Comment gérer les comportements inappropriés?

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IUFM DE BOURGOGNE
Professeur des écoles
PE2 MACON
Comment gérer les
comportements inappropriés!?
GUYONNARD Sylvie
Directeur de mémoire!:
J. P. ALCANTARA
Année 2004
N° de dossier!: 03STA0003
Sommaire
Introduction.
I-
Les finalités de l’école!: l’école pour tous.
A-L’intégration!: Un droit.
B-L’éducation à la citoyenneté!:
Passage incontournable ou une obligation!?
II- Le contexte.
A-Définition du comportement.
1- La science de l’étude du comportement: Le Behaviorisme.
2- L’école de Palo-Alto et les comportements non verbaux.
B-Définition de la norme.
1- Une norme ou des normes!?
2- Notion de comportement «!anormé!»!:
Stratégies d’apprentissage inhabituelles!?
III- A propos de trois comportements inappropriés
A- Caroline.
B- Nolan.
C- Alexis.
-1-
IV- Synthèse et discussion.
Conclusion.
Annexes et Bibliographie.
-2-
Introduction
Depuis les années 1990, on découvre à travers les médias que l’école
serait devenue un lieu où se développent bon nombre d’incivilités.
Paradoxalement, alors que l’école est un lieu ouvert au plus grand nombre, et un
lieu d’insertion, certains élèves adoptent des conduites de résistance et
d’opposition, en essayant d’imposer la définition de leurs normes,
caractéristiques d’un rapport de force.
Si on assiste à la montée préoccupante dans certains établissements, il
n’en demeure pas moins important «!d’ouvrir les yeux!» sur l’évolution des
comportements inadaptés en milieu scolaire.
L’intérêt, que je porte depuis de nombreuses années à l’observation de
l’émergence des conduites addictives, à l’augmentation de climats «délétères!»
m’amène tout naturellement à présenter une étude sur:
«!Comment gérer les comportements inadaptés!? »
S’y soustraire serait un grave déni de la réalité.
Enseignante sur le terrain l’année dernière, je fus confrontée au monde
de l’intégration scolaire!et à la pluralité des types de comportements rencontrés,
allant du violent au mutique.
Que ce soit en côtoyant les enfants lors de remplacement de courte
durée (poste de brigade) ou avec des enfants suivis au SESSAD (Service
d’Education Spécialisée et des Soins à Domicile), ces comportements étaient
toujours générateurs de conflits entre pairs et le manque de bienveillance, leur
corollaire.
Afin de trouver des ébauches de réponses à ces questions, la première
partie installera le cadre institutionnel en dehors duquel un enseignant ne peut
évoluer.
La deuxième partie articulera les réponses des différentes écoles sur la
notion de comportement. C’est à la lumière de leurs propositions théoriques que
j’essaierai de répondre aux questions!:
- Qu’est-ce qu’un comportement inapproprié!?
- Quels sont ses rapports avec la norme!?
-3-
La troisième partie sera consacrée à la présentation et à l’analyse de
trois cas d’enfants qui m’ont été confiés, deux l’année dernière dans le cadre de
mon activité au SESSAD, et un cette année lors de mon deuxième stage en
responsabilité.
Enfin, dans la synthèse, nous reprendrons ces divers éléments et
verrons s’il est possible d’adopter une ligne de conduite cohérente.
-4-
I. Les finalités de l’école: L’école pour tous.
A- L’intégration!: un droit.
L’égalité est l’une des valeurs fondamentales de l’école de la
République. Ouverte à toutes et à tous, sans distinction d’origine et de culture,
elle se doit d’être un outil d’intégration et de promotion sociale.
- La loi d’orientation n°89.486 du 10 Juillet 1989, stipule dans son
article 1° que!:!«! L’éducation est la première priorité nationale (… ) . Le service
public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des
étudiants. Il contribue à l’égalité des chances (… ). Le droit à l’éducation est
garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever
son niveau de formation initiale et continue (…). L’acquisition d’une culture
générale et d’une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que
soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. L’intégration scolaire des
jeunes handicapés est favorisée. Les établissements et services de santé y
participent!».
L’égalité signifie dans une première approche, être traité de la même
façon. Ce terme est ambigu. En effet, l’égalité scolaire n’est pas l’égalité
mathématique. Car, s’il s’agit de réduire les inégalités, cela ne signifie pas
uniformisation. Donner plus ou autrement, ce n’est pas donner la même chose au
même moment. C’est peut-être le seul moyen de parvenir à lutter contre les
inégalités sociales. Il faut permettre à chacun des élèves d’accéder aux mêmes
savoirs, même si le rythme et le mode d’acquisition sont différents.
- La réforme des cycles (art 4 modifié par la loi n°95-836 du 13 juillet
1995)!: «!La scolarité est organisée en cycles pour lesquels sont définis des
objectifs et des programmes nationaux de formation composant une progression
annuelle ainsi que des critères d’évaluation!». La durée de ces cycles est fixée
par décret. Pour assurer l’égalité et la réussite des élèves, l’enseignement est
adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et
tout au long de la scolarité.!»
-5-
B- L’éducation à la citoyenneté!: Un passage incontournable et une
obligation.
Être citoyen, c’est être membre d’une communauté civile, exercer
librement ses droits et ses devoirs civiques et politiques. Éduquer, est au sens
strict mettre en œuvre des méthodes et des procédés propres à assurer la
formation et le développement d’un être humain. L’école permet à l’élève de
conquérir par la culture ce que la nature ne lui a pas donné et cette éducation
relève de l’instruction et de la discipline.
Éduquer c’est aussi favoriser le développement des capacités d’un
individu et lui permettre une adaptation au milieu social. Cette idée est
largement propagée par les nouveaux programmes de 2002 qui ont repris les
résultats (publiés en juin 2001) de la Consultation nationale des programmes!:
«!L’école doit jouer un rôle plus affirmé dans la formation de tous les
élèves à l’acceptation des règles de vie collective, à une nouvelle compréhension
de l’articulation entre le respect et la liberté, bref à un «!vivre ensemble qui
soit la base d’une véritable éducation citoyenne!».
Monsieur François Bayrou, ministre de l’éducation nationale souligne,
dans sa préface des programmes de 1995!:
«!La Mission de l’école primaire s’est redessinée mais reste première
et essentielle. Lieu d’expression et d’apprentissage, lieu initial de l’intégration,
elle a la responsabilité de préparer la totalité des enfants à accéder au collège
dans des conditions favorables. Ils doivent y avoir acquis les comportements
intellectuels et sociaux nécessaires pour trouver leurs repères dans une
structure plus complexe où ils auront à gagner leur autonomie!».
Enfin, Monsieur Luc Ferry, ministre de l’éducation en présentant les
nouveaux programmes le 20 février 2002, proposés par la Commission Nationale
des Programmes dont il était président insiste!:
«!C’est dans cette conjoncture qu’il est apparu nécessaire de proposer
aux enseignants, aux élèves, et à leurs familles une révision complète des
programmes de l’école primaire (…) afin d’assurer à chaque élève cette maîtrise
du langage,( … ) mais aussi cette formation culturelle sans laquelle l’enfant ne
comprend pas le monde dans laquelle il vit, sans laquelle surtout il ne sait pas ce
que l’école attend de lui. ( … ) En effet, en vidant progressivement l’école des
références culturelles qui en étaient le socle, on n’a peut-être pas perçu qu’on lui
-6-
interdisait de jouer le rôle qui, traditionnellement, en France, lui appartient!:
intégrer tous les enfants, quelques que soient leurs origines familiales, dans
cette culture, à la fois nationales et universelles, qui est celle par laquelle
nous nous reconnaissons comme citoyens français et comme citoyens du
monde!».
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II. Le Contexte.
A- Définition du comportement.
Un comportement est la partie observable des conduites d’un individu
dans des circonstances données.
1-Le Behaviorisme, science du comportement.
Cette théorie psychologique a connu son développement au début du
XX° siècle, et prend son origine dans les travaux du psychologue américain John
Watson (1878-1958). Watson avait tiré la leçon des critiques adressées à la fin
du XIX° siècle à la méthode introspective, méthode qu’Auguste Comte, en France
avait écartée de la science positive par un jugement sans appel!:!«!L’œil ne
regarde pas lui-même!».!Animé par le souci d’objectivité et voulant faire de la
psychologie une science naturelle, Watson fonde sa théorie sur la «!relation
stimulus-réponse!» et sur la notion d’adaptation. Pour un behavioriste, le
comportement est «!l’ensemble des réactions adaptatives objectivement
observables, qu’un organisme exécute en riposte aux stimuli, eux aussi
objectivement observables, provenant du milieu dans lequel il vit!». Selon
Watson, le milieu est le milieu physique, mais aussi l’environnement social. Il
postule que le comportement de l’individu dans le milieu social doit être l’analogue
du comportement humain dans le milieu naturel.
