Géo-ingénierie

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Département fédéral de l'environnement,
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Fiche
Date
jeudi 14 juillet 2011
Géo-ingénierie
Définition
La géo-ingénierie désigne, dans le présent contexte, la manipulation délibérée du système
climatique terrestre visant, en premier lieu, à contrecarrer les effets du réchauffement global
provoqué par l’homme, ou tout au moins à les freiner1. On distingue principalement deux
démarches, qui toutes deux modifient le bilan de rayonnement de la Terre:
 les techniques visant à retirer de l’atmosphère le dioxyde de carbone, un de ses gaz à
effet de serre, (Carbon Dioxide Removal, CDR);
 les techniques ayant pour effet de diminuer le rayonnement solaire reçu à la surface de
la Terre (Solar Radiation Management, SRM).
Les procédés désormais connus de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CSC;
Carbon Capture and Storage CCS), au cours desquels le dioxyde de carbone émis par les
grandes centrales thermiques à combustibles fossiles est piégé et stocké dans le sous-sol
géologique, ne sont généralement pas considérés comme de la géo-ingénierie.
Pourquoi cet intérêt pour la géo-ingénierie?
Les premières réflexions concernant la manière dont la nature pourrait être modifiée à
l’échelle de la Planète ont été publiées relativement tôt. Le débat scientifique sur ce thème
spécifiquement s’est instauré à la fin du XXe siècle, lorsque la communauté internationale a
reconnu que les changements climatiques et leurs effets constituaient un problème mondial.
Le grand public a été confronté pour la première fois à la géo-ingénierie en 2006, quand les
médias ont fait un large écho d’un article scientifique de Paul Crutzen, lauréat du Prix Nobel,
dans lequel ce chimiste néerlandais, spécialiste de l’atmosphère terrestre, examinait la
possibilité d’abaisser la température globale moyenne en injectant des aérosols de sulfate
1
D’une manière générale, la notion de géo-ingénierie désigne des tentatives à l’échelle planétaire
visant à modifier sciemment la nature (Keith 2001; citation tirée de ProClim 2008). Dans la littérature
spécialisée, on trouve aussi le terme d’ « ingénierie climatique (Climate Engineering) ». Ce terme
précise certes l’objectif visé mais ne prend pas en considération le fait que tous les procédés connus
ont des effets qui dépassent le cadre du climat.
dans les hautes couches de l’atmosphère. Avec plusieurs de ses collègues scientifiques, il
était d’avis que les différentes approches de géo-ingénierie devaient être explorées malgré
les risques manifestes qu’elles présentaient. Les progrès timides de la politique climatique
développée par l’ONU ne laissant entrevoir de diminution rapide des émissions de gaz à
effet de serre, la géo-ingénierie pourrait un jour devenir la seule possibilité de contenir le
réchauffement de la Terre à un niveau acceptable. Afin de soutenir d’autres efforts de
réduction, l’utilisation de méthodes comparativement moins risquées, à titre transitoire, serait
également envisageable. Des points de vue de ce type, qui prennent en compte autant le
potentiel que les risques, sont désormais largement répandus dans les milieux scientifiques.
De même, ils sont de plus en plus repris dans les débats politiques et sociaux.
Quelles sont les différentes approches de géo-ingénierie?
1) Retrait du dioxyde de carbone de l’atmosphère (CDR)
Les méthodes CDR abaissent la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone et
facilitent ainsi l’émission vers l'espace du rayonnement thermique de grande longueur d’onde
de la surface terrestre. Cet effet est principalement obtenu par une manipulation des
écosystèmes qui renforce de manière ciblée l’incorporation de ce gaz à effet de serre à la
biomasse terrestre ou marine. Parallèlement à ces approches, dont certaines sont connues
de longue date, des solutions nouvelles, purement techniques, ont été proposées pour le
retrait et le stockage du dioxyde de carbone.
Les principales techniques CDR et leurs modes d’action préconisés sont2:
 L’utilisation des sols, le reboisement et une déforestation minimale
Une gestion ciblée de l’utilisation des sols permet de constituer des réserves de carbone
dans la biomasse et dans le sol.
 L’utilisation de la biomasse et du biochar
La biomasse morte est collectée, le cas échéant, transformée en biochar et incorporée au
sol, ce qui a pour effet, sur le long terme, d’augmenter, autant que possible, sa teneur en
carbone.
