METZ PENDANT
LA
RÉVOLUTION
par
Zoltan-Etienne HARSANY
membre
honoraire
CHAPITRE
IV
Metz
au
déclin
de la
Royauté (1791-1792)
1. LES NOUVELLES INSTITUTIONS POLITIQUES. L'ÉVOLUTION
VERS LA GAUCHE.
L'année
1791 est
marquée, conformément
à
la
Constitution,
par le
renouvellement
du
personnel adminis-
tratif
et
politique.
La
France
vit
tout
au
long
de
l'année, comme
nous l'avons déjà
dit \
dans
une
atmosphère
de
campagne élec-
torale.
En
février
et
mars, nous avons assisté
à la
nomination
du
personnel juridique
et
ecclésiastique
; de
juin
à
septembre,
ce
sera
le
renouvellement partiel
des
administrateurs
de
départe-
ment
et de
district, l'élection
des
membres
du
tribunal criminel
et,
enfin,
la
désignation
des
députés.
Au
mois
de
novembre,
on
verra
le renouvellement partiel
du
conseil municipal
de
Metz.
L'opinion publique s'intéresse
à ces
élections,
qui
stabilisent
la situation
de la
bourgeoisie censitaire.
Un
reclassement
des
hommes
et la
formation
des
partis
aux
contours indéfinis s'opè-
rent d'abord
à
Paris,
et
ceci depuis
la
fuite
du roi.
L'Assemblée
législative,
qui
siège depuis
le 1er
octobre 1791, présente
ce
nouveau
tableau
de la
France politique.
On y
voit siéger,
à
droite,
les
« Feuillants
» ou
monarchistes constitutionnels,
au
centre,
les
«Indé-
pendants
»,
sans programme précis,
et à
gauche,
« les
Brissotins
»
1
Chapitre
III
(suite),
7. Les
dernières élections
et les
dernières festivités.
1
42 METZ PENDANT LA REVOLUTION
et les « Girondins », partisans de la guerre et de la limitation du
pouvoir royal2. En dehors de l'Assemblée, ces hommes se retrou-
vent soit au Club des Jacobins, soit au Club des Cordeliers. Les
villes de France suivent petit à petit ce découpage politique.
Ces élections amènent encore à Metz des hommes de loi
ou des patriotes, choisis pour des services déjà rendus ou pour une
notoriété connue. L'influence des événements de Paris et des
sociétés populaires pèse sur les votes des citoyens actifs.
D'une
façon générale, les dirigeants nouvellement élus sont plus avan-
s que leurs prédécesseurs 3.
Nous avons déjà donné les noms des huit députés du dépar-
tement à I'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE, des jurés près de la HAUTE-
COUR, du TRIBUNAL CRIMINEL, du conseil du district de Metz et du
conseil du DÉPARTEMENT 4.
La MUNICIPALITÉ subit enfin, à son tour, en novembre 1791, la
loi du renouvellement. Le 13 novembre a lieu la réélection de Jean-
Baptiste-Nicolas Pacquin de Rupigny aux fonctions de maire 5, et
de Claude-François Périn aux charges de procureur ; les fonctions
de secrétaire-greffier étant successivement exercées par Jean-César
Fenouil 6 et par Jacques-François Adam, ancien avoué et notable.
2 Parmi les sept cent quarante-cinq membres se trouvaient les huit députés de la
Moselle, élus, comme nous l'avons vu, le 29 août 1791. A quelles tendances politi-
ques appartenaient-ils ? Hubert Pyrot, procureur-syndic du district de Metz, Jean-
Charles Adam, membre du district de Sarreguemines, et Jean-Baptiste Rolland,
président du tribunal de Morhange, se rangeaient du côté des modérés ; Jean-
Pierre Couturier, juge du tribunal de Bouzonville, et Antoine Merlin, officier muni-
cipal à Thionville, professaient des idées avancées (ce dernier était, d'après
LAVISSE
Histoire de France contemporaine} t. I, p. 332 cordelier) ; enfin, Jac-
ques-Augustin Marin, juge du tribunal de Bitche, Jacques-Jean Pierron, juge du
tribunal de Briey, et Jean-Pierre Mangin, homme de loi à Longuyon, se
cantonnaient dans une prudente neutralité. Signalons aussi que les
députés suppléants du département de la Moselle, hommes assez effacés,
Mathias Steinmetz, de Boulay, Frantz, de Sarrelouis, et Nicolas-Joachim Bernard,
de Longwy, n'eurent pas l'occasion de manifester leur civisme ou talent.
3 A.
TROUX.,
La Révolution, dans Histoire de Lorraine, p. 537.
4 Chapitre III (suite), 7. Les dernières élections et les dernières festivités.
5 J.-J.
BARBÉ,
Les municipalités de Metz, p. 38 ; Journal des départements du 17 no-
vembre 1791. Pacquin ne voulut pas accepter le renouvellement de ses fonctions
de maire en raison d'une santé délicate ; il ne céda que sur les instances de ses
amis et électeurs (sur 657 votants, 567 l'assurant de leur confiance). La cloche de
la Mutte donna le signal de « Vallégresse publique... on dansa une partie de la
nuit à la maison commune » (Journal du 17 nov. 1791.)
