Fodil. M 2008/2009
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Immunopathologie
USTO .. 2008 - 2009
COURS N°3
Homing des cellules
Immunitaires
Fodil. M 2008/2009
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L'ECOTAXIE ("OU "HOMING")
1. DESCRIPTION
1-1. La recirculation
La recirculation des lymphocytes est un élément capital qui permet d'augmenter la probabilité de
rencontre entre un clone de lymphocytes et son antigène spécifique. Cette recirculation pallie à l'impossibilité
qu'a l'organisme d'exprimer en tout site et à n'importe quel moment l'intégralité du répertoire immunologique.
La compartimentalisation du système immunitaire en organes lymphoïdes primaires et secondaires permet de
répondre avec le moindre coût aux impératifs requis pour l'élimination de l'antigène. On a ainsi pu calculer que
chez le rat 4. 107lymphocytes par heure regagnent le compartiment sanguin via le canal thoracique, ce qui
représente un renouvellement de 10 à 20 fois par jour du pool total des lymphocytes sanguins. Le plus souvent
ce sont les mêmes lymphocytes qui recirculent avec, en plus à chaque cycle, quelques lymphoblastes ou quelques
cellules effectrices nouvelles.
Chez l'homme on estime qu'il existe environ 10.12 lymphocytes représentant 108
à 1010 clones différents. Des travaux classiques et anciens estiment que le renouvellement
quotidien porte sur 20 % du total de ces lymphocytes. Ce phénomène actif, de recirculation
dépend de phénomènes d'adhérence entre les différents types cellulaires qui sont finement
régulés. Il fait intervenir des interactions spécifiques entre des récepteurs de "homing" (de
domiciliation) sur les lymphocytes et des adressines (molécules d'adressage) sur les cellules
endothéliales. C'est le même panel de molécules qui est utilisé par les polynucléaires.
Pour comprendre ce trafic lymphocytaire, il faut s'imaginer son fonctionnement comme celui de la
Poste, avec le lymphocyte dans le rôle de la lettre avec son code postal ("homing" récepteur) et la cellule
endothéliale dans celui de la rue, avec son adresse (adressine).
En effet il n'existe pas en principe dans la circulation sanguine d'adhérence homotypique ou
hétérotypique entre les cellules et les interactions avec les cellules endothéliales sont circonscrites à des
territoires particulièrement focalisés. Cette recirculation est contrôlée par 3 mécanismes : l'interaction entre les
lymphocytes et les cellules endothéliales contrôle l'entrée des lymphocytes dans les territoires lymphoïdes : leur
maintien dans ces sites inflammatoires y contrôle leur retour dans la circulation ; enfin il faut ajouter la
génération et la prolifération in situ de lymphocytes spécifiques. La recirculation dépend du degré de
différenciation des lymphocytes.
Les récepteurs du homing ne sont pas spécifiques de l'antigène : leur expression
et leur spécificité ne sont pas influencés par la présence de ce dernier.
Cependant la stimulation antigénique entraîne des modifications des organes lymphoïdes
secondaires qui influent sur ces récepteurs : l'augmentation des débits sanguin et lymphatique (par un facteur de
10 à 25), l'augmentation de la rétention des lymphocytes dans les tissus inflammés entraîne, 5 à 7 jours après la
stimulation, une multiplication du poids (jusqu'à 15 pour un ganglion). Ceci augmente simplement le nombre de
lymphocytes disponibles et donc la probabilité de rencontre entre l'antigène en cause et son lymphocyte
spécifique. Au cours de la prolifération et l'expansion clonale localisées in situ secondaires à la stimulation
antigénique survient une reprogrammation des potentialités d'écotaxie avant toute nouvelle migration. Elle se
caractérise par un affinement des spécificités et une restriction des cellules effectrices pour mieux cibler ces
dernières lors d'une stimulation ultérieure.
1-2. Les cellules endothéliales cubiques des veinules post-capillaires
Le passage du sang dans les organes lymphoïdes secondaires se fait au niveau
d'un endothélium spécialisé, cuboïde, des veinules post-capillaire (HEV).
Les jonctions inter-cellulaires entre les HEV ne sont pas fortes « serrées » expliquant la
possibilité de transmigration des lymphocytes. En microscopie électronique ces cellules apparaissent avec un
appareil de Golgi très développé et riches en polyribosomes et un réticulum endoplasmique en vésicules
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sécrétoires, ce qui traduit leur intense activité métabolique. L'adhérence se fait par un phénomène de contact
inter-cellulaire qui est spécifique, dépendant des lymphocytes (sous-population, état d'activation, stade de
différenciation, stimulation antigénique) et de la localisation des HEV (ganglion périphérique, GALT, BALT,
etc...).