 L’accélération des processus naturels de météorisation
La désagrégation des roches consomme du dioxyde de carbone contenu dans l’air
ambiant. Ces processus habituellement très lents sont accélérés, augmentant ainsi les
échanges de dioxyde de carbone. Les produits de météorisation qui se forment sur le sol
ou dans l’eau de mer en liant le carbone le soutirent de cette façon de l’atmosphère.
 La capture du dioxyde de carbone à partir de l’air ambiant
Une machine permet d’aspirer l’air ambiant et d’en extraire son contenu en dioxyde de
carbone, en utilisant de substances solides ou liquides. Ce procédé est défavorable en
termes énergétiques (coûts élevés) mais peut en revanche être mis en œuvre
pratiquement partout. Le dioxyde de carbone peut ensuite être stocké dans le sous-sol
géologique ou utilisé pour une autre application, par exemple être converti en carburant
synthétique par le procédé de Fischer-Tropsch.
2
The Royal Society (2009) présente une analyse détaillée de la discussion sur ces questions. Ce
rapport en anglais de l’Académie britannique des sciences résume le vaste débat que la géoingénierie a suscité jusqu’ici. Le rapport de ProClim (2008) présente une synthèse des principales
connaissances sur ce sujet, en français.
2/9
 La fertilisation des océans par le fer et d’autres nutriments
La fertilisation des eaux de surface pauvres en nutriments favorise la croissance des
algues, qui à leur tour, consomment le dioxyde de carbone présent dans l’eau. Les
quantités de dioxyde de carbone sont ensuite compensées par l’apport de dioxyde de
carbone atmosphérique. Lorsque les algues meurent et tombent au fond des mers, le
carbone intégré à la biomasse est définitivement soutiré de l’atmosphère.
2) Diminution du rayonnement solaire incident (SRM)
Les techniques SRM détournent le rayonnement solaire de faible longueur d’onde de la terre
ou augmentent le pouvoir réfléchissant (albédo3) de la surface terrestre, des nuages ou de
l’atmosphère toute entière, l’effet net étant une diminution du rayonnement solaire atteignant
la Terre.
Les principales techniques SRM et leurs modes d’action préconisés sont2:
 L’augmentation de l’albédo à la surface de la Terre
Des toits blancs et un éclaircissement des surfaces dans les régions d’habitation, des
céréales modifiées et des réflecteurs artificiels dans les régions désertiques augmentent
l’albédo.
 L’augmentation de l’albédo par la génération de nuages marins
Des stratocumulus recouvrant une grande partie des mers du globe exercent un effet
refroidissant significatif sur le climat. Cet effet est renforcé si, dans les régions peu
nuageuses, de l’eau de mer est pulvérisée en très fines gouttelettes, depuis des bateaux
ou d’autres installations, permettant la formation de noyaux de condensation à partir
desquels des nuages pourront se développer.
 L’injection de particules en suspension (aérosols) dans la stratosphère
Ce procédé reproduit l’effet refroidissant de fortes éruptions volcaniques, comme celle du
Pinatubo en 1991, et au cours desquelles de grandes quantités d’aérosols de soufre
parviennent dans la stratosphère inférieure, c’est à dire dans les couches de
l’atmosphère de plus de 10 km d’altitude environ. Des avions, des projectiles ou des
ballons géants fixes projettent continuellement la quantité nécessaire de particules
d’aérosols en altitude où elles réfléchissent une partie de la lumière du Soleil4.
 Les installations dans l’espace
Des boucliers de protection installés dans l’espace dévient le rayonnement solaire et
réduisent l’énergie radiative parvenant à la Terre. L’envergure des installations proposées
3
4
On entend par albédo la proportion du rayonnement solaire incident réfléchie par une surface.
Complément du 10 octobre 2014: les tests sur le terrain relatifs au projet SPICE (Stratospheric
Particle Injection for Climate Engineering; http://www2.eng.cam.ac.uk/~hemh/SPICE/SPICE.htm) lors
desquels l'usage potentiel de ballons a été examiné, ont été abandonnés en 2012. Les activités de
recherche se limitent aux expériences en laboratoire et à la modélisation des impacts sur le climat et
l'environnement. L'OFEV n'a pas connaissance d'autres projets et activités, notamment en ce qui
concerne la pulvérisation d'aérosols par voie aérienne. La géo-ingénierie n'a rien à voir avec la théorie
des « chemtrails » circulant sur Internet et dénuée de tout fondement. Voir aussi à ce propos la
réponse du Conseil fédéral à l'interpellation « Émissions des aéronefs » de Luc Recordon du 12
septembre 2007: http://www.parlament.ch/f/suche/Pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20073387.
