Isolants biosource, de bonnes performances thermiques

Si les données techniques et environnementales ne sont pas
encore clairement affichées pour tous les isolants biosourcés,
certains montrent de bonnes performances thermiques, un bilan carbone qui
semble favorable et des domaines d’emploi relativement larges. Leur
sensibilité au feu et à l’humidité impose plus que jamais de respecter les
préconisations des fabricants et des Avis Techniques en vigueur.
TEXTE: PASCAL POGGI
PHOTOS: CAVAC, CTBA,
DR, GUTEX, ISOCELL
Photo DR
ISOLANTS BIOSOURCÉS
DE BONNES
PERFORMANCES
THERMIQUES
ISOLANTS BIOSOURCÉS
DE BONNES
PERFORMANCES
THERMIQUES
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NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2012
N° 135
QUALITÉ CONSTRUCTION
PRESCRIPTION
Un label
pour les
bâtiments
«biosourcés»
Le décret n° 2012-518 du
19 avril 2012 crée le « label
bâtiment biosourcé »
et introduit dans le Code
de la construction
et de l’habitation (CCH)
la possibilité pour un
bâtiment de se voir
octroyer un label montrant
le recours à des matériaux
renouvelables et naturels.
Entré en application
au lendemain de sa
publication, il cite parmi
les matériaux biosourcés
«le bois et ses dérivés, le
chanvre, la paille, la plume
ou la laine de mouton »,
indiquant qu’ils
«présentent deux atouts
principaux sur le plan de
l’environnement : d’une part,
la matière dont ils sont issus
est renouvelable, d’autre
part, ils peuvent contribuer à
la réduction des émissions
de gaz à effet de serre et au
stockage temporaire de
carbone ». Le texte évoque
un «seuil minimal» de
matériaux biosourcés pour
pouvoir prétendre au label
et renvoie à un arrêté du
ministère chargé de la
construction pour définir
concrètement son contenu
et son mode d’attribution.
Mi-octobre 2012, cet arrêté
n’est pas encore paru.
Photo Isocell
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QUALITÉ CONSTRUCTION
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PRESCRIPTION
L
es isolants biosourcés les plus fréquents
sont les produits issus de la transforma-
tion du bois, sous forme de laine ou de
fibres, la ouate de cellulose issue de la
transformation du papier, la laine de
chanvre et de lin, seules ou mélangées ensemble,
la laine de coton ou de mouton, le liège, la plume
de canard, le textile recyclé ou encore la paille.
Plus rarement, on rencontre le miscanthus (dite
herbe à éléphant), une graminée d’origine asiatique
de plus en plus cultivée dans les pays du nord de
l’Europe pour produire du bioéthanol, mais aussi
employée comme isolant thermique ou ajoutée au
béton de manière similaire au chanvre. Encore
plus rarement, l’herbe ou les roseaux, traités d’une
manière tout à fait spécifique, peuvent faire office
d’isolant thermique.
Si les premières productions de laine de bois
remontent aux années soixante, les fibres de bois
sont apparues dans les années soixante-dix et les
laines de chanvre datent de 1998. L’offre industrielle
des autres matières biosourcées date également
des dernières années du XXesiècle ou du tout dé-
but du XXIesiècle.
Quelle empreinte
environnementale ?
Les isolants biosourcés bénéficient d’une image
positive liée à leur origine biologique, donc renou-
velable et «verte» par définition dans l’esprit d’un
grand nombre de prescripteurs. Mais aucun des iso-
lants dits biosourcés n’est utilisé «pur». L’isolant
en laine de chanvre, par exemple, est composé de
fibres de chanvre (60 à 70 %) et de fibres thermo-
fusibles (30 à 40 %), en général du polyester ou du
polypropylène, destinées à lier les fibres de chanvre.
La ouate de cellulose, elle, est produite à partir de
papiers récupérés, broyés grossièrement, auxquels
sont ajoutés des additifs pour la rendre ignifugée
et imputrescible. Une seconde broyeuse fixe ensuite
les additifs et donne au produit son aspect de fibres
floconnées. La base Inies (base de données des
Fiches de déclarations environnementales et sani-
taires FDES), disponible sur le site www.inies.fr,
affiche 278 fiches dans la rubrique isolation, dont
seulement 11 relatives aux isolants biosourcés,
donnant la composition des isolants:
1 fiche pour la laine de chanvre en panneaux
rigides ou souples (Florapan Plus 100 mm);
8 fiches sur la laine et fibre de bois (pour
4 familles de produits: Fibra XTherm, Fibraroc,
Fibrastyrene et Fibrastyroc);
1 fiche pour la laine de chanvre en rouleau
(Biofib’ duo isolant chanvre/lin);
1 fiche pour la ouate de cellulose en vrac
(UniverCell Confort).
C’est trop peu pour permettre une analyse et une
conclusion globales sur l’empreinte environne-
mentale des matières et adjuvants utilisés dans ces
isolants pour réduire ou supprimer leur sensibilité
aux insectes, aux rongeurs, à l’humidité, etc. Par
ailleurs, la partie «santé» de ces FDES est le
plus souvent vide ou en cours de développement.