Les HEV sont retrouvées dans toutes les espèces de mammifères et sont
caractérisées par un endothélium rebondi parsemé de lymphocytes adhérents et infiltrés. Elles
existent dans tous les organes lymphoïdes secondaires à l'exception de la rate, où le passage
des lymphocytes se fait au niveau des sinus marginaux médullaires. On les retrouvent dans les
zones para-folliculaires T-dépendantes. Elles gouvernent cependant indifféremment la
migration de tous les lymphocytes, qu'ils soient T ou B.
Elles sont absentes des organes lymphoïdes primaires et des organes non lymphoïdes normaux. Il
existe des structures apparentées cependant dans des tissus non lymphoïdes atteints d'inflammation chronique
(ex : synovium de polyarthrite rhumatoïde).
L'interaction entre les lymphocytes circulants et les cellules endothéliales des veinules post-
capillaires est un phénomène stochastique favorisé par le diamètre des veinules (7 à 30 µ) qui optimise les
probabilités de collision. Après environ 12 secondes de contact entre les deux partenaires la liaison est
irréversible. Dans les PP environ 25 % des lymphocytes du flux sanguin adhèrent aux HEV, soit 1,4.104
lymphocytes/ganglion/seconde. Leur nombre est multiplié par 10 après stimulation antigénique qui augmente le
flux sanguin par des mécanismes adaptatifs immédiats (vasodilatation, ouverture de shunt artério-veineux) et
tardifs (néoangiogénèse avec formation de nouvelles veinules post-capillaires).
La liaison du lymphocyte à la cellule endothéliale fait intervenir un récepteur membranaire
lymphocytaire reconnaissant un ligand spécifique exprimé à la surface de la cellule endothéliale. Le passage des
lymphocytes entre les cellules endothéliales ou diapédèse se fait en 5 à 10 minutes, vraisemblablement guidé par
un gradient chimiotactique d'origine inconnue. Les deux partenaires subissent des modifications
morphologiques : la cellule endothéliale réoriente son appareil de Golgi vers la zone de jonction avec le
lymphocyte (activité sécrétoire) et le lymphocyte se déplace noyau en avant suivi d'un uropode, contournant les
jonctions maculaires inter-endothéliales.
1-3. Mise en évidence du phénomène d'écotaxie
Dès 1964 grâce à d'élégantes expériences de recirculation de lymphoblastes radiomarqués
GOWANS et KNIGHT ont montré que la migration des lymphocytes obéit à une spécificité de localisation dictée
par leur origine. Chez le rat les lymphoblastes prélevés au niveau du canal thoracique, radiomarqués et
réinjectés par voie intra-veineuse se localisent préférentiellement dans les ganglions mésentériques et l'intestin.
En 1976, STAMPER et WOODRUFF ont mis au point un test de liaison in vitro des lymphocytes sur coupe de tissu
lymphoïde congelé qui a rapidement permis de confirmer la spécificité de la liaison lymphocyte/cellule
endothéliale des veinules post-capillaires. Ainsi les lymphoblastes des ganglions mésentériques (du GALT) se
lient préférentiellement aux HEV des PP (environ 40 fois mieux qu'à celles des ganglions périphériques).
L'existence de ce phénomène d'écotaxie conforte l'hypothèse d'un système immunitaire muqueux
bien individualisé comprenant l'intestin, le poumon, les glandes mammaires et les muqueuses vaginales et
utérines qu'étayaient déjà les similarités anatomiques entre les PP et les tissus lymphoïdes de ces autres
organes, la production commune d'anticorps de classe IgA, l'apparition, après immunisation orale, de
plasmocytes à IgA dans l'intestin mais aussi dans les autres territoires. Il existe cependant au sein du MALT des
spécificités régionales: les lymphocytes intestinaux migrant préférentiellement dans les PP comparativement aux
ganglions médiastinaux, l'inverse étant observé pour les lymphocytes d'origine pulmonaire.
Les lymphocytes matures vierges recirculent dans tout l'organisme pour
augmenter la probabilité de rencontre d'un clone faiblement représenté avec son antigène
spécifique. Les cellules mémoires recirculent dans tous les tissus similaires à celui où a eu
lieu la première rencontre avec l'antigène, où elles ont donc le plus de chance de l'y rencontrer
à nouveau. Enfin, les cellules effectrices sont directement adressées dans l'organe cible où se
trouve l'antigène pour y accomplir leur fonction et y mourir.