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s’étend d’un parasol unique d’un diamètre de 2000 km jusqu’à plusieurs milliers de
milliards de petites plaques ultraminces et réfringentes.
3) Différences fondamentales entre le CDR et le SRM
Les techniques CDR contrent directement la cause première des changements climatiques
en abaissant la concentration atmosphérique du principal gaz à effet de serre anthropique
(CO2). Toutefois, l’effet qu’elles induisent sur la température globale moyenne ne se
développe que lentement, sur quelques décennies, voire bien d’avantage. En revanche,
l’effet des techniques SRM se manifeste en l’espace de quelques années à quelques
décennies. Ces dernières constituent donc, en cas d’urgence, la seule possibilité d’atténuer
rapidement le réchauffement climatique. Leur application n’aurait aucun impact sur les
concentrations de gaz à effet de serre. Elles ne résoudraient néanmoins aucun des autres
problèmes environnementaux qui vont de pair avec un taux élevé de dioxyde de carbone
dans l’atmosphère – et en particulier l’acidification continuelle des océans. D’une manière
générale, on suppose que les techniques SRM pourraient être développées et déployées à
des coûts plus bas que les techniques CDR.
Quels sont les risques liés à la géo-ingénierie?
L’état des connaissances est pour l’heure insuffisant pour permettre une évaluation complète
des risques inhérents à la géo-ingénierie. Le CDR semble présenter, à bien des égards, des
incertitudes et des risques moindres que le SRM, dans la mesure où il pousse le système
climatique dans une direction plus proche de son état naturel. En principe, il serait même
possible de générer ainsi des « émissions négatives ». Par contre, un monde où les teneurs
atmosphériques de gaz à effet de serre seraient élevées et les températures abaissées par
des techniques SRM présenterait un état dynamique et nouveau, entaché d’incertitudes
considérables. Elles concernent notamment des valeurs seuils et des mécanismes de
rétroaction encore inconnus du système terrestre ainsi que les conséquences d’une
acidification progressive et sans entrave des océans. Bon nombre de techniques SRM
induisent des effets différents d’une région à l’autre qui ont, par exemple, un impact sur les
précipitations, la force des vents et les courants océaniques. C’est pourquoi une application
des techniques SRM créerait des risques supplémentaires, qui induiraient des coûts
potentiels. Le SRM ne peut pas être considéré comme une solution durable, la question
délicate du moment approprié et de la manière adéquate d’un arrêt restant notamment
ouverte. En effet, les modélisations montrent qu’un arrêt subit du déploiement de SRM
comporterait le risque d’un réchauffement brusque et important (termination problem).
Au-delà de ces considérations générales, toutes les approches de géo-ingénierie comportent
des risques qui leur sont propres. Deux techniques très discutées sont citées ici à titre
d’exemple:
 Dans l’état actuel des connaissances, la technique CDR de fertilisation des océans
présente des effets secondaires considérables sur la biodiversité marine. Le phénomène
est difficile à comprendre car les résultats expérimentaux sont en partie contradictoires. Il
semblerait que, dans certaines circonstances, la décomposition des algues qui
s’enfoncent dans les océans favoriserait la production de protoxyde d’azote, un puissant
gaz à effet de serre, ce qui pourrait même avoir globalement un effet contraire à celui
souhaité.
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 L’injection constante dans la stratosphère d’aérosols de soufre dans des quantités de
l’ordre de plusieurs millions de tonnes par an, pourrait rapidement abaisser la température
globale moyenne. Cette technique est considérée par beaucoup de partisans de la géoingénierie comme l’option la plus probable en matière de SRM. Les observations et les
résultats de modélisation indiquent toutefois qu’elle pourrait influencer le profil des
précipitations sur l’ensemble de la Planète et compromettre l’approvisionnement en
nourriture de milliards de personnes en Asie et en Afrique, en affaiblissant les grandes
moussons d’été. De plus, les particules d’aérosol pourraient entraîner un amincissement
de la couche d’ozone qui absorbe, dans la stratosphère, le rayonnement UV du Soleil
dangereux pour les organismes vivants.
