Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication DETEC Office fédéral de l’environnement OFEV Division Climat Tél.: 031 324 23 80 Fax: 031 322 70 54 [email protected] http://www.umwelt-schweiz.ch Fiche Date jeudi 14 juillet 2011 Géo-ingénierie Définition La géo-ingénierie désigne, dans le présent contexte, la manipulation délibérée du système climatique terrestre visant, en premier lieu, à contrecarrer les effets du réchauffement global provoqué par l’homme, ou tout au moins à les freiner1. On distingue principalement deux démarches, qui toutes deux modifient le bilan de rayonnement de la Terre: les techniques visant à retirer de l’atmosphère le dioxyde de carbone, un de ses gaz à effet de serre, (Carbon Dioxide Removal, CDR); les techniques ayant pour effet de diminuer le rayonnement solaire reçu à la surface de la Terre (Solar Radiation Management, SRM). Les procédés désormais connus de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CSC; Carbon Capture and Storage CCS), au cours desquels le dioxyde de carbone émis par les grandes centrales thermiques à combustibles fossiles est piégé et stocké dans le sous-sol géologique, ne sont généralement pas considérés comme de la géo-ingénierie. Pourquoi cet intérêt pour la géo-ingénierie? Les premières réflexions concernant la manière dont la nature pourrait être modifiée à l’échelle de la Planète ont été publiées relativement tôt. Le débat scientifique sur ce thème spécifiquement s’est instauré à la fin du XXe siècle, lorsque la communauté internationale a reconnu que les changements climatiques et leurs effets constituaient un problème mondial. Le grand public a été confronté pour la première fois à la géo-ingénierie en 2006, quand les médias ont fait un large écho d’un article scientifique de Paul Crutzen, lauréat du Prix Nobel, dans lequel ce chimiste néerlandais, spécialiste de l’atmosphère terrestre, examinait la possibilité d’abaisser la température globale moyenne en injectant des aérosols de sulfate 1 D’une manière générale, la notion de géo-ingénierie désigne des tentatives à l’échelle planétaire visant à modifier sciemment la nature (Keith 2001; citation tirée de ProClim 2008). Dans la littérature spécialisée, on trouve aussi le terme d’ « ingénierie climatique (Climate Engineering) ». Ce terme précise certes l’objectif visé mais ne prend pas en considération le fait que tous les procédés connus ont des effets qui dépassent le cadre du climat. dans les hautes couches de l’atmosphère. Avec plusieurs de ses collègues scientifiques, il était d’avis que les différentes approches de géo-ingénierie devaient être explorées malgré les risques manifestes qu’elles présentaient. Les progrès timides de la politique climatique développée par l’ONU ne laissant entrevoir de diminution rapide des émissions de gaz à effet de serre, la géo-ingénierie pourrait un jour devenir la seule possibilité de contenir le réchauffement de la Terre à un niveau acceptable. Afin de soutenir d’autres efforts de réduction, l’utilisation de méthodes comparativement moins risquées, à titre transitoire, serait également envisageable. Des points de vue de ce type, qui prennent en compte autant le potentiel que les risques, sont désormais largement répandus dans les milieux scientifiques. De même, ils sont de plus en plus repris dans les débats politiques et sociaux. Quelles sont les différentes approches de géo-ingénierie? 1) Retrait du dioxyde de carbone de l’atmosphère (CDR) Les méthodes CDR abaissent la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone et facilitent ainsi l’émission vers l'espace du rayonnement thermique de grande longueur d’onde de la surface terrestre. Cet effet est principalement obtenu par une manipulation des écosystèmes qui renforce de manière ciblée l’incorporation de ce gaz à effet de serre à la biomasse terrestre ou marine. Parallèlement à ces approches, dont certaines sont connues de longue date, des solutions nouvelles, purement techniques, ont été proposées pour le retrait et le stockage du dioxyde de carbone. Les principales techniques CDR et leurs modes d’action préconisés sont2: L’utilisation des sols, le reboisement et une déforestation minimale Une gestion ciblée de l’utilisation des sols permet de constituer des réserves de carbone dans la biomasse et dans le sol. L’utilisation de la biomasse et du biochar La biomasse morte est collectée, le cas échéant, transformée en biochar et incorporée au sol, ce qui a pour effet, sur le long