Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour piano n° 2 en si bémol majeur (op.83)
I. Allegro non troppo II. Allegro appassionato III. Andante IV. Allegretto grazioso
C'est presque par hasard, semble-t-il, et sans y attacher beaucoup d'importance que Brahms a
entrepris ce « petit concerto » comme il l'appela d'abord, qui devait devenir une de ses œuvres
les plus grandes, les plus amplement construites, et par l’éclat de son écriture pianistique et
symphonique, un des plus grands concertos du répertoire. Il le termina au début de l’été 1881,
mais, en fait, sa composition s'est étalée sur deux ans puisqu'on trouve, dès 1879, les
premières ébauches de l’œuvre. Il est vrai que des circonstances extérieures l'empêchent alors
de se consacrer entièrement à ce travail : il joue souvent en public et doit passer beaucoup de
temps à travailler son piano ; en outre, il se déplace énormément. Ainsi, pendant ces deux
années, on le retrouve dans une vingtaine de villes d'Autriche il réside, mais aussi de
Hongrie, d'Allemagne, des Pays-Bas et d'Italie.
C'est à Pressbaum, une petite localité aux environs de Vienne qu'il achève ce Concerto n°2,
lequel n'est d'ailleurs pas la seule œuvre importante écrite au cours de cette période puisqu'elle
est contemporaine des deux grandes Ouvertures : Tragique et Pour une fête Académique.
Pas plus que le Concerto n°1 composé vingt ans plus tôt, ce deuxième opus n'est une œuvre
de pure virtuosité pianistique. L'instrument soliste n'est pas mis en avant comme fréquemment
à cette époque et intimement mêlé à l'orchestre. Cela lui valut d'ailleurs quelques critiques, et,
comme pour le Premier Concerto, certains censeurs traitèrent avec sévérité ce qu'ils
appelèrent une symphonie avec piano principal. Néanmoins la partie soliste, d'une grande
aisance, met en lumière toutes les possibilités de l'instrument et son interprétation musicale
n'en est pas moins exigeante et très difficile.
Avec quatre mouvements au lieu de trois, Brahms semble fonder les principes du concerto et
de la symphonie, notamment dans le spacieux premier mouvement.
Peu de temps après avoir termil’œuvre, le compositeur écrivait à un ami : « Je dois vous
dire que je viens d'écrire un petit concerto de piano avec un joli petit scherzo... » (!) En fait de
« joli petit scherzo », cet Allegro appassionato (en forme de scherzo) qui tient lieu de
deuxième mouvement, insinue une véritable tragédie avec un climat d'une sombre
véhémence. Dans le troisième mouvement, c'est plus l'esprit de la musique de chambre qui
transparaît avec un solo de violoncelle profondément expressif, sorte de berceuse sublime en
laquelle beaucoup ont vu une anticipation du lied Immer leiser wird mein Schlummer
(Toujours plus léger devient mon sommeil) que Brahms devait composer cinq ans plus tard.
Le finale, Allegretto grazioso, relâche les tensions accumulées en un joyeux rondo, éparpillant
les airs (dont beaucoup sont dans les rythmes hongrois si chers au compositeur).
Le Concerto n°2 a été joué pour la première fois par Brahms, lui-même, en novembre 1881 à
Budapest. Devant le succès obtenu, il fut rejoué quelques jours après à Stuttgart, et bientôt
toutes les grandes villes allemandes le réclamèrent.
1881
Événements contemporains
Décès de l'écrivain russe Dostoïevski. L'empereur de Russie Alexandre II est assassiné par un
terroriste. En France, loi Jules Ferry. L'école primaire devient obligatoire, gratuite et neutre.
Premières lignes téléphoniques à Paris. Création de l'Armée du Salut en France. Naissance à
Paris des Concerts Lamoureux. Décès de Modeste Moussorgski.
Œuvres contemporaines
Les Contes d’Hoffmann opéra fantastique de Jacques Offenbach. Brahms Ouverture Tragique.
Bruckner Symphonie n°6. Borodine Quatuor n°2.
Henri Rabaud (1873-1949)
La Procession nocturne
Créée le 8 janvier 1899 à Paris sous la direction d’Édouard Colonne
À la fin du XIXe siècle, le wagnérisme fait de nombreux émules en France. Chaque année,
notre pays fournit le plus important groupe de « pèlerins » étrangers présents au festival de
Bayreuth. Henri Rabaud est de ceux- ; comme pour Vincent d'Indy quelques années
auparavant, la découverte de la Tétralogie, et plus généralement le contact avec l'univers
romantique allemand vont exercer une influence non négligeable sur l'artiste. Influence qui
s'exprime dans sa Procession nocturne opus 6.