La responsabilité envers les générations futures soulève par ailleurs des considérations
éthiques. En misant sur la géo-ingénierie, on oblige ces générations à poursuivre les
mesures mises en œuvre, dans le pire des cas pendant plusieurs siècles et à des coûts
élevés, et avec des effets secondaires sur les écosystèmes globaux à l’heure actuelle
encore imprévisibles. Ces générations n’auraient plus ce libre choix dont nous bénéficions
aujourd’hui.
Evaluation des différentes approches faite par la Royal Society
L’étude bibliographique de la Royal Society (2009) – la plus complète réalisée jusqu’ici
concernant la géo-ingénierie – décrit et analyse de manière critique les approches connues
dans ce domaine. La figure 1 montre une évaluation des principales techniques en fonction
de quatre critères: l’abordabilité (coût), l’efficacité, le niveau de risque et l’opportunité (facteur
temps).
Fig. 1: Evaluation semi-quantitative de différentes approches de géo-ingénierie en fonction de leur abordabilité
(axe des x), de leur efficacité (axe des y), du niveau de risque qu’elles présentent (couleur) et de leur opportunité
(moment de leur disponibilité technique, plus le délai nécessaire pour qu’un déploiement ait un impact sur la
température globale moyenne) (diamètre du cercle). Les lignes horizontales et verticales représentent les
incertitudes minimales estimées. A titre de comparaison, on a indiqué (1) le piégeage du dioxyde de carbone au
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niveau d’une source ponctuelle (p. ex. une centrale à charbon) avec stockage subséquent dans le sous-sol
géologique (CCS at source) et (2) l’utilisation de la biomasse pour produire de l’hydrogène ou du courant, le
dioxyde de carbone libéré étant également piégé et stocké durablement comme dans (1) (BECS). Ces deux
procédés ne sont généralement pas englobés dans la géo-ingénierie. Etant donné les lacunes importantes dans
les connaissances, cette représentation doit être considérée comme une première tentative provisoire de
schématiser ces approches. (Source: The Royal Society 2009)
Parmi les techniques CDR, les plus prometteuses sont celles qui n’entraînent pas de
modifications de l’utilisation des sols à grande échelle ni de perturbations d’autres
écosystèmes, telles que le retrait technique du dioxyde de carbone de l’air ambiant ainsi que
quelques approches visant à intensifier les précipitations. Des activités pouvant donner lieu à
des conflits d’utilisation des sols, comme la production et l’utilisation de biochar, pourraient à
moindre échelle contribuer de manière judicieuse à la protection du climat. Mais pour ce
faire, des connaissances spécifiques supplémentaires concernant cette méthode s’avèrent
encore nécessaires. Les techniques qui modifient sciemment, ou de par leurs effets
secondaires, les écosystèmes à grand échelle, avec des conséquences en grande partie
imprévisibles sur l’environnement, semblent soumises à un avenir plus incertain, comme par
exemple la fertilisation des océans.
La technique SRM la plus prometteuse semble être l’injection d’aérosols de soufre dans la
stratosphère. Son potentiel de refroidissement élevé et relativement facile à atteindre, avec
des effets se répartissant de manière assez uniforme sur l’ensemble de la Planète, est
néanmoins entaché des risques considérables évoqués ci-dessus. Les approches visant à
augmenter l’albédo de la couverture nuageuse occupent une position médiane. Elles sont
probablement moins efficaces et leur effet serait vraisemblablement accentué localement,
mais les essais préliminaires pourraient être réalisés à petite échelle sans être soumis à des
obligations importantes, et leur déploiement pourrait ensuite être très rapide. Le délai
nécessaire au développement et à la préparation des installations spatiales est estimé à
plusieurs décennies. De l’avis de la Royal Society, la disponibilité tardive pèse plus lourd
dans la balance que les avantages probables (effet de refroidissement uniforme sur toute la
surface du globe; probablement la variante la moins chère pour un SRM de longue durée).
Les différentes techniques destinées à augmenter l’albédo à la surface du globe semblent
présenter le potentiel le plus bas.
S’agissant des préférences formulées concernant les techniques CDR et SRM, il ne faut pas
perdre de vue qu’à l’heure actuelle, aucune de ces techniques ne peut être évaluée de
manière définitive. Les incertitudes importantes et les lacunes dans les connaissances ne
permettent pas non plus de calculs coûts-utilité fondés.
