agrégation de sciences économiques et sociales
préparations ENS 2005-2006
fiches de lecture
Les conflits sociaux
Chazel (1993) :
Action collective et mouvements sociaux
Fiche de lecture réalisée par les agrégatifs de l’ENS Cachan
CHAZEL François (dir.) (1993), Action collective et mouvements sociaux, Paris,
Presses universitaires de France, coll. « Sociologies », 267 p.
Ce livre est un recueil de textes, que je fiche successivement. (Sauf deux ou trois, affligeants ou inutiles)
Alain Touraine : Découvrir les mouvements sociaux
1) T contre idée selon laquelle la démocratie « une société dont les tensions sont réglées par des moyens de droit,
qu’ils soient légaux, contractuels ou autres. » Car, dans cette perspective, un mouvement social serait un « trouble
provenant soit d’un dysfonctionnement du système juridique, soit du caractère incompatible de certaines demandes
avec les principes généraux de fonctionnement de la société » ex : un groupe qui voudrait sacrifier des enfants dans
une société comme la nôtre.
Cette perception traite le mouvement social comme un « échec des mécanismes de traitement institutionnel des
conflits ». Cependant, cette démarche est importante et instructive car elle cherche le « sens des conduites observées
dans le fonctionnement des institutions plutôt que dans les intentions des acteurs », ie c’est le rapport d’un groupe aux
institutions qui défini un mouvement social, et non ce qu’il veut, ou pense, faire.
Problème de cette analyse : « elle présente l’ordre social comme un ensemble cohérent et stable au point de rendre
incompréhensibles les transformations sociales »
2) T critique la conception marxiste, car celle-ci est amenée à considérer que les « conflits sociaux ne prennent
d’importance qu’en s’inscrivant dans les mouvements de l’histoire ». Elle est de plus conduite à « subordonner le
mouvement social à l’action éclairée, scientifique des intellectuels » cf Lénine.
3) Contre des deux traditions, T. plaide en faveur d’une conception pour laquelle la société n’est ni un ensemble
cohérent de mécanismes, ni une étape de l’histoire, mais « le résultat de luttes pour la mise en forme sociales de
modèles culturels valorisés dans un champ historique donné ». Ainsi, « le mouvement ouvrier est un mouvement
social parce qu’il lutte pour donner une certaine forme à la société industrielle ».
Question alors : qu’en est-il des NMS ?
- Selon T. Il faut rompre avec la thèse pessimiste pour laquelle « il n’y a rien de commun entre le mouvement des
écolos, des femmes... »
- Au contraire, il existe une certaine unité : « la volonté de vivre comme un individu, face aux appareils de
production massive des biens symboliques » ie « volonté de l’individu d’être une personne »
Problème : Les NMS n’ont pas réussi à s’articuler entre eux autour de cette unité.
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Antoine Bevort : la CFDT, la désyndicalisation et la tradition
syndicale française
1) Etude de l’influence qu’ont eue les changements survenus dans classe ouvrière sur la CFDT.
B. rappelle la première rupture qu’a connue le monde ouvrier avant la CFDT : dans les années 1920, « le prolétariat
industriel remplace les ouvriers de métier, s’approprie et réinterprète la tradition syndicale ».
Il est une autre rupture : années 1970-1980 avec la crise de l’identité ouvrière industrielle.
2) différence CFTC/CFDT : « la CFTC était une organisation à dominante employée et tertiaire, bien implantée dans
l’Est et le Nord » Au contraire, la CFDT, elle, s’inscrit dans la tradition ouvrière. Elle perd du terrain, en revanche,
dans le tertiaire.
L’origine de la CFDT (ie elle sort de la CFTC) a pour conséquence que « les ouvriers se rallient plus facilement à la
CFDT s’ils sont de prolétarisation plus récente et de culture ouvrière moins intégrée, l’image de la CFDT étant sans
doute plus souvent associée au monde des employés et des techniciens. »
3) B. distingue trois générations de militants
a) les reconstructeurs : très masculine, peu scolarisée, avec parents bien insérés dans la vie associative ie dans
« hérédité associative » ie « ce sont les plus militants, ceux qui participent le plus aux conflits
b) nouveaux adhérents : marqué par 68, plus scolarisé... à ce moment là : « ce n’est plus l’accord avec les idées qui
pousse à l’adhésion mais le feu de l’action. L’ambiance ou le tissu syndical dans l’entreprise explique désormais la
syndicalisation
c) les réticents. Années 80 : « l’identité ouvrière, la classe ouvrière comme modèle social sont rejetées. Ce rejet
comprend également une dimension générationnelle » ils veulent garder le contrôle du mouvement et refuse la
délégation. Selon B., c’est la baisse de la conflictualité qui explique l’affaiblissement de la tradition.