L’important pour lui n’est pas l’action du milieu sur l’individu mais la
réaction de l’individu au milieu, et le behaviorisme est compris comme une
science concrète, pratique, qui cherche moins à expliquer qu'à prévoir.
Recherchant l’adaptation optimale, le psychologue behavioriste tente de
rationaliser par l’apprentissage la conduite de l’individu dans le milieu social. Il
crée ainsi implicitement une norme qui déterminera l’adaptation ou la nonadaptation à des conditions sociales observables.
Même si le behaviorisme n’a jamais servi de référence explicite en
éducation, on peut considérer que les pédagogies traditionnelles s’en inspirent
puisqu’il s’agit bien par des démarches éducatives appropriées de faire acquérir
des connaissances à l’individu pour qu’il s’adapte aux conditions sociales du milieu
dans lequel il vit.
-8-
-Le behaviorisme!: Une observation stricte du couple «stimulusréponse».
Les difficultés que souleva bientôt l’application du behaviorisme strict
(en particulier la mise à l’écart totale des données conscientes) conduisirent les
psychologues behavioristes à élargir considérablement le sens du terme. L’étude
moderne du comportement se préoccupe à la fois de l’influence des stimuli et de
celle des réactions conscientes ou inconscientes du sujet à l’action du milieu pour
expliquer ses actes. Sous l’influence d’un disciple de Watson, Tolman, on a
intercalé entre le stimulus et la réponse une série de variables intermédiaires!:
facteurs physiologiques de tous ordres, équipement héréditaire, âge, influence
de l’apprentissage antérieur, … . Le comportement désigne alors toute activité!de
l'être vivant en fonction des situations dans lesquelles il se trouve, sous la seule
réserve qu’elles puissent donner lieu à des observations objectivement
contrôlables. Dans son traité de psychologie expérimentale (1963-1966), Paul
Fraisse propose de remplacer la formule initiale R= f(S) (la réponse est une
fonction f de la situation) par R!= f(Sfl‡P), la double flèche indiquant que la
conduite dépend de l’interaction entre la situation S et la personnalité P du
sujet. Dans ce sens, le behaviorisme!, méthode expérimentale contemporaine est
bien une psychologie du comportement (ou de la conduite).
2- L’école de Palo-Alto.
Cette école naît au sein du groupe du «!Mental Research Institute!»
installé à Palo-Alto en 1959 près de San Francisco.
L’école de Palo-Alto radicalise l’attitude constructiviste pour en faire
une théorie. Les constructivistes, à la tête desquels se trouve Jean Piaget
(1896-1980) insistent sur la capacité d’auto-organisation de l’être vivant. Les
biologistes Umberto Maturana et Francisco Varela utilisent le concept
d’!«!autopoièsis!», font de l’organisme vivant un système autopoiètique qui
«!engendre et spécifie continuellement sa propre organisation.!»
Rien n’est donné, tout est construit dans l’interaction du sujet et
de l’objet qui se définissent et s’autonomisent mutuellement.
Ce mouvement s’inscrit dans certaines recherches de psychologie
sociale et dans l’école de Palo-Alto.
Gregory Bateson, chercheur pionnier de l’école de Palo-Alto a attiré
l’attention sur l’approche systémique appliquée aux relations humaines et sur la
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dimension sociale dans l’acte de communiquer. Watzlawick, également chercheur
à Palo-Alto, compare la communication (dans son ensemble) non pas à un échange
de ping-pong, mais emploie la métaphore de l’orchestre. La communication est
conçue comme un système à multiples canaux auquel l’auteur social participe à
tout instant, qu’il le veuille ou non!: par ses gestes, son regard, son silence, sinon
son absence… «! En sa qualité de membre d’une certaine culture, il fait partie de
la communication, comme le musicien fait partie de l’orchestre. Mais dans ce
vaste orchestre culturel, il n’y a ni chef, ni partition. Chacun joue en s’accordant
sur l’autre.!Seul un observateur extérieur, c’est-à-dire un chercheur en
communication, peut progressivement élaborer une partition écrite, qui se
révélera sans doute hautement complexe!». ( P. Watzlawick dans La nouvelle
communication (1981), avec Bateson, Bridwhistell, Goffman, Hall, Jakson,
Scheffer, Sigman).
Pour Watzlawick!: «!On construit soi-même sa propre réalité!».
Cette affirmation signifie que la carte n’est pas le territoire. Il existe
en effet une différence entre le monde tel qu’il est et l’expérience que nous en
avons et dont dépend notre comportement (conduite). C’est la différence entre
notre expérience du monde et l’expérience de notre voisin.
Pour cette école, il existe une intéraction permanente entre les
individus!: «!Tout comportement est communication, il est impossible de ne pas
avoir de comportement!: la gestuelle, ou l’immobilité, la parole ou le silence, sont
des comportements.!»
La communication verbale et la communication non-verbale.
Pour les chercheurs de Palo-Alto, toute communication est axée à la
fois sur la communication non-verbale (le comportement) et la communication
verbale (l’intervention). Dans les techniques de communication non-verbales sont
étudiées l’utilisation de la gestuelle et de la voix comme outils de communication,
le travail sur la diction et l’organisation de l’espace.!
Edward T. Hall dans son livre «!Le langage silencieux!» définit quatre
distances se référant en particulier à l’éthologie!: distance intime, personnelle,
sociale et publique.!Il cite, à propos de la transmission du message par l’espace
dans le chapitre «!l’espace parle!» (p206)!: «!Les évènements spatiaux donnent à
la communication son intonation et son accent et dépassent parfois le
- 10 -
discours.(…) Le flux de paroles et le changement entre deux individus en
interaction participent du processus de communication!».
L’utilisation de l’espace est différente selon les cultures. Il peut s’agir
de l’espace territorialité!: en Amérique, par exemple, aucune orientation n’est
favorisée par rapport à une autre. Dans d’autres cultures, on s’aperçoit que
certaines orientations sont sacrées ou préférables. En Inde, les fleuves sacrés
coulent vers le sud.!Il peut s’agir également de l’espace dans l’échange
comportemental, pendant une interaction!: E.T. Hall souligne (p. 207)!:!«!Le
message vocal est fonction de la distance, mais le sujet d’une conversation
exige parfois une utilisation spécifique de la distance. Il y a certaines choses
dont il est difficile de parler, si l’on ne se retrouve pas dans la zone d’interaction
adéquate!». Citons par exemple la différence de l’espace parlant entre la culture
arabe et la culture asiatique.
Dans les techniques de communication verbale, l’attention est portée
sur la préparation et le contenu du message à transmettre et sur les échanges
avec le groupe. Les enseignements pour améliorer l’écoute s’inspirent de
l’apprentissage de la congruence et de l’empathie (Carl Rogers).
Des recherches effectuées à Palo-Alto par J. Grinder (psychologue et
linguiste) et R. Bandler (mathématicien et cybernéticien), est née dans les
années 70, la programmation neurolinguistique.
Ces deux chercheurs se sont intéressés au processus de
communication entre les personnes. Ils ont cherché à «!modéliser!» les
comportements appropriés.
Le terme de «!programmation!» signifie que chacun produit et applique
des programmes comportementaux. Leurs recherches ont mis en évidence que
nos informations étaient codifiées à partir de nos expériences sensorielles. Nos
expériences seraient codées dans notre cerveau sous forme d’images, de sons,
de sensation, d’odeurs et de goûts. Le résultat en serait notre propre carte de la
réalité.
Le préfixe «!neuro!» fait référence aux perceptions sensorielles, et
aux «!canaux de perception!»!: visuel, auditif, kinesthésique olfactif et gustatif.
Pour Bandler et Grinder nous codons notre modèle du monde à partir
de nos perceptions sensorielles. Un processus de pensée interne et personnel
(ordonnancement interne) transforme nos perceptions en comportements. La
- 11 -
verbalisation (création de mots et de discours), n’étant qu’une partie de la
communication globale (verbale et non-verbale ou comportemental) que l’on
présente à l’autre. À tout mot correspond un vécu associé à un comportement.