Principales conclusions de la Royal Society
Dans son rapport, la Royal Society tire deux conclusions principales de son analyse. Elle
souligne tout d’abord que les Parties contractantes à la Convention-cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques (CCNUCC) devraient poursuivre les efforts déployés afin
de réduire les émissions et de développer des mesures d’adaptation, et les intensifier à
l’avenir. Tous les faits connus concernant la géo-ingénierie suggèrent qu’il ne faut rien
changer à cette démarche. La géo-ingénierie pourrait éventuellement être considérée
comme un élément d’un ensemble de mesures plus large. Dans ce cas, il serait par principe
préférable d’adopter des techniques CDR qui soutiennent les mesures conventionnelles de
réduction des émissions. Toutefois, en cas de besoin, seul le SRM pourrait être utilisé à
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court terme comme solution d’urgence. Il ne devrait néanmoins être appliqué que sur une
période limitée et avec une stratégie de retrait claire et réaliste au vu des risques
imprévisibles qu’il comporte.
La modélisation présentée à la figure 2 montre quand et comment la géo-ingénierie pourrait
être utilisée. Le critère déterminant est ici un dépassement du seuil de 2°C de la température
globale moyenne. On estime généralement qu’une augmentation de 2°C (ce qui
correspondrait à une hausse de 3 à 4°C en Suisse) constitue une perturbation dangereuse
du système climatique. Pour contrer rapidement cette hausse de la température, on se
concentre tout d’abord sur le SRM. Peu après, les mesures sont complétées avec le CDR
qui remplace le SRM au fur et à mesure que le dioxyde de carbone est retiré de manière
durable de l’atmosphère. La géo-ingénierie ramène la température globale au seuil de 2°C
conjointement avec des mesures de réduction des émissions (atténuation) qui ne seraient à
elles seules pas assez efficaces. Les changements climatiques peuvent aussi être contrés à
tout moment par la mise en œuvre de stratégies d’adaptation. Les effets de l’excédent
résiduel de température, représentés sur la figure 2 par la surface inférieure (impacts &
suffering), doivent être supportés par la biosphère de la Terre.
Figure. 2: Modèle représentant la manière dont le Solar Radiation Management (SRM) et le Carbon Dioxide
Removal (CDR) pourraient être utilisés afin de limiter la hausse de la température globale moyenne à 2°C par
rapport à la température régnant à l’ère préindustrielle. L’axe du temps (axe des x) n’est pas nécessairement
linéaire (contrairement à ce qui est présenté ici): les études de modélisation indiquent en effet que le SRM devrait
être maintenu, le cas échéant, sur plusieurs siècles. L’axe des y représente la hausse de la température globale
moyenne. L’ampleur de l’atténuation (mitigation) et de l’adaptation (adaptation) est déterminée par la politique
climatique internationale comme nationale, ce qui est indiqué par des flèches. (Source: Shepherd & Rayner,
soumis pour publication)
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La deuxième recommandation importante du rapport de la Royal Society est qu’il faut
augmenter les efforts de recherche et de développement en géo-ingénierie afin de pouvoir
mieux estimer son efficacité, ses coûts et ses risques. Alors que la faisabilité technique de
nombreuses approches est déjà considérée comme très probablement acquise, beaucoup
d’inconnues subsistent en ce qui concerne tous les autres facteurs.
Gouvernance: qui assume la responsabilité politique et le pilotage technique?
L’acceptation de la géo-ingénierie dépend au moins tout autant de facteurs socioculturels,
légaux, éthiques et politiques que de facteurs purement scientifiques et techniques. Jusqu’à
présent aucune des techniques citées n’a été expérimentée à grande échelle ou déployée.
Quelques techniques de géo-ingénierie pourraient néanmoins déjà être mises en œuvre
prochainement de manière unilatérale par un pays, voire même par des organisations
privées. En effet, quelques entreprises ont déjà annoncé des projets dont l’ambition est
notamment de générer des certificats négociables par le biais d’une fertilisation des océans.
Les conséquences d’activités individuelles de ce type toucheraient tous les pays et tous les
êtres vivants sur la Terre. En cas de résultat positif, elles atténueraient le réchauffement
climatique et n’auraient pas d’effets secondaires graves. Mais il est également possible que,
pressentant un danger, un pays décide d’appliquer unilatéralement une technique SRM qui
n’est pas encore au point. Pour l’instant, il n’est pas clair si les accords internationaux
existants permettraient d’empêcher une telle décision.