Lorsqu’elle est partiellement remplie, il est rare
Photo DR Photo CTBA
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de trouver des informations concernant d’éven-
tuelles émissions de COV ou d’autres composants.
Seul Cavac Biomatériaux indique que son produit
Biofib' duo isolant chanvre/lin n’émet aucun élément
allergène dans l’air intérieur, car le liant utilisé est
du polyester. La FDES d’UniverCell Confort (Soprema)
indique, pour sa part, que la mise en œuvre de
l’isolant (qui contient un biocide pour résister au
développement des moisissures) requiert un pare-
vapeur continu (étanche à la vapeur d’eau) côté
chaud, ce qui évite la diffusion de poussières et de
fibres dans l’intérieur du bâtiment. La FDES
souligne que le seul danger éventuel est lié à l’ex-
position des travailleurs lors de la mise en œuvre
du produit: une très petite quantité de fibres et de
poussière est générée et peut être respirée. La
FDES conclut à une toxicité pulmonaire minimale.
Une autre approche de l’impact environnemental
consiste à envisager le bilan carbone des isolants
ou le contenu en énergie grise. Le bilan carbone
n’est pas communément disponible en France,
mais la base de données autrichienne «Baubook »
(www.baubook.info, en allemand seulement), créée
en 2008, fournit de nombreuses données, sans ex-
pliciter exactement la méthode employée pour les
établir. Si tous les isolants biosourcés ne sont pas
analysés, ces données indiquent notamment que
l’analyse du cycle de vie de 1 m2d’isolation d’une
épaisseur correspondant à une résistance ther-
mique R de 5 m2.K/W présente un bilan carbone
largement positif pour le liège expansé, les bottes
de paille densifiée, les panneaux de fibres de bois
denses et la ouate de cellulose. Ce bilan oscille
autour de zéro pour la laine de bois, de chanvre,
de mouton et de coton recyclé, tandis qu’il s’avère
négatif pour les isolants traditionnels.
En termes d’énergie grise (énergie dépensée pour
la fabrication et le transport), on trouve divers
documents donnant des valeurs sans justifications
ou sources claires. Nous avons retenu un document
émanant du site Internet du «réseau des Espaces
info énergie de la région des Pays de la Loire»,
partenaire de lAdeme, qui affiche ses sources.
Les valeurs données sont les suivantes: 3,6 MJ/kg
pour la ouate de cellulose, 12,7 pour le liège ex-
pansé, 16,5 pour la laine de mouton, 20 pour les
fibres de bois, 41 pour la laine de verre, 59 pour le
verre expansé (foamglass) et 105 pour le PSE (1).
Concernant la production sur le sol français des
isolants biosourcés, qui compte dans le

(1) www.info-energie-
paysdelaloire.fr/docs/
1-ENVELOPPE/4-Elements-
de-construction/
graue_energie_f.pdf
“Une autre approche de l’impact environnemental
consiste à envisager le bilan carbone des isolants ou
le contenu en énergie grise”
La ouate de cellulose
est dérivée de papiers recyclés,
broyés et complétés par des
adjuvants anti-fongiques et
ignifugeants. Elle s’emploie
en insufflation à sec ou en
projection humide.
La laine de mouton est
disponible en rouleau pour
une isolation intérieure des parois
ou des toitures.
La fibre de bois, obtenue par
broyage de déchets de l’industrie
du bois, est l’ingrédient de base
des laines de bois et des panneaux
isolants en fibres de bois.
En maison individuelle, la
laine de bois dense Steico-Roof
supporte un panneau de fibres de
bois, puis le support de toiture.
La laine de bois est considérée
comme un puits de carbone.
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Photo DR
La tendance générale de la RT 2012
est d’accroître la résistance thermique
des parois. Pour y parvenir, les
concepteurs peuvent choisir des
isolants avec une conductivité
thermique particulièrement basse,
augmenter les épaisseurs d’isolant ou
bien encore les deux à la fois.
Le graphique ci-dessus indique, pour
une résistance thermique de 8 m2.K/W
– correspondant à ce que la RT 2012 exige
en toiture –, les épaisseurs d’isolant
nécessaires pour différentes matières:
laine de verre, laine de roche,
polyuréthane, polystyrène expansé,
polystyrène extrudé, isolants biosourcés
certifiés par lAcermi et autres isolants
biosourcés non certifiés. Pour ces
derniers, nous avons retenu les valeurs
déclarées par leurs fabricants, et pour
chaque famille d’isolant, nous retenons
la valeur de la plus faible. Un seul
isolant, le polyuréthane (= 0,022)
permet d’atteindre R = 8 avec moins de
20 cm d’épaisseur. Cinq matières – PSE,
laine de verre, XPS, laine de roche et un
composé à base de 70 % de plumes de
canard – se situent en dessous de 30 cm
pour R = 8. Huit isolants biosourcés se
placent légèrement au-dessus de 30 cm
d’épaisseur (entre 30,04 et 32 cm) pour
atteindre R = 8. La laine de bois, en raison
de son de 0,080, requiert 64 cm
d’épaisseur. En synthèse, pour atteindre
R = 8 et si l’on exclut la laine de bois,
il y a 144 mm de différence entre le
polyuréthane, le plus performant des
matériaux du point de vue thermique
certifié par lAcermi et communément
disponible sur le marché français, et le
combiné laine de lin + laine de chanvre ou
le liège expansé, les deux matériaux
biosourcés au le plus élevé (0,040).
