ACIT Association Cultuelle Israélite de Toulouse DÉCEMBRE 2014 N°203 3€ LE MAGAZINE DE LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE TOULOUSE ET DES PAYS DE LA GARONNE L’ADIEU À JEAN-PIERRE BLOCH UN BÂTISSEUR EXCEPTIONNEL DE LA COMMUNAUTÉ NOUS A QUITTÉ HANOUCCA, READY ? SWITCH ON CANDLES !!! LA MUSIQUE : NOS VALEURS LITURGIE, TRADITION ET FOLKLORE RETOUR À OHR TORAH : CES LYCÉENS QUI VIENNENT PRÉPARER LEUR BAC AU BERCAIL du N° 203 HIVER 2014 Kislev 5775 Retour à Ohr Torah : ces jeunes qui viennent ou reviennent au lycée juif veulent réunir les conditions optimales pour passer leur bac > p 10 Photo de couverture Mairie de Toulouse Le billet d’henri amar Sommaire L’espérance quand même… Les négociations entre l’Iran et les cinq membres du Conseil de Sécurité de l’ONU, plus l’Allemagne, ont, en ce lundi 24 novembre - date à laquelle j’écris ces lignes – débouché sur une impasse, Téhéran refusant toujours de réduire de façon significative le nombre de ses centrifugeuses. Et, plutôt que de rompre ce qui apparaît de plus en plus nettement comme un marché de dupes, « les Cinq plus Un » ont, une fois encore, accepté de repousser à mars ou plutôt juin 2015 - si ce n’est aux calendes grecques - la conclusion d’un accord. Un nouvel échec pour les Occidentaux. Un nouveau succès pour les ayatollahs passés maîtres dans l’art de jouer la montre pour parvenir à leurs fins : se doter de l’arme nucléaire, assurer ainsi leur leadership sur la région, conquérir ou reconquérir pour leur pays le statut de grande puissance et … mettre à exécution leurs menaces sans cesse réitérées contre Israël, cet Etat juif « à rayer de la surface de la terre ». La diplomatie occidentale dont on a pu mesurer, ces derniers temps, les cinglants échecs face à un Bachar El Assad, ou un Poutine, y suffira-t-elle ? La fermeté apparente des mouvements de menton, des déclarations martiales et des sanctions économiques - trop souvent contournées - permettrontelles d’éviter, dans un Proche-Orient aujourd’hui en pleine éruption, des embrasements aussi redoutables qu’incontrôlables ? La question s’impose tant il est vrai que les démissions munichoises, sous quelques cieux que ce soit, conduisent à la catastrophe. Les printemps arabes avortés, les répressions sanglantes des dictateurs menacés, les conflits religieux fratricides qui ravagent aujourd’hui cette région du monde pourraient, certes, conduire paradoxalement à une sorte d’équilibre de la terreur permettant d’éviter l’irréparable. Mais au seuil d’un précipice béant. Celui où les fanatismes et la barbarie d’un autre âge pourraient tout faire sombrer. Comment se fier, dans Celui que l’aveuglement ces conditions, aux déde nos démocraties esclarations « optimistes » soufflées ont laissé se du Secrétaire d’Etat creuser. Faute de couaméricain John Kerry Ali Khamenei rage. si souvent démenti par les faits - assurant que des « progrès substantiels » avaient été réalisés lors Ce courage dont, en cette veille de Hade la rencontre de Vienne et qu’un ac- nouccah, nous nous apprêtons à célécord final demeurait « possible » ? brer le souvenir et la vertu, en rappeComment croire qu’un Obama empê- lant le victorieux combat des tré dans ses louvoiements, ses ater- Macchabées contre ceux qui voulaient moiements, ses divers et multiples re- contraindre le peuple juif à se détourniements, et l’opposition d’un Congrès ner de sa foi, de son identité, de son résolument hostile à la conduite brin- histoire. quebalante de sa politique étrangère, Eclatante victoire couronnée par le puisse faire entendre raison à un Ali miracle de cette huile renouvelée nourKhamenei, plus que jamais Guide Su- rissant dans l’enceinte du Temple et prême d’un peuple iranien assujetti ? dans le cœur de l’homme également L’Iran aura sa bombe. Difficile d’en purifiés, la fragile mais sans cesse renaissante lumière de l’espérance. douter désormais. Reste à dissuader ses dirigeants de s’en servir. Henri Amar Le billet d’Henri Amar L’œil du président Actualité religieuse : célébrer Hanoucca sous tous ses aspects Dossier : retour à Ohr Torah, enquête sur les lycéens qui reviennent La musique : une valeur du Judaïsme et une valeur de la fête juive Jean-Pierre Bloch nous a quitté Jean, 15 ans, enlevé au lycée Pierre de Fermat en 1944 Le Récébédou, la marche de la mémoire Associations Jeunesse Brèves communautaires Ce qu’il reste de l’oubli, Jean Lévy Portrait : Salomon Attia Culture Chemouel Azimov, hommage Carnet communautaire 3 5 6 10 20 21 22 23 24 29 30 32 31 32 38 39 Ont contribué à ce numéro Joelle Adjedj, Valérie Alter, Henri Amar, Jacques Asseraf, Annie Beck, Arié Bensemhoun, Dana Bensimon, Sophie Castiel, Patricia Dassa, Yves Bounan, Claude Denjean, Johanna Dray, Norbert Halimi, Dominique Khalifa, Pierre Lasry, Hervé Lieberfreund, Maurice Lugassy, Yoseph Ytsrak Matusof, Yaacov Monsonégo, Rachel Roizes, Yaël Rueff-Salama, Paul Schaffer, Harold Avraham Weill, Nicole Yardeni Aviv mag est une publication de l’ACIT Association Cultuelle Israélite de Toulouse, 2 place Riquet, 31000 Toulouse. Tél. 05 62 73 46 46 Directeur de la publication : Arié Bensemhoun Directeur de la communication : Armand Partouche Directeur de la rédaction : Pierre Lasry Rédaction et coordination : Yaël Rueff-Salama Crédit photo : LSP, Bernard Aïach Design et production : LSP, 11 rue Adonis, 31200 Toulouse, tél. 05 61 13 18 18, [email protected] Régie publicitaire : Joëlle Adjedj N° de commission paritaire : 1106G88068 Dépôt légal à parution AVIVmag n°203 décembre 2014 3 Offrir La parole Reine Benzaquen à arié bensemhoun Artiste et plasticienne, Reine Benzaquen a offert à l’école du Gan Rachi une œuvre peinte : “le Présent”, accompagnée d’une lettre, que voici… Regarder derrière “ et marcher de l’avant ! Bonjour, 4 J L’œuvre de Reine Benzaquen offerte à l’école Gan Rachi, “le Présent” leur Résistance. Nous continuons d’apporter dans un monde en fragilité et en mutation, la résistance de nos valeurs puisées au coeur de nos textes. Un Islam radical nous a pris comme cible, mais il a pris en otage toutes les altérités et les Libertés. Des partis xénophobes veulent aussi la voix de ceux qu’ils insultent et méprisent. Ne nous laissons pas défigurer par la peur et la haine. Est en dette à notre égard et à l’égard de tous, tout démocrate qui laisse faire. A Toulouse on a voté pour un Cohen agnostique. On peut à Toulouse récemment chanter à tour de rôle Tikva et Marseillaise, dans la Salle des Illustres. C’est la richesse de notre ville. Et nous sommes toujours là debout, toujours juifs, Français et Juifs, Juifs et Français. Avec nos espoirs, nos enfants, nos écoles, nos enseignants, nos fleurs, nos amis et leur différence, dans la joie de notre identité quelle que soit l’épreuve. Et pour ces petits enfants qui ne joueront plus dans cette cour de récréation nous continuerons debout et avec des fleurs. Oui nous sommes «celui qui vit» selon les mots du cantique, que Yosef et Esther Matusof nous adressent avec cette vigilance qu’ils ne cessent de porter avec courage, légèreté et créativité à tous les enfants...et les adultes. Merci d’être parmi nous. Oui nous sommes «Celui qui vit». Ecole Gan-Rachi, Toulouse le 25 Juin 2014 Reine Benzaquen EAN-PIERRE BLOCH n’est plus. C’est une immense figure de nos institutions qui nous quitte, et je veux m’incliner devant l’homme et devant l’ampleur de la tâche accomplie, comme nous l’avons fait le jour de ses obsèques, avec ses enfants Bernard et Caroline et nombre de ses amis, dans le cimetière qu’il a lui-même créé, pour nous, pour sa communauté. “ Je suis heureuse de vous offrir ces fleurs. Ce tableau s’appelle : «Le Présent». Ce sont deux tableaux qui composent ce bouquet de Roses. Les rubans sont des liens aux couleurs de notre région. Ils vous disent mon soutien et ma particulière tendresse, pour tous ceux qui avec espoir veillent sur les enfants et sur notre avenir commun. L’art c’est comme la vie, les artistes qui se coupent de leur passé et de sa richesse, finissent par se répéter et appauvrir leur travail. Pour créer, il faut, en lien avec sa vie, tenter de garder un regard humble et étonné. Nous, les artistes non plus, ne sommes pas libres «d’être rien». Je viens aussi de cette école juive qui comme la vôtre a veillé sur la singularité et le devenir de ses enfants. J’ai eu la chance d’avoir comme directeur à l’Ecole Normale Israélite Orientale de Paris, le philosophe Emmanuel Lévinas. J’ai gardé de sa pensée et de ce soin des autres, ma vigilance et une grande part de mon inspiration. Et si nous Juifs, par delà nos deuils, nos épreuves et nos craintes sommes toujours debout et en devenir, c’est que nous avons puisé dans notre foi et nos textes et nos écoles, le visage de notre espoir parmi les autres. La France a besoin de ses juifs, Libres et Egaux. Israël a besoin de ses Juifs Français, Libres et Egaux. Pour la richesse de leur présence, leur vivacité et leur créativité, mais aussi M’incliner devant l’ambition de JeanPierre Bloch, une ambition entièrement tournée vers sa communauté, et dont il n’avait de cesse qu’elle soit couronnée matériellement par des réalisations nécessaires mais jamais suffisantes : un cimetière, une association pour la Hevra Kadicha, une maison de retraite juive pour Toulouse. Qui avant lui l’avait imaginé ? M’incliner devant son sens du devoir discret, spirituel, profond, et sa conduite des projets, tenace, active, solidaire. Lui qui venait d’Alsace, a eu un parcours exemplaire dans notre ville de Toulouse, qu’il avait faite sienne, et il gardera une place considérable dans nos cœurs et dans nos mémoires, et la communauté, j’en suis convaincu, saura lui rendre l’hommage qu’il mérite. Aujourd’hui, comme l’a fait Hervé Lieberfreund, son successeur à la Hevra Kadicha, disons-lui simplement : « Chalom Haver, Adieu l’ami !» En feuilletant ce magazine, on ne peut que s’étonner, se féliciter de la richesse de notre actualité culturelle et artistique : les Journées de la Culture Juive, organisées par Hébraïca, nous transportent du cirque vers la chanson, du théatre d’Hanoch Levin ou d’Aaron Apelfeld au concert vivant, et nous font entendre et comprendre des intervenants d’exception, de Marek Halter, notre ami de toujours, à Pierre Jourde, audacieux et intelligent défenseur d’Israël et des Juifs de France, une voix rare dans le paysage intellectuel français. J’observe aussi qu’une place de choix y est faite à nos rabbins pour une éxégèse de la Torah dont la tenue a été de haute volée. Je suis frappé de la sagesse et de la maturité de ces lycéens d'Ohr Torah qui construisent avec conscience leur avenir et l'expriment avec détermination, dynamisme et fraternité. déterminante et forte en symboles, et qui n’est pas sans rappeler les 44 bougies que nous allons allumer ces huit prochains jours pour célébrer Hanoucca 5775. Autre moment fort, celui de la Tsédaka où, dans une Halle aux Grains qui vibrait comme un seul corps, nous étions plus de 1500 à nous rassembler aux côtés d’Enrico Macias, pour exprimer notre fraternité, notre solidarité, notre générosité, plus que jamais mobilisés face à toutes les difficultés et à tous les périls qui nous menacent encore, mais contre lesquels nous savons ensemble, rester debout et combattre. Une nouvelle structuration du calcul de vos cotisations vous est proposée cette année, exercez votre solidarité dans ce nouveau cadre afin d’aider plus efficacement et plus harmonieusement votre communauté, je compte sur vous. L’histoire a également été au rendezvous de ces dernières manifestations et pendant cette année, où nous avons commémoré le centenaire de la première guerre mondiale, où les Juifs de France ont joué un rôle important et reconnu aujourd’hui, mais également célébré le souvenir de l’année 44, une année Arié Bensemhoun Président de la communauté juive de Toulouse Hanoucca, c’est la flamme de l’histoire et du souvenir mais c’est aussi la lumière qui éclaire l’histoire à écrire, celle du chemin qui reste à cheminer pour notre grande et belle communauté. Car je le sais, je le dis, notre communauté reste une des plus belles et des plus exemplaires communautés juives de France et ceci même et parce que nous avons subi un drame insupportable, même et parce que la situation des Juifs en France est complexe et difficile, même et parce que plusieurs familles sont parties, même et parce que nous avons besoin de la contribution et de la générosité de chacun d’entre nous. Elle vous le rendra. Bonnes et heureuses fêtes de Hanoucca ! AVIVmag n°203 AVIVmag n°203 décembre 2014 5 Judaïsme pratique Par Avraham Weill Hanoucca en 8 questions Peut-on travailler pendant la fête ? Pendant les huit jours de Hanoucca aucun travail n’est interdit. Mais il est défendu de jeûner ou de prononcer un éloge funèbre. Toutefois, l’usage est répandu de ne faire aucun travail pendant que brûlent les lumières de Hanoucca, au moins pendant une demiheure après la tombée de la nuit. En particulier, les femmes s’abstiendront de faire aucun travail pendant ce temps en souvenir du courage et du dévouement de Yehoudit, fille de Yohanan, le grand prêtre qui tua le général grec Holopherne à cette époque. Quels sont les plats de Hanoucca ? La célébration de Hanoucca ne comporte pas de séouda obligatoire. Cependant, nous multiplions les mets festifs afin de remercier Dieu pour les miracles et les prodiges et relever la joie de la fête. On a l’habitude de manger des mets frits dans l’huile : beignets ou latkes en souvenir du miracle de la fiole d’huile. Pouquoi y a t-il de l’argent lors de Hanoucca ? Le nom de Hanoucca suggère un rapprochement avec le « Hinou’h » : éducation morale et religieuse. D’où la coutume de donner aux enfants de petites sommes d’argent en guise de cadeaux, dans le but de les encourager 6 AVIVmag n°203 à l’étude. En effet, nous donnons des pièces aux enfants pour les habituer à utiliser leur argent pour des mitsvot, et, en particulier, pour la tsédaka (charité). Pourquoi les cadeaux des enfants ? La tsédaka donnée par un enfant est, par certains aspects, supérieure à celle que donne un adulte. Un adulte travaille pour gagner son argent et, s’il donne, il peut travailler pour remplacer ce qu’il a donné. Néanmoins, l’enfant ressent une joie profonde à donner généreusement quand il voit une personne nécessiteuse ou une institution scolaire de Torah qui mérite son attention. Les cadeaux offerts aux enfants contribuent à ressentir la joie de la fête et encouragent leur participation active lors de l’allumage des bougies. Que commémore Hanoucca ? Deux événements sont évoqués : La Victoire exprimée par le nom, et par les Prières de Grâce et reconnaissance (Hallel et Al-Hanissim). Et le miracle de la fiole de l’huile, exprimé par l’allumage de flamme pendant 8 jours.sont fixés comme jours de fête célébrés par le chant du Hallel (louanges à Dieu) et la récitation d’une prière, Al Hanissim, de reconnaissance envers l’Eternel. Judaïsme Miracle, vous avez dit miracle ? Quels sont les jeux à pratiquer ? Le jeu de la toupie, Sévivon, date encore de l’histoire de Hanoucca : l’étude de la Torah étant interdite, les enfants juifs se cachaient dans des grottes pour étudier. Quand ils étaient découverts par les soldats grecs, ils tiraient de leurs poches leurs toupies et prétendaient simplement jouer. Nous nous souvenons alors de leur courage. Les lettres symboliques : Noun, Guimel, Hé, Chin des mots « Ness Gadol Haya Cham » inscrites sur les faces de la toupie doivent graver dans la mémoire des enfants le souvenir du miracle de Hanoucca. S Que signifie le nom de “Hanoucca” ? Il y a deux réponses : l’origine «Repos», après le combat des Maccabis contre les Grecs, et il y a également une allusion à la date du 25 (kislev) Hanou : Repos, Kah (Khaf et hé) = 25 Pourquoi mange t-on des beignets ? Nous consommons des fritures pour évoquer également le miracle de la fiole de l’huile pendant nos repas. Nehama CHEIN Allumage des bougies de Hanoucca à la synagogue en Alsace. Gravure ancienne Source Stauben ’il est une question qui revient comme un leitmotiv chaque année, au moment de la fête de Hanoucca, c’est bien celle que l’on appelle communément la « question du Beit Yossef » en référence au nom de son auteur : Pourquoi célébrons-nous Hannouka durant 8 jours alors que le miracle n’a en réalité duré que 7 jours, étant entendu que la fiole d’huile d’olive pure trouvée dans le temple contenait suffisamment de combustible pour brûler pendant 1 jour ? Le Sabba de Kelm, Rabbi Sim’ha Zissel Ziv Broida (1824-1898), répond à la question de manière fort originale. Il se base pour cela sur un enseignement talmudique du traité de Brakhot qui affirme au nom de Rabbi Yohanan que : « Quiconque récite la bénédiction du mois (sanctification de la lune) en son temps est considéré comme s’il avait accueilli la présence divine ». On est en droit de se demander qu’est ce que cette mitsva a de si extraordinaire pour donner droit à une telle récompense. La réponse se trouve dans le caractère tout à fait singulier de cette mitsva. Nous savons tous, pour en avoir fait l’expérience, que la récitation de la bénédiction sur la lune ne peut se faire qu’à une période bien délimitée du mois et qu’elle est dépendante des caprices de la météo. Contrairement au soleil, qui se lève tous les jours et se rend visible, si ce n’est par ses rayons, par la lumière qu’il projette sur le globe, la lune, elle, joue à cache-cache avec la terre. Elle nous apparaît en un fin croissant au début du mois hébraïque pour grossir et atteindre sa taille maximale le 15ème jour du mois (pleine lune) avant d’entamer une phase de décroissance et de disparaître complètement. C’est ce caractère original qui donne à la bénédiction lunaire toute son importance. L’homme par essence, se lasse de ce qui lui apparaît comme naturel et « normal ». Il ne s’émerveille plus de voir le soleil se lever tous les jours car c’est « normal ». Il n’y a pas d’effet surprise. Il garde en revanche une certaine forme de fascination pour cette lune qui se joue de lui et qui, par ses sautes d’humeur, annonce au monde entier qu’elle est dirigée par la volonté divine. Elle nous rappelle que D’ ne s’est pas retiré du monde après l’avoir créé en laissant à chaque composante de la création des instructions à suivre mais qu’Il est bien présent à chaque instant, pour insuffler la force néces- saire à la marche du monde et à