Le hasard, c’est bien connu, a un droit de cité très restreint dans la
Tradition juive. Chaque fois qu’il pointe son nez dans le récit biblique ou
dans l’histoire juive, nos Sages le lestent de divers sens. Et souvent,
nombres et chiffres hébraïques de nos Textes nous invitent à porter notre
attention par-delà leur compréhension obvie.
Il en est ainsi des 8 jours de Hanoucca.
LA PAROLE de nos Maîtres nous
apprend que ce fut là, le temps
nécessaire pour produire une huile
pure à l’usage exclusif du Temple de Jérusa-
lem réinvesti par les maccabis. Une huile
vierge que les mains païennes ne devaient
pas polluer; les légions gréco-assyriennes
venant d’être défaites par les irrédentistes
juifs en terre d’Israël.
Outre qu’elle alimentait, au sein du Beth
Hamikdach*, les ammes permanentes du
Candélabre, elle servait éga-
lement à asperger, avant son
entrée en fonction, les che-
veux du Grand-Prêtre ou
imprégner la tête du roi avant
qu’il n’occupe son trône. Elle
était réservée également à
l’onction du futur Messie
dont le nom hébreu ne signi-
e rien d’autre que oint.
Huit jours donc qui célèbrent
la victoire improbable d’une minorité
judéenne sur une soldatesque païenne mili-
tairement plus aguerrie. Un chiffre 8 qui, à
diverses reprises, se retrouve dans la littéra-
ture religieuse. Chiffre parfait, dit-on, qui
incarne “le Jour d’après”. Suivant immédia-
tement le chiffre 7, shabbatique pour le
judaïsme, il se retrouve paré de signications
et véhicule le concept de messianité que le
peuple juif a proclamé par la voix de ses
Prophètes.
A commencer par le samedi soir, n du
shabbat et début du 8ème jour**, le
dimanche du lendemain.
La liturgie le charge d’une résonance mes-
sianique et ses chants évoquent la belle
gure du Prophète Elie qui accompagne le
Messie, annonciateur de Temps Nouveaux.
Le monde chrétien l’a marqué de son seing
en consacrant ce jour de la semaine comme
avénement du Christ, son messie sauveur.
Dans cette perspective, le judaïsme lui prête
une dimension universelle comme prélude à
l’émergence d’une humanité en paix avec
elle-même. Thématique fortement soulignée
lors des célébrations de Shémini ‘Atsereth, fête
qui clôt, au huitième jour, les festivités de
Souccot mais qui ne possède pas moins une
identité spécique dans notre rituel reli-
gieux. Ce rendez-vous du calendrier draine
depuis des lustres plusieurs groupes de pèle-
rins chrétiens venus en Terre Sainte
s’imprégner d’une histoire commune et
humer l’air d’un avenir radieux.
La Brit Mila se déroule impérativement le 8e
jour et peut, avec le seul sauvetage d’une vie,
transcender et annuler l’extrême rigueur des
lois du Shabbat. Petite chi-
rurgie mais démarche
spirituelle majeure. Elle rap-
pelle, sur le plan du corps
confronté à autrui, la pré-
sence de Dieu dans l’accès à
l’Autre, au-delà de soi-même.
Acte fondateur pour l’indi-
vidu juif qui signe son
adhésion à l’Alliance de ses
Pères et sa participation à
l’aventure du judaïsme dont le messianisme
constitue l’horizon lointain.
Les huit jours de Hanoucca ne sont donc
pas simple fête des Lumières marquée par le
solstice d’hiver ou joyeux rassemblement
familial où les cadeaux viennent illuminer le
regard des enfants. Rompant avec le quoti-
dien, la prière matinale de ces huit jours voit
se déployer un Sefer Torah et réciter le
Hallel
***
dans l’enceinte des synagogues.
Nos Sages ont décidé très tôt, d’imprimer à
cette célébration, une dimension eschatolo-
gique; sans compter la thématique
prodigieuse de la Lumière, récurrente dans
nos Textes avec ses multiples réfractions
dans la pensée mystique du judaïsme, Un
élan qui nous projette sans cesse vers les
Temps futurs et nous arrache spirituellement
à notre monde frappé de nitude.
Jacques ASSERAF
*Le Temple de Jérusalem
**Dans le calendrier hébraïque, la journée se
comptabilise à partir de la veille au soir.
***Louange liturgique
AVIVmag n°203 décembre 2014
9
hannouka
Par Jacques Asseraf
La Brit Mila rappelle,
sur le plan du corps
confronté à autrui,
la présence de Dieu
dans l’accès à l’Autre
Des chiffres et des
concepts
Hanoucca aujourd’hui
C’EST là un message pour notre
temps car les forces de l’obscurité
sont toujours présentes. De plus
le danger ne vient pas que de l’extérieur. Il se
cache souvent près de notre foyer, dans l’éro-
sion insidieuse des valeurs et des principes
qui ont été, de tout temps, le fondement des
sociétés civilisées. Cela va sans dire: on ne
chasse pas l’obscurité à coups de balai mais
l’illumination en a le pouvoir. Nos Sages di-
sent: «Une petite lumière chasse beaucoup
d’obscurité».
