12-a-Heine-Cor_Mise en page 1 25/04/16 17:02 Page107 Les attentats-suicides et le martyre dans les traditions musulmanes Peter Heine* D ANS les débats publics sur les formes de l’islam radical, surtout depuis l’attaque contre le World Trade Center du 11 septembre 2001, la question des attentats-suicides est particulièrement présente. Pour les auteurs des attentats et leurs défenseurs musulmans, on a affaire à des martyrs, alors que la majorité des commentateurs sunnites et chiites rejette cette qualification. Il semble dès lors utile de revenir sur le sens du mot « martyr » dans les commentaires juridiques érudits ainsi que dans les traditions reçues de l’islam. Les témoins de la foi Le mot arabe pour désigner le martyr est shahîd (shuhadâ au pluriel). Il est utilisé dans différents passages du Coran, et son sens principal pourrait être rendu en français par le mot « témoin ». Il a la même racine que shahadâ, le mot arabe pour désigner la profession de foi musulmane. Dans la tradition musulmane, sont désignés historiquement comme « martyrs » d’abord les compagnons du Prophète qui s’étaient ralliés à lui immédiatement après ses premières manifestations publiques à La Mecque : ils se virent exposés aux persécutions et à * Peter Heine, spécialiste de l’islam non arabe, a été professeur à l’université Humboldt de Berlin. Cet article est paru dans Herder Korrespondenz (revue culturelle allemande sur les questions de société et de religion) en juillet 2015. 107 Mai 2016