la nature qui le compose. C’est tout cela le message de Hanoucca. Si D’ est omnipotent, s’Il insuffle en permanence l’énergie nécessaire à faire fonctionner le monde, pourquoi une bougie de 1 jour ne pourrait-elle pas brûler 8 jours ? Le D’ qui a ordonné au combustible de se consumer en 24 heures ne pourrait-Il pas lui intimer l’ordre de brûler 192 heures ? Pourtant, personne ne s’est jamais étonné de voir une bougie brûler 24 heures. C’est normal. l’habitude, la « normalité », nous ont rendus totalement insensibles et imperméables. Si en revanche nous arrivions à faire brûler une flamme en immergeant une mèche dans du vinaigre, nous crierions immédiatement au miracle. Le fait de célébrer Hanoucca 8 jours et d’inclure dans ces 8 jours le 1er jour, ce jour « normal », ce jour « banal », vient affirmer qu’il est lui aussi un miracle en soi, au même titre que les jours suivants. C’est un cri d’alarme, un appel solennel à nous inciter à porter un regard différent sur le monde qui nous entoure. A savoir s’émerveiller aussi des choses qui nous paraissent naturelles, voire parfois d’une banalité affligeante. Comme le disait Na’hmanide dans son commentaire sur la Parashat Bo : « Un homme n’a pas de part dans la Torah de Moshé jusqu’à ce qu’il admette que tout ce qui lui arrive relève du miracle et n’obéit pas à la nature ou à l’ordre du monde ». Alors, vous croyez aux miracles ? Hanoucca Samea’h Avraham WEILL, rabbin de Toulouse AVIVmag n°203 décembre 2014 7 Par Jacques Asseraf Par Yossef Matusof Judaïsme hannouka Hanoucca aujourd’hui Hanoucca, la fête des lumières, commémore la victoire d’un peuple juif militairement faible mais spirituellement fort sur les puissantes armées d’un ennemi féroce qui avait submergé la Terre Sainte et menaçait d’étouffer le pays et son peuple sous l’obscurité. Depuis lors, la victoire miraculeuse –qui culmina avec la libération du Temple de Jérusalem et le rallumage du Chandelier à sept branches, profané et éteint par l’ennemi – est célébrée chaque année pendant les huit jours de ‘Hanoucca. Cette célébration est particulièrement marquée par l’allumage quotidien du chandelier de la fête, également symbole et message du triomphe de la liberté sur l’oppression, de l’esprit sur la matière, de la lumière sur l’obscurité. C ’EST là un message pour notre temps car les forces de l’obscurité sont toujours présentes. De plus le danger ne vient pas que de l’extérieur. Il se cache souvent près de notre foyer, dans l’érosion insidieuse des valeurs et des principes qui ont été, de tout temps, le fondement des sociétés civilisées. Cela va sans dire : on ne chasse pas l’obscurité à coups de balai mais l’illumination en a le pouvoir. Nos Sages disent : « Une petite lumière chasse beaucoup d’obscurité ». Les lumières de ‘Hanoucca nous rappellent de la manière la plus évidente, que l’illumination commence chez soi, en soi et dans sa famille, en augmentant la lumière de la Torah et des bonnes actions dans sa vie quotidienne, comme on allume les lumières de la fête en nombre croissant chaque jour. Mais l’effort ne s’arrête pas là. C’est la nature de la lumière : si on l’allume pour soi, elle bénéficie à tous ceux qui se trouvent alentour. Ce n’est pas en vain que les lumières de ‘Hanoucca doivent être allumées de telle sorte qu’elles éclairent l’extérieur ». Elles symbolisent ainsi le devoir de chacun d’apporter la lumière à ceux qui, pour quelque raison, avancent encore dans l’obscurité. » Les lumières de ‘Hanoucca se dressent comme le premier rempart contre les forces de l’intolérance et de la persécution. Les flammes de la Ménorah, le chandelier de la fête, inspirent ainsi tous ceux à qui la liberté est précieuse. 8 AVIVmag n°203 Des chiffres et des concepts Bayamim hahem bazemane hazé (Basé sur une lettre du Rabbi de Loubavitch) Selon la règle d’origine, la Ménorah doit être disposée chez soi de telle manière qu’elle soit visible de l’extérieur. L’idée est de « diffuser le miracle » de la victoire d’un petit peuple sur les anciens Syro-Grecs sanguinaires qui avaient entrepris de persécuter ceux qui ne leur ressemblaient pas. Mais avec la montée de l’oppression, face aux dangers de la haine religieuse, les Juifs furent peu à peu contraints de limiter la célébration à l’enceinte de leur foyer. Aujourd’hui, alors que chacun a pris conscience du fait que la liberté est un bien inestimable, les Juifs allument la Ménorah dans l’espace public, affirmant ainsi que tolérance, liberté, refus de l’exclusion constituent les seules voies de l’harmonie sociale. Partout dans le monde, la Ménorah de ‘Hanoucca éclaire la nuit. Partout, des représentants des autorités civiles et religieuses, des Juifs et des non-Juifs, se rassemblent dans un esprit de concorde citoyenne pour allumer ces flammes de la liberté sur les places et dans les jardins publics. Au-delà de l’identité culturelle liée à cette célébration, c’est toute la grandeur de la libre fraternité des hommes que l’on met en œuvre ainsi. L fête prend ainsi son second sens : l’accent mis sur cet impératif. Car l’éducation est, à l’évidence, une idée essentielle ; elle permet de créer une société forte, vibrante et créative. Dans nos sociétés complexes, chacun sait que l’éducation est le socle de la liberté individuelle et collective, et la clé d’un avenir meilleur. La lumière de ‘Hanoucca n’est pas une lueur qui monte, elle est ici une balise. ‘Hanoucca célèbre la liberté d’expression, tant au niveau individuel que collectif. Elle démontre la supériorité de la lumière sur l’obscurité, du droit sur la force, de l’espoir sur la peur. Les huit jours de ‘Hanouccah racontent l’histoire d’une petite lumière qui repousse un empire de ténèbres, celle d’une humanité fragile qui défie la terreur et la force brutale, celle de la vie qui l’emporte sur la destruction – ce sont des combats qui existent aujourd’hui en nous, et aussi dans le monde autour de nous. Le message éternel des lumières de la Ménorah a pris un sens particulier dans la période actuelle, alors que les forces de l’oppression et de l’obscurité affirment leur présence. La victoire de la lumière est une histoire pour notre temps. Joyeux ‘Hanoucca !! Le mot ‘Hanouccah s’apparente également dans son étymologie hébraïque, au terme « ‘Hinou’h » qui signifie « éducation ». La Le hasard, c’est bien connu, a un droit de cité très restreint dans la Tradition juive. Chaque fois qu’il pointe son nez dans le récit biblique ou dans l’histoire juive, nos Sages le lestent de divers sens. Et souvent, nombres et chiffres hébraïques de nos Textes nous invitent à porter notre attention par-delà leur compréhension obvie. Il en est ainsi des 8 jours de Hanoucca. Rav YY Matusof Les bougies de Hanoucca : un chiffre 8 qui se retrouve souvent dans la littérature religieuse A PAROLE de nos Maîtres nous qui clôt, au huitième jour, les festivités de apprend que ce fut là, le temps Souccot mais qui ne possède pas moins une nécessaire pour produire une huile identité spécifique dans notre rituel relipure à l’usage exclusif du Temple de Jérusa- gieux. Ce rendez-vous du calendrier draine lem réinvesti par les maccabis. Une huile depuis des lustres plusieurs groupes de pèlevierge que les mains païennes ne devaient rins chrétiens venus en Terre Sainte pas polluer; les légions gréco-assyriennes s’imprégner d’une histoire commune et venant d’être défaites par les irrédentistes humer l’air d’un avenir radieux. juifs en terre d’Israël. La Brit Mila se déroule impérativement le 8e Outre qu’elle alimentait, au sein du Beth jour et peut, avec le seul sauvetage d’une vie, Hamikdach*, les flammes permanentes du transcender et annuler l’extrême rigueur des Candélabre, elle servait égalois du Shabbat. Petite chilement à asperger, avant son La Brit Mila rappelle, rurgie mais démarche entrée en fonction, les chespirituelle majeure. Elle rapveux du Grand-Prêtre ou sur le plan du corps pelle, sur le plan du corps imprégner la tête du roi avant confronté à autrui, la préconfronté à autrui, qu’il n’occupe son trône. Elle sence de Dieu dans l’accès à était réservée également à l’Autre, au-delà de soi-même. la présence de Dieu Acte fondateur pour l’indil’onction du futur Messie dont le nom hébreu ne signividu juif qui signe son dans l’accès à l’Autre adhésion à l’Alliance de ses fie rien d’autre que oint. Huit jours donc qui célèbrent Pères et sa participation à la victoire improbable d’une minorité l’aventure du judaïsme dont le messianisme judéenne sur une soldatesque païenne mili- constitue l’horizon lointain. tairement plus aguerrie. Un chiffre 8 qui, à Les huit jours de Hanoucca ne sont donc diverses reprises, se retrouve dans la littéra- pas simple fête des Lumières marquée par le ture religieuse. Chiffre parfait, dit-on, qui solstice d’hiver ou joyeux rassemblement incarne “le Jour d’après”. Suivant immédia- familial où les cadeaux viennent illuminer le tement le chiffre 7, shabbatique pour le regard des enfants. Rompant avec le quotijudaïsme, il se retrouve paré de significations dien, la prière matinale de ces huit jours voit et véhicule le concept de messianité que le se déployer un Sefer Torah et réciter le peuple juif a proclamé par la voix de ses Hallel*** dans l’enceinte des synagogues. Nos Sages ont décidé très tôt, d’imprimer à Prophètes. A commencer par le samedi soir, fin du cette célébration, une dimension eschatoloshabbat et début du 8ème jour**, le gique; sans compter la thématique prodigieuse de la Lumière, récurrente dans dimanche du lendemain. La liturgie le charge d’une résonance mes- nos Textes avec ses multiples réfractions sianique et ses chants évoquent la belle dans la pensée mystique du judaïsme, Un figure du Prophète Elie qui accompagne le élan qui nous projette sans cesse vers les Messie, annonciateur de Temps Nouveaux. Temps futurs et nous arrache spirituellement Le monde chrétien l’a marqué de son seing à notre monde frappé de finitude. en consacrant ce jour de la semaine comme Jacques ASSERAF avénement du Christ, son messie sauveur. Dans cette perspective, le judaïsme lui prête *Le Temple de Jérusalem une dimension universelle comme prélude à **Dans le calendrier hébraïque, la journée se l’émergence d’une humanité en paix avec comptabilise à partir de la veille au soir. elle-même. Thématique fortement soulignée ***Louange liturgique lors des célébrations de Shémini ‘Atsereth, fête AVIVmag n°203 décembre 2014 9 Enseignement Ces lycéens qui viennent (et reviennent) à Ohr Torah C’est un phénomène assez “tendance” depuis deux années consécutives : le lycée-collège Ohr Torah (ex Ozar Hatorah) voit revenir plusieurs élèves d’autres lycées comme Pierre de Fermat, Montalembert ou Saint-Sernin. Pourquoi ? Qu’est-ce qui les pousse à reprendre le chemin de la rue Jules Dalou ? QUESTIONS-RÉPONSES En fait, tu viens à Ozar parce que tu penses que tu vas « assurer » les meilleurs conditions pour ton Bac ? C’est ce que j’espère en tout cas en venant ici. Ce n’est pas seulement pour le travail mais c’est en fait la majeure partie des raisons pour lesquelle je suis venue. « Chany Arfi C’est ta première année à Ohr Torah ? Chany Arfi : Je voulais être dans un lycée juif et je me sentais mieux à ma place ici. Mes parents ont décidé de me mettre ici et je suis très heureuse. Où as-tu fait ta scolarité depuis la sixième ? A Fermat, au collège puis au lycée, et à partir de la Première, je suis venue à Ozar. Tu veux dire qu’objectivement, les résultats seront meilleurs mais il y a ici une qualité de la scolarité, de la camaraderie ? De la scolarité, de la camaraderie, de l’ambiance. L’ambiance dans un lycée juif et dans un lycée public, ce n’est pas du tout la même. Là, on est dans une ambiance familiale. On est tous comme des frères et sœurs tandis qu’à Fermat, ce n’était pas du tout ça. Est-ce qu’il y a une solidarité entre vous ou est-ce que, quand même, au bout du compte, l’idée qui prévaut, c’est quand même d’avoir son Bac ? Oui, la raison majeure pour laquelle on est ici, c’est pour avoir notre Bac et pour réussir nos études mais malgré tout, on est quand même tous très solidaires. Je sais que si j’ai des difficultés scolaires, il y aura toujours quelqu’un pour m’aider. Tous mes amis seront là. et je me voyais très mal aller manger toute seule à Yechourun à midi ou rester dans ma classe, pas toute seule parce que j’avais d’autres amies mais sans elles, ça aurait été très dur et je ne regrette pas d’être venue ici. Que font tes parents ? Mon père est journaliste et ma mère est pharmacienne. C’est la première fois que tu es scolarisée ici ? C’est la première fois mais mon frère était déjà là. J’ai été au collège de Balma, après je suis allée à Fermat, puis je suis venue ici. Et toi ? Tu te destines à quoi ? Je veux faire médecine. Pédiatrie. En quelques mots, qu’est-ce que tu es venue chercher ici finalement ? Déjà un enseignement juif parce que ça me manquait depuis l’école primaire quand j’étais au Gan Rachi et aussi, réussir et être beaucoup plus encadrée dans mon travail. Parce que je sais que, vraiment, la différence entre Fermat et ici, c’est que le travail est beaucoup plus encadré. Les profs sont derrière nous. Ils essaient de nous suivre au maximum et c’est ça qui est bien. Donc je suis venue chercher ça. Clara Cohen Je m’appelle Clara Cohen, je suis en Terminale S, je viens de Fermat. Qu’est-ce qui t’a motivée pour quitter Fermat et venir ici ? Il y a plusieurs raisons. Déjà je savais que c’était une bonne école et, même si ce n’est pas une raison valable, mes deux meilleures amies qui étaient tout le temps avec moi, sont parties Essayons quand même de comprendre. Fermat, c’est un bon lycée. Les amies, c’est un argument mais sur le plan objectif, n’est- ce pas une manière aussi d’assurer un bon Bac, un bon dossier ? C’est sûr qu’ici, on est plus suivi. A Fermat, on est un numéro, on est 36 par classe donc c’est un peu dur à gérer. En plus, on a beaucoup de travail, on doit tout faire en travail personnel. Alors qu’ici, on est hyper encadré. La plupart des gens qui sont ici ont leur Bac à la fin de l’année et c’est aussi une bonne raison d’être venue ici. Je le vois maintenant que je suis là, les profs ne nous lâchent pas. Comment tu résumerais ça, finalement ? Que j’ai fait le bon choix ! Franchement, ce n’est pas du tout un regret d’être venu ici. Le niveau n’est pas plus dur mais les profs sont plus avec nous. C’est plus dur d’avoir des bonnes notes qu’à Fermat où ils ne nous regar- dent même pas quand on a des mauvaises notes. Ici, c’est vraiment du cas par cas. C’est presque des cours particuliers. Ils nous prennent quand on ne comprend pas. On peut questionner et requestionner plein de fois alors que, dans le public, on est vraiment beaucoup, c’est plus difficile de faire ça. Ça paraît idyllique ! Ça paraît idyllique mais c’est très dur quand même. Les cours, c’est de l’intensif, on a vraiment beaucoup de contrôles, beaucoup de travail. En plus du travail qu’ils nous donnent, on doit fournir un gros travail personnel. Bien sûr que ce n’est pas simple mais après c’est bien ! Quel est ton pronostic pour ton Bac ? Déjà, essayer de l’avoir ! Mais je pense que ça va aller ! A quoi te destines-tu ? A quel métier ? Je ne sais pas encore, j’hésite. Soit je fais un métier d’ingénieur soit… Je n’ai pas encore décidé. Que font tes parents ? Mon père est dentiste et ma mère travaille à l’école de commerce. AVIVmag n°203 décembre 2014 10 AVIVmag n°203 SUITE PAGE SUIVANTE Quitter Fermat pour venir à Ozar, c’est un signe d’excellence pour Ozar ? Oui, je sais qu’ici, on est beaucoup mieux préparé pour le Bac. Je trouve que l’encadrement est important tandis qu’à Fermat, on est plus “en roue libre”. Du coup, pour le travail, Ozar est beaucoup mieux, ce qui n’empêche pas l’excellence de Fermat. 