«!Le mot est la représentation secondaire de l’expérience!».!Le terme
linguistique indique que cet ensemble de données passe par le langage qui est le
code de la pensée.!En effet, le langage nous donne à la fois la structure de la
pensée et son mode d’expression.!L’étude du langage, la linguistique, nous permet
alors d’étudier comment se met en place et se déroule notre programme interne.
Nous avons, selon Bandler et Grinder, un système sensoriel privilégié (visuel,
auditif ou kinesthésique) dans la manière de structurer notre langage. En
décodant et en nous adaptant à la carte de la réalité de l’autre, nous pouvons
espérer, comme le proposait Socrate!: «!Parler aux gens dans leur propre
langage!» .
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B- Définition de la norme.
!
Type concret ou formule abstraite de ce qui doit être. (Ce qui est
relatif à la règle, aux modèles au principe…)
1- La «!norme!» ou les «!normés!»
Quelle que soit l’importance accordée aux déterminants biologiques
pour expliquer le comportement humain, il n’est jamais envisagé d’ignorer les
influences de l’éducation et plus largement de la culture. Pour de nombreux
comportements humains, l’aspect le plus signifiant de l’éducation tient à ses
standards prescriptifs!: normes, valeurs, traditions morales, systèmes (…) ou à
ses guides pour sanctionner les «!conduites sociales!».
-Quels liens entre norme, normes, et systèmes!?
De nombreuses distinctions ont été opérées par les chercheurs entre
la norme et les concepts qui y sont reliés comme convention, lois, valeurs (qui fait
l’objet d’une appréciation) , !et système.
Le Linguiste uruguayen Eugenio Coseriu voit dans le rapport
norme/système un rapport parallèle à celui qui oppose la règle à la loi.(«!Sistema,
norma y habla!», Montevideo,1952). «!La norme comprend tout ce qui dans la
technique du discours n’est pas nécessairement distinctif, mais ce qui est tout
de même socialement fixé, qui est d’usage commun et courant dans la
communauté linguistique. Le système comprend tout ce qui est distinctif. La
norme correspond à peu près à la langue en tant qu’institution sociale!».
On peut considérer plusieurs types de normes!:
- «!La!» norme, discours d’un groupe social ou d’une série d’instances
académiques ayant pour objet d’établir la prédominance d’une norme singulière
sur les normes plurielles des variations langagières.
- «!Les!» normes qui sont la prise en compte des variations sociales de
notre époque!: un exemple le plus caractéristique en est le «!rebeu!», ce terme,
verlan de «!beur!», lui-même verlan d’!«!arabe!», désigne un parlé inventé par
certains groupes de jeunes d’origine maghrébine dans certaines cités.!Cette
invention est l’effet d’une action métalinguistique donnant une identité à ce
groupe social. Cette variation secrète bien sa norme.
- 13 -
La nécessité de penser la diversité en termes de variations est le
meilleur moyen de donner une place significative aux notions de «!norme!» et de
«!système!».
2- Notion de comportement «!anormé!» . Essai de réponse.
Comme aspect de la culture, la norme est un standard ou une règle,
encore faut-il établir une distinction entre standard normatif et comportement
normatif, c’est-à-dire comment les gens devraient se conduire et comment ils se
conduisent. Dans beaucoup de cas, les comportements correspondent à des
formulations normatives. Il s’agit alors de prescription prosociale.
La norme est une formulation prescriptive. C’est donc la prescription
selon laquelle on devrait se porter assistance qui est un exemple du
comportement d’assistance. Cependant, cette correspondance n’indique pas
nécessairement une relation de cause à effet entre prescription et
comportement!: Des individus peuvent se porter assistance réciproque pour des
raisons autres que celle de l’existence d’une prescription culturelle. C’est
pourquoi l’expression d’un comportement pro-social de «!type normatif!»
n’indique pas nécessairement l’intervention de la norme sociale. Dès lors, inférer
qu’un comportement particulier est causé par une norme sociale simplement
parce qu’il correspond à une formulation normative comporte un risque d’erreur.
De nombreuses recherches suggèrent que la socialisation implique à la fois une
conformité comportementale en fonction de normes ou de valeurs.
La norme ou les normes apparaissent bien au cœur des phénomènes et
processus de socialisation.
En conclusion de cette première partie consacrée aux notions de
comportements et de normes, on peut affirmer qu’un comportement dit
inapproprié est subordonné à la notion de conformité sociale, elle-même reliée
aux influences de la culture et de l’éducation. Les questions suivantes nous
serviront de fil conducteur dans notre prise en charge des comportements
«!inappropriés ».
-
Sachant que chaque individu privilégie un système
sensoriel, n’est-il pas délicat d’insister uniquement sur
le mode visuel qui ne représente d’après les chercheurs
de Palo-Alto qu’environ 60% des individus, 20%
- 14 -
privilégiant le système auditif et les derniers 20% le
système kinesthésique!?
-
Un comportement inapproprié n’est-il pas le résultat
d’une stratégie d’apprentissage inhabituel!?
-
Un comportement inapproprié peut-il être générateur
de bienfait pour le groupe!?
- 15 -
III. À Propos de trois cas de comportements
inappropriés.
L’année dernière, pré-recrutée, je fus nommée sur deux postes à mitemps, l’un dans le cadre d’un SESSAD!: «!Service d’Education et de Soins
Spécialisés à Domicile!», l’autre en tant que remplaçante au sein d’une brigade.
Les élèves dont j’avais la charge présentaient des difficultés
d’apprentissage associées plus à un disfonctionnement cognitif qu’à une
déficience intellectuelle. Ces difficultés étaient liées le plus souvent à des
problèmes psychosociaux et entretenaient des comportements inappropriés au
sein du groupe classe.
Les deux premiers cas que je cite, Caroline et Nolan concernent des
enfants suivis au SESSAD, le troisième, Alexis est un enfant dont j’ai eu la
charge en classe lors de mon deuxième stage en responsabilité, cette année. Au
SESSAD, ma démarche s’inscrivait au sein d’une équipe pluridisciplinaire!:
psychomotricienne, pédopsychiatre, psychologue, éducateur spécialisé. Mon
travail de soutien était un soutien à l’intégration scolaire et consistait à
effectuer un suivi personnalisé en relation duelle en me déplaçant sur les
différents lieux de vie de l’enfant, en l’occurrence les locaux de l’école.
- 16 -
A- Caroline
Caroline, enfant de 12 ans, était inscrite dans une école à classe unique
en CM2, mais ne pouvait suivre qu’avec difficulté l’enseignement de CE2. Cette
jeune fille, à la prise de mes fonctions, présentait une déficience de la parole
significative, avec bégaiement et style haché. Elle était parfois mutique en
classe.
Prenant en charge Caroline, une fois par semaine (de 45 à 60min), sur
son lieu d’école, j’appris peu à peu à me familiariser avec son comportement.
Caroline était souriante, mais ses phrases n’étaient constituées que de bribes de
mots. Je diversifiais mes interventions tant sur le registre de la présentation
écrite et orale de la séance que sur les gestuelles, ainsi que sur ma manière de
gérer l’espace relationnel. (Cf.!«!le langage silencieux!», E.T.Hall, déjà cité).
En privilégiant la divergence, mon souci était de créer l’effet de
surprise observable analogiquement. Afin de créer l’étonnement auprès de
Caroline, j’appris la méthode phonétique et gestuelle crée par Suzanne BorelMaisonny, et prononçait son prénom oralement et gestuellement. En effet,
pourquoi vouloir faire lire Caroline puisqu’elle ne savait pas lire!? Mon souci de
cohérence était de m’adapter au stade de connaissance de l’enfant. Mon
comportement signifiant prouvait que je comprenais son incapacité. Cette séance
fit beaucoup rire Caroline. Elle me dit ce jour-là qu’elle savait lire mais qu’elle n’y
arrivait pas toujours. Il m’arrivait également en pleine séance de me lever et de
faire tout autre chose à l’autre bout de la pièce. Cette attitude avait pour but de
susciter l’étonnement.
Les exercices de mathématiques préparés à l’avance, de type
exercices à trous, semblaient la rassurer!: l’ordre croissant décroissant était
compris, ainsi que les additions simples…
La technique opératoire de la soustraction n’était pas acquise. La
soustraction associée à la notion de différence et de manque représente pour les
enfants, un échec dans leurs apprentissages scolaires, une étape infranchissable.
Ils supportent en effet mal ce temps de suspension nécessaire à la recherche, à
la réflexion qu’est le doute. Cette notion de manque est alors associée à une
angoisse primaire, dominante, source de sidération ou d’anéantissement
intellectuel.