Les lumières de ‘Hanoucca nous rappellent
de la manière la plus évidente, que l’illumi-
nation commence chez soi, en soi et dans sa
famille, en augmentant la lumière de la Torah
et des bonnes actions dans sa vie quotidienne,
comme on allume les lumières de la fête en
nombre croissant chaque jour. Mais l’effort
ne s’arrête pas là. C’est la nature de la lu-
mière: si on l’allume pour soi, elle bénécie à
tous ceux qui se trouvent alentour. Ce n’est
pas en vain que les lumières de ‘Hanoucca
doivent être allumées de telle sorte qu’elles
éclairent l’extérieur». Elles symbolisent ainsi
le devoir de chacun d’apporter la lumière à
ceux qui, pour quelque raison, avancent en-
core dans l’obscurité.»
Les lumières de ‘Hanoucca se dressent
comme le premier rempart contre les forces
de l’intolérance et de la persécution. Les
ammes de la Ménorah, le chandelier de la
fête, inspirent ainsi tous ceux à qui la liberté
est précieuse.
Selon la règle d’origine, la Ménorah doit être
disposée chez soi de telle manière qu’elle soit
visible de l’extérieur. L’idée est de «diffuser
le miracle» de la victoire d’un petit peuple
sur les anciens Syro-Grecs sanguinaires qui
avaient entrepris de persécuter ceux qui ne
leur ressemblaient pas. Mais avec la montée
de l’oppression, face aux dangers de la haine
religieuse, les Juifs furent peu à peu
contraints de limiter la célébration à l’enceinte
de leur foyer.
Aujourd’hui, alors que chacun a pris
conscience du fait que la liberté est un bien
inestimable, les Juifs allument la Ménorah
dans l’espace public, afrmant ainsi que tolé-
rance, liberté, refus de l’exclusion constituent
les seules voies de l’harmonie sociale.
Partout dans le monde, la Ménorah de ‘Ha-
noucca éclaire la nuit. Partout, des représen-
tants des autorités civiles et religieuses, des
Juifs et des non-Juifs, se rassemblent dans
un esprit de concorde citoyenne pour allumer
ces ammes de la liberté sur les places et dans
les jardins publics.
Au-delà de l’identité culturelle liée à cette cé-
lébration, c’est toute la grandeur de la libre
fraternité des hommes que l’on met en œuvre
ainsi.
Le mot ‘Hanouccah s’apparente également
dans son étymologie hébraïque, au terme
« ‘Hinou’h » qui signie « éducation ». La
fête prend ainsi son second sens: l’accent mis
sur cet impératif. Car l’éducation est, à l’évi-
dence, une idée essentielle ; elle permet de
créer une société forte, vibrante et créative.
Dans nos sociétés complexes, chacun sait que
l’éducation est le socle de la liberté indivi-
duelle et collective, et la clé d’un avenir meil-
leur. La lumière de ‘Hanoucca n’est pas une
lueur qui monte, elle est ici une balise.
‘Hanoucca célèbre la liberté d’expression, tant
au niveau individuel que collectif. Elle dé-
montre la supériorité de la lumière sur l’obs-
curité, du droit sur la force, de l’espoir sur la
peur.
Les huit jours de ‘Hanouccah racontent l’his-
toire d’une petite lumière qui repousse un
empire de ténèbres, celle d’une humanité fra-
gile qui dée la terreur et la force brutale,
celle de la vie qui l’emporte sur la destruction
– ce sont des combats qui existent aujourd’hui
en nous, et aussi dans le monde autour de
nous.
Le message éternel des lumières de la Méno-
rah a pris un sens particulier dans la période
actuelle, alors que les forces de l’oppression
et de l’obscurité afrment leur présence. La
victoire de la lumière est une histoire pour
notre temps.
Joyeux ‘Hanoucca!!
Rav YY Matusof
8AVIVmag n°203
Judaïsme
Par Yossef Matusof
Bayamim hahem bazemane hazé
(Basé sur une lettre du Rabbi de Loubavitch)
Hanoucca, la fête des lumières, commémore la victoire
d’un peuple juif militairement faible mais spirituellement
fort sur les puissantes armées d’un ennemi féroce qui
avait submergé la Terre Sainte et menaçait d’étouffer le
pays et son peuple sous l’obscurité.
Depuis lors, la victoire miraculeuse –qui culmina avec la
libération du Temple de Jérusalem et le rallumage du
Chandelier à sept branches, profané et éteint par l’ennemi
– est célébrée chaque année pendant les huit jours de
‘Hanoucca. Cette célébration est particulièrement mar-
quée par l’allumage quotidien du chandelier de la fête,
également symbole et message du triomphe de la liberté
sur l’oppression, de l’esprit sur la matière, de la lumière
sur l’obscurité.
Les bougies de Hanoucca : un chiffre 8 qui se
retrouve souvent dans la littérature religieuse