisation) et plus particulièrement sur la santé humaine (méthémoglobinémie). Notre travail a été porté sur l’étude de la dénitrification par l’utilisation d’une culture mixte des micro-organismes 7 Env_19 04-06 Novembre, 2010, Sousse ,Tunisie Vème Congrès International sur les Energies Renouvelables et l’Environnement prélevés dans la station d’épuration d’El Menia Constantine en réacteur batch en utilisant la farine de datte comme source de carbone organique et milieu nutritif en même temps. Nous avons étudié l’influence des différents paramètres physicochimiques qui peuvent avoir un effet inhibiteur ou accélérateur sur la biodégradation des nitrates. L’utilisation de la farine de datte comme source de carbone nous a permis d’éliminer dans un réacteur batch 93,5% de la concentration initiale des nitrates ainsi que son utilisation a comme avantage la réduction du coût de traitement par l’inutilité d’utilisation d’un milieu nutritif approprié. Durant ce traitement le pH est passé de 7,00 à 8,38. Nous avons trouvé un meilleur taux de dénitrification pour un rapport de carbone sur azote C/N = 2,5. Le pH est un paramètre important affectant le processus de dénitrification et le pH optimal semble d’être aux environs de pH = 7. 5. BIBLIOGRAPHIE Bougherara. H. Cheurfi W., Kebabi. B. (2007). Etude de la biodégradation de la méthyléthylcétone par une culture mixte prélevé dans la station d’épuration d’El Menia Constantine. Scientific Study & research. Vol VIII (1). 2007. ISSN 1582-540X. Chabour N. (2004). La surexploitation des eaux souterraines dans les plaines littoeales : nappe de Telezza dans la région de Collo (Nord-Est Algérien). Sciences & technologie BN°22. Décembre 2004. pp 127-132. Foglar L. and Vukovié M. (2005). High nitrate removal from synthetic wastewater with mixed bacterial culture. Biores. Technol., 96 (2005) pp 879-888. Goodrich A., Lykins W., Klark M. (1991). Drinking water from agriculturally contaminated groundwater. J Environ Qual (1991);20:707–17. Guiraud, J.P. (1998). Microbiologie alimentaire. (DUNOD). Haslay C, Leclerc H (1993). Microbiologie des eaux. Patureau, D. (1995). Etude cinétique et physiologique d’une bactérie dénitrifiant en conditions aérobies. Suivi en réacteur aéré, parfaitement mélangé, en culture pure et en culture mixte associée à une flore nitrifiante. Thèse pour l’obtention du diplôme de doctorat. Rodier, J. (1978). L’analyse de l’eau, sixième édition. Stanier R.Y.(1976) Microbiologie générale, Masson et CIE éditeurs; pp. 225-370. Tiedje, J.M. (1988). Ecology of dénitrifiction nd dissimilatory nitrate reduction to ammonium. In A. J. B. Zenhder (Eds.), Biology Anaerobic Microorgnisms (pp. 179-244). New York, John Wiley and sons. Yapo O. B, Mambo V., Meledje Djedjess E. J-C., Ohou M J., Seka A. (2009). Searching for parameters optimising the biological Denitrification of nitrate-and ammonium-rich well waters by private slow sand filtration reactors. European Journal of Scientific Research ISSN 1450-216X Vol.26 No.4 (2009), pp.565-576. 8 Env_19