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taoïste, en tant que ses représentations s’en réfèrent à une vision cosmogonique de
l’univers, où mieux vaut ne pas contrarier l’harmonie des éléments, l’ordre naturel
des choses, comme le chante le Tao Të King. La pensée chinoise est imprégnée de
ces représentations qui au fil des siècles et depuis de très lointaines traditions
guident l’Etre sur la Voie de la sagesse et de l’accomplissement. La Voie du Milieu
Juste donne-t-elle, au sens de la psychanalyse, une indication sur les voies du désir
et les aménagements de la jouissance ?
Dans la plupart des leçons où il traite de la culture et de la philosophie
chinoises, Lacan explore le langage et l’écriture, mais il en vient au corporel lorsqu’il
mentionne : « Retenir son foutre1 » en termes d’économie d’énergie, ce qui est
l’objectif des pratiques corporelles, dites disciplines, issues du taoïsme (et également
d’un bouddhisme qui migra en Chine de manière légendaire en 500 av. J.C.), qui
unissent étroitement philosophie, médecine et art martial. En Chine, actuellement,
ces pratiques exercées quotidiennement et d’une manière simplifiée par des millions
de chinois jeunes ou vieux, sont véritablement une hygiène de vie. Ces pratiques ont
subi bien des modifications et adaptations au cours des siècles, mais avant leur
diffusion à un large public, elles demeuraient plus ou moins secrètes et ne se
transmettaient que par étroites filiations. Les premiers courants ésotériques, sans
doute à l’origine du concept de Chi, développaient une véritable « alchimie interne »,
précursive de la médecine traditionnelle chinoise telle que nous la connaissons
actuellement, qui traite de l’individu dans sa globalité. Dans l’alchimie des doctrines
ésotériques, la rétention spermatique était un gage de longévité.
La culture chinoise associe toute expression artistique, voire la moindre
gestuelle élevée jusqu’à sa forme artistique, à un processus de transformation
énergétique dont on observe un certain rapport avec les données de la
thermodynamique. Ce que, depuis la notion chinoise qui suggère le souffle vital,
nous traduisons par « énergie », est abordé sous l’angle économique, la maladie
tant physique que mentale résultant alors d’un déséquilibre énergétique, sorte
d’agression venant de l’extérieur sur l’organisme. Le discours médical traditionnel
est imprégné de la conception taoïste, le langage est métaphorique. Qu’en est-il du
symptôme2 ? D’après la médecine traditionnelle, le symptôme est la manifestation de
déséquilibres ou de blocages énergétiques, et une technique comme l’acupuncture
1 Séminaire XX, op. cit.
2 Séminaire XVIII, leçon du 10 février 1971, p. 52.