6 Arch. mun. de Metz, Série D, nM D 7. Délibérations du 26 décembre 1791.
Jean-César Fenouil, ancien étudiant en droit à l'Université de Reims, devint
avocat au Parlement de Metz, contrôleur des vingtièmes de la généralité et secré-
taire greffier. En l'an II, il fut l'agent des représentants du peuple à l'armée du
Rhin. (E.
MICHEL,
Biographie du Parlement de Metz, p. 157.)
2
METZ PENDANT LA REVOLUTION 43
Voici maintenant la liste des nouveaux élus au titre d'officiers,
municipaux :
Louis François, horloger, François Mathieu, ancien député à
l'Assemblée nationale constituante, homme de loi ; Georges De-
maidy, ancien aubergiste ; Etienne-Nicolas Woirhaye, ancien com-
mis greffier à la maîtrise ; Jean Woirhaye fils, amidonnier ; An-
toine Michel, négociant ; Dominique Gustin, ancien quartier.
Les nouveaux notables comptent les personnalités suivantes :
Claude-Louis Lamy, maréchal de camp ; Joseph Bertrand, juge de
paix, homme de loi ; Nicolas Barthélémy, juge de paix ; Jean
Michel, chandelier ; Jean-Baptiste Juzan, juge de paix, homme de
loi ; Nicolas Quarante, rentier ; Anatole Daviel, secrétaire du
bureau de conciliation ; Henry-Jean Berger l'aîné, homme de loi ;
Jean-Louis Haupier fils, marchand ; Christophe Roger, membre du
bureau de conciliation ; Charles-Nicolas Maréchal, jardinier-pépi-
niériste ; Jean-Pierre-Lubin Colchen, juge de paix ; Hubert Mar-
chand, médecin ; Jean Roussel, ancien quartier ; Louis-Nicolas Si-
mon, commis ; Jean-Joseph Absalon l'aîné, brasseur ; Michel Del-
millac l'aîné, régisseur de la renfermerie ; Antoine Thiriet, curé
de Moselle ; Jean Woirhaye père, amidonnier 7.
Le 20 novembre 1791, tous les nouveaux élus prêtent le
serment « de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du
royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi et de bien
remplir leurs fonctions »8. Pénétrons aussi dans la « Maison
commune », où nous apprenons que le corps municipal tient ses
séances publiques en la grande salle les mardis et vendredis, à
partir de 9 heures du matin. La réunion des notables et des offi-
ciers municipaux constitue le « conseil général de la commune ».
Les affaires se traitent dans trois importants bureaux : celui des
7
PAQUET,
op. cit., t. I, p. 24-25. Paquet reproduit intégralement la brochure
intitulée « Municipalité de Mets. Installation du 20 novembre 1791 », et éditée à
Metz « chez la veuve Antoine et fils, imprimeur du corps municipal ». Un « Avis
du corps municipal de la ville de Metz », daté du 12 novembre 1791, donne la liste
des officiers municipaux et notables restant : Officiers municipaux : Nioche, Adam
père,
Bauzin, Medicus, Mariaucheau, Ledantu, Garry le jeune, et Delâtre, substi-
tut du procureur de la commune. Notables : Le Payen le jeune, Pacquin le
jeune, Cointin, Toussaint, Collignon, Revillon, Segond, Adam fils, Juteau-Morcourt
et
Debrye.
(PAQUET,
op. cit., t. I, p. 29.)
8 Arch. mun. de Metz, Série D, n° 1 D 8. Délibérations du 20 novembre 1791.
3
44 METZ PENDANT LA RÉVOLUTION
domaines, celui de la police et celui des subsistances 9., opèrent
de nombreux fonctionnaires municipaux dont les plus importants
méritent d'être connus par la postérité. La voirie municipale est
toujours dirigée par l'inspecteur Claude Gardeur-Lebrun ; le mont-
de-piété est confié au directeur Louis-Pierre-Nicolas Milet. Uillumi-
nation de la ville dépend de l'inspecteur Pierre Maujean. Le préposé
à Y administration des domaines nationaux soumissionnés par la
commune de Metz est Charles-Louis Barthélémy. La distribution
du sel est confiée au directeur Dominique Gobert. Les quatre-
decins suivants remplissent les fonctions d'« officiers de santé pour
les pauvres et la garde nationale de Metz » : François Humbert,
Jean-Pierre Gentil, Marie-Anne-Laurent Arnoult et Jean-Baptiste-
Gabriel Wacquant, adjoint à l'hôpital militaire ; ils sont secondés
par quatre chirurgiens, Louis Lallemand, Jean-François Levert,
François Lorrain et Jean-Henri Pellier, et trois « apothicaires »,
Georges Capiomont, Philippe Sido et Joseph Cheuvreusse. La police
municipale est réorganisée conformément à la loi du 22 juillet 1791;
sont prévus cinq commissaires de police et cinq appariteurs qui
résident dans l'arrondissement d'un juge de paix ; la compagnie
du guet est provisoirement maintenue ; la compagnie de police
est sous le commandement du capitaine Jean-Baptiste Juilliard 10.