11 Enseignement « Hanna, je crois savoir que tu viens d’un autre lycée. C’est la première fois que tu viens à Ohr Torah ? C’est la première fois que je viens à Ohr Torah. Avant, j’étais au lycée Ozenne, en ville. Qu’est-ce qui a motivé ta venue ici ? Déjà, une préparation au bac beaucoup plus intense que là où j’étais et puis, l’ambiance de mon ancien lycée ne me convenait plus du tout. Je me sentais un peu, non pas exclue, mais différente. Mais, ce n’est que depuis l’année dernière que j’ai eu ce ressenti. Hanna Bensimon Il y a une grosse différence. Oui, déjà ici c’est beaucoup plus petit, beaucoup plus convivial, Des propos antisémites, de qui ? De la part de garçons de ma classe. On peut en parler ? Oui. J’ai eu des «Ça doit puer en Israël avec tous ces Juifs ». Les remarques basiques : «Vous êtes en train d’exterminer un peuple» et c’était tous les jours. C’était lié à Israël ? Sur Israël et sur la Shoah aussi. Des blagues débiles tous les jours. Au début, je ne répondais rien et puis quelques fois, il m’est arrivé, non pas de me battre, mais de répliquer. De répliquer comment ? Avec des coups. Oui ! J’ai donné quelques coups ! Et puis, les trois derniers jours, je ne suis pas allée en cours. Et je me suis inscrite ici. Léa Ben Ephraïm Bonjour, je suis Léa Benephraïm, j’ai dix-sept ans, je suis en Terminale S à Ozar Hatorah et j’étais au lycée Saint-Sernin. En fait, je devais venir directement à Ohr Torah mais au final, je suis allée à Saint-Sernin et en début d’année, je n’ai pas eu de très bons résultats. Et puis j’ai reçu beaucoup de propos antisémites donc c’est pour ça que je suis ici. 12 AVIVmag n°203 l’an dernier, j’étais au Lycée privé Montalembert Les Maristes à Toulouse. On a parlé des motifs personnels, de confort de vie, d’éthique et de judaïsme, mais parlons de ton Bac par exemple ? Par rapport à mon Bac, j’ai passé mon Bac de français au lycée Ozenne et j’ai vu la différence avec mes camarades qui l’ont passé ici. La préparation n’est pas du tout la même, ils sont beaucoup mieux préparés ici. C’est en partie pourquoi je suis venue ici : avoir un Bac et un bon dossier pour plus tard. Tu viens ici un peu pour assurer tes arrières ? Oui, pour assurer le Bac et je ne me voyais pas redoubler dans le lycée où j’étais, où j’ai échoué au Bac. Ma mère m’a dit : Tu vas aller à Fermat ou à Ozar. J’étais pris à Fermat et à Ozar aussi et j’ai dit : Pourquoi pas revenir à Ozar ? Parce que j’étais là aussi en sixième et cinquième. Assurer oui mais il faut travailler quand même ! Je ne viens pas ici et j’aurai le Bac à la sortie. Il faut quand même beaucoup travailler. Et le début d’année a été un peu dur parce que les méthodes de travail, tout ça, je trouve ça très différent de là où j’étais pendant deux ans. J’ai du mal un peu sur ce début d’année mais bon, je commence à “chopper le truc” et ça va aller mieux, je pense. Ici, finalement, tu estimes qu’on se fabrique le meilleur bagage pour le supérieur ? C’est ça exactement, le meilleur bagage professionnel et même au niveau du judaïsme, c’est extraordinaire. C’est vraiment une expérience incroyable, je ne regrette pas du tout d’être venue ici. Ça a été ta volonté de venir vers ce type d’enseignement ? Oui. Mes parents ne m’ont pas forcée. C’était ma volonté et ils ont tout de suite accepté sans problème. Pour les trois-quarts de ta scolarité, tu as connu un enseignement public, traditionnel. Donc il y a une grosse différence ? beaucoup plus familial que là où j’étais. Oui, Et je préfère ici, oui. Il n’y a pas photo ! D’accord. Essayons calmement de faire la liste des raisons qui t’ont conduites ici. Premièrement c’était l’antisémitisme, ça c’est sûr. Et la deuxième, c’est pour mon Bac parce que je n’allais pas l’avoir là-bas. Ici, c’est la meilleure école pour avoir son Bac. Comment ça se fait ? Qui le dit ? On me l’a toujours dit. On m’a toujours ra- Et alors, ton pronostic pour le Bac ? Oui, j’espère avoir le Bac et peut-être une mention ! Je vais viser la mention et j’espère que je l’aurai ! conté comment ça se passait à Ozar. Les cours, le soutien, le suivi des professeurs et donc, je suis venue pour ça et c’est ma troisième semaine. J’adore. Je connaissais presque tout le monde dans ma classe, donc j’ai plein d’amies, ça se passe très bien. Que font tes parents ? Ils sont commerçants. Vous faites du sport de haut niveau je crois ? Ma sœur est boxeuse mais je fais aussi du sport, je cours. J’ai déjà fait un dix kilomètres. Objectif vingt ? Oui ! Quarante-deux. Le marathon. Et le parcours vers les études, c’est un vrai marathon ? Oui, parce que le travail que l’on me demande, ce n’est pas du tout la même chose qu’à St Sernin. Déjà là, je suis submergée ! Tu as envie de faire quoi ? Partir en Israël. Commencer par l’armée et ensuite les études dans une école de musique ou au Conservatoire. En une phrase, l’intérêt de venir ici ? Il y en a plusieurs mais je dirais la solidarité. Lucas Finkeltin Je suis Lucas Finkeltin, j’ai dix-huit ans, je suis en Terminale S, je redouble mon Bac et Je m’appelle Thomas Lendner, je suis en Terminale S à Ohr Torah. Avant, j’ai été au collège ici aussi. Je suis parti en Quatrième dans un autre collège parce qu’il y avait trop de pression. J’ai fait une Seconde, une Première Sau Lycée Pierre de Fermat, mais je suis revenu à Ozar en Terminale pour avoir un Bac, détendu et pas stressé. Alors, en fait, à Ozar Hatorah on est sûr d’avoir le Bac « les doigts dans le nez » ? Non, pas forcément d’avoir le Bac « les doigts dans le nez » mais il y a une ambiance de travail qui est meilleure que dans des classes de quarante, par exemple, à Fermat où on se préoccupe pas forcément de toi. Les profs font leurs cours, si t’as compris : très bien et si tu n’as pas compris : tant pis. Alors qu’ici, c’est différent, les profs sont derrière toi et c’est mieux, il y a une meilleure ambiance. Ça veut dire quoi : les profs sont derrière toi ? Ils ne te lâchent jamais ? Si par exemple, tu as une mauvaise note, ils vont t’envoyer un mail, ils vont te dire : “Qu’est-ce qui se passe ? Toi, on va t’aider à réussir” ; ils sont là pour t’aider jusqu’à ce que tu réussisses, jusqu’au bout. C’est un peu comme les parents, non ? Comment tu trouves l’ambiance ? L’ambiance, je la trouve top ! On se connaît tous depuis très longtemps avec les EI entre autres. L’ambiance de travail est bonne et puis, entre les élèves, ce n’est pas la compétition comme j’ai pu le vivre dans d’autres lycées : “moi je veux réussir en te marchant dessus”, c’est vraiment tous ensemble, il faut avoir le Bac et on s’aide avec les bons élèves, comme les moins bons. Et ce qu’on appelle le « bachotage » ? Le bachotage existe dans cette génération mais entre élèves, on s’aide. Il n’y a pas un premier de classe et la classe derrière qui galère. Même les profs, si tu es en difficulté, justement vontplus te solliciter que si tu es bon alors que, je me rappelle que, l’an dernier, celui qui est bon reste bon et celui qui est mauvais, tant pis pour lui. Et s’il ne suit pas le rythme, tant pis. En fait, il y a une vraie solidarité ? Oui, une vraie solidarité par l’éducation, par plein de choses ! On n’est pas dans le chacun pour soi, j’aurai mon Bac et tant pis si tu l’as pas ! On a envie d’y arriver tous ensemble. Ce n’est pas le choix de la facilité. Et puis, refaire un peu de religion, moi ça m’intéressait. Oui, c’est un peu une sorte de parents. C’est bien de se dire qu’il y a quelqu’un derrière toi pour réussir, c’est bien déjà. Si tu n’avais pas fait un parcours d’étape à Fermat, tu aurais moins apprécié l’enseignement qui est prodigué ici ? Peut-être, oui, parce qu’on ne voit pas l’enseignement dans les autres lycées, dans les autres collèges. Donc on ne peut pas savoir comment ça se passe. On sait qu’il y a plus de monde, que les profs sont un peu moins derrière toi. Et d’avoir changé de lycée et de collège, je vois comment ça évolue dans les autres classes. Non, je préfère ici, il y a une meilleure ambiance et c’est mieux. Le côté « bulle » que certains reprochent, qu’est-ce que tu en penses ? C’est sûr qu’il y a un effet « bulle », il y a un cocon qui est fermé. Même si on a une heure de cours, on doit rester là. On est tout le temps ici, même si on n’a pas cours, on va nous le remplacer par un autre cours. Et on ne voit pas la vie extérieure, , on voit nos potes qui sont ici. On est là ! Et tu en penses quoi ? De venir d’autre part, ça fait comme un petit choc parce qu’il n’y a plus autant de liberté Thomas Lendner qu’avant mais c’est pour nous, c’est pour notre boulot, donc ça va ! Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? Médecine, dentaire. Tu as des frères et sœurs ? Oui, j’ai une grande sœur qui est en deuxième année de dentaire. AVIVmag n°203 décembre 2014 SUITE PAGE SUIVANTE Je m’appelle Hanna Bensimon, je suis en Terminale S à Ozar Hatorah. « SUITE DU DOSSIER Ces lycéens qui viennent (et reviennent) à Ohr Torah 13 Jalons de Bonjour, je m’appelle Milla Roca, je viens du lycée Ozenne. Auparavant, j’étais à Ozar. J’ai donc passé un an à Ozenne et je suis revenue à Ozar. revenue et puis aussi parce que l’année prochaine, je voudrais partir en Israël, à Mikvé Israël (et que je pense que c’est mieux pour mon dossier qu’il y ait marqué Ozar Hatorah que Ozenne !). « C’est assez étonnant comme itinéraire. Comment se fait-il d’abord que tu aies quitté Ozar ? (Il faut aussi dire aussi les choses désagréables) et comment se fait-il que tu sois revenue ? J’ai quitté Ozar parce que ça faisait trois ans que j’y étais. On est un petit comité dans ce lycée, je m’étais lassée, je voulais un peu découvrir le monde… Et comme j’envisageais de faire des études de médecine et que je sais qu’à la Fac de médecine, il y a beaucoup de monde, que c’est chacun pour soi … et que par ailleurs, Ozar, c’est vraiment familial… Je voulais m’évader pour pouvoir m’habituer. C’était quitter Ozar pour quelque chose de plus grand, de plus large ? Oui, et après je suis allée à Ozenne. A Ozenne, on était trop nombreux en classe. Ce n’était pas possible de suivre. Les profs sont beaucoup moins proches de nous. Et le Et si tu devais résumer en quelques mots le motif de ton retour vers Ohr Torah, c’est pour assurer ton Bac ? Pour un meilleur niveau. C’est le meilleur endroit pour pouvoir travailler, autant en classe qu’avec les profs, qu’avec les élèves. Même le soir maintenant, je vais à l’étude parce qu’à Ozar, maintenant, ils nous permettent d’aller à l’étude, même les externes. J’ai demandé à Madame Bornes, elle m’a permis d’y aller. Voilà, du coup, je peux mieux travailler. Milla Roca confort d’Ozar par rapport à l’éducation, au niveau scolaire, ça me manquait, donc je suis Non, j’ai fait ma scolarité à Ozar de la Sixième à la Troisième et après, je suis partie en Seconde et Première à Fermat et je suis revenue en Terminale. Stella Kelif je m’appelle Stella Kefif, j’ai dix-sept ans, je suis en Terminale S à Ozar Hatorah et l’année prochaine, j’aimerais faire mon année en Israël pour pouvoir faire des études soit de médecine soit ingénieur en relation avec la médecine. C’est la première fois que tu viens à Ozar ? 14 AVIVmag n°203 On dit de Fermat que c’est un lycée d’excellence. Qu’est-ce qui a motivé pour revenir à Ohr Torah ? Déjà, si j’ai quitté Ozar, c’était pour voir un peu autre chose parce que, depuis petite, j’ai fait le Gan Rachi, enfain j’étais toujours dans une école privée. Donc je voulais voir un peu autre chose … Et comme c’était un lycée qui avait une bonne réputation et que j’ai été prise, alors j’y suis allée. Sauf que l’ambiance chaleureuse, le fait d’être soudés entre nous, cette ambiance d’être entre Juifs, de pouvoir parler de tout, de se comprendre, ça me manquait beaucoup et à chaque fois que je venais à Ozar voir mes amis, j’avais toujours cette nostalgie de revenir. Et en même temps, je savais que Fermat était un bon lycée mais après, il y avait cette mentalité que je n’aimais pas, de penser chacun pour soi. Moi, j’ai été habituée à être toujours soudés, à s’aider les uns les autres. Tu penses que cette mentalité, on ne la trouve nulle part ailleurs en fait ? Oui, c’est sûr ! Ohr Torah, c’est un peu la famille, on grandit tous ensemble. On évolue. Si Donc finalement, ton incursion vers d’autres lycées t’a permis d’apprécier… ? … La qualité du travail à Ozar. Quand je suis partie d’Ozar, je ne me rendais pas compte de ce que je perdais et quand j’étais à Ozenne, je me suis rendue compte de ce que j’avais perdu donc je suis revenue ! quelqu’un a des difficultés, on reste le soir, on s’aide. Même avec les profs, il y a une relation particulière. Ça m’a permis de voir autre chose à Fermat, de voir que les profs, il n’y a qu’à Ozar qu’ils sont derrière nous, qu’ils nous aident. Par exemple, en cours, si on n’arrive pas à suivre, la prof s’arrête, elle attend qu’on finisse de recopier le cours pour enchaîner sur la suite. Alors qu’à Fermat, c’était : «Débrouille-toi !» Si tu n’y arrives pas, tant pis ! On peut poser des questions mais à Ozar, ils prennent le temps de nous expliquer. Si on ne comprend pas, ils peuvent vous réexpliquer plusieurs fois et là, c’est vraiment une relation particulière et il n’y a qu’à Ozar qu’il y a ça. Comment résumer ce qui t’a fait revenir ici ? Déjà, l’envie de réussir et d’être poussée à aller jusqu’au bout, de se donner les moyens et l’ambiance. Oui, les profs font toujours en sorte que l’on réussisse. Si un élève ne réussit pas à Ozar, c’est vraiment particulier, parce qu’à Ozar, on est vraiment poussé à donner le meilleur de nous-même. Que font tes parents ? Mon père tient une société de distribution automatique et ma mère est secrétaire d’un expert-comptable. la communauté Et si la musique était consubstantielle au Judaïsme ? ENTRETIEN avec le Rabbin de Toulouse, Avraham Harold Weill La liturgie est omniprésente dans la culture juive, quelle est la place de la musique et du chant dans la liturgie ? D’où vient-elle ? AW : Le chant et la musique occupent une place prépondérante dans le judaïsme. La source est dans le texte même de la Torah. On peut citer en exemple un verset de la Paracha de Kitavo, « les malédictions s’abattront sur le peuple juif parce qu’il n’a pas servi Hachem dans la joie et avec un bon cœur». Et le Talmud attribue cette référence au chant. L’une des fautes qui pourrait être imputées au peuple juif serait donc de ne pas mettre assez de cœur à l’ouvrage, de ne pas être capable de profiter des moments de chant et de musique comme il devrait le faire. Toujours et partout, les moments de la vie religieuse, cultuelle, de la vie juive ont été accompagnés de musique et de chant. Pour le service qui se faisait à l’intérieur du Temple de Jérusalem, les Léviim accompagnaient les Cohanim en chantant et en jouant de la musique : un minimum de 16 instruments de musique – pas moins, selon le Rambam Maïmonide, tels que la harpe, la flûte, le violon, la trompette - intervenaient. On peut souligner le rapport que les prophètes, à la fois enseignants et maîtres à penser du peuple juif, avaient à la musique. Toujours selon le Rambam Maïmonide, ils ne pouvaient prophétiser que dans la joie qui se traduisait par la musique et avaient avec eux un certain nombre d’instruments qui leur permettait d’atteindre une joie intérieure profonde et une grande paisibilité, propices à prophétiser. Dans les écoles talmudiques de prophétie, les élèves apprenaient aussi la musique, indispensable pour devenir un bon prophète. Qu’en est-il du Roi David dont les Téhilim font la renommée et la lyre le symbole ? Les Téhilim sont un très bon exemple de la place de la musique dans la Torah. Il est fait référence à la musique tout au long de ces psaumes. Ils étaient déjà chantés et accompagnés de musique par le Roi David. Il encourage le peuple à rendre hommage à D. par les chants et par la musique. Certains des psaumes ne sont consacrés qu’à la musique, comme le dernier, celui qui donne le ton et imprègne le lecteur. Le Chofar est-il considéré comme un instrument de musique ? Quelle est sa place ? Le rôle du Chofar n’est pas d’être un instrument de musique ; on l’utilise en temps de guerre, en temps de jeûne. A Roch Hachana, par exemple, les sons saccadés font référence aux pleurs de l’Homme. On peut considérer qu’il s’agit d’une forme de musique, qui exprime des sentiments. La musique est aussi là pour permettre à l’Homme de renouer avec des sentiments qui sont enfouis chez lui et retrouver une certaine forme de profondeur. Nous avons évoqué la musique instrumentale, mais ce qui marque la liturgie juive est le chant chanter de façon plus collective. Dans la culture ashkénaze, on connaît plus la tradition du chantre, du ténor. Dans les offices ashkénazes, beaucoup plus de parties sont chantées uniquement par le Hazan, et certains morceaux vont être repris par l’assemblée des fidèles. En revanche, pour la lecture spécifique de la Torah, qui là nécessiterait un ouvrage entier, il y a une importance capitale de lire et respecter, quelque soit la culture ou la latitude, les signes de cantillation. Pour les autres parties de la Téfila, il n’y a pas réellement de règles officielles, mais plutôt des influences culturelles qui sont venues enrichir ce patrimoine. Les parties chantées à l’unisson, par le hazan ou le rabbin sont issues d’éléments qui se sont construits au fil du temps, selon la culture des pays dans lesquels les communautés ont grandi. Peut-être avec quelques exceptions, comme la Chira, ce chant que les Bné Israël ont chanté en traversant la mer rouge et que l’on chante tous les jours dans la Téfila du matin, que l’on a envie de chanter spontanément. Dans le Chéma chanté collectivement, deux passages bien définis sont silencieux ? Pourquoi ? Le Chéma n’échappe pas aux traditions évoquées précédemment. Dans les communautés ashkénazes il n’est pas lu à voix haute. Chez les Sépharades, il sera chanté, mais plus par tradition culturelle que cultuelle. Le passage dans le second chapitre est récité à voix basse car il évoque les malédictions, c’est pour ne pas leur donner d’importance. synagogal, qu’il soit chanté par le Hazan ou le Rabbin, qu’il soit collectif ou que la prière soit silencieuse. Comment est construite cette liturgie, qu’est ce qui la caractérise ? Il n’y a pas toujours de règles, beaucoup d’éléments sont arrivés de manière tardive, et des différences sont à relever entre les cultures ashkénazes et sépharades. On note une part plus prégnante du culturel que du cultuel. Les juifs sépharades, d’Afrique du Nord, baignaient dans des cultures où la musique et le chant étaient très présents, où par exemple l’influence de la musique orientale a incité à Et la Amida ? C’est moment de dialogue et d’intimité avec D. dans toute la prière. Dans ce moment là, on ne doit pas dire à voix haute tout ce que l’on est en train d’adresser à D. Chacun va le dire avec sa ferveur, avec son cœur. Il est donc fondamental de conserver ce moment d’intimité durant toute la prière. On va répéter la Amida à voix haute en revanche pour faire bénéficier de ce moment les fidèles qui ne peuvent la lire par eux-mêmes. Le secret et l’intimité ne se révèlent pas aux autres ! Suite page suivante > AVIVmag n°203 décembre 2014 SUITE PAGE SUIVANTE SUITE DU DOSSIER Enseignement 15 Jalons de la communauté FOCUS SUR LA MUSIQUE KLEZMER, ÉCOUTER DES PATRIMOINE MONDIAL DE LA MUSIQUE ET DE LA CULTURE JUIVE PIYOUTIM SUR VOTRE Les Zémirot de Chabbat sont-elles des chants ? Des prières ? AW : Elles sont entre les deux. Elles ne sont pas incorporées au corpus de Téfila à proprement parler. On ne peut considérer que quelqu’un qui ne lit pas les Zémirot de Chabbat ait manqué à son devoir de prière. Mais ce n’est pas simplement un folklore. Beaucoup de celles-ci ont été rédigées au cours du Moyen-Âge, elles ont été écrites par de grands sages versés dans la Kabale. Elles renferment des secrets extrêmement importants, dont nous ne sommes pas toujours capable de prendre la mesure. Il y a évidemment une dimension cultuelle très forte dans ces Zémirot ! Pour finir ? La musique est réellement centrale dans le judaïsme, elle a des implications dans la Alaha ; on le voit par les périodes d’interdiction de pratiquer ou d’écouter la musique comme les trois semaines de deuil entre le jeûne du 17 tamouz et du 9 av, pendant la période du Omer. Certains hassidim tiennent encore la règle de ne pas faire de musique à Jérusalem depuis la destruction du Temple. Il y a un impact très grand entre la joie qu’est censée représenter la musique et la Alaha. Propos recueillis par Yaël Rueff-Salama 16 AVIVmag n°203 Petites et grandes musiques Autour de la liturgie, les Piyoutim régions. Le style le plus répandu est celui de la culture Judéo Arabe venant du Maghreb. Comme chaque prière et louange est adressée au Tout Puissant, un des premiers piyout fut celui chanté par les hébreux au cours de la sortie d’Egypte « la Chira » en traversant la mer rouge. Le chant apparaît donc intrinsèquement lié à la prière