Dans le cas de Caroline, sa pauvreté des stratégies cognitives était
marquée par un souci de mettre hors circuit la réflexion et la recherche.
- 17 -
D’après Serge Boimare dans «!L’enfant et la peur d’apprendre!»!:
«!C’est la pauvreté des représentations imageantes qui habituellement servent
de tremplin au travail de la pensée, empêchent ici le passage du singulier vers la
loi générale!»!!.
Paradoxalement, cette pauvreté de représentations imageantes est
liée à la prégnance d’images fortes, souvent crues et répétitives, parfois même
des condensés de scénarii liés à leur histoire personnelle qui n’arrive pas à se
développer et qui occupent en priorité le devant de la scène.
Si ces représentations mentales n’ont pas assez de mobilité, de
capacité de liaison pour permettre le travail intellectuel, nous pouvons envisager
la mise en œuvre d’autres stratégies,!déclencheurs d’opérations mentales
innovantes et mobilisatrices.
Peu à peu, après imprégnation de lectures différentes à voix haute par
l’adulte, Caroline se détendait et se montrait curieuse lorsque j’interrompais la
lecture avant la fin. La mise en suspension du texte créait un horizon d’attente
qui ne la laissait pas indifférente. Elle manifestait oralement son désir de
connaître la suite, et je l’aidais toujours à développer sa pensée créatrice afin
d’imaginer une fin à l’histoire.
S. Boimare insiste (p87) sur le fait de lire des histoires porteuses de
sens!: «!J’ai toujours remarqué de façon paradoxale que plus le thème qui servait
de support aux apprentissages était neutre et plus il favorisait le retour à
l’inquiétude. Les livres de lecture aseptisés, sans création de sentiments, (…) où il
est question du canard qui va à la mare et de la poule qui picore du grain dur, sont
de véritables «!incitations à la débauche!. (…) Les thèmes seuls capables de
retenir l’attention de ces enfants portaient en eux les inquiétudes et les
émotions qui d’ordinaire les dérèglent!».
Après deux mois de travail, Caroline a commencé à s’exprimer sur ses
désirs personnels. Elle me disait qu’elle aimait faire des maths avec moi, mais
qu’elle n’aimait pas lire. Un jour, elle exprima qu’elle voulait travailler dans une
boulangerie lorsqu’elle serait plus grande. Je lui ai alors demandé comment elle
se représentait son travail. Elle m’a répondu sans bégayer «!qu’!elle! se voyait
dans une boulangerie, que ça lui plaisait bien, et qu’elle se disait que ça ferait
plaisir à ses parents!».
- 18 -
Caroline venait de produire une stratégie d’image motivante dont le
schéma est le suivant!:
Visuel ‡ Kinesthésique ‡Auditif dialogue interne.
Quelques jours plus tard, je lui demandais une production d’écrit dont
le sujet était!: «! Quel est ton meilleur souvenir!?!». Elle écrivit!: «!Mon meilleur
souvenir, c’est quand je suis allée à la patinoire de Mâcon!». Je savais que
Caroline y était allée, la semaine précédant ce travail, avec d’autres enfants du
SESSAD, accompagnés d’éducateurs.
Je lui demandais de me relater sa sortie. Très animée, elle me donna
force détails sur cette journée. Je dirigeais mon questionnement à partir de sa
stratégie mise en évidence plus haut!:
«!Y avait-il beaucoup de personnes!?
-Tout le monde portait-il des gants.
-S’était-elle bien amusée!?
-Qu’avait elle ressenti au milieu des autres!?
-Que se disait-elle à propos de cette journée!?!»
Caroline avait beaucoup apprécié cette sortie et se disait qu’elle était
très contente et avait envie de recommencer. Je lui suggérai l’idée de faire un
exposé sur le patinage, d’autant que son institutrice m’avait dit qu’elle avait
emprunté un livre sur ce sujet. Caroline montra beaucoup d’enthousiasme.En se
servant d’un contexte expérienciel agréable, il était dès lors possible, à partir
d’une représentation forte, de l’utiliser comme tremplin pour réaliser un travail
personnel qu’elle produirait devant le groupe.
Les trois séances suivantes, Caroline élabora avec mon aide une
affiche sur le patinage,!articulant images et textes. Elle agit sur un format
d’image, et présenta une affiche informative avec l’historique du patin, les
techniques de patinage, et les performances artistiques de patineurs célèbres.
La construction terminée, Caroline souhaita qu’une partie des élèves de
la classe vienne dans notre petite salle pour qu’elle leur expose son travail. Elle le
fit alors sans bégayer et fut félicitée car peu d’enfants savaient patiner et
Caroline était notamment douée en éducation physique.
La semaine suivante, c’est Caroline qui encouragée par le groupe
d’élèves exposa son travail au reste des élèves, CM1 et CM2, dans la salle de
classe.
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L’institutrice m’expliqua par la suite que Caroline avait changé de
comportement et avait souhaité avoir un rôle dans le projet théâtre de la classe.
Caroline!«!était transformée!». Elle ne bégayait plus, posait
régulièrement des questions sur les panneaux publicitaires et recopiait
des recettes de cuisine pour les ramener à la maison.
- 20 -
B- Nolan
Nolan est un enfant de 8 ans, doublant le CP et qui n’a pas acquis les
compétences nécessaires pour entrer dans de réels apprentissages. Il présente
un comportement agité, perturbe sans cesse la classe. Son comportement relève
davantage d’une inconstance psychomotrice (agitation, instabilité) qui accentue la
difficulté à se fixer sur une tâche, à se concentrer. A côté de cette excitation,
dans l’instant suivant, Nolan paraît comme «!endormi!». Son attitude générale
donne une impression de dispersion et d’absence de liens.
Je dois travailler avec Nolan une heure par semaine, à son école, en
aide individualisée.
À la prise de mes fonctions, l’enfant présente de réelles difficultés à
se repérer dans l’espace, et il n’intègre pas la dimension temporelle.
S. Boimare remarque dans «! L’enfant et la peur d’apprendre!» :
«! Un signe de défaillance que l’on retrouve régulièrement chez ceux qui
sont en difficulté devant les apprentissages se rapporte aux grands repères
organisateurs de la pensée (…) Une place particulière doit être faite ici aux
perturbations des données temporelles que l’on retrouve systématiquement chez
ceux qui sont en échec dans les apprentissages scolaires!(…). Face à ces
carences, l’inscription de la différence des générations, l’utilisation des liens de
causalité, l’idée de la durée et de l’étape nécessaires à la construction des
savoirs ne sont plus des points d’appui!».
Nolan donne l’illusion de savoir lire, mais je comprends vite qu’il repère
certaines graphies sans les acquérir, et qu’il est capable de mémoriser
(photographier) certaines phrases de son livre de lecture. Il se montre
astucieux, débrouillard et développe une vivacité d’esprit et de mémoire.
En mathématiques, nous travaillons à partir de fichier («!Maths en
herbe GS, collection Nathan) et je repère très vite qu’il ne sait pas remettre en
ordre chronologique, ni décrire des positions d’objet par rapport à lui et aux
autres…
En numération, il est capable de dire, lire et écrire des nombres
jusqu’à vingt. La notion de regroupement n’est pas acquise. Dans son discours,
Nolan fait des confusions dans les liens parentaux!: il nomme sa grand-mère,
Maman alors qu’il vit chez ses parents!; il dit être l’oncle d’un nouveau petit
cousin…
- 21 -
Ce trouble générationnel semble occuper l’esprit de Nolan, la notion de
«!place!» est omniprésente. En outre il répète souvent: «!J’ai trop de choses
dans ma tête!». M’appuyant sur ce mélange de générations qui semble occuper
l’esprit de Nolan, sur la notion de «!place!» omniprésente dans son discours, j’ai
l’idée de travailler sur «!la ligne du temps!»
Nous travaillons dans une salle annexe, inoccupée au premier étage de
l’école. Cette salle est carrelée. Je me lève et en m’aidant du carrelage, je trace
au sol, de façon fictive, la représentation d’une frise chronologique. Je lui
demande d’observer mes pas et je marque l’emplacement du présent en lui
disant!: «!Nous sommes ici en ce moment, ce qui est derrière, c’est le passé!; ce
qui est devant c’est le futur!».J’accompagne l’explication de gestes, en tournant
le dos au repère du passé!et en orientant mon corps vers le futur.
