L`islam politique, toujours en échec

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L’islam politique, toujours en échec
Olivier Roy*
L’ÉCHEC DE L’ISLAM POLITIQUE a été écrit il y a désormais vingtcinq ans. Le titre, plus que le contenu (qui n’a manifestement pas
toujours été lu par ses commentateurs), a fait l’objet de nombreuses
critiques, que l’on peut ranger sous deux grandes catégories. La
première, venue surtout de milieux non universitaires, porte sur la
prédiction à laquelle aboutissait l’analyse : comment peut-on parler
d’échec alors que les islamistes remportent régulièrement des
victoires électorales (Turquie, Tunisie, Égypte) et, surtout, que le
djihadisme semble sur une pente ascendante depuis le 11 septembre
2001 ? La seconde critique, plus souvent issue des rangs de mes
collègues universitaires, porte sur la pertinence du concept d’islamisme : ne s’agirait-il pas d’une construction artificielle, voire
teintée d’orientalisme et de postcolonialisme, qui découperait arbitrairement un objet politique, construit selon les catégories de la
science politique occidentale (idéologie, centralité de l’État), alors
que dans le monde musulman la référence à l’islam, fluide et omniprésente, se situerait dans un continuum où la religion est intrinsèquement liée à la question identitaire, à la légitimité politique et
surtout à la protestation contre toutes les formes de néo-impérialisme
et de domination culturelle ? Bref, tantôt je serais trop complaisant
envers la menace islamique, tantôt je ne serais qu’un rouage dans
l’entreprise de réduction au silence de la voix des opprimés.
* Professeur à l’Institut universitaire européen de Florence. Ce texte est la postface à la
réédition de l’Échec de l’islam politique (Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 2015). Nous
remercions les Éditions du Seuil de nous avoir autorisés à le reproduire.
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Mai 2015
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