terme, d’augmenter, autant que possible, sa teneur en carbone. L’accélération des processus naturels de météorisation La désagrégation des roches consomme du dioxyde de carbone contenu dans l’air ambiant. Ces processus habituellement très lents sont accélérés, augmentant ainsi les échanges de dioxyde de carbone. Les produits de météorisation qui se forment sur le sol ou dans l’eau de mer en liant le carbone le soutirent de cette façon de l’atmosphère. La capture du dioxyde de carbone à partir de l’air ambiant Une machine permet d’aspirer l’air ambiant et d’en extraire son contenu en dioxyde de carbone, en utilisant de substances solides ou liquides. Ce procédé est défavorable en termes énergétiques (coûts élevés) mais peut en revanche être mis en œuvre pratiquement partout. Le dioxyde de carbone peut ensuite être stocké dans le sous-sol géologique ou utilisé pour une autre application, par exemple être converti en carburant synthétique par le procédé de Fischer-Tropsch. 2 The Royal Society (2009) présente une analyse détaillée de la discussion sur ces questions. Ce rapport en anglais de l’Académie britannique des sciences résume le vaste débat que la géoingénierie a suscité jusqu’ici. Le rapport de ProClim (2008) présente une synthèse des principales connaissances sur ce sujet, en français. 2/9 La fertilisation des océans par le fer et d’autres nutriments La fertilisation des eaux de surface pauvres en nutriments favorise la croissance des algues, qui à leur tour, consomment le dioxyde de carbone présent dans l’eau. Les quantités de dioxyde de carbone sont ensuite compensées par l’apport de dioxyde de carbone atmosphérique. Lorsque les algues meurent et tombent au fond des mers, le carbone intégré à la biomasse est définitivement soutiré de l’atmosphère. 2) Diminution du rayonnement solaire incident (SRM) Les techniques SRM détournent le rayonnement solaire de faible longueur d’onde de la terre ou augmentent le pouvoir réfléchissant (albédo3) de la surface terrestre, des nuages ou de l’atmosphère toute entière, l’effet net étant une diminution du rayonnement solaire atteignant la Terre. Les principales techniques SRM et leurs modes d’action préconisés sont2: L’augmentation de l’albédo à la surface de la Terre Des toits blancs et un éclaircissement des surfaces dans les régions d’habitation, des céréales modifiées et des réflecteurs artificiels dans les régions désertiques augmentent l’albédo. L’augmentation de l’albédo par la génération de nuages marins Des stratocumulus recouvrant une grande partie des mers du globe exercent un effet refroidissant significatif sur le climat. Cet effet est renforcé si, dans les régions peu nuageuses, de l’eau de mer est pulvérisée en très fines gouttelettes, depuis des bateaux ou d’autres installations, permettant la formation de noyaux de condensation à partir desquels des nuages pourront se développer. L’injection de particules en suspension (aérosols) dans la stratosphère Ce procédé reproduit l’effet refroidissant de fortes éruptions volcaniques, comme celle du Pinatubo en 1991, et au cours desquelles de grandes quantités d’aérosols de soufre parviennent dans la stratosphère inférieure, c’est à dire dans les couches de l’atmosphère de plus de 10 km d’altitude environ. Des avions, des projectiles ou des ballons géants fixes projettent continuellement la quantité nécessaire de particules d’aérosols en altitude où elles réfléchissent une partie de la lumière du Soleil4. Les installations dans l’espace Des boucliers de protection installés dans l’espace dévient le rayonnement solaire et réduisent l’énergie radiative parvenant à la Terre. L’envergure des installations proposées 3 4 On entend par albédo la proportion du rayonnement solaire incident réfléchie par une surface. Complément du 10 octobre 2014: les tests sur le terrain relatifs au projet SPICE (Stratospheric Particle Injection for Climate Engineering; http://www2.eng.cam.ac.uk/~hemh/SPICE/SPICE.htm) lors desquels l'usage potentiel de ballons a été examiné, ont été abandonnés en 2012. Les activités de recherche se limitent aux expériences en laboratoire et à la modélisation des impacts sur le climat et l'environnement. L'OFEV n'a pas connaissance d'autres projets et activités, notamment en ce qui concerne la pulvérisation d'aérosols par voie aérienne. La géo-ingénierie n'a rien à voir avec la théorie des « chemtrails » circulant sur Internet et dénuée de tout fondement. Voir aussi à ce propos la réponse du Conseil fédéral à l'interpellation « Émissions des aéronefs » de Luc Recordon du 12 septembre 2007: http://www.parlament.ch/f/suche/Pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20073387. 