Préserver le patrimoine commun du Palais des Nations

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Feuillet spécial nº 1
Vue aérienne du Palais des
Nations. Photo reproduite avec
l’aimable autorisation de la
Bibliothèque de l’ONUG.
réserver
P
le patrimoine
commun du
Palais des
Nations :
notre
responsabilité
collective
Le Palais des Nations est tout à la fois un centre de
conférences très sollicité, une base opérationnelle de
premier plan et un symbole indéniable du multilatéralisme
proprement dit. Il est un condensé des origines et des
buts mêmes des Nations Unies. Dans la présente section
spéciale, on retrace les origines du complexe du Palais
des Nations, et on expose les difficultés actuellement
rencontrées pour préserver ce patrimoine unique de la
communauté internationale tout entière.
■ L’héritage de la Société des Nations
La Société des Nations (SDN) a été fondée au lendemain
de la première guerre mondiale pour « développer la
coopération entre les nations et leur garantir la paix et
la sécurité ». Sa création devait marquer une mutation
profonde dans les relations internationales, privilégiant
désormais le règlement pacifique des conflits et la
collaboration institutionnalisée. Genève fut choisie
comme siège de la Société des Nations en reconnaissance
de sa tradition propre de diplomatie et de négociation
internationales.
UNOG Unis dans l’effort, pour un avenir meilleur - 2008 Vue du bâtiment des Assemblées, Société des Nations, 1939.
Plan d’architecte du Palais inséré dans le guide du visiteur,
à l’occasion de la dernière Assemblée de la SDN, en 1946.
Le Secrétariat de la Société des Nations fut initialement
installé au Palais Wilson, tandis qu’un nouveau siège
permanent était construit sur un terrain dont la ville de
Genève avait fait don. La conception et l’agencement des
bâtiments devaient être à la hauteur des grands espoirs
en un nouvel ordre mondial durable incarné par la Société
des Nations.
Un concours international d’architecture fut organisé en
1926. Trois cent soixante-dix-sept projets furent soumis,
mais le jury d’architectes fut incapable de se prononcer.
La Société des Nations chargea alors les cinq architectes
Cérémonie marquant la pose de la première pierre, le 7 septembre 1929.
Chantier de construction.
Première pierre du Palais, 1929.
UNOG Unis dans l’effort, pour un avenir meilleur - 2008 auteurs des propositions les mieux notées d’œuvrer
ensemble sur un projet commun. Carlo Broggi (Italie),
Julien Flegenheimer (Suisse), Camille Lefèvre et Henri-Paul
Nénot (France), et Joseph Vago (Hongrie) élaborèrent le
plan sur la base duquel furent en fin de compte édifiés
les bâtiments d’origine du Palais des Nations. La pose
de la première pierre eut lieu le 7 septembre 1929.
Sous cette pierre se trouve un coffret contenant la
liste des États Membres de la Société des Nations, une
copie de son Pacte constitutif et des pièces de monnaie
de tous les pays représentés à sa dixième Assemblée.
Construction du Palais, 1932.
Première Assemblée de la Société des Nations tenue dans le nouveau
Palais des Nations, en 1937.
Le Palais des Nations en 1937.
Les travaux de construction du bâtiment principal,
composé des ailes A, AB, AC, B, C, K et S, se déroulèrent
entre 1929 et 1937. Les plans initiaux prévoyaient quatre
zones : le Secrétariat, le Conseil, les Assemblées et la
Bibliothèque. La surface totale au sol de cette partie la
plus ancienne du complexe est de 80 623 mètres carrés,
et elle est encore pleinement exploitée. L’aménagement
de l’espace intérieur a été dans une large mesure assuré
par des dons des États Membres. De même, les œuvres
d’art exposées au Palais des Nations sont des dons d’États
Membres remontant à l’époque de la Société des Nations,
et les collections continuent de s’étoffer au gré des
généreuses donations. La Bibliothèque a été fondée grâce
à une dotation de 2 millions de dollars des États-Unis
octroyée par John D. Rockefeller Jr.
Au moment où la SDN s’est installée au Palais des Nations, en
1937, il était déjà clair qu’elle serait impuissante à empêcher
le déclenchement de la seconde guerre mondiale.
Après l’exclusion de l’Union soviétique le 14 décembre
1939 − son dernier acte −, la Société des Nations a
pratiquement cessé de fonctionner. Certains pouvoirs
ont été transférés à son Secrétaire général pour que
l’organisation puisse continuer d’exister légalement. Le
Palais des Nations est demeuré inoccupé près de six ans
durant, pendant la seconde guerre mondiale.
La dernière réunion de l’Assemblée de la Société des
Nations s’est tenue en avril 1946 dans le but de dissoudre
l’organisation et d’en transférer tous les biens et avoirs à
l’Organisation des Nations Unies, y compris le Palais des
Nations, d’une valeur estimée alors à 47,6 millions de francs
suisses. La Société des Nations a cessé officiellement
d’exister le 20 avril 1946. Le 1er août 1946, l’Organisation
des Nations Unies reprenait officiellement les avoirs de la
Société des Nations et le Secrétariat de l’Office européen
des Nations Unies s’installait au Palais des Nations.