Pierre-Eric Tixier : Transformation des pratiques syndicales et
modernisation des organisations
Idée très simple : ce n’est pas tant la crise qui explique l’affaiblissement des conflits ouvriers que les nouveaux modes
de gestion de la main d’œuvre : « la rationalisation antérieure refoulait les acteurs réels et leur créativi»
(taylorisme...) Ainsi, ces rationalisations ont eu pour effet d’exclure les salariés de la position d’acteurs que leur
reconnaissait l’industrie de métier ». Donc : « le syndicat était le seul espace social au travail qui restituait à l’homme
son unicité »
Mais aujourd’hui, le nouveau management tend « à l’inverse à reconnaître comme fondement des rapports sociaux au
travail la créativité et la subjectivité ». Dès lors il « met en cause la légitimité de représentation du syndicalisme,
acquise dans les phases de rationalisation fondées sur cette non-reconnaissance de l’acteur au travail »
François Dubet : Les nouveaux mouvements sociaux
1) Sociologie des NMS est associée à une critique des paradigmes jusque-là dominants de la sociologie : le
structuro-fonctionnalisme et le marxisme. Notamment par insistance sur la rationalité des acteurs et sur la nouveauté
des enjeux.
On peut distinguer NMS de mouvement ouvrier selon deux principes : les nouvelles identités qu’il porte (classe
moyenne instruite) ; les nouvelles formes de mobilisation auxquelles ils donnent lieu (penser à Greenpeace).
2) Selon Wieviorka, les conduites terroristes sont des « anti-mouvements sociaux ». Contrairement aux mouvements
sociaux qui sécrètent du conflit dans des interactions avec les autorités, les terroristes veulent « anéantir » l’ennemi et
le conflit : tout affrontement n’est pas un conflit.
3) Selon Dubet, si les NMS sont souvent des mouvements éphémères, qui ont du mal à s’institutionnaliser, c’est parce
que ils « opposeraient une expérience subjective et expressive aux logiques instrumentales du système ». Dès lors, il
est difficile pour eux de devenir des systèmes, des organisations structurées.
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Carmen Bernand : dimensions culturelles et ethniques des
mouvements sociaux
Seul intérêt de ce texte : attirer l’attention sur le fait que définir les NMS par émergence classe moyenne par
opposition à classe ouvrière ne permet pas d’expliquer la dimension ethnique qui prend, aujourd’hui, de plus en plus
d’importance.
François Chazel : La place du politique dans les mobilisations
contestataires
Contenu identique à l’article fiché, sauf un exemple intéressant que voici :
Exemple tiré de Mc Adam (1983) relatif à « l’interaction entre le mouvement pour les droits civiques, ses adversaires
sudistes et le gouvernement fédéral ».
Problème du mouvement noir (par rapport à lutte contre les ségrégations dans les villes) : comment réussir à
interpeller les pouvoirs publics ?
Pour se faire l’innovation est fort importante, en effet : « l’innovation tactique revêt une importance capitale dans la
mesure où elle permet, par un recours à des moyens non-institutionnels, de compenser momentanément l’impuissance
du groupe contestataire sur la scène de la politique institutionnelle »
Donc, quelle innovation ? sit-in
Cette tactique a eu un grand effet dans le contexte donné, en effet : « L’existence dans les deux principales villes
retenues pour cible (Birmingham et Selma, en Alabama) d’adversaires irréductibles du mouvement pour les droits
civiques a entraîné un recours à la violence de la part de la police et de certains groupes de Blancs pour briser la
campagne de protestation : il y eut une rupture marquée de l’ordre public. Le gouvernement fédéral se devait donc
d’intervenir et il le fit en faveur des Noirs »
PS : selon Chazel, il faut distinguer les mouvements sociaux selon que leur but est de rentrer dans le champ politique
(i.e. d’être des interlocuteurs, d’avoir une représentation politique...) ou de faire rentrer des enjeux dans le champs
politique, de faire surgir des problèmes auparavant ignorés.
Pierre Birnbaum : Mouvements sociaux et types d’Etat : vers une
approche comparative
Enjeu de l’article : faire de l’Etat, de sa structure, de son organisation une variable clé dans l’explication de
l’émergence et de la forme des conflits et mouvements sociaux.
Exemple : les analyses de Tocqueville dans De la démocratie (1835) : Les USA ont un Etat faible. Ainsi, la « société
y agit par elle-même et sur elle-même ». Par conséquent, il y a mille moyens de regler ses problèmes et d’aboutir à
ses fins sans rencontrer l’Etat : les conflits et mouvements sont tenus (c’est l’inverse absolu en France.)
Même démarche chez Kriesi (1991) : « l’Etat fort à la française pousse à la complète exclusion [ie, il est très difficile
de se faire entendre] et risque de faire naître en retour des actions collectives plus extrêmes ; au contraire, l’Etat
faible, par exemple en Suisse, incite à une cooptation par laquelle les mouvements sociaux entrent dans la politique et
se font entendre ». De même, plus les partis politiques sont centralisés, moins la canalisation est forte, plus le conflit
est frontal et brutal...