Je lui demande ensuite de venir me rejoindre sur le «!carreau!» du
présent et l’incite à regarder ce qui est derrière c’est-à-dire le passé. Et
j’ajoute!:!«! Tu me dis souvent, Nolan, que tu as trop de choses dans la tête, tu
peux peut-être en laisser une partie derrière toi!». Puis!: «! Ici, nous sommes au
présent!». Je lui demande alors de reculer d’un pas avec moi sur la ligne vers le
passé!: «!A cet endroit, c’était il y a deux heures!», puis en reculant davantage,
« c’était hier, il y a deux jours, un mois …». Nous reculons tous les deux le plus
loin possible en déposant sur cette!ligne imaginaire «!tout ce qui est en trop!»,
puis nous revenons à la case «!présent!».
Je lui demande alors de regarder devant lui!: «!C’est le futur, nous
allons faire un pas en avant tous les deux, puis nous reviendrons à la case
!présent!» , Nous recommençons en avançant de deux pas puis de trois… en
revenant toujours sur la case «!présent!».
Nolan semble être très content de ce petit jeu. De cette façon, en
matérialisant le «!temps! » au sol, j’essaye de l’aider à se représenter dans le
temps et l’espace, à occuper l’espace «!présent!» et à avancer avec confiance sur
cette ligne.
À chaque séance, Nolan me redemande de faire le «!petit jeu!» avec
lui. Nous travaillons aussi beaucoup de façon ludique avec les manipulations en
mathématiques et la méthode phonétique et visuelle de Borel-Maisonny en
français.
- 22 -
A son évaluation du deuxième trimestre, le maître note!: «!D e s
difficultés persistantes en lecture, bien qu’il ait compris les bases de la
combinatoire. Sa capacité de mémorisation reste insuffisante, mais s’est
améliorée. Des progrès légers en numération. Des progrès en géométrie où Nolan
a des compétences. Très paradoxalement, Nolan n’a plus de difficulté à se
repérer dans l’espace!».
Nous avions coutume de cocher les cases du calendrier mensuel, collé
en début de mois dans le cahier et le dernier vendredi du mois de juin 2003,
dernier jour de classe, Nolan dessine un voilier avec deux personnes à bord. Je
lui demande qui sont ces deux personnages. Il me répond!: «!C’est Nolan et Sylvie
qui partent en voyage!». (Annexe)
- 23 -
C-Alexis
Alexis, enfant de CE1 au sein d’une classe, qui m’est confiée pendant
mon deuxième stage en responsabilité est un enfant appelé «!dyspraxique!».
Mon projet étant «!De la calligraphie à l’écriture!», je décide
d’organiser un atelier de calligraphie en plusieurs séances. J’explique aux élèves
le déroulement des séances. L’objectif de la première séance repose sur la
découverte de deux outils!: le calame et la plume. L’objectif de la dernière était
d’écrire un texte à la plume, le recopier par interprétation cursive, en utilisant
les pleins et les déliés.
En accord avec les programmes!: «…Au moment où l’écriture devient
une activité quotidienne, l’enseignant amène l’enfant à mieux maîtriser son geste
en jouant avec le trait (…) avec l’utilisation de différents outils (calame,
pinceaux, plumes..) ».
Alexis réalise avec un calame un cheval en mouvement, en orientant
intentionnellement son outil pour obtenir des traits fins et des traits plus épais.
Son geste est précis et accompli, il a réalisé sa production en levant deux ou
trois fois la main.
À l’exposition des travaux dans la salle de classe, je demande à Alexis
comment il a procédé!: «!J’ai fait un trait en haut de la page, et je me suis dit
que ça ressemblait à une crinière. J’ai eu envie de dessiner un cheval.!»
Il réalise ainsi un cheval en mouvement. Ce qui semble très intéressant,
c’est que cet enfant, déclaré en grande difficulté, réussit à expliquer très
clairement à M Cosmas, professeur d’Arts Visuels présent ce jour-là et à moimême, comment il a procédé. Son processus de création lui était complètement
inconnu avant cette verbalisation. C’est en l’aidant à «!dire!», qu’il explique aux
autres élèves comment il a mis en œuvre sa stratégie et qu’il en prend ainsi
conscience.
Le lendemain, je propose un projet d’écriture!en commun. Il s’agit de la
réalisation d’un conte des origines dont le sujet est!: «!Pourquoi l’hippocampe se
déplace de cette manière!?!» Je répartis la classe en deux groupes!: Les uns
utiliseront la plume et les autres le calame. J’affiche au tableau des
représentations du conteur H. Michaux. Puis j’explique la position du corps, le
geste doit être libre, l’épaule dégagée, m’attachachant à ce qu’ils prennent
conscience de leur schéma corporel (inspir/expir).
- 24 -
Ce travail est la suite logique d’une imprégnation de structure!: lecture
d’un conte étiologique chaque jour (tiré de «!365 contes des !pourquoi et des
comment!»! de Muriel Bloch).
Après lecture des consignes au sujet de l’élaboration du texte, les
enfants se mettent au travail. Je ne remarque pas tout de suite qu’Alexis fait
semblant de travailler. Ce n’est qu’au moment de m’apporter le premier jet
d’écriture que je vois une feuille blanche. Je m’assieds à côté de lui, lui demande
de regarder son cheval et de lui dit!:
«!Tu te souviens comment tu as commencé!?
-J’ai fait un trait qui m’a fait penser à une crinière.
- Et dans le cas de l’hippocampe, quel est le premier mot que tu
voudrais écrire sur ta feuille!?!».
Alexis me répond qu’il pense à un animal qui vole. Je lui demande d’écrire
le premier mot sur sa feuille et de laisser aller son imagination, tout comme il l’a
fait pour le cheval.
C’est ainsi qu’il crée son conte!(annexe ): Alors qu’il lui était impossible
d’imaginer la structure complète et finie de son conte, il inscrit le premier mot
de son histoire et apporte les touches successives qui vont faire «!bouger!»
l’hippocampe volant. Il écrit ainsi son texte en prenant appui sur son processus
de création, tout comme pour le cheval!:
«!J’ai fait, je me suis dit, j’ai fait, j’ai vu,!…!».
Alexis écrit le premier mot, il se dit que cela pourrait être un
hippocampe qui perdrait ses ailes lors d’une bagarre, il écrit la suite, la lit et
voit que cela lui convient.!Il crée son texte en intégrant le plus de consignes
possibles.
Je lui demande, ainsi qu’aux autres élèves, après réécriture, de lire à
haute voix le deuxième jet.
Cette écriture de conte en projet a permis à Alexis de s’appuyer sur
une stratégie d’apprentissage dont il n’avait pas conscience au départ mais qui lui
sert maintenant de tremplin!: non pour réorganiser ce qu’il croyait savoir mais
pour organiser ce qu’il croyait ne pas savoir.
La prise en compte par Alexis de la situation dans laquelle il écrit, les
intentions de celle qui lit et de ceux qui entendent, l’ont aidé à être avec et dans
- 25 -
le groupe. Comme le cite C. Pochet, F. et J. Oury dans leur livre!:!«!L’année
dernière, j’étais mort … Signé Miloud!» (1986), p. 136, «! Qu’il s’agisse de souris
ou d’enfants, le préjugé du «!professeur!», l’idée qu’il se fait des possibilités de
son «!élève!» déterminent fortement les progrès de l’enseigné!: les élèves
deviennent doués quand le professeur croit en eux…!».
La Dyspraxie.
Syndrome de discordance entre l’acte voulu et l’acte réalisé.
Difficultés et maladresses inhabituelles dans les activités coordonnées!: sauter,
éviter, attraper une balle, taper dedans. (Faible habileté au sport). Difficulté
permanente à la parole.
Un enfant dyspraxique est anormalement maladroit. Il ne peut
organiser et réaliser des gestes que pourtant il conçoit bien. La plupart du
temps, ses réalisations motrices et graphiques sont médiocres, informes et
brouillonnes.
La dyspraxie est un trouble spécifique du développement moteur. Il y a
altération du développement de la coordination motrice. Ces dysfonctionnements
neuropsychologiques d’origine peu connue ne peuvent être dépistés que par un
diagnostic précis.
De l’intérêt de transformer une difficulté d’apprentissage d’un
élève en atout pour toute la classe.
Cet enfant m’a été présenté comme un enfant en grande difficulté
scolaire, qu’il était nécessaire de cadrer!: exigence dans la présentation du
travail, fermeté quant à la discipline, trouble dyspraxique important.Il était
malheureusement un enfant observé par ses camarades, à qui l’on ne laissait rien
passer. J’entendais régulièrement des remarques désapprobatrices à haute voix
à son sujet.
