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Or, ce mouvement de la réflexion s'arrête-t-il aux valeurs ? Le Moi qui
pense va-t-il se contenter de percevoir ces « appels », sans se demander
ce qui se tient derrière, et d'où vient que ces valeurs nous appellent,
qu'elles nous font une obligation d'agir ou de nous exprimer de telle ou
telle façon, et non pas de telle ou telle autre ? Aller plus loin que les
valeurs, chercher quelle est leur source, c'est déjà poser Dieu, l'être
absolu, le fondement, la source et de nous-mêmes et du monde.
Dès le départ, la pensée rencontre la morale, nous l'avons vu, et elle
rencontre aussi Dieu, comme fondement de l'intelligibilité du monde dans
lequel notre existence doit se déployer. Mais elle le rencontre aussi
comme fondement des valeurs en fonction desquelles nous devons agir
et nous exprimer. Cela, à moins qu'elle ne récuse l'obligation comme telle,
l'idée même d'un devoir qui serait fait aux êtres libres que nous sommes.
De fait, il arrive que chez certaines personnes, la pensée ne se mette en
branle que pour découvrir et observer ce qui est dans le monde, sans plus.
Elle se pense elle-même alors comme une pure capacité de
représentation de ce qui est. Elle ignore ou néglige l'action, cette
nécessité où nous sommes mis, en tant qu'êtres humains, d'agir, de
décider, d'intervenir activement dans la société des personnes et dans
l'univers. C'est un choix que ces personnes-là font, qui les conduit à une
existence différente, mais observée fréquemment de nos jours : une
existence qu’on pourrait qualifier d’esthétique ou de purement ludique.
Les dimensions éthique et religieuse ne sont pas directement perçues par
ces gens ou ne le sont que très vaguement.
Ici il faut se demander si l'introduction de Dieu dans la pensée est
vraiment le fait de la pensée elle-même, qui en sent le besoin, ou si elle
ne se produirait pas par hasard sous l'impulsion, pour ne pas dire
l'injonction, d'une puissance extérieure au sujet, qui s'appelle autorité
religieuse ou tradition religieuse. Dans ce cas, il deviendrait permis de dire
que Dieu n'est pas d'abord un objet de pensée, mais un objet de foi
introjeté dans le sujet. Or nous pensons que non. C'est naturellement et
spontanément que notre pensée rencontre le problème de Dieu, comme
c'est naturellement et spontanément qu'elle rencontre celui de
l'obligation morale. Car l'être qui se reconnait un devoir en même temps
qu'il se découvre pensant et libre, se reconnait aussi toujours comme
dépassé et dépendant d'une puissance pensante qui est au principe, à la
source de tous les êtres et de lui-même. De ce fait, c'est Dieu même qu'il