La grande majorité des lymphocytes T circulants sont des lymphocytes "naïfs"," vierges", n'ayant
jamais rencontré leur antigène, de phénotype L-sélectine+, CD45RA+, alors que les lymphocytes T mémoire
sont L-selectine-,CD45RO+. De même, la plupart des lymphocytes B circulants sont des lymphocytes naïfs,
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IgM+,IgD+, retrouvés dans les organes lymphoïdes secondaires au niveau du manteau, alors que les
lymphocytes B mémoire se retrouvent au niveau du centre germinatif. La seule exception à l'absence de
restriction de homing des lymphocytes naïfs concernent les lymphocytes B CD5+et les lymphocytes T à TCR

qui migrent préférentiellemnt dans les épithéliums.
2. BASES MOLECULAIRES
En réponse aux différents stimuli produits au cours d'une réponse inflammatoire, les cellules
endothéliales sont capables de synthétiser des médiateurs qui induisent une vasodilatation (PGI2, NO), qui
activent les leucocytes (IL-8, PAF). Sous l'effet de la thrombine, de l'histamine libérées on observe une
translocation des molécules d'adhérence à partir des granules de stockage vers la membrane de ces cellules.
Sous l'effet de l'IL-1, du TNFces cellules endothéliales produisent trois types de
molécules d'adhérence appartenant à des familles différentes :
-sélectines et leurs ligand oligosaccharidiques
-intégrines et leurs ligands appartenant à la super-famille des Ig
- autres molécules d'adhérence telles que le CD44.
On peut donc concevoir le phénomène d'écotaxie comme un phénomène actif,
comprenant au moins trois étapes. La première (roulement) est représentée par l'interaction
entre un récepteur du homing (HR) d'expression constitutive sur le lymphocyte et son ligand
d'expression modulée sur l'HEV. Cette liaison est faible et transitoire et n'a pour seule
fonction que de ralentir le passage des lymphocytes. En l'absence d'activation, qui représente
la deuxième étape, susceptible d'induire l'apparition de mécanismes d'adhérence plus forts
constituants la troisième étape on aboutit au relargage du lymphocyte dans le courant
circulatoire.
2-1. Sélectines
La première étape ou "rolling" fait intervenir les sélectines et leurs ligand
oligosaccharidiques
2-1-1. Structure
Les sélectines sont parfaitement identifiées depuis 1989. On en reconnaît trois
selon leur origine:
- la E-sélectine (CD62E) exprimée sur les cellules endothéliales activées par
l'Il-1 ou le TNF ;
- la P-sélectine (CD62P) exprimée principalement sur les plaquettes activées
par l'héparine ou l'histamine, mais aussi sur les cellules endothéliales activées de la même
façon - la L-sélectine (CD62L) d'expression constitutive à la différence des deux
précédentes sur les lymphocytes.
Leur structure est homologue. Ce sont des glycoprotéines membranaires avec une courte portion
intra-cytoplasmique. Sa portion extra cellulaire comporte un domaine N-terminal de 120 AA présentant une
homologie de structure avec les lectines. L'existence de nombreux AA chargés positivement explique la
spécificité de liaison pour les polysaccharides anioniques (mannose 6 phosphate et dérivés) par ailleurs
dépendante de la présence de calcium. Y fait suite un domaine de 33 AA ressemblant au facteur de croissance
épidermique (EGF "epidermal growth factor"). Enfin la portion la plus proche de la membrane est composée
de plusieurs domaines de 62 AA appelés SCR pour "short consensus repeat", constitués d'unités répétitives
retrouvées dans les protéines régulatrices du complément se liant aux composants C3 et C4 (récepteur du
complément CR1, CR2 ; C4bp ou C4 binding protein, DAF ou decay accelerating factor, facteur H, facteur I)
mais aussi dans le récepteur de l'IL-2 et le facteur XIII de la coagulation (6 SCR pour la E-sélectine, 9 pour la P
et 2 pour la L). Le rôle des SCR serait de maintenir à distance de la surface cellulaire les domaines lectines et
EGF pour faciliter les interactions cellulaires.