Après qu’Alexis eut fait l’analyse de son graphisme à haute voix, les
enfants ont trouvé «!qu’il lui était facile de dessiner, que son cheval était très
réussi et qu’il était très doué…!». Le rapport qu’Alexis entretenait avec la classe
avait évolué. Le fait ensuite, d’insister sur les «!voix auditivo-verbales!» (Oury,
déjà cité) dans la production d’écrit a également aidé les autres enfants.
La mise en évidence devant tous les autres enfants qu’il n’existait pas
une seule manière d’apprendre et qu’Alexis avait la sienne propre, qu’il
méconnaissait jusqu’alors était une richesse pour les autres.
- 26 -
Alexis avait besoin de «!sentir!» le geste pour apprendre et
comprendre. Il utilisait prioritairement sa mémoire kinesthésique et ne s’aidait
pas du tout de sa mémoire visuelle. Son élaboration était subordonnée à la
sensation kinesthésique et auditive.
D’autres enfants, telle L. m’a dit!:!«!Je voulais devenir écrivain, je ne
savais pas pourquoi, mais maintenant je le sais depuis que j’ai écrit à la plume!».
Et quand Alexis a lu son conte à haute voix, les enfants ont fait preuve
de beaucoup d’intérêt et ont même applaudi. Tous étaient à l’écoute et
bienveillants vis-à-vis des autres.
Ce retour bienveillant du groupe vis-à-vis d’un comportement à priori
inadapté nous conduit à réfléchir sur la notion de pédagogie.
Alexis présentait donc un blocage vis-à-vis de la production d’écrit qui
s’inscrivait dans le cadre plus général d’un comportement inapproprié étiqueté
«!dyspraxique!». Ce comportement était à l’origine d’une certaine défiance voire
d’un rejet de la part des autres élèves. A l’occasion d’une mise en contexte
d’excellence (dessin au calame), le décodage de sa stratégie de création et sa
reproduction
lors d’une production d’écrit lui a permis de répondre
correctement aux consignes. D’autre part, sa présentation aux autres membres
du groupe a changé l’idée que le groupe se faisait de lui et a permis d’installer un
état d’esprit de tolérance et de bienveillance.
- 27 -
Synthèse
Le cadre institutionnel dans lequel tout enseignant doit évoluer a été
posé dans la première partie. Il lie les droits, les obligations et les
responsabilités du professeur.
Dans la deuxième partie, nous avons exposé plusieurs pistes
expérimentales et théoriques sur les notions de comportement et de norme.
La présentation des trois cas dans la troisième partie a permis de
mesurer l’écart entre la volonté institutionnelle, les données théoriques et leur
application sur le terrain.
Dans cette synthèse, il me semble judicieux de poser les questions
suivantes!:
En fonction
inapproprié!?
de
quels
critères
un
comportement
est
dit
Si, dans la réponse, son évaluation critérielle est subordonnée au
groupe normé, en quoi ce qui m’empêche d’obtenir cette «!gestion!» du
comportement, indique-t-il ce qu’il est possible de faire!?
Les behavioristes recherchent la meilleure adaptation possible au
milieu (milieu physique et social), en prenant en compte avec Watson et Tolman
des variables intermédiaires!: facteurs intermédiaires, héréditaire,
âge,!influence de l’apprentissage etc. Le fameux «!stimulus /réponse la laissé sa
place à R=F(Sfl‡ P).
Les constructivistes avec Jean Piaget s’inscrivent dans l’équilibre
qu’opère le sujet grâce à des montages réflexes aux actions et aux opérations
mentales. Cet équilibre est le résultat d’une construction que génère le sujet en
agissant selon l’état et le niveau de sa structuration mentale. C’est en effectuant
des paliers successifs, que le sujet façonne ses structures mentales, au contact
de l’objet qu’il construit. Grâce à ces différentes «!strates!», le sujet accède au
sens, et construit son savoir. Le comportement face au savoir est ainsi décodé.
Les recherches effectuées à Palo-Alto mettent en évidence
l’importance du «!feed-back!», qui place le sujet dans un bain permanent de
communication. «! Vivre c’est communiquer. On ne peut pas vivre sans
- 28 -
communiquer!» («!Le langage silencieux!» E.T Hall.) Le comportement est
composé de messages verbaux et non-verbaux (digitaux et analogiques). Ce sont
les composants non verbaux qui sont différents d’un individu à l’autre, car ils
dépendent de notre propre expérience. Notre comportement est notre langage
et ils démontrent à tout instant notre vécu expérienciel.
Enfin, la mise en évidence d’un système sensoriel privilégié et le
décodage des stratégies de comportement, de création et d’apprentissage
peuvent permettre à l’enseignant d’apporter le savoir de manière adaptée et
appropriée.
Comme nous l’avons supposé dans notre deuxième partie, un
comportement, approprié ou inapproprié, est subordonné à la notion de
conformité sociale, elle-même reliée aux influences de la culture et de la
communication.
Aussi, comment donner envie d’apprendre, comment intéresser,
surprendre, convaincre!? Quelle pédagogie mettre en œuvre!?
Une définition de la pédagogie peut être l’ensemble des pratiques
réfléchies pour assurer une fonction éducative. Il existe une diversité de
pédagogies selon l’objectif et le milieu éducatif. De tout temps, «!l’institution
des enfants donne lieu à de multiples observations et conseils!».
La pédagogie mise en œuvre avec les deux enfants du SESSAD, l’année
dernière, (Nolan et Caroline) fut davantage une pédagogie différenciée qu’une
pédagogie stricte et directive. C’est en m’appuyant systématiquement sur le
contexte apporté par l’enfant que j’ai abordé telle ou telle matière à un moment
donné de l’apprentissage.
Pour Caroline.
À partir d’une expérience personnelle, sa sortie à la patinoire, elle
élabora une trace écrite sur le patinage. Ce projet d’écriture axé sur le langage
écrit était en fait à choix multiples. Il a permis d’aborder différents langages!:
* Le langage pictural avec la découverte de l’affiche sous différentes
formes!:
. Image/texte et proportion de l’un par rapport à l’autre.
. Quels moyens sont nécessaires pour construire l’affiche!?
. Validation par l’action.
- 29 -
* Le langage oral avec la liaison oral/écrit.
. la prise en charge du vocabulaire spécifique.
. la syntaxe!: être lisible et compréhensible par les autres (donner
du sens).
* Le langage graphique à choix multiples.
. l’organisation de l’espace/support,
.
l’organisation de l’écrit, mise en évidence d’un élément par
rapport à son contexte.
. découpage, collage.
. validation / lecture.
* Le langage social!: mon écrit. pour qui!? pourquoi!?
* Le langage écrit comme trace mémorielle.
DE
Contexte!:
Expérience vécue
positivement!:
La patinoire
À
RESULTATS
ATTENDUS
Situation
d’apprentissage!:
Réalisation
D’une affiche
+
Contenus
d’apprentissage
cités plus haut.
Élaboration et
construction de la
parole!:
Le «!dire!»‡Lien social.
Pour Nolan.
Ce qui occupait manifestement le devant de la scène pour Nolan,
c’était «!le!trop plein de choses dans la tête!». L’inorganisation temporelle et
spatiale de cet enfant plein de bonne volonté entravait les liens qu’il devait tisser
pour organiser et structure sa pensée.
- 30 -
S’adapter à son contexte, c’était!: «!Réhabiliter les formes de
l’intelligence sensible qui sont à l’œuvre dans le théâtre, la danse, le conte. (…)
N’est ce pas surtout de cette intelligence-là dont les enfants usent
spontanément!?» ( Livret IUFM de l’étudiant et du stagiaire 2003/2004)
Cette mise en œuvre «!théâtrale!» de la représentation du temps pour
Nolan était-elle une autre manière de construire une pédagogie adaptée!?
Pour Alexis
La mise en évidence fortuite d’un contexte d’excellence a permis
d’utiliser sa stratégie de création comme tremplin pour la réalisation d’un conte
des origines. Alexis «!ne voyait pas!» comment s’y prendre. Il suffisait qu’il pense
au premier mot et qu’il ait envie d’écrire pour que la suite s’élabore.
DE
Contexte!:
Mise en évidence
fortuite d’une
situation
d’excellence.
À
RESULTATS
ATTENDUS
Situation
d’apprentissage!:
Transposition de la
stratégie
d’excellence et
réalisation d’un
conte des origines.
