Placide Tempels - La Philoshophie Bantoue 1945 Lovania http://www.aequatoria.be/tempels/philbant1945Lovania.htm
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comportements, que l'influence [7] du milieu et les facteurs psychologiques (émotion, fantaisie ou
imagination puérile). Il ne s'agit pas en effet d'étudier l'attitude de quelques individus. Il s'agit de comparer
deux conceptions de la vie, - la conception chrétienne d'une part et la conception magique d'autre part, -
qui se sont perpétuées à travers le temps et dans l'espace, deux conceptions qui, au cours des siècles, ont
embrassé des peuples et des groupes culturels entiers.
La permanence de ces attitudes à travers des siècles d'évolution contingente ne trouve d'explication
satisfaisante que dans la présence d'un ensemble de concepts logiquement coordonnés et motivés, dans une
«Sagesse». Le comportement ne peut être universel pour tous, ni permanent dans le temps, s'il n'y a pas à
sa base un ensemble d'idées, un système logique, une philosophie positive complète de l'univers, de
l'homme et des choses qui l'environnent, de l'existence, de la vie, de la mort et de la survie.
Sans exclure d'autres incidences, (divines ou humaines), il nous faut postuler, chercher et trouver comme
ultime fondement d'un comportement humain logique et universel, une pensée humaine logique.
Point de comportement vital sans un sens de la vie; point de volonté de vie sans concept vital; point de
constante pratique rédemptrice sans philosophie du salut.
Au sujet de la religion des primitifs, la science moderne semble avoir conclu définitivement, à la lumière des
méthodes de critique historique, que les croyances actuelles des primitifs et semi-primitifs sont parties de
[8] notions simples, dégénérées aujourd'hui en conceptions complexes, et de principes exacts et précis
ayant évolué vers l'imprécision et l'inexactitude. Il est aujourd'hui généralement admis que, parmi les
primitifs, ce sont les peuples les plus primitifs qui ont gardé la notion la plus pure de l'Etre suprême,
Créateur et Ordonnateur de l'univers.
La foi des véritables primitifs en l'Etre suprême est à la base de toutes les conceptions religieuses ayant
cours parmi les semi-primitifs: animisme, dynamisme, fétichisme et magie.
Faut-il dès lors s'étonner de ce que nous trouvions chez les bantous, et plus généralement chez tous les
primitifs, comme fondement de leurs conceptions intellectuelles de l'univers, quelques principes de base, et
même un système philosophique, relativement simple et primitif, dérivé d'une ontologie logiquement
cohérente ?
Plusieurs voies doivent conduire à la découverte d'un pareil système ontologique. Une connaissance
approfondie de la langue, une étude poussée de l'ethnologie, un examen critique du droit, ou encore la
maïeutique bien appropriée de l'enseignement du catéchisme, peuvent nous la révéler.
Il est possible aussi, - et c'est apparemment la voie la plus courte, - de retracer directement la pensée
profonde des bantous, de la pénétrer et de l'analyser. La philosophie des bantous fut-elle déjà étudiée et
développée comme telle? Si non, il est grand temps que chacun s'y mette, afin de rechercher et de définir la
pensée [9] fondamentale de l'ontologie bantoue, unique clé permettant de pénétrer la pensée des indigènes.
N'attendons pas du premier noir venu, (et notamment des jeunes gens), qu'il puisse nous faire un exposé
systématique de son système ontologique. Cependant cette ontologie existe: elle pénètre et informe toute
la pensée du primitif, elle domine et oriente tout son comportement.
C'est à nous que revient la tâche d'en rechercher les éléments, de les classifier, de les systématiser suivant la
pensée ordonnée et les disciplines intellectuelles du civilisé.
Celui qui prétend que les primitifs ne possèdent point de système de pensée, les rejette d'office de la classe
des hommes. Ceux qui le disent, se contredisent d'ailleurs fatalement. Pour ne citer qu'un exemple, nous le
prendrons chez R. Allier, qui, dans sa « Psychologie de la Conversion », écrit: (p. 138) « Demandez aux
Basouto, lit M. Dieterlen, le pourquoi de ces coutumes; ils sont incapables de vous répondre. Ils ne
réfléchissent pas. Ils n'ont ni théories ni doctrines. Pour eux la seule chose qui importe, c'est
l'accomplissement de certains actes traditionnels, le contact gardé avec le passé et les trépassés ». Mais à
deux pages de là on peut lire: « Qu'est-ce qui rend irrésistible cette opposition des chefs ? C'est la peur de
rompre le lien mystique, qui, par le chef, s'établit avec les ancêtres, et c'est la peur des catastrophes que
cela peut entraîner. » Quel est ce «lien mystique» ou quelle est cette «influence des ancêtres » sinon les
éléments d'un système de pen- [10] sée ? Serait-ce un simple instinct ou une crainte irraisonnée sans plus ?
Ne serait-il point plus raisonnable et plus scientifique de rechercher quelles idées sustentent cette réaction
devant le « lien mystique » ? Peut-être pourrait-on même se passer, après cela, de ce mot passe-partout de
« mystique ».
III. Il y a lieu de rechercher l'instrument intellectuel, les concepts et les principes fondamentaux
philosophiques des bantous.
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