à la vie divine et à la relation au Créateur. Notre modèle d’étude et de prière qu’était le Roi David exprimait toute sa parole en chant. Ce sont les Psaumes (Téhilim) qui rassemblent toute l’activité humaine, tous les sentiments, toute l’explication de la Torah, pour en faire un grand chant. Michel Sardou, Pierre Delanoë Les signes ajoutés à chaque mot des Parachiot, ou tahamim, (Le Pentateuque) ont une consonance musicale, ce qui rend la lecture du texte plus agréable et lui donne du sens. Chaar Arahamim Le piyout chanté à l’ouverture de l’arche sainte, à Roch-Hodesh Lemivtsa al Rivta Il se chante à table, le chabbat midi ou soir après le kiddouch et avant le Motsi Enfin, plus que tout, le Chir ha Chirim, le Cantique des Cantiques, composé par le Roi Salomon est en ce sens toute la Torah et tout l’amour du Créateur pour la création exprimés sous forme de chant. Un grand nombre de « Piyoutim » sont chantés en honneur du Chabbat. A chaque évènement : « naissance, Brit Mila , Bar et Bat Mitsva, Mariage et en général pour toutes circonstances heureuses, il était de tradition de chanter des passages de la Torah que des grands cantors ont mis en musique. En Algérie, au Maroc et en Tunisie, il y avait dans chaque Synagogue le Hazan qui conduisait les offices du Chabbat et des Jours de fêtes et un « Païtan’e » celui qui chantait les Piyotims avec sa belle voix en l’honneur de celui qui était appelé à la Torah. Tout autant, dans les pays de l’Europe de l’Est, au cours des offices religieux, il devait sûrement y avoir des fidèles possédant de belles voix qui entonnaient pour les mêmes événements heureux les mêmes passages de la Torah sur une musique « Klezmer » . Kedouchat Chabbat Le piyout de la Haftarah, il accompagne la montée de celui qui va la lire et qui monte le 7e à la téba. “On ne parle à Jéhovah, à Jupiter à Bouddha qu’en chantant”. SUITE PAGE SUIVANTE T OUTE la liturgie juive est basée sur la prière et, suivant les communautés, se chante dans le style des Norbert Halimi, un fidèle de la synagogue Palaprat de Toulouse, qui aime et connait la liturgie traditionnelle Chir Hakavod Le piyout de la fin de la téfila, après Alénou Lechabear, souvent chanté par un enfant Une association pour la promotion cantoriale et la formation des Hazanim a été créée par le grand Cantor Raphael Cohen . Même pour des circonstances plus douloureuses, il est de coutume de lire les Téhilim (Psaumes) en entonnant chaque verset avec une belle voix. Cela aide certainement à soulager la douleur de ceux qui sont touchés par le deuil. Norbert Halimi Elle est le reflet des communautés juives d’Europe de l’Est, à la fois mélancolique et festive ENTRETIEN AVEC UN SÉPHARADE SENSIBLE à CES SONORITÉS : DAVID AMSELLEM, à LA TêTE D’UN GROUPE D’ANIMATION ÉVèNEMENTIELLE KLEZMER. ENTRETIEN avec David Amsellem D’où vient la musique Klezmer ? “Le mot klezmer vient de l'association des mots hébreux klej et zemer, «instrument de musique». Le klezmer est une tradition musicale des Juifs ashkénazes qui s’est développée à partir du XVe siècle. C’est donc avant tout une musique instrumentale. Les klezmorim étaient principalement des musiciens itinérants, qui ont participé aux mouvements migratoires des juifs d’Europe. Ils se sont nourris des musiques des pays qu’ils traversaient et se sont appropriés les folklores riches de ces régions. C'est en partie grâce au hassidisme qui exprime par des chants et danses, la joie de vivre et l'amour de D.ieu, que la musique klezmer sera le plus fermement soutenue. Les thèmes des chansons font référence à la vie communautaire juive, le Shabbat et les fêtes y sont des thèmes inépuisables, les rabbins des personnages récurrents. Les éléments de la vie quotidiennes sont très présents, sans oublier bien entendu les membres de la famille. Qui ne connaît « Yiddish Mame » ! Quels sont les instruments typiques de cette musique ? Les lois interdisaient souvent aux klezmorim les instruments forts tels les cuivres et les percussions pour ne pas incommoder leurs voisins. Ils étaient des musiciens pauvres et itinérants allant de village en village, ils n'utilisaient pas d'instruments chers et lourds comme le piano. Ils privilégiaient donc des instruments facilement transportables comme le violon, l’accordéon, la trompette, la clarinette, la guitare, la flûte, la contrebasse ou encore le tsimbl, ou cymbalum, qui est un instrument très ancien. piration dans les cultures qui les entourent. D’influences russes, yiddish, de jazz manouche, etc… elle est le résultat d’un métissage, que l’on n’hésite pas aujourd’hui à mixer avec de la musique électronique actuelle pour créer de nouveaux morceaux et moderniser cette part du patrimoine. Par exemple aux États-Unis la musique klezmer a intégré des éléments du jazz puis des musiques actuelles - folk, rock, électro, hip-hop tout en faisant un retour aux sources dans la vieille Europe. C’est une musique vivante, en constante évolution qui se nourrit constamment de la culture du lieu et de l’époque. Vous dirigez un groupe de musique klezmer, vous animez les évènements familiaux mariages, bar mitzva etc…, quel est le public que vous touchez ? Nos mariages, et toutes nos fêtes, sont très festifs et demandent pour la plupart des musiques actuelles, variétés françaises, internationales, et des musiques israéliennes. En revanche, nos clients nous sollicitent pour le klezmer, aussi bien pour animer les cocktails, faire plaisir aux grands-parents et aux familles que pour faire danser. Le klezmer porte un héritage important, on va y retrouver des thèmes musicaux qui vont réveillent les souvenirs chez le public, et rappeler une partie de l’histoire du peuple juif. Les demandes viennent de préférence de familles ashkénazes. Mais, on enregistre de plus en plus des demandes d’un public plus large, parce que cette musique appartient au patrimoine du judaïsme mondial. Elle est sans doute un des grands symboles de la culture juive.” « Si on devait résumer la cantillation en quelques lignes ? Les harmoniques qui correspondent à chaque verset de la Torah viennent raconter l’Histoire. Ce ne sont pas de simples rajouts pour rendre la lecture de la Torah plus belle, mais il y a quelque chose de très profond dans cette cantillation. Je veux citer ici le Gaon de Vilna, un des plus grands maîtres du second millénaire, qui a vécu au XVIIIe siècle. Il explique que si on avait une capacité à comprendre exactement quel est le sens du chant et quel est le sens des signes de cantillation, on pourrait comprendre tous les secrets de la Torah. Il disait même que si quelqu’un maîtrisait parfaitement les secrets de la musique et des signes de cantillation, il aurait même la possibilité de parvenir à la résurrection des morts. Il s’est beaucoup intéressé à la cantillation et à l’interprétation de cette cantillation, et il démontre qu’à la manière d’insister sur certains mots, on peut apprendre des choses extraordinaires sur le sens du texte et sur le sens des passages de la Torah. C’est aussi perceptible sur les noms qui ont été donnés à ces signes de cantillation, qui donne des indications sur le sens à donner aux mots. C’est très subtil et très mystique ! SMARTPHONE Propos recueillis par Yaël Rueff-Salama Chir Hamahalot Chanté juste à la fin de la Havdala le samedi soir, c’est en fait le psaume 128 des Téhélim Merci au rabbin Weill ! Comment peut-on qualifier la musique Klezmer, est-elle culturelle ou cultuelle ? Avant tout c’est une musique culturelle. Les musiciens reprennent les morceaux issus de la tradition orale inspirée des musiciens tziganes, moldaves, ukrainiens, etc… Cette « musique de musiciens » qui trouve son ins- Retrouvez des extraits sur http://www.swing-klezmer.fr AVIVmag n°203 17 Jalons de Petites et grandes musiques Petites et grandes musiques pour faire la fête pour faire la fête Entretien avec David Benchimol, animateur Commercial dans le Mobilier Professionnel, DJ Animateur d’évènements privé depuis plus de 15 ans, ancien Responsable Technique de Radio Kol Aviv pendant 10 ans, David Benchimol est aujourd’hui membre du comité Tsedaka et du comité technique de RKA autour de Gérald Benarrous, il connaît bien le milieu musical et les attentes des auditeurs et des publics. Il connaît aussi sur le bout des doigts le public toulousain ; là encore la musique touche à la sensibilité, à la transmission et à l’intime. Il raconte. “J’ai pendant longtemps fait les programmations musicales sur Radio Kol Aviv. Il faut savoir que nous devons nous conformer à un format indiqué par la SACEM, le -4-3-3; c’est-à-dire que sur 10 chansons nous devons prévoir quatre chansons en rapport avec la thématique de l’antenne, trois chansons françaises et trois variétés internationales dont une partie allouée aux nouveautés et aux nouveaux artistes. Le choix de la 18 AVIVmag n°203 la communauté programmation propre à la thématique de RKA est un « savant mélange » entre les musiques israéliennes contemporaines et des artistes plus « classiques », comme le grand Enrico Macias pour ne citer que lui, parrain de la Tsédaka 2014, que je qualifie de chanteur de musique judéoarabo-andalouse. Il fait partie de ces génies qui ont écrit des chansons devenues des références, des repères musicaux, des incontournables, chantées en français ou en arabe. Notre communauté est en majorité sépharade, donc le fonds culturel et identitaire est là. Si on ne doit prendre qu’un seul exemple de cette journée de la Tsédaka, pendant le concert, tout le monde s’est levé et a chanté avec lui à partir du moment où il a commencé à entonner une vieille chanson constantinoise, chantée en arabe !! C’était extraordinaire de voir le public de la Halle aux Grains comme cela. Par ces références, on touche là au cœur de l’intimité familiale, de l’identité transmise par nos parents et grands-parents qui ont fait « le boulot ». Par ailleurs, je n’anime pas une soirée sans programmer de la musique orientale. Le Henné, le mariage oriental est un très bon exemple de cette identité culturelle qui fait partie de notre vie juive. Cette tradition est empruntée aux coutumes d’Afrique du Nord, que nos familles ont conservé malgré leur départ. Aujourd’hui dans tous les mariages que j’anime, même chez les ashkénazes, il y a un Henné et avec lui des musiques orientales « typiques ». Même les jeunes générations y sont très sensibles. C’est là la force de la diaspora, nous avons cette capacité à nous adapter à notre environnement culturel et à vouloir quand même perpétuer nos traditions évènementielles. Enfin, je voudrais préciser que depuis vingt ans que je travaille dans ce milieu, le rapport à Israël a changé et a évolué. Il s’est concentré et recentré. L’actualité du peuple juif et notre attachement à ce pays sont tels qu’on ne conçoit pas de ne pas y faire référence à chacune de nos manifestations et de façon toujours plus intense”. Propos recueillis par Yaël Rueff-Salama Entretien avec Philippe Guedj, animateur La musique est au cœur de nos évènements familiaux, au cœur de nos festivités, entretien avec Philippe Guedj, qui depuis 15 ans anime avec son groupe VOGUE LIVE BAND de nombreuses soirées. Piqué par le virus de la musique depuis son plus jeune âge, il consacre sa carrière et sa vie à nous faire découvrir les différents univers musicaux et partager sa passion au fil de tous nos évènements. Vous avez un groupe d’animation musicale depuis des années, quels sont les différents types de manifestations que l’on vous demande d’animer ? J’ai commencé dans la communauté par animer des fêtes familiales mariages, bar mitsvoth, bat mitsvoth. Depuis nous nous sommes développé, j’exerce aujourd’hui cette activité au delà des frontières toulousaines, à 90% pour des évènements de vie juive. Nous assurons également des manifestations corporate et dans l’évènementiel. Quelles sont les attentes de ces publics ? Qu’attendent-ils de ces évènements? Les familles qui nous sollicitent recherchent toutes le côté festif que l’on connaît si bien et qui nous est cher. Quelles que soient les générations, les gens cherchent à retrouver une part d’eux-mêmes dans la programmation musicale. Nos aînés et parents demandent à entendre et à pouvoir danser sur ce que j’appelle les « classiques ». On va alors programmer des musiques israéloorientales et hassidiques, très festives et très dansantes. Pour satisfaire tout le monde, nous allons programmer de la variété française, européenne, internationale, mais aussi bien entendu des musiques plus proches de nos traditions et de notre culture comme Enrico Macias, ou des classiques israéliens Sarid Hadad, Schlomi Chabbat ou Eyal Golan. Les plus jeunes quant à eux vont attendre le dernier tube à la mode qui passe sur toutes les ondes radio à Tel Aviv. Ils donnent et se donnent, par leur engouement, un peu le sentiment d’y être ! Comment analysez-vous ce rapport à la musique ? PG : A travers ce type d’évènement, de programmation musicale mêlés à la volonté de vivre des moments festifs, heureux et joyeux, je pense qu’on cherche à affirmer une identité juive particulière. Le rapport que nous avons à la musique traditionnelle renvoie certainement aux racines de chacun (ashkénazes, sépharades). Notre approche de la musique a une très forte connotation culturelle, certainement lié à notre histoire. Les instruments sont faciles à transporter, les voix toujours sur soi, c’est à la fois un souffle de vie et une part d’histoire. C’est une grande part de l’identité du peuple juif. D’ailleurs, nous avons un rapport émotionnel toujours très fort. J’observe souvent dans l’assistance des musiciens, chanteurs qui prennent plaisir à participer. La musique est porteuse d’émotion, d’émotion intime, elle est vecteur d’amour et d’humanité. C’est certainement, et je l’espère, un signe d’espoir ! Vous trouverez toute l’actualité de VOGUE LIVE BAND sur le site : www.vogueliveband.com mandes de non juifs pour des évènements du type des nôtres ? Oui, de plus en plus on nous demande d’animer des mariages non juifs. Les personnes formulent des demandes spécifiques de Horoth et autres musiques juives pour animer et faire danser leurs invités à leur festivité… C’est peut-être là encore un message d’espoir et une image du peuple juif positive qui montre son rapport à la vie et à l’amour. l’échelle internationale, ayant comme public pour 90 % des festivités judaïques. Observezvous les mêmes comportements, les mêmes attentes, les mêmes envies musicales dans le rapport à la musique juive quelques soient les latitudes ? Oui, quelques soient les latitudes. C’est certainement inscrit quelque part dans nos gênes ! Propos recueillis par Yaël Rueff-Salama Vous avez commencé votre activité avec le public toulousain, vous rayonnez aujourd’hui à Ce côté festif est toujours perçu comme très attrayant, enregistrez-vous des de- AVIVmag n°203 décembre 2014 19 Disparition Jean-Pierre Bloch Jean-Pierre Bloch Un grand bâtisseur des institutions toulousaines Un visionnaire de talent, efficace et modeste Ce qu’il reste d’une vie et d’un parcours exceptionnels Hervé Lieberfreund parle de Jean-Pierre Bloch J concessions à perpétuité sera suivi quelques années plus tard d’une autre idée généreuse et inspirée, celle de créer, grâce à ces nouveaux revenus mortuaires, une maison de retraite juive, sur le modèle de l’Hospice Elisa qu’il avait connu à Strasbourg. La maison de retraite “Les Jardins de Rambam” verra donc le jour grâce à lui à Saint-Orens de Gameville, construite sur le terrain acheté aux enchères à la barre du Tribunal. EAN-PIERRE BLOCH est universellement connu dans la communauté de Toulouse et bien au delà. Et pourtant il a toujours été un homme discret. Discret mais efficace, comme peuvent l’être tous ceux qui savent que les actions et les entreprises ne valent que lorsqu’elles sont accomplies. Pas besoin d’en parler avant, inutile de les commenter après. Originaire de Strasbourg, Jean-Pierre est un Alsacien de Toulouse. Arrivé ici en 1939, 15 jours avant la déclaration de guerre, il a connu les moments les plus difficiles qu’un jeune homme puisse affronter et qu’il résumait avec son humour dévastateur avec cette formule : « En ce temps-là on bloquait les comptes et comptait les Bloch ». Les embauches compliquées, les changements d’identité, les difficultés surmontées pour faire vivre sa famille, les risques d’arrestation, avec jusqu’à 28 personnes hébergées sur des matelas dans l’appartement familial de la rue de la Pomme, les échappées par l’escalier de service, et les multiples changements de nom pour échapper aux 20 AVIV mag n°201 Jean-Pierre Bloch en compagnie d’Elie Wiesel à Toulouse, lors d'une cérémonie du Souvenir. nazis… Puis le maquis, dans l’Ariège, jusqu’à la Libération. Le temps de se refaire une santé, puis de se faire une place au soleil, Jean-Pierre Bloch a l’esprit imaginatif et généreux. Il saisit l’occasion, en 1960, d’une compensation dûe par l’Allemagne pour l’inhumation des victimes juives détenues dans les camps d’internement et mortes de faim, de froid, d’épidémies et de mauvais traitements, pour acquérir des terrains sur la commune de Portet-surGaronne, et y créer un cimetière pour la communauté juive de Toulouse. Pour ce faire, il initie la Hevra Kadisha de Toulouse, la Confrérie des Derniers Devoirs, avec le concours d’une poignée de membres fondateurs qui ont pour noms : Ephraïm Rozen, Prosper Nakache, Jules Kaufmann, Raymond Dreyfuss, Jean Wildenstein, Emile Sebban, Jacques Merdekra, Samuel De Calo, Grinfeld… Ce coup de maître qui gratifie la communauté d’un lieu de sépulture avec des Résumés en quelques lignes aujourd’hui, ces projets ont la simplicité des institutions établies, mais je vous laisse imaginer les efforts de persuasion, l’audace énergique déployée, les amitiés nécessaires et les risques entrepris pour les mener à bien. Car Jean-Pierre Bloch, aidé et soutenu toujours par son épouse Aline, avait la foi chevillée au corps, celle des véritables croyants, celle de ceux qui font confiance à leurs idée, à leur volonté ; “bien faire et laisser dire”, se plaisait-il à rappeler, lui qui aimait et partageait les aphorismes. C’est bien grâce à l’inspiration et l’opiniatreté conjuguées qui le caractérisent que toutes ces réalisations vitales pour la collectivité juive de Toulouse existent et perdurent aujourd’hui. Que dire aujourd’hui de cet homme discret et somme toute assez mystérieux ? Qu’on