Validation de l’écrit,
Valeur de l’écrit comme
lien social
‡ Intégration dans le
groupe...
Le terme de «!pédagogie différenciée!» ou «!différenciation de la
pédagogie!» apparaît dans les années 1970, mais il est bien clair que la notion
sous des formes diverses est bien antérieure, et qu’elle remonte à des
préoccupations ancestrales d’adapter l’enseignement à la diversité des élèves.
Montaigne écrit déjà!: «!Ceux qui, comme porte nostre usage, entreprennent
d’une même leçon et pareille mesure de conduite de régenter plusieurs esprits de
si diverses mesures et formes, ce n’est pas merveille si, en tout un peuple
d’enfants, ils en rencontrent à peine deux ou trois qui rapportent quelque juste
fruit de leur discipline!». Il ne s’agit pas tant de constitutions de classes
spécialisées témoignant d’un souci de différenciation, dont le corollaire
inévitable serait la réponse standardisée du pédagogue, mais du transfert de
- 31 -
l’idée de différenciation au cœur même de la pédagogie. Elle est selon
l’Inspection générale, «!la démarche qui cherche à permettre à des élèves d’âge,
d’aptitudes, de comportements, de savoir-faire hétérogènes mais regroupés dans
une même division, d’atteindre, par des voies différentes des objectifs communs,
ou en partie communs!».
La prise en compte d’une nécessaire individualisation se traduit par des
mesures d’ordre structurelle et pédagogique. (groupes à effectifs réduits,
dégagements d’horaires spéciaux, actions de remédiation)
La pédagogie institutionnelle, inspirée de la pédagogie nondirective,!est née à partir de 1962. Pour les tenants de l’attitude non-directive,
la non-directivité n’est pas l’équivalent du laisser-faire. La non-directivité
consiste à ne pas imposer ou induire à priori une approche ou une orientation que
les élèves ne sont pas disposés à adopter, mais plutôt à les inciter de façon
active à trouver leur approche. D’autres malentendus sont accrochés à la
pédagogie non-directive!: ce n’est pas une pédagogie qui mise exclusivement sur
le relationnel au détriment du contenu ou sur l’affectif au détriment de l’activité
intellectuelle. Les concepts opérationnels de Carl Rogers (1902-1987),
essentiels à toute relation humaine, et fondés sur de rigoureuses observations,
sont!:!en premier lieu, la notion de congruence (bienveillance) avec soi-même et
avec les autres, en second lieu, qu’il existe toujours une intention positive à la
base de tout comportement. Le troisième concept consiste à considérer l’autre
avec empathie, c’est-à-dire percevoir l’autre dans son propre cadre de référence
sans identification ni substitution.
Ces trois concepts ont donné lieu à des réflexions en matière
éducative. Dans «!L’année dernière, j’étais mort, signé Miloud!», C Pochet, F. et
J. Oury proposent!:!«!si l’enfant ne connaît pas ses limites, nous allons essayer
de les organiser…!». La classe dont parlent les auteurs est organisée en
coopérative, avec des petits métiers et une maîtresse qui dit!: «!aidez-moi!»
(p.62).
L’ensemble des règles qui déterminent «!ce qui se fait et ce qui ne se
fait pas!»,!en tel lieu, à tel moment, s’appelle «!les lois de la classe’!».
L’institution est alors une règle de fonctionnement. Mais ces auteurs nomment
aussi «!institution!» ce que nous instituons. Ce sont les moments, les statuts de
chacun, suivant son niveau de comportement, c’est à dire ses possibilités, les
fonctions (services, postes, responsabilités), les rôles (présidence, secrétariat),
les diverses réunions (conseils…) et les rites qui en assurent l’efficacité.
- 32 -
C’est ainsi que «!Miloud!», enfant au comportement inapproprié a le
rôle de portier dans la classe, «!gardien des entrées et des sorties!». Citons les
auteurs!: «!Peut-on trouver meilleur outil pour une appropriation de l’espace que
cette porte qui lui appartient sans lui appartenir, qui sépare, limite, ouvre, ferme,
fait exister l’espace de la classe où l’on vit!?!» Dans cette classe-là, chacun est
coopérateur. Dans cette coopérative, la classe est organisée en «!nous!». C’est
l’application de ce que Watzlawick propose!: «!La somme du tout est supérieure à
la somme de chacun de ses éléments!».
L’idée d’appartenance, le «!être avec!», peut modifier le
comportement!«!inapproprié!» en comportement spécifique, élément du
groupe donc appartenant au groupe.
N’est-ce pas un élément de réponse à nos interrogations premières!?
Le rôle utile de gardien de la classe, même s’il est à la périphérie du groupe, n’est
pas moins indispensable à la vie de ce groupe.
Le comportement inapproprié devient un atout pour le groupe!.
Dans les trois cas de comportement inappropriés que nous rapportons,
deux cas ont bénéficié d’un retour positivement observable vers le groupe!: L’un,
Caroline, était suivi individuellement, et l’autre, Alexis, à l’intérieur du groupe
classe.
* Caroline, 12 ans, bégayante, parfois mutique, réussit à préparer et à
présenter un exposé sur le patinage de façon claire et concise, au sein de sa
classe. Elle demande ensuite un rôle dans le projet théâtre de l’école.
* Alexis, 8 ans, en CE1, déclaré dyspraxique, réussit, à «!jouer sur le
trait!» et à réaliser à l’aide d’un calame, un cheval en mouvement. Sa composition,
l’exécution du tracé a obligatoirement nécessité une anticipation et une maîtrise
de l’espace. Cet enfant, en décalage avec le reste de la classe, agité, présentant
des difficultés de concentration, toujours en retard, a pu expliquer clairement
devant les autres élèves son processus de création. Rejeté auparavant, il a été
accepté et intégré par l’ensemble des autres élèves, béats d’admiration, alors
qu’eux-mêmes était encore à la recherche de l’inclinaison de leur outil.
* Pour ce qui concerne Nolan, notre troisième cas, aucun travail en
groupe n’a pu être effectué.
- 33 -
C. Pochet, dans sa classe élabore «!la causette du !matin!» et !du
«!conseil ». C’est un temps de parole qui permet à la maîtresse de maintenir une
distance entre elle et les enfants,!à se tenir sur la périphérie et de n’être pas
empêtrée dans des relations duelles. «!C’est le tas qui nourrit le groupe!».
«!Cette fameuse distance entre elle et les enfants est très
importante, quelque soit l’enfant ou les enfants dont on a la charge!». F. Imbert
dans «!é »(1997).
Dans cet ouvrage, l’auteur souligne l’importance du transfert dans la
classe. «!L’enfant s’identifie à l’enseignant!. Ce dernier peut incarner et réaliser
quelque image maternelle ou paternelle par laquelle l’enfant est porté. Comme
Freud l’avait noté, il arrive qu’un amour de transfert soutienne le désir
d’apprendre. Il est important qu’éducateur et pédagogue fassent preuve de
courage pour ne pas tirer avantage de sentiments transférentiels dont ils sont
investis!».
Ceci représente, selon moi, un écueil majeur à la prise en charge
individuelle d’un enfant en relation uniquement duelle, en dehors de la classe,
sans vérification possible de la réintégration au sein du groupe.
La relation duelle que vit l’enfant avec l’enseignant privilégié, peut être
facilitateur d’apprentissage mais également facilitateur d’objet de transfert.
Dans ce cas, comment utiliser le groupe comme atout!? Le retour en
classe, seul, après un travail individualisé, ne creuse-t-il pas davantage
l’écart entre l’enfant et les autres!?
Dans le cas de Caroline, son retour en classe munie de son exposé, les
deux enseignants à ses côtés était significatif de retour au groupe.
Nolan qui présentait une confusion des données temporelles et
spatiales s’est, au fil des séances, amélioré dans sa relation au temps et à
l’espace. Grâce au «!petit jeu!», rituel de début de séance, il s’est construit des
repères sur lesquels il a pu établir de nouveaux apprentissages!: les plus
pertinents étant ses progrès en géométrie et dans l’organisation de l’espace.