3/9 s’étend d’un parasol unique d’un diamètre de 2000 km jusqu’à plusieurs milliers de milliards de petites plaques ultraminces et réfringentes. 3) Différences fondamentales entre le CDR et le SRM Les techniques CDR contrent directement la cause première des changements climatiques en abaissant la concentration atmosphérique du principal gaz à effet de serre anthropique (CO2). Toutefois, l’effet qu’elles induisent sur la température globale moyenne ne se développe que lentement, sur quelques décennies, voire bien d’avantage. En revanche, l’effet des techniques SRM se manifeste en l’espace de quelques années à quelques décennies. Ces dernières constituent donc, en cas d’urgence, la seule possibilité d’atténuer rapidement le réchauffement climatique. Leur application n’aurait aucun impact sur les concentrations de gaz à effet de serre. Elles ne résoudraient néanmoins aucun des autres problèmes environnementaux qui vont de pair avec un taux élevé de dioxyde de carbone dans l’atmosphère – et en particulier l’acidification continuelle des océans. D’une manière générale, on suppose que les techniques SRM pourraient être développées et déployées à des coûts plus bas que les techniques CDR. Quels sont les risques liés à la géo-ingénierie? L’état des connaissances est pour l’heure insuffisant pour permettre une évaluation complète des risques inhérents à la géo-ingénierie. Le CDR semble présenter, à bien des égards, des incertitudes et des risques moindres que le SRM, dans la mesure où il pousse le système climatique dans une direction plus proche de son état naturel. En principe, il serait même possible de générer ainsi des « émissions négatives ». Par contre, un monde où les teneurs atmosphériques de gaz à effet de serre seraient élevées et les températures abaissées par des techniques SRM présenterait un état dynamique et nouveau, entaché d’incertitudes considérables. Elles concernent notamment des valeurs seuils et des mécanismes de rétroaction encore inconnus du système terrestre ainsi que les conséquences d’une acidification progressive et sans entrave des océans. Bon nombre de techniques SRM induisent des effets différents d’une région à l’autre qui ont, par exemple, un impact sur les précipitations, la force des vents et les courants océaniques. C’est pourquoi une application des techniques SRM créerait des risques supplémentaires, qui induiraient des coûts potentiels. Le SRM ne peut pas être considéré comme une solution durable, la question délicate du moment approprié et de la manière adéquate d’un arrêt restant notamment ouverte. En effet, les modélisations montrent qu’un arrêt subit du déploiement de SRM comporterait le risque d’un réchauffement brusque et important (termination problem). Au-delà de ces considérations générales, toutes les approches de géo-ingénierie comportent des risques qui leur sont propres. Deux techniques très discutées sont citées ici à titre d’exemple: Dans l’état actuel des connaissances, la technique CDR de fertilisation des océans présente des effets secondaires considérables sur la biodiversité marine. Le phénomène est difficile à comprendre car les résultats expérimentaux sont en partie contradictoires. Il semblerait que, dans certaines circonstances, la décomposition des algues qui s’enfoncent dans les océans favoriserait la production de protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre, ce qui pourrait même avoir globalement un effet contraire à celui souhaité. 4/9 L’injection constante dans la stratosphère d’aérosols de soufre dans des quantités de l’ordre de plusieurs millions de tonnes par an, pourrait rapidement abaisser la température globale moyenne. Cette technique est considérée par beaucoup de partisans de la géoingénierie comme l’option la plus probable en matière de SRM. Les observations et les résultats de modélisation indiquent toutefois qu’elle pourrait influencer le profil des précipitations sur l’ensemble de la Planète et compromettre l’approvisionnement en nourriture de milliards de personnes en Asie et en Afrique, en affaiblissant les grandes moussons d’été. De plus, les particules d’aérosol pourraient entraîner un amincissement de la couche d’ozone qui absorbe, dans la stratosphère, le rayonnement UV du Soleil dangereux pour les organismes vivants. La responsabilité