Étudier l’islam Un entretien entre Hamit Bozarslan et Mohammad Ali Amir-Moezzi* Hamit Bozarslan – Le Dictionnaire du Coran que tu as dirigé est paru en 2007. Pourquoi avoir souhaité publier un tel dictionnaire ? Dans quelle continuité s’inscrit cet ouvrage, à la fois dans ton œuvre, dans celle d’une communauté d’islamologues et dans l’histoire de l’islam, de sa production scientifique et théologique ? S’agissaitil d’un simple projet d’érudition ou avait-il aussi pour objectif de déplacer les lignes de force dans la recherche sur l’islamologie ? Mohammad Ali Amir-Moezzi – L’idée de ce dictionnaire m’est venue après le 11 septembre 2001 : tout le monde parlait du Coran, et la mention même de l’islam évoquait la violence. Tout le monde se réclamait du Coran, soit positivement, à titre apologétique, soit négativement, à titre polémique : pour les uns, c’était un texte révélé intouchable, et pour les autres, un texte violent justifiant la conquête. Mais j’ai eu l’impression que le grand public ne connaissait pas véritablement ce livre, et l’idée a germé dans mon esprit de faire un dictionnaire. J’ai eu recours à des spécialistes mondialement reconnus mais je ne voulais pas que ce soit un projet d’érudition, car au-delà de l’intérêt scientifique, j’y voyais presque un devoir civique : faire comprendre, essayer de poser les bonnes questions pour que le lecteur occidental lambda, y compris le musulman, sache de quoi il s’agit. * Hamit Bozarslan est directeur d’études à l’Ehess. Son ouvrage le plus récent est Révolution et état de violence. Moyen-Orient 2011-2015, Paris, Cnrs Éditions, 2015. Mohammad Ali Amir-Moezzi enseigne la pensée islamique à l’École pratique des hautes études. Il est l’auteur de très nombreux livres et articles scientifiques et a dirigé le Dictionnaire du Coran, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007. 39 Décembre 2016