La kaolinite comme marqueur climatique au Crétacé inférieur? L

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La kaolinite comme marqueur climatique au Crétacé inférieur?
L'exemple des sédimentsà facièswealdien du Bassin du Wessex(Royaume-Uni), du
Bassin de Mons (Belgique) et du Boulonnais (France).
Johan YANS*, Christian DUPUIS**, Jean DEJAX***, François BARBIER*, Paul SPAGNA**, Florence
QUESNEL****
. FUNDP, UCL-Namur, Dpt Géologie,61 rue de Bruxelles,5000Namur, [email protected].
.. FPMS,Servicede Géologie,9 rue de Houdain,7000Mons, Belgique.
... MNHN, Département"Histoire de la Terre", UMR-CNRS 5143, 8 rue Buffon, 75005Paris,France.
BRGM, GEO/G2R,BP 6009,45060OrléansCedex,France.
La présencede kaolinite - phyllosilicate argileux de formule chimique AI2Si2Os(OH)4
- dans
les sédimentsest classiquementconsidéréecomme un marqueur(proxy) de climat chaudet
humide contemporain au dépôt. La validité de ce postulat requiert l'une des
conditionssuivantes: la kaolinite est directementnéoforméedans le sédimentlors du dépôt
ou lors de la diagenèsetrès précoce en climat chaud-humide,et/ou elle est héritée d'une
saproliteforméeen climat chaud-humide,(quasi)contemporaineau dépôt.
Les proportionsrelativementélevéesen kaolinite dansles sédimentsd'âge Crétacéinférieur
du Nord-OuestEuropéenont encouragél'hypothèsed'un climat uniformémentchaud-humide
à cettepériode.
L'étude de la fraction argileuse« 2 !lm) de sédimentsà faciès wealdien de l'Ile de Wight
(Wessex,Royaume-Uni),du Bassin de Mons en Belgique (sites de Bemissart,Hautrageet
Thieu), et du Boulonnais (France), tend à nuancer cette hypothèse,notamment grâce à
l'acquisition récente de précisions stratigraphiqueset paléogéographiques,ainsi que de
témoinsclimatiquesindépendantsde la fraction argileuse.
Dans les sédimentsstrictementcontinentauxde la Formationdu Wessex,d'âge Valanginien
inférieur à Barrémien supérieur, la kaolinite représente20 à 70 % du cortège argileux
(moyenne de 35 %), associéeà l'illite, l'interstratifié illite-smectite (Reichweite) RO et
l'interstratifié kaolinite-smectite.
Dansles sédimentsstrictementcontinentauxde Bemissartet d'Hautrage(Ouestdu Bassinde
MQns),d'âge Barrémienmoyen à Aptien basal,la kaolinite représente20 à 45 % du cortège
argileuxdominépar l'interstratifié illite-smectiteROet l'interstratifié chlorite-smectite.
Les sédimentsà influences marines de Thieu (Est du Bassin de Mons), d'âge Albien
supérieur,contiennentquant à eux de 5 à 60 % de kaolinite. La kaolinite est abondantedans
les pélites, en associationavec l'illite et l'interstratifié chlorite-smectitealors qu'elle est
presqueinexistantedansles sableset les silts, trèsrichesen interstratifié illite-smectiteRO.
Dans les sédimentsstrictementcontinentauxdu Boulonnais (France),d'âge anté-aptiens,la
kaolinite représente20 à 50 % du cortège argileux, en associationavec l'lllite et divers
interstratifiésà feuillets gonflants.Les teneursen kaolinite augmententavec la maturité des
paléosolsbariolés.
De façon générale,la kaolinite et l'interstratifié illite-smectite RO sont donc les principaux
constituantsdu cortègeargileux.
Au microscopeélectronique à transmission(MET), la kaolinite des paléosolsbariolés du
Boulonnais apparaît sous la forme de plaquetteshexagonalesaux bordures asseznettes,
témoignantd'une néoformationin situ. Cette interprétationest renforcéepar l'augmentation
de lakaolinite dansles paléosolsles plus matures,par rapport aux autresfaciès. La kaolinite
des sédimentsdu Bassin du Wessexet du Bassinde Mons, en revanche,ne montre pas cet
habitustypique, suggérantune origine détritiqueplutôt quenéoformée.
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Dans toutes les régions investiguées,une partie de l'interstratifié illite-smectite ROprésente
w1 habituslatté (orientationspréférentiellesde 60° autourdu nucléus)qui suggèreune origine
authigène durant la diagenèse très précoce, à la faveur de circulation de fluides
vraisemblablementlégèrementbasiques.Le test au lithium (Greene-Kelly, 1953)montreque
l'interstratifié illite-smectite ROlatté est de type « montmorillonite assezriche en fer ». Le test
au potassium (Thorez, 1998) précise que la smectitisation proviendrait à la fois de la
transformationd'illite et d'autressilicates,notammentla kaolinite.
En conclusion,seuls les paléosolsbariolés les plus maturesdu Boulonnais ont été le siège
d'une néoformation de kaolinite. Dans les sédimentsà faciès wealdien du Nord-Ouest
européen,de façon générale,l'interstratifié illite-smectite RO latté constitue la principale
phasenéoformée.La kaolinite y est généralementhéritéede profils d'altération environnants,
i.e. saprolites du soubassementNamurien du Bassin de Mons, du Massif du Brabant et
d'Ardenne.D'une part, le contrôle climatique (ie températuresélevées)ne semblepasêtre le
facteuressentielde la formation de kaolinite danscessaprolites.D'autre part, la formationde
ces saprolites est généralementbien antérieure (plusieurs dizaines de millions d'années
parfois) à l'âge du dépôt des sédimentsà faciès wealdien. L'héritage de la kaolinite serait
plutôt associéà une érosiondurantdesmouvementsverticaux de grandelongueurd'onde et à
un dépôtproximal, au sein de dépressions(localesdansle Bassinde Mons, régionalesdansle
Bassindu Wessex)durant des cortègestransgressifset/ou de haut niveau marin (3ème
ordre).
Le postulat «kaolinite ~ climat chaud» mérite d'être nuancé, à la faveur d'études
stratigraphiques,
paléogéographiques
et minéralogiquesdétaillées.
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