Il est donc urgent de mettre en place des structures de régulation nationales et
internationales dotées de responsabilités claires et de directives contraignantes s’appliquant
à la recherche, au développement et à l’utilisation de la géo-ingénierie (international
governance). En effet, qui décidera d’un déploiement et fixera la température moyenne « sur
laquelle le thermostat devra être réglé »? Qui assumera la responsabilité des effets
secondaires non prévus et des disparités régionales, par exemple en ce qui concerne la
répartition des précipitations? La Grande-Bretagne et les Etats-Unis sont actuellement les
chefs de file dans ce domaine; ils ont déjà convenu, au niveau parlementaire, d’une
collaboration en vue d’approfondir ce type de questions.
L’année 2010 a connu deux développements remarquables. Les Oxford Principles ont été
adoptés à l’initiative de scientifiques critiques5. Ils comprennent cinq engagements
volontaires, notamment l’information et la participation du public, des contrôles indépendants
des activités de recherche ainsi que le principe fondamental selon lequel une décision
concernant le déploiement de techniques de géo-ingénierie n’est acceptable qu’après la
mise en place d’une gouvernance solide. En octobre 2010, les participants à la Conférence
des Nations Unies sur la diversité biologique sont allés encore plus loin. Ils se sont
prononcés en faveur d’un moratoire pour la géo-ingénierie à grande échelle. Seules les
expériences à petite échelle, réalisées dans des conditions-cadres contrôlées, sont encore
autorisées.
5
http://www.insis.ox.ac.uk/fileadmin/InSIS/Publications/regulation-of-geoengineering.pdf; voir aussi
http://geoengineering-governance-research.org/about.php.
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Evaluation de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV)
La politique climatique de la Suisse ne mise pas sur une solution d’urgence, qui comporte
des risques mais s’attaque directement aux causes des changements climatiques avec des
trains de mesures bien rodées, qui misent sur l’économie d’énergie, l’encouragement des
énergies renouvelables et l’augmentation de l’efficacité énergétique. Cette politique a pour
objectif d’éviter que l’on doive avoir recours à la géo-ingénierie.
Le principe de précaution exige néanmoins de laisser une marge de manœuvre relativement
large pour influencer le système climatique de la Terre. Dans cette optique, l’OFEV est
favorable à la recherche sur la géo-ingénierie, pour autant qu’elle respecte les règles fixées
au plan international et les principes éthiques (équité Nord-Sud, responsabilité envers les
générations futures). La mise en place, avec détermination, d’une gouvernance
internationale réglementant les activités de recherche et de développement dans le domaine
de la géo-ingénierie est considérée comme une tâche prioritaire. L’OFEV rejette dans tous
les cas tout déploiement de la géo-ingénierie à une échelle allant au-delà des dimensions
expérimentales fixées (au sens de la Convention sur la diversité biologique; voir plus haut)
sans une décision juridiquement valable de la communauté internationale. La délivrance de
certificats d’émission issus de projets de géo-ingénierie pour la compensation des émissions
de gaz à effet de serre sur le territoire national n’est actuellement pas prévue.
L’OFEV est conscient du risque qu’une notoriété croissante de la géo-ingénierie et des
recherches poussées dans ce domaine puissent donner l’impression au public et aux
décideurs que ces techniques constituent une alternative aux réductions d’émission
rigoureuses fixées dans le cadre d’un accord international sur le climat ainsi qu’à des
stratégies d’adaptation efficaces. Cette impression est néanmoins fausse, comme le
souligne très clairement la Royal Society (2009) dans son inventaire critique. Aucune des
approches connues de géo-ingénierie ne règle le vrai problème: celui du changement
climatique induit par l’homme.
Bibliographie
ProClim (2008): La géoingénierie pour combattre le réchauffement climatique: Un dilemme
entre possibilités et risques. Climate Press 24.
http://www.proclim.ch/4dcgi/proclim/fr/News?33619
The Royal Society (2009): Geoengineering the climate: science, governance and uncertainty.
London. http://royalsociety.org/geoengineering-the-climate/
Renseignements
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

Dr. Andreas Schellenberger, division Climat
Dr. Paul Filliger, division Climat
E-Mail: [email protected]
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