39 Décembre 2016
Étudier l’islam
Un entretien entre Hamit Bozarslan
et Mohammad Ali Amir-Moezzi*
Hamit Bozarslan – Le Dictionnaire du Coran que tu as dirigé est
paru en 2007. Pourquoi avoir souhaité publier un tel dictionnaire ?
Dans quelle continuité s’inscrit cet ouvrage, à la fois dans ton œuvre,
dans celle d’une communauté d’islamologues et dans l’histoire de
l’islam, de sa production scientifique et théologique ? S’agissait-
il d’un simple projet d’érudition ou avait-il aussi pour objectif de
déplacer les lignes de force dans la recherche sur l’islamologie ?
Mohammad Ali amir-moezzi – L’idée de ce dictionnaire m’est
venue après le 11 septembre 2001 : tout le monde parlait du Coran,
et la mention même de l’islam évoquait la violence. Tout le monde
se réclamait du Coran, soit positivement, à titre apologétique, soit
négativement, à titre polémique : pour les uns, c’était un texte révélé
intouchable, et pour les autres, un texte violent justifiant la conquête.
Mais j’ai eu l’impression que le grand public ne connaissait pas
véritablement ce livre, et l’idée a germé dans mon esprit de faire
un dictionnaire. J’ai eu recours à des spécialistes mondialement
reconnus mais je ne voulais pas que ce soit un projet d’érudition,
car au-delà de l’intérêt scientifique, j’y voyais presque un devoir
civique : faire comprendre, essayer de poser les bonnes questions
pour que le lecteur occidental lambda, y compris le musulman, sache
de quoi il s’agit.
* Hamit Bozarslan est directeur d’études à l’Ehess. Son ouvrage le plus récent est Révo-
lution et état de violence. Moyen-Orient 2011-2015, Paris, Cnrs Éditions, 2015. Mohammad Ali
Amir-Moezzi enseigne la pensée islamique à l’École pratique des hautes études. Il est l’auteur de
très nombreux livres et articles scientifiques et a dirigé le Dictionnaire du Coran, Paris, Robert
Laffont, coll. « Bouquins », 2007.