ISOLANTS BIOSOURCÉS
QUELLE PERFORMANCE
THERMIQUE?
bilan environnemental sur le chapitre du trans-
port, il existe une filière structurée pour la
production de ouate de cellulose et de produits dé-
rivés du bois. Le chanvre, le lin et la ouate de textile
recyclée, fortement liée au développement de
l’économie sociale et solidaire, sont en voie de
structuration, alors que la paille et la laine de mou-
ton émergent à peine. Enfin, avec le dépôt de bilan
du fabricant français d’isolant en plumes de canard
(Naptural Isoplume) fin 2011, il semble que toute
offre de ce type soit devenue indisponible sur le
marché français. Notons cependant que plus de
80 % des certificats Acermi et des Avis Techniques
portant sur des isolants biosourcés concernent
des produits fabriqués en Allemagne, en Autriche
ou en Suisse.
Comme tout autre matériau ou procédé, les iso-
lants biosourcés doivent aussi être envisagés sous
l’angle de leur performance thermique (voir gra-
phique ci-dessus) et acoustique, de leur sensibilité
au vieillissement (altérabilité et putrescibilité), au
tassement, aux insectes et rongeurs, au feu et à
l’humidité, et enfin, en fonction de leurs domaines
d’emploi (voir encadré ci-contre).
Comportement
face à la vapeur d’eau
La capacité d’absorption de l’eau peut-être à la
fois une vertu en tant que régulateur d’humidité,
notamment pour le confort d’été, et un inconvénient
dans la mesure où l’humidité favorise le dévelop-
pement de moisissures et de bactéries. De ce fait,
il faut absolument éviter toute condensation au
sein des matériaux, particulièrement en hiver car
l’air intérieur plus chaud et plus humide, tente de
migrer à travers les parois pour s’équilibrer avec
l’air extérieur, plus sec et plus froid. Les flux de va-
peur d’eau sont d’autant plus importants que la
différence de pression de vapeur d’eau entre inté-
rieur et extérieur est grande, et que les matériaux
constitutifs des parois sont peu résistants à la mi-
gration de vapeur d’eau. La résistance à

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QUALITÉ CONSTRUCTION
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NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2012
PRESCRIPTION
Les isolants biosourcés sont
disponibles sous différentes formes:
en rouleau pour les laines de chanvre,
de lin, de mouton, de bois, de coton, de
textiles recyclés, ainsi que pour les
plumes de canards; en panneaux
rigides pour les panneaux de fibres de
bois et certains panneaux de chanvre
dense; en ouate à souffler ou à projeter
pour la cellulose, les textiles et le
coton. Les rouleaux de laine de chanvre
se posent comme les rouleaux de laine
de verre ou de laine de roche, aussi
bien en ITI qu’en ITE, les autres
rouleaux se posant plutôt en ITI. Les
panneaux de fibres de bois se posent
aussi bien en ITE qu’en ITI pour les
murs extérieurs et les toitures, à
l’exception des toitures-terrasses. Il
existe même des panneaux de fibres de
bois destinés à l’isolation extérieure
des toitures et faisant office de support
de couverture. On trouve également des
isolants de chape flottante pour
planchers chauffants basse
température en panneaux de fibres de
bois ou de liège expansé.
DOMAINES D’EMPLOI
DES ISOLANTS
Laine de chanvre
Plume de canard
Laine de bois
Laine de mouton
Fibres de bois
Laine de Lin
Ouate de cellulose
Laine de coton
Textiles recyclés
Photo Gutex
Combles
ITI
Plafonds
ITI
Murs
extérieurs
en ITI
Murs
extérieurs
en ITE
Cloisons
intérieures
Terrasse
ITE
Plancher
bas et
intermédiaire
(ITI au-dessus)
Fondations
en ITE
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QUALITÉ CONSTRUCTION
Tableau établi en compilant les prescriptions de Saint-Gobain Isover, Rockwool, Knauf, Pavatex, Isocell, Isofloc, Pittsburg Corning France et Jackon
Insulation GmbH.
Application/
Type d’isolant
Laine de verre
Laine de roche
PSE
XPS
Polyuréthane
Verre cellulaire
Isolants biosourcés
Autres isolants
Les panneaux de bois s’emploient aussi bien en ITI qu’en ITE sur des murs extérieurs, en réhabilitation comme en neuf. S’il s’agit d’une
paroi maçonnée ou en panneaux de bois structurel, les panneaux de fibres de bois se posent directement contre le gros œuvre, à l’aide de
colle, de vis ou de chevilles.
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