Henri Rabaud est âgé de vingt-six ans lorsque le chef d'orchestre Édouard Colonne lui
suggère de se pencher sur un épisode du Faust de Nikolaus Lenau, un vaste poème
dramatique qui avait précédemment inspiré Liszt. Rabaud en tire un poème symphonique qu'il
compose durant l’été 1898 et qu'il semble avoir achevé au début de l'automne.
Le texte de Lenau est reproduit en exergue de la partition. Rabaud construit son œuvre en
trois parties. Tout commence dans un climat mystérieux et inquiet. Une première mélodie
dépeint le désespoir de Faust, errant seul dans la nuit. Soudain, Faust aperçoit « une clarté qui
illumine là-bas la forêt ». Il s'agit d'une procession de pèlerins qui célèbrent de nuit la fête de
la Saint Jean. Faust se cache derrière le feuillage et contemple ce long cortège d'enfants, de
jeunes filles, de vieillards et « envie avec amertume leur bonheur ». Aux mélodies du début
succède un chant religieux, illustrant l'opposition entre Faust et les pèlerins. Le passage de la
procession est suggéré par une écriture en canon, considérée comme caractéristique de la
musique religieuse ancienne avant qu'elle ne s'éloigne et disparaisse dans les ténèbres.
La troisième partie s'ouvre alors sur le cri de Faust qui « pleure de brûlantes larmes, les plus
amères qu'il ait versées ». Après un long silence, les mélodies de la première partie sont
reprises dans un élan lyrique et sespéré, avant que Faust ne s'apaise et que la conclusion
n'évoque le rachat du pécheur.
1898
Événements contemporains
Émile Zola publie dans « l'Aurore » une lettre ouverte adressée au Président de la République
intitulée « J'accuse ». L'affaire Dreyfus est lancée. À Paris, début des travaux de construction
du métro. Création de la firme automobile Renault. Découverte du radium par Pierre et Marie
Curie. Mort de Louis Théodore Gouvy.
Œuvres contemporaines
André Messager Véronique. Verdi Quattro pezzi sacri. Fauré Pelléas et Mélisande.
Richard Strauss (1864-1949)
Don Juan (op.83)
En 1888, Richard Strauss écrit à un ami : «... Je suis maintenant armé d'une conception pleine
de force de l'Art et de la vie ; après avoir cherché ma voie avec incertitude pendant longtemps,
j'ai maintenant un sol sûr sous mes pieds ». Voilà une vigoureuse profession de foi d'un
musicien qui se découvre en décidant d'une nouvelle voie. Cette nouvelle voie, c'est la
musique à programme. Fasciné par la « nouvelle vague » de Wagner, Liszt et Berlioz il se met
sur le champ à écrire des poèmes symphoniques à la manière de Liszt.
II n'a que 24 ans lorsqu'il compose Don Juan. Durant cet été 1888, Richard Strauss travaille
sur deux poèmes symphoniques : Macbeth, qui lui donne beaucoup de mal et qu'il ne
terminera qu'en 1891, et Don Juan composé en seulement quatre mois. Avec cette oeuvre,
Strauss découvre avec beaucoup de talent (ce que peu de compositeurs réussiront ensuite) la
manière de dépeindre un personnage, un lieu, une action. Il y trace le portrait du désir de Don
Juan, son besoin de conquêtes renouvelées, sa peur du bonheur immobile, sa montée du
dégoût devant la répétition des mensonges et sa nostalgie d'anéantissement.
La source littéraire de Strauss fut le drame poétique fragmentaire de Nikolaus Lenau (et dans
une moindre mesure une pièce de Paul Heyse « La fin de Don Juan » à laquelle il assista en
1885) qui ne fit pas de Don Juan un simple libertin mais un idéaliste à la recherche de la
femme parfaite. Le premier thème représente cette quête qui est un aspect du héros, le
quatrième (mélodie jouée par quatre cors à l'unisson) le plaisir de Don Juan dans sa poursuite,
l'accomplissement de la vie humaine. Entre ceux-ci se présentent deux autres thèmes longs et
mélodieux décrivant deux conquêtes, le premier orageux et voluptueux, le second plus
tranquille et séduisant. Les quatre thèmes sont symphoniquement débattus à mesure que se
déroule l'impétueuse existence de Don Juan, jusqu’à ce que le héros soit provoqué en duel et
mortellement touché. On entend alors son sang s’écouler goutte à goutte, ses halètements
s'affaiblir.
Quelques fragments du texte de Lenau figurent en exergue de la partition, Strauss ayant
souhaité qu'ils soient insérés dans le programme du concert.
