Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2005-2006 4
Reinhard Wippler : Individualisme méthodologique et action
collective
Coleman, 1974 soulève ce qu’il appelle le « dilemme de l’organisation » qui se caractérise ainsi : « les organisations
naissent lorsqu’un groupe d’acteurs met en commun les ressources dont ils disposent chacun séparément, en espérant
que la mise en œuvre collective des ressources servira mieux leurs intérêts que leur utilisation individuelle. Cela
implique un choix fondamental entre agir individuellement en disposant de plus de liberté, et agit collectivement en
disposant de plus de pouvoir ». Ce dilemme est au centre de la question de l’existence des mouvements sociaux (cf.
Olson), et des aptitudes différentes à mobiliser selon les classes.
Ainsi, IM se bat contre la structure de pensée en vertu de laquelle on peut décrire l’émergence d’un mouvement
ainsi : « intérêt commun, prise de conscience, action collective ».
Ehrard Friedberg : Organisation et action collective
Cette analyse est résumée dans le Neveu, p 9.
Idée : aller contre tout un jeu d’opposition qui amène à opposer organisation à action collective comme le rationnel à
l’affectif, le structuré au fluide, le formalisé à l’informel, le clos à l’ouvert...
En effet, la sociologie des organisations montre bien, au contraire, les jeux, les marges de manœuvre qui se
produisent dans les associations, les luttes de pouvoir, le détournement des règles, l’importance de l’environnement
d’une organisation, et le caractère flou de où s’arrête une organisation...
De même, les mouvements sociaux sont moins affectifs... qu’on le croit.
Ainsi, il ne faut pas opposer ces deux modèles, mais penser organisation et mouvements sociaux ensemble, car « tout
champ d’action collective peut se conceptualiser comme sous-tendu par un ‘système concret d’interaction’ qui le
structure par des règles du jeu, c’est-à-dire un ensemble de mécanismes qui organisent, médiatisent et régulent les
interdépendances objectives entre les participants et les processus d’échange qui s’ensuivent. La différence n’est pas
dans l’existence ou la non existence de tels mécanismes, mais dans leur degré de formalisation et de codification ainsi
que dans le degré de conscience qu’en ont les participants ».
Donc, tout jeu de coopération, d’une manière ou d’une autre, est conflictuel ; tout conflit est une coopération.
J.-D. Reynaud : Action collective et contrainte sociale
Enjeu : R. fait de l’activité de régulation, de production des règles à la fois une condition de la constitution des
acteurs collectifs (il y a acteur quand les individus se donnent un système de règles et de contraintes, les engageant
réciproquement) et la dynamique même de l’action collective, le principe de regroupement et la manière dont il va se
confronter aux autres acteurs, aux autres systèmes de règles. L’affrontement, la concurrence, la coexistence de ces
différentes capacités de régulation, de ces différents acteurs collectifs représente « un processus continu qui est la
seule forme de la société ».
Selon Reynaud : « derrière l’apparence de la contrainte pure, il existe toujours une négociation. A l’intérieur de cette
marge de négociation, la règle sociale s’applique à proportion du consentement de l’individu assujetti ».
De plus, tout contrat suppose des normes de négociation qui s’imposent aux acteurs : « le contrat est en partie
implicite parce qu’il comporte une part d’incertitude, de pari mutuel sur l’avenir, la confiance. Les règles dont
dispose une communauté ne sont ni totalement explicites, ni totalement cohérentes, et même si on les réduit à celles
qui fixent les formes de coopération et de communication, elles n’en couvrent pas tous les aspects. Plutôt qu’un
contrat ou un code, elles forment une culture, un fonds commun de ressources de coopération qui permettent
l’échange, la négociation et l’accord. [...] D’un point de vue pragmatique, elles stabilisent le contexte des interactions.
D’un point de vue cognitif, elles offrent l’équivalent empirique et imparfait de la common knowledge »
Ainsi, la nature du lien social n’est ni le contrat pur, ni l’extériorité, mais la régulation.