envers les générations futures soulève par ailleurs des considérations éthiques. En misant sur la géo-ingénierie, on oblige ces générations à poursuivre les mesures mises en œuvre, dans le pire des cas pendant plusieurs siècles et à des coûts élevés, et avec des effets secondaires sur les écosystèmes globaux à l’heure actuelle encore imprévisibles. Ces générations n’auraient plus ce libre choix dont nous bénéficions aujourd’hui. Evaluation des différentes approches faite par la Royal Society L’étude bibliographique de la Royal Society (2009) – la plus complète réalisée jusqu’ici concernant la géo-ingénierie – décrit et analyse de manière critique les approches connues dans ce domaine. La figure 1 montre une évaluation des principales techniques en fonction de quatre critères: l’abordabilité (coût), l’efficacité, le niveau de risque et l’opportunité (facteur temps). Fig. 1: Evaluation semi-quantitative de différentes approches de géo-ingénierie en fonction de leur abordabilité (axe des x), de leur efficacité (axe des y), du niveau de risque qu’elles présentent (couleur) et de leur opportunité (moment de leur disponibilité technique, plus le délai nécessaire pour qu’un déploiement ait un impact sur la température globale moyenne) (diamètre du cercle). Les lignes horizontales et verticales représentent les incertitudes minimales estimées. A titre de comparaison, on a indiqué (1) le piégeage du dioxyde de carbone au 5/9 niveau d’une source ponctuelle (p. ex. une centrale à charbon) avec stockage subséquent dans le sous-sol géologique (CCS at source) et (2) l’utilisation de la biomasse pour produire de l’hydrogène ou du courant, le dioxyde de carbone libéré étant également piégé et stocké durablement comme dans (1) (BECS). Ces deux procédés ne sont généralement pas englobés dans la géo-ingénierie. Etant donné les lacunes importantes dans les connaissances, cette représentation doit être considérée comme une première tentative provisoire de schématiser ces approches. (Source: The Royal Society 2009) Parmi les techniques CDR, les plus prometteuses sont celles qui n’entraînent pas de modifications de l’utilisation des sols à grande échelle ni de perturbations d’autres écosystèmes, telles que le retrait technique du dioxyde de carbone de l’air ambiant ainsi que quelques approches visant à intensifier les précipitations. Des activités pouvant donner lieu à des conflits d’utilisation des sols, comme la production et l’utilisation de biochar, pourraient à moindre échelle contribuer de manière judicieuse à la protection du climat. Mais pour ce faire, des connaissances spécifiques supplémentaires concernant cette méthode s’avèrent encore nécessaires. Les techniques qui modifient sciemment, ou de par leurs effets secondaires, les écosystèmes à grand échelle, avec des conséquences en grande partie imprévisibles sur l’environnement, semblent soumises à un avenir plus incertain, comme par exemple la fertilisation des océans. La technique SRM la plus prometteuse semble être l’injection d’aérosols de soufre dans la stratosphère. Son potentiel de refroidissement élevé et relativement facile à atteindre, avec des effets se répartissant de manière assez uniforme sur l’ensemble de la Planète, est néanmoins entaché des risques considérables évoqués ci-dessus. Les approches visant à augmenter l’albédo de la couverture nuageuse occupent une position médiane. Elles sont probablement moins efficaces et leur effet serait vraisemblablement accentué localement, mais les essais préliminaires pourraient être réalisés à petite échelle sans être soumis à des obligations importantes, et leur déploiement pourrait ensuite être très rapide. Le délai nécessaire au développement et à la préparation des installations spatiales est estimé à plusieurs décennies. De l’avis de la Royal Society, la disponibilité tardive pèse plus lourd dans la balance que les avantages probables (effet de refroidissement uniforme sur toute la surface du globe; probablement la variante la moins chère pour un SRM de longue durée). Les différentes techniques destinées à augmenter l’albédo à la surface du globe semblent présenter le potentiel le plus bas. S’agissant des préférences formulées concernant les techniques CDR et SRM, il ne faut pas perdre de vue qu’à l’heure actuelle, aucune de ces techniques ne peut être évaluée de manière définitive. Les incertitudes importantes et les lacunes dans les connaissances ne permettent pas non plus de calculs coûts-utilité