Notons enfin qu'un « bureau de paix, de conciliation et de juris-
prudence charitable des districts et ville de Metz » est installé dans
la « maison commune » n. Fin de novembre 1791, le nouveau
personnel politique et administratif est déjà en place. Des tâches
multiples l'attendent. Compléter ou continuer l'œuvre de l'Assem-
9 Journal des départements du 22 décembre 1791. Au bureau des domaines, on
se penche sur les problèmes suivants : le collège et l'instruction publique ; les
domaines nationaux soumissionnés par la ville et la surveillance de la caisse com-
mune ; l'hôpital général de Saint-Nicolas ; le mont-de-piété ; les établissements,
bâtiments et toutes les propriétés de la ville. Le bureau de police s'occupe des
affaires concernant les hôpitaux et prisons ; la poste aux chevaux, les voitures de
place, les étrangers, les poids et mesures ; les lavoirs et l'alignement des rues ; la
Garde nationale et les patentes ; les incendies, pompes, sceaux, échelles, les
engagements et logements militaires ; les pavés de la ville, l'enlèvement des
bancs,
l'écurement de la Seule et les illuminations. Au bureau des subsistances
se règlent les questions touchant les foires et marchés et la direction des travaux
publics ; les fontaines ; les boucheries, la taxe du pain et de la viande, les
greniers d'abondance, les ateliers et manufactures et la surveillance sur la distri-
bution de l'huile des réverbères.
(PAQUET,
op. cit., t. I, p. 24.)
10 Les cinq commissaires de police sont Charles Collier, Jean-Baptiste Munier, Jean
Bernard François, Dominique-Gaspard Bricard et Gabriel Simon.
(PAQUET,
op. cit.,
t. I, p. 25, Arch. mun. de Metz, série D, no l D 7. Délibérations du
16 sept. 1791.)
11 Journal des départements du 1er décembre 1791.
4
METZ PENDANT LA REVOLUTION 45
blée constituante ? On n'y pense plus. On ne cherchera dorénavant
que des solutions immédiates aux difficultés quotidiennes. C'est
ainsi qu'une grave crise économique, le rebondissement du pro-
blème de sécurité et les agissements des émigrés exigent des
décisions urgentes.
2. LES DIFFICULTÉS DE LA SITUATION PENDANT L'HIVER DE
1791-1792. La crise économique prime tout. Par suite de l'émi-
gration 12, de nombreux domestiques restent sans emploi ; le pro-
blème du chômage se pose de toute urgence à Metz. Quant au
coût de la vie, il s'élève sous l'effet de la dépréciation croissante
des assignats que le gouvernement émet toujours plus nombreux
et dans lesquels le pays perd confiance. « Uagiotage augmente
journellement, constate-t-on aux délibérations municipales, il fait
baisser de beaucoup les assignats qui devaient passer au pair dans
le commerce... il est de Vintérêt public d'améliorer Vexécution des
décrets des 6 et 20 mai, 18 et 25 juillet dernier, qui ordonnaient
quii sera rétabli dans chaque district une caisse dans laquelle
on pourra échanger à volonté les assignats de 5 livres contre de
la monnaie de cuivre provenant de la fonte des cloches... » 13. La
caisse municipale étant par ailleurs vide, on paie les fonction-
naires et les créanciers en blé ou en argent provenant de la
vente de cette céréale 14. Et les prix des denrées alimentaires ? En
raison de la récolte inférieure en 1791, les prix commencent à
grimper ; le petit peuple murmure et dénonce les agissements des
« accapareurs » de denrées. Le paiement des impôts ne se fait
12
Dans la séance du corps municipal du 9 déc. 1791, le procureur de la commune,
Périn,
annonça à la surprise générale, que « des émigrés venaient en cette ville
prendre
des certificats de résidence, touchaient leurs pensions et retournaient
ensuite
à Vétranger
».
{Arch. mun. de Metz, série D, n° 1 D 7.)
13
Arch. mun. de Metz, série D, n° 1 D 5. Délibérations du 28 octobre 1791.
Le
2 décembre 1791, un grenadier du régiment de Condé vint se plaindre à la
municipalité
de ce qu'« ayant présenté à changer un assignat de 5 livres, on lui
avait
demandé 12 sols d'escompte ; il a été renvoyé vers le département comme
chargé
de
Γ
exécution
du décret qui ordonne rétablissement d'un bureau pour
réchange
des petits assignats contre de la monnaie » (Arch. mun. de Metz, série D,
n°
1 D 7.)
14
Le 18 octobre 1791, on décide au conseil municipal « qu'attendu qu'il n'y a pas
d'argent
dans la caisse de la ville, le grainetier sera autorisé de vendre du blé
jusqu'à
concurrence de ce qui est à raison de 7 livres la quarte... » {Arch,
mun.
de Metz, série D, n° 1 D 5.)
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