La partition de Don Juan constitua une gageure pour les plus remarquables orchestres
symphoniques de la fin des années 1880 ; elle le resta encore pendant quelques dizaines
d'années et passe aujourd'hui encore pour une page supérieure de démonstration de virtuosité
orchestrale. Donnée en première audition par son auteur à Weimar en novembre 1888, l'œuvre
va lancer la carrière de Richard Strauss en tant que compositeur, mais il lui faudra quelques
années encore pour que dans l'esprit du public, son nom remplace celui d'un autre grand
Strauss, Johann avec lequel, d'ailleurs, il n'avait aucun lien de parenté.
1888
Événements contemporains
Le général Boulanger ébranle la IIIe République. Guillaume II est le nouvel Empereur
d'Allemagne, il le restera jusqu'en 1918. Mise au point des vaccins du choléra et de la
typhoïde. L'Écossais John Boyd Dunlop, vétérinaire de son état, invente la chambre à air et
réalise le premier pneumatique. Vincent van Gogh peint ses Tournesols. « Ubu Roi » d'Alfred
Jarry.
Œuvres contemporaines
Fauré compose la 1re version de son Requiem. Satie Trois Gymnopédies. Debussy Deux
Arabesques. Rimski-Korsakov Shéhérazade. Lalo Le Roi d’Ys. César Franck Symphonie en
mineur. Tchaïkovski Symphonie n°5. Mahler Symphonie n°1 « Titan ».
BENJAMIN LEVY
Chef d’orchestre
Benjamin Levy a été invité ces
dernières saisons par : l’Opéra
national de Lyon, l’Opéra de Rouen,
l’Opéra national du Rhin, l’Opéra de
Limoges, le Théâtre national du
Capitole de Toulouse, les Opéras
d’Avignon et de Toulon ainsi que
l’Orchestre national de Lyon,
l’Orchestre Colonne, l’Orchestre
symphonique et lyrique de Nancy et l’Orchestre Lamoureux.
En 2013/2014 et 2014/2015, il est engagé par les Rotterdams Philharmonisch, l’Orchestre
Poitou-Charentes, Gelders Orkest, Moscow Philharmonic, Chamber Orchestra of
Philadelphia, Orquesta Santa Cecilia - Madrid, Zuidenederlands Orkest, et l’Orchestre
Symphonique de Mulhouse. Il est réinvité par le Noord Nederlands Orkest pour de nombreux
concerts en 2013, 2014 et 2015.
Fondateur de l’Orchestre de Chambre Pelléas, il a emmené cette formation au fonctionnement
collégial au Théâtre du Châtelet, à l’Opéra Comique, à la Cité de la Musique, au Théâtre des
Champs-Élysées, à l’Athénée Louis Jouvet, à la Folle Journée de Nantes, au MC2 de
Grenoble, au Concertgebouw d’Amsterdam ainsi qu’aux Festivals de Besançon, Feldkirch
(Autriche), Radio France Montpellier et au Nomus (Serbie). Ses concerts sont régulièrement
diffusés par France Musique et la Radio Suisse Romande.
En 2012, Benjamin Levy a fait ses débuts avec l’Orchestre national de Montpellier,
l’Orchestre national d’Ile-de-France, l’Orchestre de Chambre de Lausanne ainsi qu’avec les
Radio Filharmonisch Orkest, Radio Kamer Filharmonie et Noord Nederlands Orkest. Il dirige
à Moscou le Pelléas et Mélisande de Debussy mis en scène par Olivier Py.
De 2009 à 2011, Benjamin Levy a passé deux saisons comme chef assistant des deux
Orchestres de la Radio Hollandaise : Radio Filharmonisch Orkest et Radio Kamer
Filharmonie.
Il a été nominé « révélation musicale de l'année 2005 » par le Syndicat de la critique
dramatique et musicale. En 2008, il a reçu le prix « Jeune Talent - Chef d’orchestre » de
l’ADAMI qui lui a permis de diriger au Mexique, au Sri Lanka (Les Pêcheurs de Perles de
Bizet) et au Venezuela.
Il s’est foraux CNSM de Lyon (Premier prix de percussion) et de Paris (Prix d’analyse et
classe de direction d’orchestre). Il a étudié à l’American Academy of Conducting d’Aspen
(États-Unis) auprès de David Zinman, David Roberston et Yuri Temirkanov ainsi qu’à
l’Academia Chigiana de Sienne.
Benjamin Levy a régulièrement été l'assistant de Marc Minkowski avec le Gewandhaus de
Leipzig, le Mahler Chamber Orchestra et les Musiciens du Louvre, à l’Opéra de Paris, au
Théâtre des Champs-Élysées et au Festival de Salzburg.
Remarqué avec la Compagnie « Les Brigands », il a défendu avec cet ensemble des pièces
rares du répertoire lyrique léger pour lesquelles il a reçu, à deux reprises, un Diapason d’Or.
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