fondés. Principales conclusions de la Royal Society Dans son rapport, la Royal Society tire deux conclusions principales de son analyse. Elle souligne tout d’abord que les Parties contractantes à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) devraient poursuivre les efforts déployés afin de réduire les émissions et de développer des mesures d’adaptation, et les intensifier à l’avenir. Tous les faits connus concernant la géo-ingénierie suggèrent qu’il ne faut rien changer à cette démarche. La géo-ingénierie pourrait éventuellement être considérée comme un élément d’un ensemble de mesures plus large. Dans ce cas, il serait par principe préférable d’adopter des techniques CDR qui soutiennent les mesures conventionnelles de réduction des émissions. Toutefois, en cas de besoin, seul le SRM pourrait être utilisé à 6/9 court terme comme solution d’urgence. Il ne devrait néanmoins être appliqué que sur une période limitée et avec une stratégie de retrait claire et réaliste au vu des risques imprévisibles qu’il comporte. La modélisation présentée à la figure 2 montre quand et comment la géo-ingénierie pourrait être utilisée. Le critère déterminant est ici un dépassement du seuil de 2°C de la température globale moyenne. On estime généralement qu’une augmentation de 2°C (ce qui correspondrait à une hausse de 3 à 4°C en Suisse) constitue une perturbation dangereuse du système climatique. Pour contrer rapidement cette hausse de la température, on se concentre tout d’abord sur le SRM. Peu après, les mesures sont complétées avec le CDR qui remplace le SRM au fur et à mesure que le dioxyde de carbone est retiré de manière durable de l’atmosphère. La géo-ingénierie ramène la température globale au seuil de 2°C conjointement avec des mesures de réduction des émissions (atténuation) qui ne seraient à elles seules pas assez efficaces. Les changements climatiques peuvent aussi être contrés à tout moment par la mise en œuvre de stratégies d’adaptation. Les effets de l’excédent résiduel de température, représentés sur la figure 2 par la surface inférieure (impacts & suffering), doivent être supportés par la biosphère de la Terre. Figure. 2: Modèle représentant la manière dont le Solar Radiation Management (SRM) et le Carbon Dioxide Removal (CDR) pourraient être utilisés afin de limiter la hausse de la température globale moyenne à 2°C par rapport à la température régnant à l’ère préindustrielle. L’axe du temps (axe des x) n’est pas nécessairement linéaire (contrairement à ce qui est présenté ici): les études de modélisation indiquent en effet que le SRM devrait être maintenu, le cas échéant, sur plusieurs siècles. L’axe des y représente la hausse de la température globale moyenne. L’ampleur de l’atténuation (mitigation) et de l’adaptation (adaptation) est déterminée par la politique climatique internationale comme nationale, ce qui est indiqué par des flèches. (Source: Shepherd & Rayner, soumis pour publication) 7/9 La deuxième recommandation importante du rapport de la Royal Society est qu’il faut augmenter les efforts de recherche et de développement en géo-ingénierie afin de pouvoir mieux estimer son efficacité, ses coûts et ses risques. Alors que la faisabilité technique de nombreuses approches est déjà considérée comme très probablement acquise, beaucoup d’inconnues subsistent en ce qui concerne tous les autres facteurs. Gouvernance: qui assume la responsabilité politique et le pilotage technique? L’acceptation de la géo-ingénierie dépend au moins tout autant de facteurs socioculturels, légaux, éthiques et politiques que de facteurs purement scientifiques et techniques. Jusqu’à présent aucune des techniques citées n’a été expérimentée à grande échelle ou déployée. Quelques techniques de géo-ingénierie pourraient néanmoins déjà être mises en œuvre prochainement de manière unilatérale par un pays, voire même par des organisations privées. En effet, quelques entreprises ont déjà annoncé des projets dont l’ambition est notamment de générer des certificats négociables par le biais d’une fertilisation des océans. Les conséquences d’activités individuelles de ce type toucheraient tous les pays et tous les êtres vivants sur la Terre. En cas de résultat positif, elles atténueraient le réchauffement climatique et n’auraient pas d’effets secondaires graves. Mais il est également possible que, pressentant un danger, un pays décide d’appliquer unilatéralement une technique SRM qui n’est pas encore au point. Pour l’instant, il n’est