L’Office européen des Nations Unies allait être renommé
Office des Nations Unies à Genève en 1966.
Délégués à la Société des Nations se dirigeant vers la salle des pas perdus.
Malgré ses limites, la Société des Nations a jeté les bases
d’une coopération internationale élargie. De nombreuses
entités de l’actuel système des Nations Unies, notamment
la Cour internationale de Justice (CIJ), le Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation
internationale du Travail (OIT), l’Organisation des Nations
Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)
et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) peuvent
faire remonter leurs origines aux travaux de la SDN.
L’Organisation des Nations Unies a été édifiée sur la base
des leçons tirées des succès et des échecs de la Société
des Nations.
UNOG Unis dans l’effort, pour un avenir meilleur - 2008 Sean Lester, dernier Secrétaire général de la Société des Nations, et Wlodzimierz Moderow, premier Directeur de l’Office européen des Nations Unies,
signant le transfert des avoirs à l’Organisation des Nations Unies, le 18 avril 1946.
■ S
’adapter aux besoins de
l’Organisation des Nations Unies
La taille et l’agencement des parties les plus anciennes du
Palais des Nations sont à l’image des besoins de la Société
des Nations et des techniques en usage au moment de
son édification.
Au plus fort de ses effectifs, la Société des Nations comptait
58 États Membres. Comparativement, l’Organisation des
Nations Unies en compte aujourd’hui 192. De même,
l’ampleur et la complexité des activités de l’Organisation
se sont considérablement développées.
Depuis le transfert à l’Organisation des Nations Unies, de
nouveaux bâtiments ont été construits pour accueillir les
activités de plus en plus importantes de l’Organisation
et pour suivre l’évolution des prescriptions en matière
UNOG Unis dans l’effort, pour un avenir meilleur - 2008 de sécurité. De 1950 à 1952, le bâtiment K a gagné trois
étages supplémentaires et le bâtiment D a été construit,
offrant 4 405 mètres carrés supplémentaires. Le bâtiment E
− souvent appelé « le nouveau bâtiment » − a été construit
entre 1968 et 1973, offrant 1 100 nouveaux bureaux
et 10 nouvelles salles de conférence, et faisant gagner
68 440 mètres carrés supplémentaires. Tout récemment
ont été construits la nouvelle porte d’entrée à Pregny − le
bâtiment F − et un centre de réception des livraisons
− le bâtiment G.
Aujourd’hui, le complexe du Palais des Nations s’étend
sur 157 348 mètres carrés (plus de 15 hectares). Il renferme
34 salles de conférence et 2 800 bureaux. Plus de 4 000
personnes y travaillent chaque jour. Pratiquement 4 000
membres des missions permanentes et plus de 1 000
représentants d’organisations non gouvernementales
(ONG) sont détenteurs de badges d’identification de longue
Le Comité des dix-huit puissances sur le désarmement, l’un des prédécesseurs de la
Conférence du désarmement, réuni en séance le 18 mai 1967.
durée, et 70 000 autres représentants (de gouvernements
et d’ONG, sans badge d’accès permanent) sont inscrits
chaque année comme participants aux conférences. Plus
de 200 correspondants sont accrédités auprès de l’Office
des Nations Unies à Genève et travaillent au Palais. Chaque
année, 100 000 personnes environ visitent le Palais.
■ Un patrimoine en péril
L’utilisation intensive et diverse qui est faite du Palais et le
grand âge des bâtiments imposent à l’ONUG de procéder
d’urgence à des travaux d’entretien pour la maintenance
de l’édifice. Si à première vue le bâtiment principal et ses
annexes semblent avoir une structure saine, ils perdent
lentement mais sûrement de leur fonctionnalité. La
détérioration en est à un stade où elle ne peut que croître
et risque d’entraîner des dégâts irréversibles si rien n’est
fait. Le bâtiment lui-même et le patrimoine unique qu’il
représente sont en danger.
La majeure partie des installations électriques, des câbles,
de la tuyauterie, du réseau d’assainissement et des
fenêtres de l’ancien bâtiment ont excédé leur durée de
vie. Quantité de matériaux utilisés ne sont pas faits pour
durer et sont en train de se désagréger. À court terme − ou
à moyen terme tout au plus −, cela peut poser des risques
pour la sûreté et la sécurité, entraîner une consommation
excessive de combustible et d’électricité ayant de graves
incidences sur la situation financière et l’environnement,
et engendrer une détérioration des conditions de travail
qui se répercutera sur l’efficacité des services fournis.
Câbles et installations électriques. - Dans l’ancien
bâtiment, 100 kilomètres environ de câbles électriques
doivent être remplacés pour être mis en conformité avec
les normes actuelles. Il faut installer des commutateurs
automatiques pour réduire la consommation électrique.
Photo de droite : Journaliste de la Radio des Nations Unies, au début des années 50.