ne peut que mettre chapeau bas devant sa vision, sa clairvoyance, sa détermination, son charisme aussi, et finalement devant toute sa vie. Et faire le constat d’un signe assez édifiant, qui n’est sans doute pas un hasard : nous avons inhumé Jean-Pierre Bloch, l’homme du dialogue et de la solidarité, le dimanche 16 novembre, le jour de la Tsedaka de Toulouse. Pierre Lasry Tout le monde a connu son sens du devoir, sa rigueur, sa modestie face à l’œuvre accomplie et peu peuvent se prévaloir d’une reconnaissance de la société par la légion d’honneur dont il a été fait chevalier. Voici le discours prononcé lors de l’inhumation de Jean-Pierre Bloch, par Hervé Lieberfreund, son ami fidèle et son successeur à la tête de la Hevra Kadicha de Et cette attitude, sans compromis ni compromission, ne lui a pas valu que des amitiés ! Toulouse Il a réussi là où d’autres ont échoué en assurant la poursuite de ses œuvres. Messieurs les rabbins, Messieurs les présidents d’associations, Monsieur le représentant du préfet, Bernard, Caroline et leur famille, Mesdames et Messieurs, Je voudrais dans un premier temps adresser aux enfants de notre ami Jean-Pierre Bloch, Bernard et Caroline, toutes nos condoléances, au nom de la Hevra Kadicha et en mon nom propre. Je m’associe à leur peine et voudrais les féliciter pour l’énergie et la patience qu’ils ont démontrées pour s’occuper de leurs parents : d’abord leur maman Aline que nous avons bien connue, et leur papa Jean Pierre qui vient de nous quitter. Malgré le handicap de la distance, la Suisse pour Bernard et Israël pour Caroline, ils ont réussi à être présents dans l’accompagnement jusqu’au bout, de leurs parents. Baroukh Dayan Haémet. On dira des grands hommes qu’ils ont marqué leur temps. Le président JeanPierre Bloch était de ceux-là, d’une efficacité et d’un dévouement remarquables. D’aucuns se souviendront qu’il a été à l’origine des cimetières israélites de Portet, pour la communauté juive de Toulouse, d’autres de la rue Francisque Sarcey où l’école Gan Rachi a siégé à ses débuts, d’autres encore du Mikvé, d’autres de la maison de retraite Rambam pérennisée par la Fondation, d’autres du don d’une ambulance équipée pour le Magen David Jean-Pierre Bloch a été fait il y a quelques années Chevalier de la Légion d’Honneur Adom, d’autres de la Hevra Kadicha, confrérie des derniers devoirs, qu’il a créée et présidée d’une main de maître pendant plus de 40 ans, et avec une rigueur incomparable. D’autres enfin de la loge Maïmonide du Bnei Brit, dont il était président fondateur. Et j’en oublie certainement ! Je voudrais juste évoquer son talent de visionnaire ; il avait fait acquérir le château de Saint-Orens par la Hevra Kadicha, et il y a 22 ans, en sortant d’une consultation de sa maman Sophie, il me demandait au point de vue médical, si une maison de retraite juive se justifiait à Toulouse pour notre communauté. Je lui disiais “bien sûr, mais c’est trop compliqué !” et il me répondit : “ ce n’est pas ce que je te demande ! L’administratif je m’en charge, je veux juste ton avis, le reste c’est mon problème !” Et après deux ans de travail collégial, c’était réalisé ! Il était comme cela ! Cependant, ami de la famille Bloch depuis plusieurs générations, je suis bien et mal placé pour rapporter que derrière cette carapace, se cachait un homme d’une sensibilité peu commune, commissaire priseur et expert en tableaux mais surtout très attentif à tous les évènements communautaires et extra communautaires et d’un altruisme inégalé, reconnaissable par son béret basque, très attaché aux valeurs anciennes ; d’une ponctualité proverbiale, il est aujourd’hui au rendez-vous avec l’Histoire. Avec la perte du président JP Bloch, nous perdons non seulement un grand homme mais aussi un grand ami. Paraphrasant le président Clinton, en hommage au 1er ministre le général Rabin, je dirais et conclurais : Shalom Haver, Adieu l’Ami. Hervé Lieberfreund AVIVmag n°203 décembre 2014 21 Mémoire LE RÉCÉBEDOU, 1942 - 2014 Jean Bloch, 15 ans, collégien La marche de la mémoire enlevé au collège à Toulouse, déporté et assassiné Du 3 mars 1944 au 17 avril 1945, le calvaire de Jean Bloch, enlevé au collège Pierre de Fermat par les nazis core le lycée de garçons. Mais le 3 mars 1944, il est appelé au secrétariat de l'établissement où il se rend sans se méfier. Il ne reviendra pas. Grâce au récit de son cousin Maurice Karsenty, (ci-dessous à gauche), on sait alors le calvaire qu'il va connaître jusqu'à sa mort. Gérard Follus a évoqué «une montée de l'antisémitisme beaucoup plus forte qu'on ne pense. Une parole libérée intolérable lorsqu'on se souvient des six millions de vies broyées par la Shoah». Des propos repris par Nicole Yardeni, présidente du Crif qui a mis en garde contre «les habits neufs de l'antisémitisme». Une cérémonie et une plaque à la mémoire d’un collégien enlevé en pleine classe par les nazis en 1944 Encore une plaque à l’actif de Rachel Roizes, fondatrice et présidence de l’association MEJD (Mémoire des Enfants Juifs Déportés, qui combat sans relâche pour tirer de l’oubli et graver les noms de ces enfants martyrs sur les lieux où ils vécurent. Ci-dessous, Rachel à droite, aux côtés de Madame Lombardo, principale du Collège Pierre de Fermat Jean Bloch avant sa déportation en 1944 75 000 Juifs dont 11 400 enfants ont été déportés dans les camps de concentration et d'extermination nazis depuis la France. A la fin de la guerre, à peine 2 500 déportés sont revenus. Mais aucun enfant. Un extrait du Journal de Jean Bloch daté de 1944 Un élève “qui avait notre âge” Les élèves ont entonné le chant des partisants à la mémoire de leur condisciple Jean Bloch Gauthier Delfour, Martin Guignes, Clara Serfaty, élèves de 3e au collège de Fermat étaient présents à la cérémonie avec d’autres élèves du collège Clara : “On se dit qu’on étudie là où lui aussi a étudié… Je n’arrive même pas à imaginer que cela puisse arriver à nouveau.” La famille de Jean Bloch est venue assister à la cérémonie : son cousin, son demi-frère, avec leurs épouses et son neveu, à droite. Le manteau suspendu «Ce jour-là, Jean Bloch avait laissé son manteau suspendu au fond de la classe. Après son arrestation, jusqu'à la fin de l'année, personne n'a osé y toucher ni le déplacer». Jean-Daniel Bloch, un élève juif du collège de garçons (qui sera nommé après la guerre Pierre de Fermat) est arrêté le 3 mars 1944 par la Gestapo. Il mourra en déportation à Auschwitz le 17 avril 1945 à l'âge de 15 ans. 22 AVIVmag n°203 Le préfet et de nombreux représentants des collectivités territoriales, ont respecté une minute de silence après le dévoilement de la plaque par les membres de sa famille. Studieux et doué Prix d’excellence, passionné de lecture, habile dessinateur de portraits et d'animaux, il est né à Marseille en 1929 dans une famille de négociants. Il a trois ans quand sa mère disparaît. Sa grand-mère va alors le recueillir avec son frère Michel. En 1942, ils s'installent à Toulouse rue de la Pomme. Les deux frères sont scolarisés à Pierre de Fermat, qui s’appelle en- Martin : “Il a été arrêté dans l’enceinte du collège, un endroit où l’on apprend, où la laïcité s’impose, il a été arrêté parce qu’il était juif. Est-ce que cela peut se reproduire ? Il y a peut-être des gens qui y pensent encore, mais aujourd’hui on ferait quelque chose avant !” Gauthier : “C’est assez troublant de se dire qu’un élève qui avait notre âge a été arrêté et tué. Je ne peux pas imaginer une seconde que cela puisse m’arriver…Ce travail de mémoire avec nos profs est très important pour le “plus jamais ça” !” Paul Schaffer est passé, enfant, par le camp du Récébédou et la gare de Portet-Saint-Simon en 1942, mais n'a pu être présent à la cérémonie. Il a rédigé une lettre qui fut lue par deux des membres du conseil municipal des jeunes. Message de Paul Schaffer, seul survivant des enfants partis de la Gare de Portet Saint-Simon. Chers amis, Ci-dessous la dernière photo prise de notre famille, réunie avant notre arrestation en 1942 à Revel, Haute Garonne (Zone non occupée), quelques mois avant la déportation d’une dizaine de milliers de familles vivant dans cette région paisible et s’y croyant en sécurité. Seule la haine ou au mieux l’indifférence a motivé ce massacre. Une foule nombreuse a fait la marche de la mémoire entre le camp du Récébedou qui est devenu le musée de la mémoire et la stèle inaugurée à la gare de Portet-Saint-Simon Soixante-douze années séparent ces deux images. Quelles luttes, combien d’illusions, quelles souffrances j’ai eu à endurer durant les trois années qui ont suivi mon arrestation. Rien n’est tombé dans l’oubli durant cette époque, ni le bien ni le mal. Ces années se sont imprégnées dans ma chair et dans mon esprit. Soixante-douze années depuis cette marche vers cette gare, première étape vers l’inconnu, vers une mort programmée. Deux cent cinquante personnes sont revenues en 1945 de cette rafle, dont j’étais le seul de moins de 18 ans, sur les dizaines de milliers arrêtés. Mais nos sacrifices n’ont servi à rien, nos souffrances n’ont pas servi de bouclier à d’autres crimes atroces dont ont été victimes des innocents. Je regrette de ne pouvoir être présent à la cérémonie d’inauguration de cette plaque mémoire, étant le dernier et seul survivant de ce petit groupe qui est passé, il y a tant d’années, par cette gare. Mais si ma voix peut encore porter et être entendue, j’implore le public qui m’écoute ou qui me lit, de tout faire pour que l’on n’oublie pas nos martyrs, et que chacun contribue à un monde meilleur là où il se trouve. Le sous-préfet de Muret, François Beyries, le maire de Portet, Thierry Suaud, la présidente de Toulouse-MEJD, Rachel Roizès, le président de la LICRA, Gérard Folus et une des membres du conseil municipal des jeunes de Portet. La plaque sur la stèle Paul Schaffer AVIVmag n°203 décembre 2014 23 Les associations NOUVEAU acit31.com L’ACIT Moins d’un juif sur 10 cotise à l’ACIT ! Chacun sait aujourd’hui que la communauté juive de France, et de Toulouse en particulier, connaissent une période de flottement. Nous nous sentons fragiles, ciblés, injustement mal aimés, mais en même temps terriblement solidaires les uns des autres. Une force très puissante nous pousse et nous renforce dans notre appartenance à notre communauté juive, nous avons besoin les uns des autres, nous avons besoin de nous sentir en sécurité, de pouvoir prier sereinement, d’ailleurs, combien d’entre vous ne sont pas venus durant les fêtes de Tichri dans nos lieux de culte par « peur de ce qui pourrait arriver ». Tout ça ne devrait pas exister, et, en tant que dirigeants communautaires, nous voulons œuvrer pour que vous vous sentiez mieux, en renforçant la sécurité des lieux de culte, en embellissant nos synagogues, en faisant en sorte que pendant les moments heureux ou malheureux de votre vie nous soyons encore plus présents. Tout cela est impossible sans votre soutien psychologique et votre concours financier, c’est pour cela que nous avons mis en place un moyen de vous faire participer à la pérennité de votre communauté en fonction de vos possibilités. Vous trouverez avec ce numéro d’AVIVMag une plaquette vous expliquant les 4 types de cotisations possibles, l’idée étant que chacun trouve une cotisation adaptée à sa 24 AVIVmag n°203 situation avec les avantages qui en découlent, et ils sont nombreux, prenez le temps de les découvrir dans le document. Il est aussi plus facile pour une association comme l’ACIT de gérer son budget avec une meilleure visibilité sur l’année grâce à l’engagement de chacun, plutôt que sur des promesses de dons hypothétiques. Chacun d’entre vous est important pour nous, il faut aujourd’hui que tous, petit revenu comme gros revenu, puissiez prendre part à l’existence de votre communauté. Nous sommes aujourd’hui 15 000 Juifs à Toulouse et seulement 1 300 cotisants, Nous comptons sur vous pour faire mentir tous les pronostics, qui mettent notre communauté au fond du trou, nous sommes encore très nombreux à Toulouse, et oui la solidarité c’est aussi le soutien financier, nous ne sommes pas subventionnés, D… est grand, mais le miracle des billets sur l’arbre n’est pas pour aujourd’hui, le miracle est que chacun de vous prenne conscience de son caractère indispensable à l’existence de sa communauté, nous ne pourrons pas continuer à vivre sans vous. La balle est dans votre camp, nous sommes à votre disposition si vous souhaitez plus d’explications sur les différents statuts cotisants, vous pouvez vous adresser au secrétariat de l’ACIT qui vous donnera tous les détails et modalités. . Patricia Dassa, directrice générale, Yves Bounan, vice-président de l’Acit Échéance 2015 : les élections Au printemps prochain vont se dérouler les élections du Conseil d’Administration de l’ACIT. De nouveaux élus, un nouveau président, un nouveau mandat, comment cela va-t-il se passer ? Entretien particulier avec Nicole Benzékri, avocate et juriste, présidente de la commission électorale en charge de l’organisation et du bon déroulement des élections. Toute élection nécessite la mise en place d’une commission électorale, désignée par l’assemblée générale de l’association, qui vérifie les candidatures, les analyse et les valide. Elle est aussi garante de la régularité de la liste électorale. Elle est composée de six membres, dont trois élus par l’assemblée générale de l’ACIT (M. Ely Amsellem, M. Max Marquès et Mme Nicole Benzékri) et trois désignés par le conseil d’administration (M. Salomon Attia, M. Raffy Amsellem et M. Albert Ankry). J’ai été désignée en qualité de Présidente de cette commission électorale ; celle-ci est garante de l’organisation, de la régularité, et du bon déroulement des élections. Qui pourra voter ? Dans quelles conditions ? La liste électorale sera clôturée au 31 décembre 2014. Nous avons prévu l’établissement d’une carte d’électeur pour tous les adhérents de l’ACIT qui sera établie suite au paiement total de la cotisation 2013 et 2014. La cotisation par foyer ouvre le vote pour chacun des deux parents et enfants majeurs rattachés au foyer fiscal et résidant dans la circonscription de vote (Toulouse et Haute-Garonne). Toute inscription sur la liste électorale doit faire l’objet d’un acte d’adhésion Volontaire. Le règlement intérieur vise des conditions spécifiques pour être électeur, pour être candidat et pour la mise en place des procurations. Je resterai très ferme quant au res- Les associations LE SITE WEB DE L’ACIT pect de la liste électorale établi au 31 décembre 2014, ainsi qu’au respect des procédures de vote par procuration – une seule par votant. On ne modifiera pas a posteriori les listes électorales. Toute inscription à l’ACIT au delà de cette date ne pourra pas être retenue. Pour qui votera-t-on ? Pour une liste ? Un président ? Nous votons pour des candidatures individuelles, chaque candidat se présente et les électeurs auront une seule liste. Chaque votant pourra alors cocher 13 noms sur cette liste. Lors du dépouillement seront bien entendu retenus comme membres du conseil d’administration de l’ACIT les 13 personnes qui auront comptabilisé le plus de voix. Ensuite, le premier CA nommera en interne le Président. Quelles sont les conditions pour candidater ? Chaque candidat doit bien entendu être inscrit sur la liste électorale, ce qui suppose être en règle avec le paiement de ses cotisations 2013 et 2014, répondre à la limite d’âge de 18 ans révolus et évidemment répondre à des conditions de moralité. Les candidatures devront parvenir à l’ACIT deux mois au plus tard avant la date des élections prévue au 19 avril 2015. Que doit comprendre la candidature ? Au delà de son nom, doit-on bâtir un projet, énoncer des idées, et le cas échéant y-t-il une campagne préalable ? A chaque candidat de prévoir son projet. La Radio de la communauté a reçu des instructions afin de respecter une totale impartialité vis-à-vis des candidats. Chaque candidat bénéficiera d’un temps de parole égal à la radio. Les interventions seront arrêtées une semaine avant la date des élections. Propos recueillis par Yaël Rueff-Salama RADIO KOL AVIV LE CRIF Une émission musicale : culture Irresponsable et société Tous les mardis, de 18h30 à 19h30, je présente Culture et société sur radio Kol Aviv. Si le titre n’a pas évolué depuis ses débuts le dimanche en matinée, l’émission s’est réduite à sa quintessence, de la bonne musique et des informations culturelles sur Toulouse. Je construis cette émission selon mes préférences culturelles, en partant du pari que ce que j’aime est bon, et surtout, en voulant partager mes préférences, comme on partage un bon plat et un bon vin. La recette est souvent composée des mêmes ingrédients : du bon vieux jazz, Nat King Cole, Sarah Vaugham, ou encore Ella Fitzgerald ; de la chanson française qui constitue mon paysage mental, comme Yves Montand, ou Charles Trenet, que je croisais dans les rues de Perpignan ; des maîtres de la musique de langue anglaise, comme Leonard Cohen ou des voix plus jeunes mais qui ont su préserver de la qualité, comme les Black Keys. Ces musiques, paradoxalement, ne sont plus proposées par les radios FM, qui ne font que reproduire en un miroir sonore les nouveautés, le plus souvent médiocres, voire mauvaises. De la musique israélienne, autrement. L’autre singularité de cette émission est la musique israélienne, autre projection de mon paysage affectif. Là encore, à la différence de ce que nous entendons depuis des années, de ce qui nous parvient depuis Israël, j’ai choisi de diffuser plus spécifiquement la musique de Tel Aviv, loin de l’orientalisme. De très grands artistes sont ainsi présentés, comme le duo composé du parolier Elie Mohar et du compositeur Yoni Rechter , le très subtil Sasha Argov, le crooner Gidi Gov, tous contemporains du regretté Arik Einstein. Mais les jeunes voix ont aussi leur place, Roni Alter, invitée à participer à tous les concerts de Keren Ann, Shlomi Chaban (avec un N) ou encore l’un des fils Banaï. Ce sont des musiques qui dégagent des aspects classiques, formés à la fois sous l’influence des violons sur les toits et des compositeurs européens, Rachmaninov, Ravel ou Prokofiev. De la grande musique, dont la qualité fait entrer leurs créateurs au panthéon des musiciens de toutes les époques. Culture et société, c’est cela, c’est votre musique. Laurent ou Jessica à la technique, Maurice