L'épitope reconnu (sialyl Lewis x) se situe au sein d'un domaine de type mucine, riche en sérine et
en thréonine et fortement O-glycosylé. La présence d'acide sialique est critique pour la reconnaissance par la L-
sélectine; celle-ci est en effet abolie par les sialidases, facteur de virulence de certains germes (vibrio cholerae)
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capables ainsi d’interférer avec le homing des cellules immunocompétentes. De plus le degré d'agrégation des
oligosaccharides et celui de leur sulfatation sont aussi cruciaux. Ils dictent en partie la capacité de liaison au
CD62L, expliquant que ces molécules, de distribution tissulaire large, ne remplissent leur fonction d'adressines
que lorsque ces deux paramètres concourent à l'expression correcte de l'épitope.
2-1-2- Ligands
Le ligand de la L-sélectine est reconnu chez l'homme et la souris par un Ac mcl,
MECA-79, qui se lie à un épitope oligosaccharidique partagé par trois adressines:
-GlyCAM1 (glycolysation dependent cell adhesion molecule 1),
-CD34
- et MAdCAM1 (mucosal addressin cell adhesion associated molecule 1).
GlyCAM1 est une glycoprotéine de 50 kD principalement retrouvée au niveau des HEV des
ganglions périphériques, fortement glycosylée, à structure mucine-like, maintenue à la surface de la cellule
endothéliale par liaison à une protéine transmembranaire non identifiée à ce jour. La liaison à la L-sélectine se
fait principalement par une interaction lectine (L-sélectine)/sucre (GlyCAM1). Des interactions de type
protéine/protéine ont été postulées, mais ne seraient qu'accessoires (directes ou indirectes, par maintien de la
bonne conformation du domaine lectine).
CD34 a un poids moléculaire de 90 kD et une distribution tissulaire large: on le retrouve
notamment sur les cellules souches hématopoïétiques. En fonction du degré de sulfatation de ses
oligosaccharides il sert de ligand au CD62L, essentiellement aussi dans les ganglions périphériques.
Le troisième ligand, MAdCAM1, reconnu chez la souris par l'Ac mcl MECA-367, est une
adressine constitutive des muqueuses et inductible par les cytokines dans les foyers inflammatoires. Sa structure
est originale, associant deux domaines N-terminaux ayant des homologies avec ICAM-1, suivis par un domaine
de type mucine et enfin par un domaine homologue au deuxième domaine constant des chaînes lourdes des IgA
(IgC
2). Il s'agit donc d'une molécule composite capable de servir à la fois de ligand à la sélectine CD62L par
son domaine de type mucine, mais aussi à une intégrine,
4
7(CD49d/
7) par son domaine ICAM-like. Son
expression est induite par des cytokines, telles que le TNF
et l'IL-1 dans les territoires non muqueux au cours
des inflammations chroniques.
Quoiqu'il en soit les sélectines reconnaissent spécifiquement des polysaccharides. Cette liaison est
dépendante du calcium dont le rôle serait de protéger le récepteur de l'action de la plasmine. Le même effet
inhibiteur, restreint aux HEV du compartiment systémique, est observé in vitro, mais aussi in vivo, avec des
sialidases extraits de Vibrio cholerae ou Clostridium perfringens. Ceci pourrait être un facteur de virulence
pour ce dernier une fois la barrière intestinale franchie, empêchant l'extravasion des lymphocytes au niveau des
glanglions périphériques.
2-2 Chémokines et CD 44
L'activation des lymphocytes arrêtés sur les HEV ou sur un endothélium au sein
d'un foyer inflammatoire est secondaire à l'action de différents médiateurs solubles, appelés
chémokines car fonctionnant comme des facteurs chimiotactiques: le fragment C5a du
complément, le Platelet activating Factor "PAF"), l'IL-8, et les peptides N-formylés des parois
bactériennes tels que le fMLP (N-formyl-methionine-leucine-phenylalanine).
L'expression spécifique des récepteurs sur les cellules explique le recrutement
préférentiel :
-CCR7 récepteur du CCL21 (ou SLC pour secondary lymphoïd chemokine) et du CCL19 (ou
MIP-3
pour macrophage inflammatory protein 3
) sur le lymphocyte T
-CXCR6 récepteur du CXCL13 (ou BCL-1 pour B cell attracting 1) sur le lymphocyte B
Ces différents médiateurs sont retenus à la surface des cellules endothéliales par
des glycosaminoglycans, tel que le CD44 qui possède une extrémité N-terminale de 90 AA
présentant une homologie de structure avec les protéoglycans de cartilage permettant une
interaction protéine-acide hyaluronique.
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