Canalisations et assainissement. - 200 kilomètres de
tuyaux courent à travers les bâtiments. Au moins 40
kilomètres de conduites d’eau sont attaquées par la rouille
et doivent être remplacées. La rouille accroît le risque de
fuite et, partant, d’inondation. La Bibliothèque de l’ONUG,
inondée à plusieurs reprises, a vu ses archives, ses
ouvrages et autres matériels endommagés et la mémoire
institutionnelle irremplaçable qu’elle abrite mise en péril.
La rouille et les tuyaux abîmés ont également favorisé
l’humidité et l’apparition de moisissures, qui viennent
encore dégrader la structure de l’édifice.
Ascenseurs. - 21 ascenseurs ont plus de trente ans et
tombent fréquemment en panne.
Fenêtres. - L’ancien bâtiment est mal isolé et les
fenêtres sont source de gaspillage d’énergie, ce qui cause
une déperdition importante de chaleur en hiver et une
surchauffe des locaux en été. Ce sont au total 1 680
fenêtres qu’il faut remplacer (dans l’ancien bâtiment
seul).
Dégâts structurels. - Le béton présente de multiples
craquelures, y compris sur la façade du bâtiment. La
toiture est en très mauvais état. Les sols et les murs sont
aussi abîmés en plusieurs endroits du fait que la structure
travaille.
Vétusté des salles de réunion. - Un grand nombre de
salles de réunion sont vétustes et fonctionnent avec un
équipement technique dépassé et insuffisant qui nuit à
l’efficacité des réunions. De même, les câbles et le mobilier
anciens entravent le bon fonctionnement des services
et, par endroits, présentent un risque pour la sûreté des
locaux.
Espace de stockage insuffisant et inadapté. - Les
conditions de stockage de la Bibliothèque et des
archives de l’ONUG ne sont pas conformes aux normes
internationales. La Bibliothèque, dépositaire de la mémoire
UNOG Unis dans l’effort, pour un avenir meilleur - 2008 Le Palais des Nations en 1939.
institutionnelle capitale des Nations Unies mais aussi de
la Société des Nations, renferme 11 kilomètres linéaires
d’archives et 45 kilomètres linéaires de documents et
publications des Nations Unies, grignotant chaque année
un kilomètre linéaire supplémentaire (500 mètres linéaires
d’archives et autant pour les documents, publications
et journaux des Nations Unies). Selon les estimations,
il faudra au cours des vingt prochaines années 25
kilomètres linéaires supplémentaires pour lesquels aucun
espace n’est disponible au Palais des Nations.
Canalisations extérieures d’évacuation des eaux
usées. - Le réseau extérieur d’évacuation des eaux usées
est en partie endommagé et doit être remplacé pour être
mis en conformité avec les normes actuelles. L’insuffisante
capacité de drainage actuelle a occasionné d’importantes
inondations dans des zones de stockage de la plus haute
importance. Pour des raisons environnementales, les
conduites d’évacuation des eaux de pluie devraient être
séparées des conduites d’évacuation des eaux usées.
■ U
n plan stratégique patrimonial pour le
Palais des Nations
La modernisation et la rénovation ponctuelles d’un certain
nombre de salles de réunion par des États Membres ont
permis de remédier à la vétusté des installations de
conférence. Ces contributions individuelles ont utilement
complété les interventions régulières de maintenance de
l’ONUG.
Toutefois, l’état actuel du bâtiment empêche l’ONUG
d’assurer correctement et de façon sûre et rentable
les services requis par les États Membres et les autres
utilisateurs. Si l’on est parvenu à entretenir le bâtiment
avec les ressources disponibles, il est évident que les
solutions ponctuelles, retenues en fonction des crédits
budgétaires du moment, ne sont pas viables à long
terme étant donné l’ampleur de la tâche. L’importance
UNOG Unis dans l’effort, pour un avenir meilleur - 2008 et la complexité des problèmes structurels imposent
une rénovation et une remise en état complètes. Un tel
investissement de départ, à long terme, permettrait de
réaliser des économies sur les coûts de maintenance et
de fonctionnement, et ceci est essentiel pour préserver le
patrimoine du Palais des Nations.
Dans ces circonstances, le Directeur général a accordé
la priorité à l’élaboration d’un plan stratégique
patrimonial pour le Palais des Nations, et il y œuvre
en étroite collaboration avec les États Membres et les
partenaires concernés du Secrétariat. Un groupe d’États
Membres − le Groupe des Amis du Palais des Nations
−, ouvert à tous les États Membres intéressés, s’est
porté volontaire pour apporter des conseils et soutenir
ce plan stratégique patrimonial. L’appui de l’ensemble
des Membres de l’Organisation est capital à cet égard.
Le Palais des Nations non seulement offre l’espace
concret indispensable aux activités quotidiennes des
Nations Unies, mais rappelle aussi constamment combien
la coopération multilatérale est puissante et précieuse à
la fois. À l’instar de nos institutions multilatérales, cet
édifice doit être continuellement entretenu, modernisé
et préservé pour qu’il puisse continuer de faire son
office et que soit pleinement exploité son potentiel.
Le Palais des Nations est le patrimoine culturel et
architectural commun de l’ensemble de la famille
humaine, dont les Nations Unies sont dépositaires. Il
est de notre responsabilité collective de le préserver.
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