Lugassy au micro, à votre service. Maurice Lugassy Regev Hod, le coup de cœur de Radio Kol Aviv !!! C’est la nouvelle star montante en Israël. Il est de tous les concerts et sur toutes les radios israéliennes !!! C'est mon coup de cœur mêlant le mizrahi (oriental) avec des musiques plus actuelles. Il nous rappelle nos vacances en Israël et nous fait rêver. A découvrir sur les ondes de Kol Aviv sur les 101 FM !! Joëlle. En "invitant" le gouvernement à reconnaitre l'État palestinien, les signataires de la résolution proposée par certains députés socialistes se sont comportés de façon irresponsable. les décisions, que l'exécutif, c'està-dire le gouvernement et le Président de la République auront à être eux responsables face à la réalité géopolitique. Irresponsable de reconnaître un État palestinien sans évoquer de contre-partie et sans parler d'Israël. Irresponsable de ne pas se poser de questions sur ce qui structurera et sur qui gouvernera cet État palestinien quand on observe les dérives islamistes d'une grande partie du Moyen-Orient. Irresponsable de ne pas réfléchir à l'éclatement d'états voisins comme la Syrie ou l'Irak. Irresponsable de ne pas ouvrir les yeux sur la déstructuration d'un grand nombre de sociétés du monde arabe. Irresponsable de ne pas penser ce Moyen-Orient autrement qu'avec les règles établies depuis la chute de l'Empire Ottoman lors de la Première Guerre mondiale et les frontières tracées pour quelques décennies par la France et la Grande-Bretagne au temps de leurs empires coloniaux. Irresponsable de ne pas avoir conscience que le système westphalien des états-nations n'est pas réellement maîtrisé au MoyenOrient. Irresponsable de ne pas analyser ce que la disparition d'un monde bipolaire organisé par l'opposition entre les USA et l'URSS pendant plus de quarante ans, a entraîné comme instabilité au MoyenOrient. Irresponsable de voter cette vague résolution en se disant, comme des enfants qui savent que ce sont les parents qui prennent Ou alors, y aurait-il là quelques arrières-pensées politiciennes ? Par exemple, la nécessité de ressoudre une majorité parlementaire divisée sur les sujets économiques en utilisant un autre marqueur idéologique que le mariage pour tous. Par exemple, satisfaire des associations qui ont un certain écho auprès de nos concitoyens originaires du Maghreb que l'on croirait à tort satisfaire en leur jetant Israël en pâture sans ce soucier des conséquences pour les citoyens juifs de ce pays. Cette tentation, malheureusement récurrente depuis les années 70, et de façon encore plus marquée ces vingts dernières années, aurait dû disparaître face à la montée de l'antisémitisme. Mais, comme on peut l'observer sur nombre d'autres questions, certains de nos députés ne parviennent pas à se défaire d'idées dépassées. Il y aura certainement une solution pour les Palestiniens mais sans doute faudra-t-il attendre qu'un avenir autre se dessine dans ce tragique Moyen-Orient où le conflit israélo-palestinien ne tient pas la place centrale qu'on lui a trop longtemps attribuée pour éviter d'affronter des questions autrement plus lourdes pour l'avenir du monde. Nicole Yardéni Présidente du CRIF Midi-Pyrénées AVIVmag n°203 décembre 2014 25 Maurice Lugassy Les associations Les associations HEBRAICA FSJU Hébraïca : la fête de la Culture Juive M algré un titre qui pouvait sembler inquiétant voire répulsif, “Entre guerre et paix”, ces XXIIes Journées de la Culture juive ont connu un réel succès. La programmation éclectique a permis de côtoyer tous les arts, de la musique au ci- d’adhérents au Goethe, mêlé à notre public plus généralement juif. Tous ont pris un immense plaisir à la mise en scène d’un cabaret d’Hanoch Levin mis en scène par Sharon Mohar. Quelle récompense aussi que d’accueillir au sein de l’espace du Judaïsme, d’éminents représentants du protestantisme, du catholicisme, parmi un groupe d’étudiants en Histoire, le tout parmi des Juifs qui portent kippa, ou qui ne la portent pas. La conférence de Jacques Sémelin sur le sauvetage des Juifs durant l’occupation nazie en France a opéré cette prouesse. Un programme en préparation très attirant Vous l’avez compris, un très bon festival, qui laissera de beaux souvenirs à ceux qui étaient présents et des regrets à ceux qui l’ont manqué. Mais à Hébraïca, nous pensons à vous tout au long de l’année. Nous prévoyons un superbe concert de jazz à Saint Pierre des cuisines en février, une journée ashkénaze et une sépharade, la venue du journaliste Paul Amar, une fête de la bibliothèque, un mois de janvier La Tsédaka de Toulouse Un début prometteur et une communauté juive à l’unisson. Une cité sous le signe de la culture juive La nuit des Arts a tenuu ses prommesses avec des spectacles endiablés, du théatre, de la lecture, du cirque, de la chanson… Et l’on pourrait aussi s’enorgueillir d’avoir déposé de la culture juive chez des libraires, néma en passant par le cirque et le théâtre. L’une des qualités de ce festival c’est ainsi d’ouvrir tous les champs, de s’ouvrir à tous les vents porteurs d’art. Des publics très variés L’autre particularité est de proposer une ouverture à tous les publics. Non seulement, nous allons à la rencontre des amateurs de culture juive mais nous leur ouvrons nos portes. Quelle récompense que de voir au Goethe Institut un public composé de jeunes allemands, de jeunes étudiants du Mirail, Sur scène les représentants de la région, du département, le maire, autour des responsables de la communauté juive de Toulouse ambiance festive. Elle répondait déjà à un premier besoin, celui de se retrouver ensemble pour une cause juste : pas seulement devant « l’obligation » mais dans « le plaisir » d’aider son prochain. Ce n’est pas le début de croissance annoncé par le gouvernement qui, semble-t-il, a motivé le public présent, mais bien la volonté de montrer aux élus présents pour l’occasion, l’existence d’une communauté juive dynamique et responsable. Comme rappelé dans les discours l’appel de la communauté pour la Tsedaka et ont réaffirmé leur soutien à cette manifestation avant tout républicaine, pour venir en aide aux plus nécessiteux. Mais ce que l’on retiendra surtout, c’est le travail acharné de la centaine de bénévoles, jeunes et moins jeunes, qui auprès de Laurent Taïeb, Linda Sztulman, Patricia Bouganim et Cédric Tibi, ont œuvré depuis des mois à faire de cette journée un succès. En amont, il ne faut pas oublier la colossale organisation de cette rale de l’école Gan Rachi et la participation du jeune chanteur Eyal Bensimon ont certainement contribué à améliorer le chiffre de la collecte qui s’avère d’ores et déjà très prometteur. Et c’est tant mieux, car même si certains envisagent leur avenir ailleurs, les besoins restent, et le travail du FSJU et de son président régional, Yvan Lévy, que ce soit dans le secteur social, éducatif ou culturel est plus que jamais une nécessité. Valérie Alter consacré à la Shoah, un mois de mai pour Israël et son cinéma… bref que de bonnes raisons pour adhérer à Hébraïca ou, mieux encore, pour faire un don. Le dîner-débat avec Pierre Jourde a été précédé d’une rencontre avec ses lecteurs à la librairie Ombres Blanches Venez avec nous, faites aussi de la culture juive ! Enrico a chanté devant plus de 1500 personnes ! Maurice Lugassy, Président d’Hébraica D Les Journées ont accosté comme chaque année à la maison de nos anciens, Rambam, avec de la danse et du chant : un vrai moment de gaité et de mouvement pour les résidents et leurs familles. Cabaret d’Hanoch Levin : des morceaux de choix du répertoire mis en scène par Sharon Moar. 26 AVIVmag n°203 dans des cinémas, dans des théâtres et jusqu’à Montauban. Les Journées de la culture juive revendiquent avec force la beauté, la force et la jeunesse de notre culture juive, dans les lieux comme sur les affiches disséminées dans la ville. imanche 16 novembre, il y avait du soleil et beaucoup de chaleur à l’intérieur de la Halle aux Grains à Toulouse. En effet, bien que l’extérieur affichât un ciel gris, ce sont plus de 1500 personnes qui ont chanté, toutes générations confondues, les mélodies orientales d’Enrico Macias. Cet évènement, très attendu par la communauté, est après Kippour, celui qui rassemble le plus de Juifs à Toulouse. La 22e édition de la Tsedaka, présidée régionalement par Thierry Sillam, s’est déroulée dans une Les enfants se concentrent et se préparent avant de donner un tour de chant endiablé d’Arié Bensemhoun, le Président de l’ACIT ou de Pierre Bendayan le Président régional de l’AUJF, en dépit du phénomène croissant d’Alyah, qui voit le départ de nombreux membres actifs de la communauté, ceux qui restent sont déterminés à faire entendre leur voix et à se mobiliser pour les actions indispensables du FSJU. Les élus, toute tendances confondues, étaient nombreux à Thierry Sillam, président de la Tsédaka campagne, qui a demandé une mobilisation forte de tous les mouvements de jeunesse (EEIF, BBYO, Lev Tahor, Jeunesse Loubavich), de la radio Kol Aviv et des trois écoles juives de Toulouse. La présence chaleureuse et talentueuse d’Enrico Macias - plusieurs fois parrain de cette campagne perçue comme le remède anti morosité, l’investissement de la cho- L’antenne radio Kol Aviv installée pour la journée à la Halle aux Grains AVIVmag n°203 décembre 2014 27 Katia Nakache Jeunesse NOUVEAU Les associations acit31.com LE SITE WEB DE L’ACIT L’EDJ Animation du centre : des idées à profusion… Pour les dames, pour les messieurs, pour les jeunes et pour les enfants, des activités pour tous et pour tous les goûts… Le grand loto organisé en collaboration avec l’ACIT On n’arrête plus Katia Nakache, directrice de l’EDJ. Une fois les fêtes de Tichri terminées, elle a relancé son programme, poursuivant toujours la même ambition, redonner vie à l’Espace du Judaïsme, avec des cours de Zumba, le centre aéré pendant les congés sco- laires, un loto géant en collaboration avec Patricia Dassa, directrice de l’ACIT, etc… Le 30 novembre, c’était un dimanche de pluie, un de ces jours où l’unique envie qui motive est de rester au chaud et au sec chez soi, est devenu un jour tout en couleur pour les dames. Entre amies, en famille, journée mère-fille, journée grand-mère - mère et petite fille, elles sont venues partager un moment de détente et de plaisir où le seul objectif est de penser à soi dans une convivialité toute en douceur. Avec plus de 100 femmes présentes, cette journée fut un grand succès. « Ca fait du bien de se retrouver dans ce contexte ! » disaient certaines, « c’est une très bonne idée une journée rien que pour nous ! » disaient d’autres. En tous les cas, toutes étaient unanimes pour dire que Katia déborde d’énergie et d’idées. En collaboration avec Eydel Weill, épouse du Rabbin A. Weill de Toulouse Katia Nakache a travaillé sur cette journée avec différentes partenaires, artisanes qui fabriquent des bijoux, esthéticiennes venues proposer des produits de beauté, manucures, masseurs, maquilleuses, coiffeuses et autres stands. Miss Midi-Pyrénées 2013 était même présente pour quelques prises de clichés et quelques conseils EEIF : longue vie à la région Sud-Ouest ! Il était temps pour tout notre groupe de tous se retrouver après les camps de cet été ! Et c'est pendant les vacances de la Toussaint, que les membres de notre Groupe Local ont séjourné près de Saint-Lary pour un camp de 6 jours sous le signe de nos trois piliers, scoutisme, judaïsme et citoyenneté... Mais cette année, il y avait également le groupe de Bordeaux ainsi que le groupe de Montpellier. C’est donc à 150 que nous nous sommes retrouvés pour un premier séjour, les trois groupes de notre région réunis. C’est ainsi qu’a démarré la grande aventure EEIF de la région SudOuest : on souhaite une longue vie à cette région Sud-Ouest, qui promet ! mage de la première bougie. En même temps, les amateurs de foot ont pu partager un moment de « fiers supporters » devant la retransmission du match de Barcelone – Paris Les Singers (Equipe BC) Les Team' Tea (Equipe BM) Emily (Bordeaux) et Lior (Toulouse) posent avec la reine d'angleterre Une année qui promet ... Et Baroukh’aba à tous les nouveaux enfants du groupe de Toulouse Le rendez-vous qui a suivi fut placé sous le signe de la générosité : la journée Tsedaka ! La radio aux mains des enfants, c’est une idée, non ? La mode était au rendez-vous pour le nombreux public féminin de cette Journée. De nombreux stands ont fait le plein pendant la Journée des femmes du dimanche 30 novembre. 28 AVIVmag n°203 de défilé. Pour quelques euros, chacune pouvait aller bon gré se faire plaisir. Le 10 décembre, en début de soirée, le hall de l’EDJ s’est transformé en grand « marché de Hanouccah », où petits et grands ont pu venir parfaire leurs achats une semaine avant l’allu- pour la ligue des Champions. Enfin, s’appuyant sur le succès de la soirée du 31 décembre 2013, et pour répondre aux attentes des membres de la communauté, une grande soirée de fête sera organisée le 31 décembre 2014. Les personnes présentes l’an passé l’attendent et suscitent l’envie chez d’autres… effet boule de neige pour une soirée qui s’annonce grandiose. Yaël Rueff-Salama Nathan, Lior et Ava at the English Breakfast ! Les membres de la branche perspective ou “Pifs” (16-17 ans), ainsi que les Zadecks (chefs d’équipes de la branche moyenne, 11-15 ans) ont tout d’abord participé avec notre maitrise à l’organisation de cette grande journée du 16 novembre. Les Eclaireurs et les Bâtisseurs ont ensuite rejoint les plus grands pour chanter sur la scène de la Halle aux Grains. Alors pour ceux qui ne l’ont toujours pas compris… Donnez donnez do-onnez, D. vous le rendra ! Durant les vacances de décembre, nous serons présents au Conseil National des EEIF, qui se déroulera du 21 au 24 Décembre à Jambville, où seront votés les lois EEIF pour les prochaines années. 20 membres des EEIF Toulouse représenteront aussi notre groupe local de Toulouse aux stages de formation zadecks et animateurs organisés par le Centre National, du 24 au 31 Décembre. La suite de l’année sera marquée par deux évènements très attendus : le premier camp d’hiver au ski, qui aura lieu du 15 au 22 Février en Suisse, ainsi que l’anniversaire du Groupe Local des EEIF Toulouse Lazare Brousse qui célèbrera cette année ses 75 ans ! On vous dit à très bientôt pour la suite de nos aventures. Dana Bensimon et Johanna Dray Responsables du groupe local des EEIF Toulouse AVIVmag n°203 décembre 2014 29 brèves brèves Jeudi 13 novembre Edifices religieux 500 synagogues… sur 100 000 édifices religieux en France On dénombre en France en moyenne 2,5 édifices religieux par commune, dont 15 000 protégés au titre des monuments historiques. Le patrimoine catholique représente 45 000 églises paroissiales, ainsi qu'un grand nombre de chapelles privées, abbayes, et autres monuments aujourd’hui désaffectés. On dénombre également 3000 lieux de culte protestants, dont 1200 temples et églises réformées ou luthériennes et 1800 églises évangéliques, 2 200 mosquées, 500 synagogues et 300 temples bouddhistes. Centenaire 1914-2014 Palaprat honore les anciens combattants Dimanche 30 novembre Dimanche 30 novembre Une table ronde rabbinique sur la violence dans la Torah Le Pape François demande au monde musulman de condamner le terrorisme Dans l'avion qui le ramenait dimanche 30 novembre 2014 de Turquie, le Pape François a donné une longue conférence de presse aux journalistes internationaux qui l'accompagnaient. Extraits. “Il est vrai que devant ces actes terroristes qui ne sont pas seulement commis dans cette zone, mais aussi en Afrique, il y a une réaction qui consiste à dire : ‘si c'est l’Islam, je me mets en colère'. Et tant de fidèles de l’Islam sont offen- En présence des représentants des anciens combattants, des portes drapeaux, des représentants des corps constitués, William Mimoun a conduit la cérémonie de commémoration de l’armistice de 1914-18, évoquant la mémoire de tous ceux qui ont défendu les couleurs de la France, ainsi que celle de Robert Nakache, disparu l’an dernier. Les enfants du Gan Rachi ont ensuite entonné la Marseillaise et fait revivre les témoins de la guerre par la lecture d’émouvants textes PL d’histoire et de lettres de “poilus”. Photo Le Figaro Roger Attali a questionné les rabbins Avraham Weill et Mordekhaï Bitton From : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_édifices_religieux_de_France De g. à d. Salomon Attia pour le CRIF, Aviv Zonabend pour la mairie de Toulouse, Avraham Weill, rabbin de Toulouse, Achour Baaly, représentant des Harkis et du haut commissariat des rapatriés, Lucien Vieillard représentant les anciens combattants. Ci-dessous, les enfants du Gan Rachi accompagnés par Madame Beck A Toulouse, nous avons le privilège de côtoyer des personnalités dont l’aura dépasse notre cité. Nous avons posé la même question à deux éminents rabbins : quelles lectures faites-vous de la violence telle qu’elle apparaît dans les textes sacrés ? Avraham Weill, rabbin de Toulouse, et le Rav Mordekhai Bitton ont répondu aux questions de Roger Attali à propos des différents regards que l’on peut porter sur la présence de la violence dans les textes sacrés, notamment dans le premier livre de la Torah, qui contient à lui seul de nombreuses guerres, meurtres, et autres occasions d’observer des solutions brutales, cruelles, mais pas toujours définitives. Une exégèse de haute qualité en temps limité, mais qui a quand même permis au public de poser des questions. Cette rencontre a généré un dialogue fructueux et passionnant. sés. Tant et tant de Musulmans disent "mais nous ne sommes pas cela, le Coran est un livre de paix, un livre prophétique de paix". Cela n'est donc pas l’Islamisme. Je comprends cela. Je crois sincèrement que l'on ne peut pas dire que tous les Musulmans sont des terroristes(…)J'ai dit au Président qu'il serait beau que tous les leaders musulmans, leaders politiques, leaders religieux, leaders académiques, disent clairement, condamnent clairement ces actes… Nous devons toujours distinguer la proposition d'une religion de l'usage concret qui en est fait.” From Jean-Marie Guénois, le Figaro du 30/11/14 dimanche 14 décembre La synagogue Palaprat de Toulouse construite en 1870 Haïm Korsia : « être Français n’est pas quelque chose que Vendredi 14 novembre vous pouvez facilement mettre de côté » Son sens de l’humour, son