pas clair si les accords internationaux existants permettraient d’empêcher une telle décision. Il est donc urgent de mettre en place des structures de régulation nationales et internationales dotées de responsabilités claires et de directives contraignantes s’appliquant à la recherche, au développement et à l’utilisation de la géo-ingénierie (international governance). En effet, qui décidera d’un déploiement et fixera la température moyenne « sur laquelle le thermostat devra être réglé »? Qui assumera la responsabilité des effets secondaires non prévus et des disparités régionales, par exemple en ce qui concerne la répartition des précipitations? La Grande-Bretagne et les Etats-Unis sont actuellement les chefs de file dans ce domaine; ils ont déjà convenu, au niveau parlementaire, d’une collaboration en vue d’approfondir ce type de questions. L’année 2010 a connu deux développements remarquables. Les Oxford Principles ont été adoptés à l’initiative de scientifiques critiques5. Ils comprennent cinq engagements volontaires, notamment l’information et la participation du public, des contrôles indépendants des activités de recherche ainsi que le principe fondamental selon lequel une décision concernant le déploiement de techniques de géo-ingénierie n’est acceptable qu’après la mise en place d’une gouvernance solide. En octobre 2010, les participants à la Conférence des Nations Unies sur la diversité biologique sont allés encore plus loin. Ils se sont prononcés en faveur d’un moratoire pour la géo-ingénierie à grande échelle. Seules les expériences à petite échelle, réalisées dans des conditions-cadres contrôlées, sont encore autorisées. 5 http://www.insis.ox.ac.uk/fileadmin/InSIS/Publications/regulation-of-geoengineering.pdf; voir aussi http://geoengineering-governance-research.org/about.php. 8/9 Evaluation de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) La politique climatique de la Suisse ne mise pas sur une solution d’urgence, qui comporte des risques mais s’attaque directement aux causes des changements climatiques avec des trains de mesures bien rodées, qui misent sur l’économie d’énergie, l’encouragement des énergies renouvelables et l’augmentation de l’efficacité énergétique. Cette politique a pour objectif d’éviter que l’on doive avoir recours à la géo-ingénierie. Le principe de précaution exige néanmoins de laisser une marge de manœuvre relativement large pour influencer le système climatique de la Terre. Dans cette optique, l’OFEV est favorable à la recherche sur la géo-ingénierie, pour autant qu’elle respecte les règles fixées au plan international et les principes éthiques (équité Nord-Sud, responsabilité envers les générations futures). La mise en place, avec détermination, d’une gouvernance internationale réglementant les activités de recherche et de développement dans le domaine de la géo-ingénierie est considérée comme une tâche prioritaire. L’OFEV rejette dans tous les cas tout déploiement de la géo-ingénierie à une échelle allant au-delà des dimensions expérimentales fixées (au sens de la Convention sur la diversité biologique; voir plus haut) sans une décision juridiquement valable de la communauté internationale. La délivrance de certificats d’émission issus de projets de géo-ingénierie pour la compensation des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national n’est actuellement pas prévue. L’OFEV est conscient du risque qu’une notoriété croissante de la géo-ingénierie et des recherches poussées dans ce domaine puissent donner l’impression au public et aux décideurs que ces techniques constituent une alternative aux réductions d’émission rigoureuses fixées dans le cadre d’un accord international sur le climat ainsi qu’à des stratégies d’adaptation efficaces. Cette impression est néanmoins fausse, comme le souligne très clairement la Royal Society (2009) dans son inventaire critique. Aucune des approches connues de géo-ingénierie ne règle le vrai problème: celui du changement climatique induit par l’homme. Bibliographie ProClim (2008): La géoingénierie pour combattre le réchauffement climatique: Un dilemme entre possibilités et risques. Climate Press 24. http://www.proclim.ch/4dcgi/proclim/fr/News?33619 The Royal Society (2009): Geoengineering the climate: science, governance and uncertainty. London. http://royalsociety.org/geoengineering-the-climate/ Renseignements Dr. Andreas Schellenberger, division Climat Dr. Paul Filliger, division Climat E-Mail: [email protected] 9/9