Nolan arrivait également à se repérer dans le calendrier et cochait les dates de
nos séances.!Comme je l’ai évoqué précédemment, Nolan ne cocha pas la case du
dernier vendredi de Juin, mais dessina un voilier avec deux passagers, Nolan et
Sylvie qui partaient en voyage. Dans la cale se trouvait le skipper. (Annexe)
- 34 -
On peut sourire à première vue de ce dessin naïf. Son aspect positif
était qu’il arrivait à se projeter vers le futur., comme il arrivait à le faire de plus
en plus souvent. Mais ce départ en voyage, fruit de son imagination, était bien la
conséquence d’un transfert inévitable en relation duelle. L’espace de parole que
cite les auteurs de «!L’année dernière j’étais mort…!», et qui permet de prendre
de la distance par rapport à soi et au groupe,!par rapport à soi et à l’enseignant
est un véritable travail de médiation.
Imbert! cite:!«!Là où il y avait collement de l’un sur l’autre, s’engage un
travail de séparation!».
Dans le cadre du SESSAD, j’avais évoqué ce problème d’éthique.
Après en avoir discuté avec le pédopsychiatre, j’utilisai le présent
progressif et lui expliquait ce qui allait se passer. L’utilisation du présent
progressif est représentative du lien entre le présent et le futur.
Pendant tout le mois de juin, je préparai Nolan aux vacances scolaires,
et l’engageait dans un processus de continuité. J’essayais de créer «!un pont
vers le futur!». Mais isolée dans ma relation duelle, je n’avais pas de moyen de
retourner dans la classe avec Nolan, afin de lui permettre de reprendre sa vraie
place.
Comment intéresser, surprendre, convaincre!? Et si un
comportement inapproprié résultait d’une stratégie d’apprentissage
inhabituelle!?
Dans les trois cas rapportés, les enfants présentaient des stratégies
d’apprentissage (en référence aux systèmes sensoriels privilégiés), les moins
courants.
* Pour Caroline!: Elle se revoit à la patinoire, décrit les personnes, se
rappelle qu’elle s’y est bien amusée, et se dit qu’elle a envie d’y retourner. Elle
nous livre ainsi sa stratégie de motivation.
(Visuel‡Kinesthésique‡ Dialogue auditif interne)
D’autre part cette jeune fille aime le sport. Son système sensoriel
privilégié est en rapport avec les sensations. On l!‘appellera kinesthésique. C’est à
partir de ses sensations, qu’elle va avoir accès à ses souvenirs. Aussi, pour entrer
dans de nouveaux apprentissages, je choisissais d’avoir plutôt recours aux
- 35 -
termes!:!«!maîtriser, avoir la sensation, prendre...!» plutôt qu’à!:!«!entendre dire
ou point de vue…!».
* Pour Nolan, la représentation kinesthésique de la ligne du temps est
plus parlante qu’un dessin au tableau.
* Pour Alexis, la sensation de saisir le calame, la prise de conscience du
schéma corporel avant de travailler avec l’outil ont été le déclencheur. Il le
confirme en expliquant!: «!j’ai fait, je me suis dit, j’ai eu envie…
(Kinesthésique‡ Dialogue interne‡ Kinesthésique).
Ce n’est que lorsqu’il met en mot sa création, après le lui avoir
demandé, qu’il voit le cheval.
La fonction imageante n’est apparue qu’après la création.
Il s’agissait donc bien de trois comportements inappropriés associés à
des stratégies d’apprentissage inhabituelles. Pour deux des trois cas, le
décodage et l’appropriation par les enfants de leur stratégie spécifique, leur ont
permis de réaliser des productions de qualité. La présentation de leurs travaux a
contribué à réhabiliter les enfants au sein du groupe classe. Leurs
comportements ont été acceptés et le groupe s’en est trouvé ainsi enrichi.
- 36 -
CONCLUSION.
L’intégration, le principe de continuité éducative, l’apprentissage de la
citoyenneté et l’acquisition de comportements intellectuels et sociaux sont les
pierres angulaires de l’enseignement telles qu’elles sont définies par le cadre
institutionnel que constitue l!‘école publique.
L’analyse des différentes approches théoriques de la notion de
comportement nous amène à considérer, avec bienveillance, l’individu dans son
propre fonctionnement et en intéraction permanente avec les autres.
L’évaluation critérielle d’un comportement est «!normée!» en
référence à un codage communément admis.
En fait, il apparaît, dans les cas rapportés dans ce mémoire, que les
comportements inappropriés étaient en relation avec des stratégies ou des
codages inhabituels. La mise en évidence et l’exploitation dans un travail
construit de ces stratégies ont permis la réintégration et la reconnaissance
dans le groupe, des élèves à priori «!hors normes!».
La pédagogie différenciée, qui prend en compte en premier lieu le
contexte dans lequel vit l’enfant est donc bien applicable dans le cadre
institutionnel. Et c’est elle qui semble la plus à même pour intégrer et faire
respecter les différences.
Notre question initiale était!: «!Comment gérer les comportements
inappropriés!?!»!
Ici aussi, si nous admettons que les comportements inappropriés sont
en relation avec des stratégies inhabituelles, la question du «!comment gérer!»
perd son sens. Le but de l’enseignant n’est plus de faire faire à l’élève des tâches
relevant de la norme communément admise afin qu’il adopte des comportements
appropriés, mais de lui donner la possibilité d’être le «!mieux de lui-même!»,
c’est-à-dire de le placer dans ses contextes de!réussite. Il pourra ensuite les
transposer dans des situations d’apprentissage et apporter au groupe des
éléments d’enrichissement. Dans cette perspective, l’enseignant devient surtout
une facilitateur.
Cette réflexion, sur mon travail, et notamment sur le rôle de
l’enseignant m’a permis de comprendre les doutes d’ordre éthique que je
- 37 -
ressentais vis-à-vis des situations de relation uniquement duelle. En effet, la
relation duelle enseignant/enseigné, quand elle prend fin, (et elle doit prendre
fin), laisse l’enfant seul, sur le bord du chemin.
L’obligation que nous avons de respecter l’enfant et le contexte dans
lequel il vit, doit nous imposer de toujours «!le!» penser dans ses relations à
l’intérieur du groupe, avec ses semblables.
Comme le dit J. Oury!: «!L’éthique, c’est tenir compte de ce que qui
est le plus intime, le plus singulier d’autrui, de ce qui se manifeste du sujet, de sa
propre unicité!».
Enseigner, c’est aider l’enfant à aller vers…
- 38 -
Annexe I
Annexe II
Annexes III
Annexe IV
Bibliographie
-
Les programmes de l’école primaire. Paris!: Hachette, 1995.
-
Les nouveaux programmes. CNDP, édition XO, 2003.
-
C. POCHET, F. OURY, J. OURY. «!L’année dernière, j’étais mort…!»
signé Miloud. Paris!: Matrice, 1986. Collection Pédagogie et Psychothérapie
institutionnelles.
-
S. BOIMARE. L’enfant et la peur d’apprendre. Paris!: Dunod, 1999.
-
F. IMBERT et le Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle.
L’inconscient dans la classe. Paris!: ESF, 1997. Collection Pédagogies.
-
C. CARRA et D. FAGGIANELLI. Ecole et violences. Problèmes politiques
et sociaux n°881. La documentation française.
-
BATESON, BIRDWHISTELL, GOFFMAN, HALL, JACKSON,
SCHEFLEN, SIGMAN et WATZLAWICK.! La nouvelle communication. Le
seuil, 1981.
-
E.T. HALL. Le langage silencieux. Le Seuil. Traduit en 1984.
-
J. GRINDER et R. BANDLER. Les secrets de la communication. Le Jour
Editeur.
-
C. CUDICIO. Comprendre la PNL. Paris. Les éditions d’organisation, 1988.
-
C. CUDICIO. Maîtriser l’art de la PNL. Paris. Les éditions d’organisation,
1991
Remerciements
Je tiens à remercier les personnes qui m’ont aidée et encouragée dans
mon travail.
-
M. ALCANTARA, Professeur à l’IUFM de Bourgogne, mon directeur de
mémoire,
-
M. COSMAS, Professeur à l’IUFM de Bourgogne,
-
Mme AUBRY, Professeur à l’IUFM de Bourgogne,
-
M. THOMAS, IMF,
pour leurs conseils et leurs soutiens.
Comment gérer les comportements inappropriés!?
RESUME!:
L’école est un lieu d’intégration. Les différentes approches théoriques
sur le «!comportement!» sont confrontées à la notion de «!norme!». Trois cas
sont présentés. Il semble souhaitable de préférer «!stratégie inhabituelle!» à
«!comportement inapproprié!» et l’éthique impose de toujours penser l’enfant en
intéraction dans et avec le groupe.
MOTS CLES!:
Intégration, différenciée, comportement, norme, éthique.
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