La prise en compte de la structure étatique permet donc de relativiser l’idée selon laquelle un mouvement social, un
conflit doit prendre telle ou telle forme : l’intensité d’une lutte ne dépend pas du mouvement qui conteste (de ses
intérêts, de son recrutement, de ses ressources), mais du rapport que l’Etat entretient avec lui (donc importance de la
dimension dynamique). La comparaison entre Etats permet d’éviter le déterminisme.
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Reinhard Wippler : Individualisme méthodologique et action
collective
Coleman, 1974 soulève ce qu’il appelle le « dilemme de l’organisation » qui se caractérise ainsi : « les organisations
naissent lorsqu’un groupe d’acteurs met en commun les ressources dont ils disposent chacun séparément, en espérant
que la mise en œuvre collective des ressources servira mieux leurs intérêts que leur utilisation individuelle. Cela
implique un choix fondamental entre agir individuellement en disposant de plus de liberté, et agit collectivement en
disposant de plus de pouvoir ». Ce dilemme est au centre de la question de l’existence des mouvements sociaux (cf.
Olson), et des aptitudes différentes à mobiliser selon les classes.
Ainsi, IM se bat contre la structure de pensée en vertu de laquelle on peut décrire l’émergence d’un mouvement
ainsi : « intérêt commun, prise de conscience, action collective ».
Ehrard Friedberg : Organisation et action collective
Cette analyse est résumée dans le Neveu, p 9.
Idée : aller contre tout un jeu d’opposition qui amène à opposer organisation à action collective comme le rationnel à
l’affectif, le structuré au fluide, le formalisé à l’informel, le clos à l’ouvert...
En effet, la sociologie des organisations montre bien, au contraire, les jeux, les marges de manœuvre qui se
produisent dans les associations, les luttes de pouvoir, le détournement des règles, l’importance de l’environnement
d’une organisation, et le caractère flou de où s’arrête une organisation...
De même, les mouvements sociaux sont moins affectifs... qu’on le croit.
Ainsi, il ne faut pas opposer ces deux modèles, mais penser organisation et mouvements sociaux ensemble, car « tout
champ d’action collective peut se conceptualiser comme sous-tendu par un ‘système concret d’interaction’ qui le
structure par des règles du jeu, c’est-à-dire un ensemble de mécanismes qui organisent, médiatisent et régulent les
interdépendances objectives entre les participants et les processus d’échange qui s’ensuivent. La différence n’est pas
dans l’existence ou la non existence de tels mécanismes, mais dans leur degré de formalisation et de codification ainsi
que dans le degré de conscience qu’en ont les participants ».
Donc, tout jeu de coopération, d’une manière ou d’une autre, est conflictuel ; tout conflit est une coopération.
J.-D. Reynaud : Action collective et contrainte sociale
Enjeu : R. fait de l’activité de régulation, de production des règles à la fois une condition de la constitution des
acteurs collectifs (il y a acteur quand les individus se donnent un système de règles et de contraintes, les engageant
réciproquement) et la dynamique même de l’action collective, le principe de regroupement et la manière dont il va se
confronter aux autres acteurs, aux autres systèmes de règles. L’affrontement, la concurrence, la coexistence de ces
différentes capacités de régulation, de ces différents acteurs collectifs représente « un processus continu qui est la
seule forme de la société ».
Selon Reynaud : « derrière l’apparence de la contrainte pure, il existe toujours une négociation. A l’intérieur de cette
marge de négociation, la règle sociale s’applique à proportion du consentement de l’individu assujetti ».
De plus, tout contrat suppose des normes de négociation qui s’imposent aux acteurs : « le contrat est en partie
implicite parce qu’il comporte une part d’incertitude, de pari mutuel sur l’avenir, la confiance. Les règles dont
dispose une communauté ne sont ni totalement explicites, ni totalement cohérentes, et même si on les réduit à celles
qui fixent les formes de coopération et de communication, elles n’en couvrent pas tous les aspects. Plutôt qu’un
contrat ou un code, elles forment une culture, un fonds commun de ressources de coopération qui permettent
l’échange, la négociation et l’accord. [...] D’un point de vue pragmatique, elles stabilisent le contexte des interactions.
D’un point de vue cognitif, elles offrent l’équivalent empirique et imparfait de la common knowledge »
Ainsi, la nature du lien social n’est ni le contrat pur, ni l’extériorité, mais la régulation.
Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2005-2006 5
2) Selon Reynaud, « la communauté pertinente d’une action collective est faite de tous ceux qui participent et
consentent à la régulation qu’elle crée. Il n’y a aucune raison de supposer que la participation est la même pour tous
ou à égalité ».
Ainsi, une action collective est souvent dirigée par un noyau central autour duquel se forment plusieurs cercles
concentriques où l’engagement va décroissant : « il y a une distinction entre ceux qui sont suffisamment engagés dans
l’action pour que le succès de celle-ci comporte des récompenses individuelles (monétaires, de pouvoir ou
symboliques) et ceux qui ne sont intéressés qu’aux biens collectifs. Le noyau central ainsi défini peut être différencié
(par exemple entre permanents et militants de base, et entre élus et militants politiques) comme la périphérie
(cotisants réguliers, sympathisants occasionnels, votants. »
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