comportement informel et ses intérêts dans de larges domaines – il admire l’art abstrait de Mark Rothko et de Pierre Soulages et il est un supporter de l’équipe de football du Paris Saint Germain – lui ont apporté l’affection du public français. Mais c’est la volonté de Haïm Korsia d’aborder les positions de longue date parmi l’establishment juif français qui le distingue vraiment des chefs spirituels de cette communauté forte d’environ 500 000 âmes, la plus grande d’Europe. Né à Lyon d’un éminent rabbin qui a immigré avec sa femme depuis l’Algérie dans les années 1950, les actions de Korsia manifestent une prédilection pour l’unité sur le strict respect de la tradition. Haïm Korsia, qui a refusé de parler de sa famille, sauf pour dire que tous ses enfants vivent en France, veut favoriser une plus grande unité entre ceux qui restent. Quant à ceux qui partent, il croit que beaucoup d’entre eux vont revenir. « Croyez-moi, être français n’est pas quelque chose que vous pouvez facilement mettre de côté », a-t-il dit. «Même si vous essayez. » From Cnaan Liphshiz “the times of Israel” 30 AVIVmag n°203 Au Mémorial de la shoah Marie Vaislic témoigne dans un livre Elle s’appelait Marie Rafalowitz, elle avait 14 ans. L’histoire commence le 24 juillet 1944 par une scène d’arrestation, dans la maison de ses parents, dans le quartier Saint-Michel, où elle est dénoncée à la Gestapo par un voisin. Tout s’enchaîne très vite : la police, le train bondé stationné plusieurs jours en plein soleil gare Raynal, puis le départ enfin pour Drancy. Mais le train ne s’arrête pas à Drancy et continue sa route vers l’Allemagne. Deux semaines de cauchemar dans un wagon surpeuplé vont s’achever sur la rampe du camp de déportation de Ravensbruch. Quatre mois plus tard, elle sera transférée à Bergen Belsen, un camp d’extermination. Marie n’y succombera pas, elle sera libérée à 15 ans, le 15 avril 1945, et rentrera chez ses parents, juifs polonais installés comme commerçants forains à Toulouse. Marie n’avait rien raconté. Car personne, pas même ses parents, n’offre la moindre écoute aux récits terribles qu’elle avait en elle. La famille réunie, la guerre terminée, la vie reprend, Marie poursuit ses études jusqu’au Bac et passe le concours de sage-femme. Puis elle épouse Jean Vaislic, un Toulousain Polonais comme elle, et comme elle rescapé de la Shoah. Il a fallu presque 70 ans, une vie, pour que Marie parvienne à assembler et ordonner ses souvenirs, intacts, dans un livre. Une première tentative par le biais de récits transmis et mis en mots par à une tierce personne n’avait pas convenu à Marie, trop exigeante pour accepter le moindre compromis avec sa mémoire et la réalité vécue. Elle a finalement entrepris d’écrire elle-même son récit, avec la patience et la résolution qu’elle déploie en toute chose. C’est le Mémorial de la Shoah, qui a pris en charge l’édition de ce recueil exceptionnel. Une présentation est prévue le dimanche 14 décembre à 14 h 30 au Mémorial de la Shoah à Paris, une autre à Montauban le 25 janvier 2015 à 17 heures et enfin au Gœthe Institut de Le Mémorial de la Shoah à Paris, dans la Marais Toulouse le 2 février à 18 h 30. Marie Vaislic, “Seule à quatorze ans à Ravensbrück et Bergen-Belsen”. Collection Témoignages de la Shoah. Pierre Lasry AVIVmag n°203 décembre 2014 31 Entretien Jean Lévy “CE QU’IL RESTE DE L’OUBLI” : UNE SAGA FAMILIALE FOISONNANTE Je vois même qu’il est question à un moment de faire renaître le trône de France… Oui, à Alger, il y a eu une tentative d’Henri d’Astier de La Vigerie qui 32 AVIVmag n°203 res- a eu un frère bien connu qui passait à la télévision et qui avait un autre frère, François d’Astier de La Vigerie qui était Général et conseiller de de Gaulle à Londres. Il y a donc eu une tentative de restauration du Comte de Paris qui était venu secrètement à Alger. Cette tentative a échoué comme a échoué une autre tentative de restauration dont aucun Français n’est au courant. C’était au début de la 5e République, en 1959, quand de Gaulle espérait ne pas se présenter. Il comptait à ce moment là que le Comte de Paris se présenterait à la Présidence de la République en 1962 après avoir été nommé Président de la Croix Rouge Internationale pour être médiatisé auprès des Français. C’est une histoire de fou qui a été arrêtée net par Michel Debré qui a menacé de démissionner et d’organiser une conférence internationale pour expliquer comment un coup d’Etat monarchique était en train de se préparer un France. Personne ne connaît cette histoire, elle n’est pas dans mon bouquin. Comment devient-on écrivain du jour au lendemain ? Comment ça se passe en pratique ? C’est tous les matins ? Tous les soirs ? Pour moi c’était tous les soirs, quelque fois le matin mais c’est plutôt le soir. Toute ma vie, j’ai écrit, j’ai fait beaucoup de radio. Jusqu’à ces derniers temps, je m’occupais d’une émission de radio à Judaïques FM à Paris. J’écrivais beaucoup de choses mais je n’avais effectivement jamais écrit un bouquin. Les enfants, comment ont-ils pris cela ? Comme le cadeau d’un papa gâteau ou bien comme une intrusion dans leur vie intime ? C’est vrai qu’au moins ma fille qui a été à l’origine, m’a dit que certains chapitres l’ont fait pleurer. Ce n’était pas pour la faire pleurer, mais c’est vrai que c’était émouvant, je pense. Mon fils Samuel, qui est au Canada maintenant, est en train de le lire. Tout ça est très récent, ça vient de paraître. Je n’ai pas fait ça seulement pour eux, j’ai fait ça pour les enfants de ma fille et mon fils et peut-être de futurs enfants à venir. C’était un moyen de raconter la mémoire, ce qu’il reste après l’oubli. Tout le monde peut écrire. Je voudrais que vous témoignez de la façon dont on peut, un jour sauter à l’eau, se mettre à écrire. Question difficile. Peut-être que tu te mets à écrire parce que c’est un moyen de dépasser des difficultés personnelles. J’ai une merveilleuse maison dans le Tarn et souvent j’y suis seul. Ecrire c’était une façon aussi de meubler un espace, du temps. Et puis j’ai la chance extraordinaire d’avoir des archives incroyablement importantes que m’a demandées le musée Lohamei haGetahot en Israël. C’est le musée des survivants du Ghetto de Varsovie. Depuis des années l’une des ponsables me demandait ces archives ; je ne voulais pas le faire parce que je me disais : « il faut que je fasse les photocopies pour mes enfants ». J’ai ouvert des cartons, des caisses entières. Il faudrait des années et un archiviste pour traiter cela. Au point que, comment ai-je travaillé ? Je mettais des cartons autour de moi, je mettais le bras dans un carton, je sortais des lettres. Je me disais : «Tiens ça peut me servir » ! C’est la seule solution que j’avais. Je faisais du roman autour. Mais tout est vrai, tout est faux. Je parle aussi beaucoup dans ce livre de mon père, c’est un peu un livre en souvenir de mon père. Mon père était un Monsieur Albert Levy, quelqu’un d’un peu exceptionnel dans les années vingt. Il était Administrateur des Colonies Françaises, dans ce qu’on appelait l’Afrique Occidentale Française, aujourd’hui le Sénégal, le Soudan, aujourd’hui le Mali, le Niger, la Haute Volta, aujourd’hui le Burkina Faso, j’ai été enfant dans ces pays avec mon père. Et j’ai été bercé par des histoires incroyables, des histoires d’Africains, des histoires merveilleuses, des histoires folles, des histoires terribles. Et ce livre, c’est aussi beaucoup de l’histoire de mon père qui a évidemment vécu la guerre, qui a échappé à la Shoah par miracle, qui a été trompé, trahi etc… comme tous les gens qui s’appelaient Levy. Je suis né en 1942 d’Albert Levy et Yvonne Schneider. Je suis un peu ashkenaze, un peu séfarade, des deux côtés. Sur la couverture, il y a une vieille voiture des années vingt. Eh bien, celui qui conduit, c’est mon père. La personne à côté de lui semble être une dame, mais je ne sais pas qui elle est. “ “ Jean Levy, on vous connaît comme le créateur d’une école de photo et d’audiovisuel bien connue à Toulouse. Aujourd’hui, un livre ; pourquoi, et est-ce le premier d’une série ? “C’est un long travail d’écrire un bouquin et ce ne sera peut-être que le premier. Pourquoi j’ai écrit ce livre : c’était il y a quelques années, ma fille (j’ai une grande fille et un fils) me dit : « Est-ce que tu peux nous raconter l’histoire de la famille ? ». C’est une question qui est restée dans mon esprit pendant plusieurs mois, plusieurs années même et raconter l’histoire de la tante Machin… l’oncle Truc… Je ne voyais pas très bien. Et puis un jour, je me suis dit : « Je vais faire un roman de toutes ces différentes familles qui ont traversé le 20e siècle, la fin du 19e jusqu’aux années 65/70. C’est une histoire de la famille, mais c’est totalement romancé puisqu’il est bien évident que quand mon père est né à Mexico en 1901, je n’y étais pas. Donc, je raconte des histoires qui se passaient au Mexique, je vais décrire des lieux, des conditions historiques, je vais décrire comment ils ont fui Mexico quand il y a eu la révolution mexicaine. Je vais reconstituer et faire un roman de toute cette saga. C’est une saga historique ». Il faut dire que j’ai eu plusieurs cordes à mon arc tout au long de ma vie professionnelle. C’est vrai que j’ai été un spécialiste de l’image toute ma vie. J’ai fait l’Ecole de la rue de Vaugirard, aujourd’hui l’Ecole Nationale Louis Lumière, mais j’ai aussi passé un diplôme d’Histoire en Français. A l’époque, ça pouvait se faire en Français à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Donc, j’ai fait un vrai travail d’historien puisqu’à un moment donné, je parle d’une situation historique qui est l’assassinat du fameux Darlan en 43 pendant la guerre de 39-45. Propos recueillis par Pierre Lasry “ Salomon Attia DE L’UEJF AU CRIF, UN INALTÉRABLE SUPPORTER DE LA CAUSE JUIVE Salomon, vous êtes… au CRIF ? Président de l’UEJF pendant les années 2000, trésorier puis secrétaire général du CRIF, connu pour ses yeux bleus, sa carrure et son visage ; son engagement contre l’antisémitisme est incessant, ses actions sont efficaces, portrait d’un jeune trentenaire… Salomon Attia E N T R E T I E N “J’ai 37 ans, je suis secrétaire général du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées. Je suis dans la vie civile employé de banque. Votre visage est connu, vous avez été Président de l’UEJF Midi-Pyrénées, actuellement au CRIF, on vous voit dans toutes les manifestations communautaires, quel a été votre cheminement ? Mon cheminement a réellement commencé lorsque je suis entré à l’UEJF en temps que vice-président dans un premier temps, puis l’année suivante comme président, entre 2000 et 2004. Au début, comme tout jeune étudiant, je pensais que ce mouvement se résumait à un apport ludique et festif pour les jeunes. Or, j’ai très vite compris que l’UEJF est une force. A travers elle, il y a des combats identitaires, politiques, associatifs à mener, notamment contre l’antisémitisme. Nous étions dans les années 2000 au début de la seconde Intifada et au début de la recrudescence des actes antisémites. Pendant les quatre ans de présidence, au delà de la Convention Nationale « Fils d’Abraham et de Marianne », des soirées Mimounight, où nous réunissions 600 personnes en moyenne, nous organisions des soirées confé- rences-débats sur tous les thèmes – la shoah, l’actualité, l’antisémitisme, mais aussi des manifestations – avec en particulier celle en réaction à la sortie de prison de M. Papon. Nous faisions des voyages en Israël au cours desquelles nous organisions des conférences sur les problématiques géopolitiques. Nous étions aussi présents dans les universités pour que les étudiants juifs puissent trouver un soutien dans le cadre de leurs études. Nous étions là pour proposer aux jeunes des argumentaires de défense pour répondre aux invectives anti-israéliennes et vivre leur judaïsme en toute quiétude. A ce moment là, beaucoup de jeunes étaient présents et réponPeu de ceux qui restent prennent part à la vie communautaire, et c’est dommage. Nous avons besoin d’eux pour devenir les responsables communautaires de demain. daient aux appels de l’UEJF, nous comptions près de 150 personnes par activités, la configuration communautaire était alors différente. Aujourd’hui malheureusement, la communauté change, beaucoup de jeunes partent, et proportionnellement peu de ceux qui restent prennent part à la vie communautaire, et c’est bien dommage. Nous avons besoin d’eux pour devenir les responsables commu- nautaires de demain. J’ai vécu l’UEJF comme véritable tremplin entre le monde des mouvements de jeunesse et la vie de responsable communautaire. Et après l’UEJF ? J’ai cherché, en toute logique avec les engagements de l’UEJF, à travailler au CRIF. Au départ, j’assistais aux réunions, puis très vite j’ai cherché à m’investir. Sous la présidence de Nicole Yardeni, nous avions avec Marc Stzulman la responsabilité de la commission « antisémitisme ». Puis, nous avons été tous les deux élus au bureau exécutif, pour ce qui me concerne comme trésorier, puis comme secrétaire général. Je travaille depuis auprès de Nicole et du bureau. Nous développons les relations avec les politiques, nous menons des actions de médiation avec les responsables des associations, avec les autorités civiles… Outre l’organisation des dîners, j’ai préparé la venue des Imams israéliens pour le Yom Hashoah 2013 à la synagogue de Palaprat. En réponse à un voyage d’Hassen Chalghoumi, Imam de Drancy, un an après les évènements d‘Ozar Hatorah, j’ai été très marqué par ce déplacement et par cette journée. Quel est le combat qui vous tient le plus à cœur ? C’est certainement la lutte contre l’antisémitisme. Le fait de vivre dans une société qui prône le res- pect et la liberté de chacun est la chose la plus précieuse. Aujourd’hui notre socle démocratique est fragilisé par la montée des extrêmes. Il faut trouver des solutions afin de préserver notre espace laïc. Le dialogue, le débat et l’échange sont certainement des modes de thérapie importants. Je pense que la force de la communauté juive est de rester toujours digne et debout, comme le prouve l’après 19 mars. Nous avons montré notre force et notre détermination. Nous avons refusé de stigmatiser une population, et refusé de passer par l’usage de la violence. Depuis ces évènements, le CRIF travaille tous les jours avec plusieurs responsables communautaires musulmans, catholiques et laïcs. Quel regard portez-vous sur le contexte français politique ? La confiance des français dans les partis républicains est ébranlée, au profit des partis extrémistes qui prônent la haine et la xénophobie. En revanche, le gouvernement et les partis républicains ont pris conscience de la montée de l’antisémitisme et sont à notre écoute. Sur le contexte politique israélien, nous devons bien faire comprendre que le conflit ne doit pas être importé en France. Aujourd’hui nos détracteurs essaient de propager l’antisémitisme en se servant de ce contexte. En 2002, nous criions déjà « synagogues brûlées, République en danger !», aujourd’hui nos écoles et nos institutions doivent être protégées par la police. Il faut que cette escalade de violence cesse, il en va de toutes les valeurs que nous défendons. “ “ Entretien Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Je monte depuis trois ans un projet de mémorial à Noé, ancien camp d’internement”. Propos recueillis par Yaël Rueff-Salama AVIVmag n°203 décembre 2014 33 Monique-Lise Cohen Culture le feuilleton historique claude denjean ExPOSITION - FILM Résister ! La transmission des traditions musicales à la demande de la ville, pour tenter d’expliquer toutes les formes de résistance dont ont fait preuve les Juifs d’Europe confrontés à la guerre, aux persécutions, à la Shoah. en Occident et en Méditerranée occidentale Carte blanche à Monique-Lise Cohen, qui a investi l’Espace des Diversités et de la Laïcité de Toulouse, L mée Juive en 1941 ou la Résistance des EEIF dans le maquis de la Montagne Noire. Une histoire que M. L. Cohen n’a de cesse de travailler et de relayer « pour ne jamais oublier ! ». aurent Lesgourgues, conseiller municipal délégué en charge des questions relatives à la diversité et à l’égalité, a organisé la 9e édition de la journée internationale de lutte contre le fascisme et l’antisémitisme. Cette journée, célébrée tous les 9 novembre, est à l’initiative de l’ONG UNITED Réseau Européen contre le racisme, l’antisémitisme et le fascisme, et pour le soutien des migrants et des réfugiés. Pour la seconde année et depuis sa création en 2012, l’Espace des diversités et de la laïcité de Toulouse a accueilli cette manifestation. Pour cette occasion, la Mairie a sollicité Monique-Lise Cohen, spécialiste de l’Histoire Juive de Toulouse et de la Seconde Guerre Mondiale, pour mettre en place une exposition portant sur les Juifs dans la Résistance, spécifiquement axée sur l’histoire régionale. Au fil des quelque onze panneaux, sont relatés la situation des Juifs en Europe, la montée de l’antisémitisme, des chiffres édifiants comparant le nombre de Juifs par pays avant et après la Guerre. On peut y lire des extraits de roman, de réflexion, de lettres tous à la fois poétiques et terribles, écrits dans les camps par des prisonniers connaissant leur sort. Bien entendu comme fil rouge de cette La musique accompagne la liturgie et la fête. De nombreux chants connus nous viennent du Moyen Âge. exposition les différentes formes de Résistance. Celle-ci pouvait être religieuse ; les rabbins ne répondaient pas à l’appel des SS dans les camps d’extermination, en référence aux enseignements du Talmud qui indiquent qu’on ne doit pas aller vers la mort mais on doit attendre qu’elle vienne nous chercher. Mais elle se manifestait surtout sous des formes plus dures avec la naissance de l’Ar- En milieu d’après-midi a été diffusé un extrait de son film « Camps d’internement du midi de la France, entre histoire et mémoire (19391944) ». Nous y apprenons qu’une classe de primaire a mené une enquête à partir de photos de classe en 1942, portant sur la disparition de deux d’entre eux, enfants juifs au destin incertain. Un exercice passionnant pour les enfants de cette classe de 2013 qui réalisent la dimension concrète de la guerre et de la shoah. Laurent Lesgourgues a réaffirmé qu’il n’existe aucun compromis dans le combat de la lutte contre l’antisémitisme et le fascisme, que celui-ci doit être continu et sans concession. Il a annoncé dans le même temps la réouverture du conseil municipal de la laïcité, réunissant les référents religieux de chaque obédience, qui donnera lieu à des conférences de presse, des conférences et des expositions. Un combat sans relâche ! Yaël Rueff-Salama Bible Ulm ? XIIIe s. (Milan, Bibliothèque de l’Ambrosiana, ms. B 32, f. 136) Le chant, une tradition Le rôle de la musique dans la liturgie n’est pas à démontrer. Les kele shir, instruments de chant, tels le tambourin, la harpe, le chalumeau, la trompette, accompagnaient l’interprétation des Psaumes sur des airs consacrés. Isaac Abrabanel (1437-1508), dans son Commentaire de la Torah affirme : « Les auteurs de tous ces poèmes […] visaient, en composant leurs pièces, à l’accord, à l’harmonie des lettres avec les sons de la voix … ». La cantilation synagogale est ornement du discours et solennisation de la parole. Les principes de base restent stables sur une longue durée. Le chant synagogal évolua lors de l’introduction du piyyut dans la liturgie fondamentale. L’usage du chant profane fut parfois vigoureusement critiqué. Ainsi Maïmonide condamne « quiconque s’adonne à l’écoute d’une chanson licencieuse, en arabe ou en hébreu, exécutée par une femme et accompagnée de musique instrumentale… » L’expression vocale est privilégiée selon le Midrash, « Le Saint Béni soit-Il a dit : Bien que vous m’ayez glorifié par les harpes et par les lyres, rien ne m’est plus agréable que le son de vos voix. » La transmission et les compilations De nombreuses œuvres demeurent dans le répertoire commun. Une tradition (re)fondatrice date de la renaissance de l’hébreu dans le monde andalou. Le Abinu malkenu attribué à Akiba ben Yosef est toujours d’actualité, le Yede Rasim de Yehuda haLevi (1075-1141), l’auteur des Poèmes de Sion et du Kuzari, toujours chanté, comme le Ki esmerá sabat de Abraham ibn Ezra (v. 1089-1167). Divers manuscrits médiévaux hébraïques sont encore conservés. Pour le seul XIVe siècle, on peut contempler à Florence un anonyme provençal, un traité parisien à la BnF (Ms. héb. 1037), l’un des onze manuscrits du Trésor des rois du tolédan Ibn Latif Isaac ben Abraham (v. 1210-v. 1280), le Commentaire sur le chant de Salomon (1281-1284) de Sahula Isaac ben 34 AVIVmag n°203 Ferrare ? XVe s. (Bibliothèque Universitaire de Bologne, ms. 2197 f. 23 v.) Salomon (1244-v. 1309) à Oxford, le De numeris harmonicis de Gersonide (v. 1288-v. 1344). Certains auteurs, philosophes, mathématiciens, astronomes, éminents kabbalistes, continuent à rechercher dans la musique l’harmonie universelle. Comme en Andalousie au IXe siècle, l’accord des instruments a un sens profond. Celui du ‘ûd a des équivalences cosmiques et correspond aux humeurs du corps. Zîr Al-Mathnâ Corde de Ziryâb* al-Matlath al-Bamm Jaune Rouge Rouge foncé Blanc Noir Feu Air Vie Eau Terre Bile Sang Âme Flegme Atrabile * corde ajoutée Musique pour Hanoucca Une famille de lettrés marocains des XVIIe et XVIIIe siècles, Jacob, Moïse et Shalom Aben Sur, nous a légué sept poèmes pour Hanouccah. Le corps de chaque pièce développe deux thèmes essentiels : le récit de l’épopée hasmonéenne et sa commémoration par les gestes (rites, liturgie, manifestations folkloriques). La pièce à refrain du qaddish est formée de treize quatrains suivant l’acrostiche YMY HNWKH SMWNH (les jours de Hanouccah sont huit). On trouvera des poésies et des analyses dans Haïm ZAFRANI, Traditions poétiques et musicales juives en Occident musulman, Paris, UNESCO, 1988. Des manuscrits sont disponibles sur la base Mandragore, de la Bibliothèque nationale de France. Les enregistrements sont nombreux. On citera la compilation bien illustrée de Jordi Savall, Jérusalem, parue en 2008 chez AliaVox et le très beau El canto espiritual judeo español de Alia musica chez Harmonia Mundi. AVIVmag n°203 décembre 2014 35 Dominique Khalifa Culture Culture Anny BECK Lectures CHARLOTTE Un livre de David FOENKINOS Prix Renaudot et Goncourt des Lycéens Vie ? ou théâtre ? Dominique est revenue nous apporter son regard sensible et singulier sur la littérature d’aujourd’hui. Et le bonheur de partager un peu son éclectique panthéon : Auster, Attali, Bruckner, Djian, Lehrer et Nothomb… C’est le titre que Charlotte Salomon, jeune peintre juive allemande, donne à son œuvre. Une partition singulière, à la fois picturale et littéraire, illustrée de références musicales. « C’est toute ma vie »… « Une vie passée au filtre de la création, pour obtenir un travestissement du réel »... Son passé. Recomposé deux années durant, confinée dans la chambre exiguë d’un petit hôtel de St Jean Cap Ferrat. Dans l’urgence. Avant d’être déportée, en 1943, à l’âge de 26 ans, enceinte… Salve de louanges posthumes. L’œuvre figure aujourd’hui, au musée juif d’Amsterdam. David Foenkinos traverse un destin funeste et troublant, l’arrachant à l’oubli dans un texte d’une puissance poétique intense, et d’une violente charge émotionnelle. Une ronde fusionnelle et magnétique Rapport fusionnel de l’auteur à son émouvante héroïne. Çà et là, David Foenkinos apparaît dans le sillage de Charlotte, « marchant dans l’œuvre », avouant ses attentes et son obsession, sa fascination, dans un hommage étincelant. Comme un roman dans le roman. Cette fascination d’un auteur pour son héroïne nous rappelle « Alabama song », où la voix aussi intense et solaire de Gilles Leroy est habitée par Zelda Fitzgerald. Dans les deux récits, comme sur une toile, l’approche visuelle des reliefs est instantanée. Reliefs d’un long poème libre, ici. Strophes débridées. Rimes enclavées. Des mots « posés sur le malaise », poignants de retenue, vite bordés de points-à-la ligne. Vite soulignés d’espaces. Ces espaces et ces frontières, où l’auteur s’insinue, contenant son trouble et sa respiration. La voix de Gilles Leroy fut couronnée d’un Goncourt, en 2007, comme un hommage plus fort encore à son héroïne. L’on s’était pris à imaginer le triomphe, sept années plus tard, de David Foenkinos. Comme une plus large révérence, presque une revanche, là aussi, pour une artiste lumineuse, incomprise et mal connue, dont « la route ne sera pas un chemin de roses »… L’œuvre est finalement consacrée par le prestigieux prix Renaudot et par le Goncourt des Lycéens . Entre réel et fiction, la perception d’une artiste fulgurante C’est à plus d’un titre, que l’on peut rapprocher les deux œuvres. Là encore, bien plus qu’une biographie, bien plus qu’une fiction, Charlotte figure une perception. Non qu’on la connaisse, ou la rêve. On la sent. Entre vie et théâtre, perception tout d’abord, de ce qu’est justement l’arrangement avec la réalité dans la vie de Charlotte Salomon, bordée par ce refrain familial de la mort. - Charlotte qui apprend son prénom sur une tombe… Sa tante. Suicidée. Comme un peu plus tard, sa mère…Une méchante grippe lui fait-on croire. Plus de dix années de silence… De théâtre. Et puis la grand-mère. Et puis l’oncle, etc. etc. etc.… Entre vie et théâtre encore, perception de sa conscience d’artiste. Perception de cette « densité » créatrice « qui se propage en elle, comme du sang dans de l’eau ». Perception d’un être aérien, pris dans le champ d’émotions contradictoires. Être fragile au génie grandiose, contant la fièvre et les silences, et l’imminence du péril. Un être dévasté, poussé dans la nuit. Et puis, là aussi comme pour Zelda, mais d’une autre manière, la perception, au final, d’une « salamandre », « celle qui traverse les flammes sans jamais se brûler »… Voilà bien ce qui fait du livre de David Foenkinos, une œuvre troublante, puissante et sublime : rendre à Charlotte sa grâce et son pouvoir, son souffle et son regard, bien au delà de l’effroi et des flammes. Extraite « du moment »… « Pour être là. »… Entre vie et théâtre. 36 AVIVmag n°203 Les pages d’Anny Nobel, Goncourt, Fémina, Renaudot, le millésime 2014 peut être tenu pour une bonne cuvée. Commençons par le plus prestigieux des prix littéraires, le Nobel qui vient d’être décerné à Patrick Modiano avec la citation suivante : « Récompensé pour l’art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l’occupation ». Mais derrière un livre, il y a toujours un auteur, alors qui est Patrick Modiano ? Il est né en 1945. Son père est juif, sa mère flamande. Très vite, ces parents indignes confient leurs enfants - Patrick et son frère Rudy – à des familles et dans différents internats. Une question angoissante se pose toujours à lui : comment étant juif, le père a –t-il pu se déshonorer avec la pègre et la collaboration ? Jusqu’au bout il poursuivra ce père fantomatiques. L’occupation qu’il n’a pourtant pas connu, le poids de l’abandon et de l’indifférence parentale, la collaboration, la conduite de son père font des livres de Modiano une autobiographie mêlée de fiction. Il raconte aux Français cette histoire ténébreuse qu’ils ne veulent toujours pas regarder sous un autre jour que celui de la légende d’une France totalement résistante. Et c’est en arpentant Paris d’est en ouest, du nord au sud qu’il nous raconte un passé souvent remisé dans les plis de l’oubli. Son dernier livre : Ce livre retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre allemande, morte à 26 ans alors qu’elle était enceinte. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : «c’est ma vie ». C’est le portrait saisissant d’une femme exceptionnelle et d’un destin tragique. Merci à David Froekinos d’avoir rendu ce bel hommage à Charlotte Salomon dont la ville de Nice prévoit une exposition en 2015. • Fémina étranger : « Ce qui reste de nos vies » de Zeuya Shalev, écrivaine israélienne qui vit à Jérusalem. Nous sommes au chevet d’une vieille dame, Henda, dont l’esprit divague. Les souvenirs de sa longue vie se glissent dans sa mémoire : un père pas très démonstratif, un mariage sans amour, un fils adoré, Avner, et une fille Dina. Henda au soir de sa vie, se fait assez peu d’illusions sur ses relations avec ses enfants. Elle a trop aimé son fils, pas assez sa fille ; elle a échoué avec les deux. C’est un très beau livre sur l’espoir et la réconciliation, sur l’idée qu’il n’est jamais trop tard pour corriger. « Que reste-t-il de nos vies » quand on veut rattraper ses erreurs de mère et qu’on n’a plus le temps ? Bonne fête de Hanoucca “Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier” L’histoire pourrait tenir en quelques lignes : Il décrit comment un enfant abandonné par ses parents dans un monde interlope devient un écrivain. En somme, sa propre histoire. C’est un retour sur le passé, un appel à la mémoire, la reconstruction de ses souvenirs qui reviennent par bouffées. C’est un labyrinthe des souvenirs en même temps qu’une enquête policière. Pourtant à ce livre, j’avoue avoir préféré «les Boulevards de ceinture» grand prix du roman de l’Académie Française 1972 où le narrateur part à la recherche de ce père tant décrié, et « Dora Bruder » 1997 une enquête au sujet d’une jeune fille juive et de sa famille déportées à Auschwitz. En résumé, Modiano obsédé par la collaboration, et par son père, nous donne une œuvre troublante, inquiétante et parfois même déconcertante et qui tient dans cette phrase : « Dans la vie, ce n’est pas l’avenir qui compte, c’est le passé » J’aimerais vous signaler 3 livres primés que j’ai beaucoup aimés : • Goncourt : « Pas pleurer » de Lydie Salvayre : Espagne 1936 , guerre civile espagnole. La romancière nous parle des tragiques évènements dont elle a gardé la mémoire grâce aux récits de sa mère. • Renaudot et Goncourt des lycéens : « Charlotte » de David Froekinos. AVIVmag n°203 décembre 2014 37 Disparition NOUVEAU Mon beau-frère, Moulay Hommage au Rav Chemouel AZIMOV (Frère et beau-frère d'Esther et Yossef Matusof) par le Rav Adin Even-Israël (Steinsaltz) ExTRAITS Qui aurait imaginé qu’il m’appartiendrait d’écrire un hommage à la mémoire de mon beau-frère plus jeune que moi de plusieurs années et que j’ai connu à l’époque où il était encore un tout jeune homme ? Et me voici aujourd’hui à tenter de dessiner, au travers de ces quelques lignes, près de 50 ans de sa vie, emplie de tant d'activités et de rayonnement autour de lui. Un chalia'h hors du commun L’institution des chlou’him existe chez les ‘hassidim depuis plusieurs générations. À n’en pas douter, son influence s’est fait ressentir chez un nombre de Juifs bien plus important que tout autre chalia’h. Moulay a su créer un tout nouveau cadre à l’origine d’un judaïsme français animé et revigoré. Il s’agit, ni plus ni moins, d'une résurrection sans pareille, concernant la communauté juive dans son ensemble. Un souvenir datant de 50 ans remonte à mon esprit qui permettra de donner à ce formidable changement un caractère plus tangible. À cette époque, les fidèles de la fameuse synagogue ‘Habad du 17 Rue des Rosiers à Paris luttaient chaque vendredi soir, la veille de Chabbat, pour compléter leur mynian. Pour y parvenir, ils devaient « soudoyer » un clochard juif traînant dans le quartier en lui promettant une bouteille de vin afin qu’il accepte d’être le dixième… Aujourd’hui, la Jeunesse Loubavitch de Paris et de toute la France compte un nombre impressionnant d'émissaires et de délégués. Un monde nouveau, une vie juive nouvelle se sont ainsi forgés, là où ne subsistaient que des communautés amincies et en voie d’extinction. On y trouve des hommes et des femmes, avec leurs enfants et leurs petits-enfants, qui continuent d’apporter un sang nouveau et leur propre vitalité. Sans nul doute, Moulay constitua en quelque sorte la vertèbre cervicale de tout ce processus. Mais comment un homme si Rav Azimov entouré de Rav M. Kotlarsky (responsable de l'organisation Shlu'him International) et le Rav Matusof jeune, à peine un peu plus de vingt ans, at-il pu générer un tel élan, sans cesse grandissant ? Il me confia qu’il s’était alors adressé à tout son entourage (qui comprenait en partie des célibataires et des étudiants). Pour leur expliquer qu’en raison de la croissance des activités, ils devaient à présent trouver un centre ; et par conséquent, il leur demandait de le bâtir. Une telle demande, leur précisa-t-il, ne relevait pas de son propre intérêt mais avant tout du leur : tous devaient s’y associer. Ceux qui disposaient de moyens devraient donner de leur propre argent et ceux qui n’en avaient point n’auraient qu’à procéder à un emprunt. Car tous devaient agir comme une seule entité. Un souci à l'égard de tout le monde Plusieurs épithètes sont parfois apposés au terme 'hassid : il y a les 'hassidim distingués, les 'hassidim enthousiastes, voire ceux simples d'esprit. Moulay lui n'avait besoin d'aucun qualificatif : il était un 'hassid, point. Ni son action ni ses paroles ne le définissaient en tant que tel, mais bien la quintessence de son être. 'Hassid, il l'était chez lui à la maison comme avec les autres à l'extérieur, qu'il soit le mari et père de famille ou le dirigeant, l'enseignant ou le machpia, le mentor. Sa personnalité était le pur reflet de ce que le Rabbi attendait de ses 'hassidim : témoigner de sa qualité de 'hassid non pas seulement visà-vis de certains domaines suprêmes, mais bien dans l'ensemble de son être. Moulay, tant au début que lors des années qui suivirent, ne s’est jamais confiné dans un rôle de guide spirituel, dans le sens où seule la spiritualité l’intéressait. Une grande communauté s’est rassemblée autour de lui, tout naturellement composée de personnes différentes, et bien entendu chacune avec son propre problème. Loin de se délimiter au travers d'un seul rôle, Moulay agissait à la fois comme conseiller conjugal, assistant social ou entremetteur matrimonial ; plus d’une fois, il réussit à trouver un travail rémunérateur à l’un des membres de son «groupe». Le lien que Moulay entretenait avec chacun était ainsi quasi-familial. Il n'est donc pas surprenant que tous les gens qui lui étaient attachés, malgré leurs origines différentes, avaient le sentiment de faire partie d'une seule famille… (à suivre)… Avec tous Traduit de l'hébreu par Michel Allouche Le hassid L’une des particularités de l’action de Moulay réside dans le fait qu’en toutes circonstances, il demeura lié avec tous. Je me souviens l’avoir interrogé sur la manière dont il avait pu ériger son premier centre, sans aucune ressource à l’avance et sans aucun statut particulier. acit31.com LE SITE WEB DE L’ACIT Naissances à Toulouse 02/09/2014 SALTAREL Eden 15/09/2014 GUEDJ Sarah 03/10/2014 BENHAMOU Simon 11/10/2014 ARNOUX Eliahou Haïm 14/10/2014 BLOCH Ana 23/11/2014 DRAY Nathanael 23/11/2014 JOURDAIN de MUIZON Joseph … et ailleurs 01/09/2014 ZAFFRAN Daniel Réouven (Londres) 14/11/2014 PARIENTE Tali (Shanghai) 18/11/2014 AZENCOT Yonathan Haïm (Jérusalem) Bar et Bat Mitsva 22/06/2014 14/09/2014 25/10/2014 07/12/2014 07/12/2014 21/12/2014 HADDAD Shirel GUIGUI Antoine DAVIS Lisa KAHN Benjamin SERFATI Sam RAYNAUD Hugo 06/11/2014 27/11/2014 ZERBIB Raphael (Jérusalem) FRAJDENRAJCH Dan (Paris ) Mariages à Toulouse 14/09/2014 28/12/2014 ZAC Triasis, rue Antoine Becquerel 31140 Launaguet Sophie Castiel … et ailleurs … et ailleurs 20/10/2014 … et ailleurs La communauté de Toulouse s’associe au chagrin d’Esther Matusof, sa sœur et de toute sa famille. Carnet COHEN SELMOUN Yannick / LEVY Rachel LEVY David / BENAMOU Audrey BALLY Alain / DAVID Nicole (Genève) 28/10/2014 LEVY Oz / COHEN Rebecca (Israel) 09/11/2014 TAHAR Johan / LIEBERFREUND Sophie (Paris) 05/11/2014 Rav AZIMOV Shmuel (Paris) Décès 15/09/2014 HAZIZA Michèle 17/09/2014 TOUATY Claudette 28/09/2014 LAYANI Fanny 30/09/2014 LAYANI Germaine 30/09/2014 FINKELTIN Renée 01/10/2014 KISRAOUI Rosette 05/10/2014 KELIF Régis 06/10/2014 DAHAN Jacques 08/10/2014 MAS née MOUYAL Rahmouna 10/10/2014 GUEDJ Jean Pierre 13/10/2014 THEVENET Suzette 14/10/2014 GOZLAN David 21/10/2014 AZRIA Raphael 26/10/2014 SELLEM Thierry 09/11/2014 JANES OIKNINE Tany 12/11/2014 GARBARSKY Anne 13/11/2014 BLOCH Jean Pierre 13/11/2014 CHERBIT Gilbert 21/11/2014 BENSADOUN Muriel 21/11/2014 SISIK René 22/11/2014 BENITAH Fortunée 30/11/2014 BARON André, Azar 01/12/2014 LAYANI Arlette Tél. 05 62 89 11 22 38 AVIVmag n°203 AVIVmag n°203 décembre 2014 39 2015 L’ACIT : simplifiez-vous la cotisation Et si vous cotisiez selon vos moyens ? ACIT Association Cultuelle Israélite de Toulouse À vos côtés pour la vie ASSOCIATION CULTUELLE ISRAELITE DE TOULOUSE 2 Place Riquet 31000 Toulouse Tél. 05 62 73 46 46